vendredi 26 mars 2010
ven 26 mar 2010
Education à la philosophie à l'ère de la postmodernité
Par Abbé Louis Mpala in Conférencesaucun commentaire, aucun rétrolien
Cela étant, vous comprendrez que l’éducation à la philosophie aura à répondre à la question suivante : en quoi la philosophie peut-elle aider la personne à faire venir à la lumière ce qu’il y a de meilleur en elle ? Dès lors les gens se garderont de mépriser la philosophie, car elle est liée à la vie comme les lèvres aux dents. Comme vous pouvez le remarquer, la philosophie et la vie vont de paire. Ainsi l’on doit passer du primum vivere, deinde philosophari au, selon Paul Poupard, « vivere est philosophari .»[1] L’homme à éduquer étant un être qui, de par sa naissance, son milieu, sa patrie et les circonstances, tisse d’innombrables relations humaines et tête à plusieurs mamelles, il n’est pas facile de lui apprendre à philosopher. Gardez-vous de l’opinion selon laquelle le philosophe serait celui qui donne des réponses. Il est le grand ignorant conscient de son ignorance et de ce fait, il cherche à savoir en faisant siennes les questions que se posent les êtres humains. Il serait un prêt à penser, s’il était un philosophe des solutions.
Eduquer à la philosophie ne fait pas oublier la tâche difficile qui consiste à éduquer un homme pour qu’il devienne un homme en faisant venir à la lumière le meilleur de lui. Cela sous-entend qu’il faut convaincre ou persuader l’homme à tourner son regard vers l’insolite, le banal et le guider à voir autrement qu’avant et sous un nouveau soleil.
Loin de moi de surestimer la philosophie méprisée à tort. Comme je l’ai entendu de la bouche de quelqu’un, je tiens à signaler que « la philosophie est une des tâches les plus nobles de l’humanité », noble parce qu’elle fait venir à la lumière ce qu’il y a de meilleur en l’homme. Ainsi, vous comprendrez pourquoi l’Athénien Socrate se plaisait à dire à ses compatriotes ce qui suit : « Tant qu’il me restera un souffle de vie, tant que j’en serai capable, je ne cesserais, soyez-en sûrs, de philosopher.» Si Socrate ne voulait pas renoncer à la philosophie, c’est parce qu’il était convaincu que la philosophie ouvre à tout celui qui s’y adonne « un asile où aucune tyrannie ne peut pénétrer, les cavernes de l’être intime, le labyrinthe de la poitrine »[2], comme le disait Friedrich Nietzsche.
Liée à la vie comme les lèvres aux dents, la philosophie contraint l’homme à se poser cette question qui reste une pierre angulaire : « Que vaut la vie ? » et Nietzsche de poursuivre : « Peux-tu justifier du fond du cœur cette existence ? Te suffit-elle ? Veux-tu être son avocat, son sauveur ? Une seule affirmation véridique de ta bouche libérera la vie sur laquelle pèse une si lourde accusation. Que répondras-tu ?»[3] Tout homme, à un moment de sa vie, aura à se poser ces questions et à y répondre, mais Nietzsche veut que la réponse soit véridique, car personne ne peut jouer avec sa propre vie et vivre par procuration.
[1] P. POUPARD (Card.), Prefazione de Educare alla filosofia. Atti del XIII Convegno de l’ A.D.I.F. (Roma, 12-15 settembre 1990) a cura di Battista Mondin, Milano, Massimo, 1991, p.5.
[2] F. NIETZSCHE, Schipenhauer comme educatore. Considerazioni inattuali III,introduzione di Giulio raio, edizione a cura di Ferrucio Masini, Roma, Newton Compton editori, p.46.
[3] Ib., p.53.