dim 1 aoû 2010
Postmodernité et Pastorale: Le néotribalisme comme un des défis de l'archidiocèse de Lubumbashi à l'ère de la postmodernité
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Le néo-tribalisme fait surgir certains défis pastoraux. Il y a, par exemple, le défi de la survie des groupes spirituels au sein de l’Eglise. Les groupes traditionnels comme la Jama Takatifu, la Legio, l’Action Catholique, etc. ne sont plus capables d’attirer les chrétiens et ceux-ci se trouvent mieux là où l’on peut être à la mode en parlant du corps, du sexe, de la boisson, etc. L’Eglise ne donne plus des conférences ou des enseignements religieux portant sur le corps, le sexe, etc., car les théologiens moralistes se tarent dans des séminaires et ne se manifestent pas sur les lieux publics comme les CEV (communautés ecclésiales vivantes), la radio, la télévision et les salles de conférence. On ne sait pas remettre en question les nouveaux codes et cultes que se forgent les nouveaux néo-tribalistes.
LE NEO-TRIBALISME COMME UN DES DEFIS PASTORAUX DE L’ARCHIDIOCESE DE LUBUMBASHI A L’ERE DE LA POSTMODERNITE
par Professeur Abbé Louis MPALA Mbabula/UNILU
Ce texte est un extrait d’un livre en chantier dont le titre sera Les défis pastoraux de l’Eglise catholique du Katanga à l’Ere de la Postmodernité. Le résumé du livre aurait pu être exposé lors du Colloque portant sur le Centenaire de l’Archidiocèse de Lubumbashi. Dans cet extrait, je m’appesantis sur le néo-tribalisme, une des caractéristiques de la Postmodernité. Celle-ci ne sera pas définie faute d’espace. Le néo-tribalisme engendre des défis pastoraux dans un milieu urbain et l’archidiocèse de Lubumbashi est invité à être attentive pour l’orientation de sa pastorale et le raffinement de ses méthodes d’évangélisation. C’est en tant que philosophe prêtre que je fais cette réflexion.
Le néo-tribalisme passe pour une des caractéristiques de la Postmodernité. Le néo-tribalisme est une métaphore, selon Michel Maffesoli, pour décrire les rassemblements affinitaires qui paraissent miter le corps social . Il y a une multiplicité d’affinités électives qui , dans tous les domaines, constituent ces micro-tribus dont nous sommes parties prenantes au travers des diverses institutions auxquels nous appartenons.
A dire vrai, le néo-tribalisme manifeste la saturation des institutions modernes comme la famille nucléaire, les églises traditionnelles, les syndicats, les partis politiques, etc. Ces institutions ne jouent plus leur rôle traditionnel, celui de guide pour atteindre un but. Elles existent, mais leur état est mité. On les voit comme on verrait la lumière d’étoiles déjà mortes.
C’est au sein du néo-tribalisme que la logique d’identification (et non d’identité) a droit de cité. Cette logique est beaucoup plus collective. On y expérimente la culture du sentiment. On s’agrège , dit Michel Maffesoli, suivant les occurrences ou les désirs. C’est une espèce de hasard collectif qui prévaut . Le ciment, dans ce néo-tribalisme, a pour valeur, admiration, goût. Ceci constitue les vecteurs d’une éthique nouvelle.
La Postmodernité, à travers son néo-tribalisme , crée une socialité confuse, hétérogène, mouvante. En effet, l’indifférenciation sexuelle, le syncrétisme idéologique et la mutualité professionnelle délimitent un nouvel esprit du temps. C’est en fonction de cela qu’il faut considérer l’aspect gyrovague de ces tribus.
Dans le néo-tribalisme, on expérimente l’entraide, la solidarité, le partage du sentiment, l’ambiance affectuelle. On y recherche la fusion, on y éprouve le plaisir d’être ensemble sans finalité ni emploi, on y vit le concordisme de pensée, d’habitude. Le style de vie dans ce néo-tribalisme, c’est avant tout le fait de n’exister que dans et par le regard et la parole de l’autre, nous renseigne Michel Maffesoli.
Dans le néo-tribalisme, le nouveau lien ne se base plus sur la descendance d’un ancêtre commun, ou encore moins sur la communauté sanguine. Le lien est, au contraire, fondé sur l’émotion partagée, le sentiment collectif. Il y a un vrai « consensus », au sens étymologique de cum-sensualis, signifiant « sentiment partagé ».
On se colle l’un à l’autre et on adhère aux autres en fonction des goûts, des origines, des rêves, des histoires ou mythes communs.
Le néo-tribalisme est un nouveau modus vivendi, une nouvelle socialité avec ses hauts lieux , par exemple, ceux de la rencontre sportive, religieuse, musicale, intellectuelle etc. A dire vrai, et en cela Michel Maffesoli a raison, le lieu fait lien. L’espace est une sorte de « milieu », « médiance », « reliance », c’est-à-dire quelque chose qui me lie aux autres , il est ce qui renvoie à la confiance et que l’on peut éprouver pour les autres, ou confiance qu’on éprouve pour les autres, ou avec les autres devant quelque chose qui nous est extérieur .
Puisque le lieu fait lien, il n’est pas surprenant que le néo-tribalisme se caractérise par l’ émergence de nouveaux codes, de nouveaux cultes, comme ceux du corps, du sexe, de l’image.
Dans le néo-tribalisme, se vit la notion de l’altérité, le « nous collectif ». Cependant cette altérité faite des personae engloutit ses membres. Chacun s’y perd, car dès le point de départ il y a fragmentation identitaire et à la place surgit l’identification. Cela nous fait comprendre le rôle des hauts lieux (sportifs, religieux, musicaux, intellectuels, etc.). Ce sont des lieux où il est possible de se reconnaître tout en s’identifiant aux autres, des lieux où, sans se soucier de la maîtrise de l’avenir, on aménage son présent, des lieux enfin où s’élabore cette forme de liberté intellectuelle en prise directe avec ce qui est proche et concret. Ces lieux correspondent à toutes choses qui font de l’espace vécu non pas le refuge d’un individualisme furieux et immobile, mais bien la base à partir de laquelle vont s’opérer ces excursions, ces « sorties » qui bout à bout vont constituer l’ordre d’une nouvelle socialité.
Le néo-tribalisme fait surgir certains défis pastoraux. Il y a, par exemple, le défi de la survie des groupes spirituels au sein de l’Eglise. Les groupes traditionnels comme la Jama Takatifu, la Legio, l’Action Catholique, etc. ne sont plus capables d’attirer les chrétiens et ceux-ci se trouvent mieux là où l’on peut être à la mode en parlant du corps, du sexe, de la boisson, etc. L’Eglise ne donne plus des conférences ou des enseignements religieux portant sur le corps, le sexe, etc., car les théologiens moralistes se tarent dans des séminaires et ne se manifestent pas sur les lieux publics comme les CEV (communautés ecclésiales vivantes), la radio, la télévision et les salles de conférence. On ne sait pas remettre en question les nouveaux codes et cultes que se forgent les nouveaux néo-tribalistes.
En outre, le néo-tribalisme accompagné du vagabondage crée un défi pastoral lié au syncrétisme religieux. Le chrétien, par la fragmentation identitaire, trouve normal d’appartenir à la fois aux sociétés secrètes et au christianisme. Il ne trouve pas de contradiction entre les enseignements faisant de Jésus Christ un Maître initié, non mort sur la croix et non ressuscité et Jésus Christ, Dieu-Homme, Sauveur du monde, mort sur la croix et ressuscité. L’Eglise ne donnant plus des enseignements sur ce sujet (réincarnation différente de la réincarnation), se refuse d’interpeller de tels chrétiens surtout s’ils se montrent influents dans la vie matérielle paroissiale. Ainsi il n’est pas surprenant que les adeptes de sociétés secrètes recrutent leurs membres dans l’Eglise.
L’on ne doit pas garder silence sur la présence publique-sur les chaînes- des sociétés secrètes, dont le secret se situe à présent sur les initiations et non sur leur existence. Ces sociétés font partie du néo-tribalisme sophistiqué. Leurs lieux de rencontre font lien comme tout autre lieu informé sur le sens du lieu et du lien. Le lieu faisant lien, l’Eglise doit amorcer une nouvelle spiritualisation du lieu.
Ajoutons aussi le défi charismatique comme fils du néo-tribalisme. Les groupes charismatiques sont les vrais néo-tribalistes qui mettent certains bergers au rang de figures symboliques et les pasteurs-clercs sont souvent considérés comme des païens ou des serviteurs du diable. Les chrétiens postmodernes fréquentant les groupes charismatiques font des offrandes à leurs bergers et ne savent pas souvent soutenir les CEV et les paroisses. La dîme ne va pas toujours à qui de droit, mais au berger gourou. Celui-ci est même considéré plus puissant que le prêtre. Petit à petit, certains chrétiens deviennent anticléricaux conscients ou inconscients. A la paroisse, ils n’y vont presque pas ; aux CEV ils sont à compter au bout de doigt. Le lieu où ces groupes se réunissent, constitue des liens qui se font. L’Eglise est conviée à re-évangéliser les groupes charismatiques et à les aider à retrouver leur présence comme don de l’Esprit Saint pour l’Eglise universelle, et non une instance hystérique et lieu d’expérimentation ou ring entre Jésus-Christ et Satan. La demande des disciples de Jésus vaut encore son pesant d’or : « Seigneur, apprends-nous à prier. ». L’on doit organiser des enseignements à ce propos. La nouvelle évangélisation exige !
Par ailleurs, l’homme postmoderne, néo-tribaliste, a besoin de l’intégration et de par son vagabondage identitaire, il est devenu un « touriste spirituel », un « étranger spirituel » et c’est le gourou du groupe qui a le dernier mot sur lui et non Dieu YHWH.
Si nous devons considérer l’homme des religions traditionnelles africaines comme le premier homme dont le sens de la vie est donné, en dernière analyse, par le monde invisible à travers la communauté et celui de la colonisation comme le deuxième homme ayant la « civilisation occidentale » comme le modèle existentiel, celui de l’indépendance comme le troisième homme se considérant maître et libre dans le choix de son existence (quand bien même cela ne serait pas vrai sur toute la ligne), l’aujourd’hui est l’époque du quatrième homme, celui de la consommation audiovisuelle, de l’image, etc. Le primat de la consommation et de l’image, étant une autre des caractéristiques de la Postmodernité, engendre d’autres défis pastoraux dont je ne peux pas parler, faute d’espace.
De ce qui précède, on comprendra que notre société expérimente un mode de vie qui touche les chrétiens. Le néo-tribalisme secoue, à sa manière, l’Eglise et une pastorale appropriée s’avère nécessaire et cela exige de nouvelles méthodes d’évangélisation et une formation pluridisciplinaire des agents pastoraux. Les défis pastoraux étant nombreux, chacun de nous doit suggérer, selon sa spécialité , et ce grâce à ses analyses, quelques pistes de solution.