Professeur Abbé Louis Mpala

vendredi 22 mai 2020

Nous sommes embarqués dans un devenir dont les accélérateurs sont la science et les technologies numériques aspirées et contrôlées par le capitalisme totalitaire qui s’accommode des autoritarismes politiques. Loin d’être totalement prédictible, ce devenir est instable et incertain. Il charrie des crises et menaces mortelles multiples, des barbaries, d’inimitiés, ainsi que l’ont montré les multiples décisions de frontiérisations, de repli sur les communautés nationales et la rémanence des discours dans lesquels se réfléchit la persistante tentation de déléguer la mort à quelques peuples toujours perçus inférieurs et transformables en cobayes du progrès scientifique et d’affirmation de la puissance. Au-delà de la célébration de la révolution numérique et face aux menaces virales planétaires, notre temps se donne à l’interprétation comme celui de « la crise de l’humanité qui n’arrive pas à se constituer en humanité, et du coup, la crise du monde encore incapable de devenir monde, la crise de l’homme encore impuissant à s’accomplir homme »[1]. Cette crise constitue un défi à l’intelligence humaine et, particulièrement, à l’institution scolaire en tant qu’espace de production et de transmission des savoirs. Le défi consiste à construire, à l’aide des connaissances disponibles et de toutes les humanités de vie, une nouvelle pensée humaniste susceptible de mettre en conscience la coappartenance de tous les humains à une commune humanité et, ce faisant, la responsabilité de tous face au périssable : la vie, la Cité et la biosphère.

      La pandémie de Covid-19 a obligé les gouvernements, pour garantir la santé de la collectivité, à prendre des mesures exceptionnelles : état d’urgence, assignation à résidence des populations, fermetures des frontières, réquisitions des plateformes, édifices publiques et privées (hôpitaux, logistique militaire, installations sportives, gymnases, hôtels, etc.), déblocages des milliards de dollars, d’euros et de francs en faveur des entreprises et des populations, y compris celles du monde d’en-bas déclassées par le capitalisme. Cette pandémie aura révélé la primauté de l’humain sur l’économie et sur son corolaire, à savoir la recherche effrénée du profit. En somme, l’humanisme unidiversal se pose comme l’incontournable pilier de la politique et la vie apparaît comme sacrée, dans la mesure où l’élan vers une vie bonne est universel.

      Le surgissement et la propagation du virus à partir de la ville chinoise du Wuhan et la rapidité de sa létalité ont bouleversé tant de certitudes philosophiques, scientifiques et technologiques qui servent de levier aux espoirs de l’homme d’être maître de soi, de son corps, de son devenir et du monde, capable de prévision et d’anticipation grâce à l’intelligence artificielle, de se muer en un étant numérique ou un transhumain. L’inaptitude de l’intelligence artificielle à anticiper cette pandémie, à modéliser la vitesse de sa diffusion et les crises subséquentes, dont celles de l’utilité vitale des masques, des matériels de dépistage et des respirateurs en pénurie ou en manque a suscité l’étonnement philosophique et sociologique. L’IA ne pouvait-elle pas prévoir, par exemple, qu’en l’absence de mesure d’isolement immédiat des premiers cas des malades, « les gouvernements déclencheraient malgré eux une crise économique et financière majeure, crise inévitable par des mesures de confinement ? »[2] Quelle est la valeur des innovations des technologies numériques pour l’homme et pour nos sociétés dominées par le capitalisme ?

            La pandémie a remis en question les croyances des hérauts de la rédemption par l’ordo oeconomicus néolibéral postulé, au travers de la formule There is no Alternative (TINA), comme l’ultime option de réalisation générale de la condition humaine et du bonheur. Le ressort de cet ordre est, comme on s’en rend compte désormais, l’ethos sans horizon : l’hédonisme. Cet ordre célèbre un matérialisme spectaculaire et consumériste. Il tend à réduire chaque être humain en une matière calculable et calculant et, somme toute, en esclave des objets qu’il fabrique, possède ou poursuit. En l’espace d’un trimestre, se sont révélés l’illusoire maîtrise humaine de la matière, l’égalité et la finitude des corps, les failles de la gouvermentalité qui cautionne la souveraineté de l’économique sur le politique, du marché sur l’humain, entraînant l’État à se désengager du devoir de protection sociale, de garant du vivre-ensemble et du bien-être collectif


[1] Edgar Morin, Pour sortir du XXe siècle, Paris, Fernand Nathan, 1981, p. 345.

[2] Olivie Duha, « Covid-19 : où est passée l’intelligence artificielle ? », Les Échos. www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/opinion-covid-19-ou-passee-lintelligence-artificielle-1199557 [Le 30 avril2020].

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La planète terre est de plus en plus menacée par des crises provoquées par les humains qui en ont les moyens, notamment le bloc des pays occidentaux. Si ces derniers s’en sont toujours sortis victorieux et l’Afrique toujours meurtrie, cette fois-ci, la menace frappe le cœur même de la civilisation occidentale dominante. Ce texte résulte de nos spéculations que nous qualifions d’osées parce que risquées à partir de l’observation, à partir des médias, des attitudes des uns et des autres humains face à cette guerre asymétrique que livre à l’humanité un ennemi insaisissable, opérant dans une clandestinité obscure, indétectable par les puissants engins d’espionnage et de guerre mis au point par les humains. 

Le contexte

Coronavirus, particule vivant minuscule et invisible à l’œil nu, désenchante même les plus arrogants des humains. Cet ennemi inattendu, probablement produit des excès humains, sera certes vaincu au prix des moyens financiers et scientifiques déployés, mais le virus ne laissera probablement pas le monde inchangé. Il augure, vu les paramètres en présence, des changements certains dans le sens d’une éventuelle révolution dans le Système-Monde. Il pourrait s’agir, à n’en pas douter, d’un bouleversement des positions hiérarchiques des blocs hégémonistes, augurant, probablement, le déclin fort perceptible de l’Occident (avec en tête les USA) après cinq siècles de domination globale et sans partage du monde, au profit d’une montée imparable de l’Orient (avec en tête la Chine émergente).

Les nombreux fanatiques (surtout africains) d’un Occident cru hyperpuissant parce qu’outrancièrement techniciste parlent déjà de la fin des temps. Mais ceux qui veulent raisonner froidement, lisent plutôt, dans ce qui se passe aujourd’hui, les signes des temps qui présage du passage de l’ère de l’hégémonie occidentale judéo-chrétienne à l’ère d’un nouvel ordre mondial consacrant la chute des uns en faveur des autres, notamment les Orientaux qui avaient, eux aussi, ployé sous le joug d’une européanisation sanglante et ruineuse du monde, mais dont ils ont su tirer des avantages stratégiques.

La présente réflexion, qui vient peut-être trop tôt, se veut modestement spéculative sur la crise suscitée par l’immixtion par surprise du coronavirus dans un monde déjà en pleine bousculade. On essaie d’abord de faire le constat des limites humaines face à une nature créée hostile contre l’homme, mais aussi de la capacité de l’intelligence humaine de transformer les hostilités de la nature, faites de crises et de chocs, en opportunités de mutations positives pour autant que l’homme profite de ces occasions pour déployer plus d’activités cérébrales cognitives. On tente par la suite de faire une projection virtuelle de ces bouleversements (déjà) perceptibles d’hégémonie au profit de ceux qui, très dynamiques, ont triché ou plagié ce qui fait la force de l’Occident dominant, en l’occurrence la techno-science d’origine européenne, au moment même où ce même Occident se découvre vieilli, fatigué, constipé et jouisseur.

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