Ce cours essaie de présenter l'histoire de la philosophie antique en tenant compte de la philosophie africaine. Ainsi, il s'inscrit en faux contre l'affirmation selon laquelle la philosophie serait née en Grèce.
AVANT – PROPOS
 
Voici notre cours d’histoire de la philosophie antique. Il vient après celui d’histoire de la philosophie moderne occidentale.
Nous savons qu’il y a plusieurs façons d’exposer l’histoire de la philosophie. Nous avons voulu, quant à nous, présenter l’histoire de la philosophie antique comme une dialectique et comme on présente une revue historique d’œuvres d’art[1]. Comme dialectique, notre méthode d’exposition essaiera de faire voir l’unité dans la recherche philosophique chez les Antésocratiques et chez les Postsocratiques. D’où le titre donné à notre cours, à savoir La passion de connaître et la recherche du bonheur. La passion de connaître est, pour nous, le fil conducteur pour comprendre les Antésocratiques. Ils cherchent à savoir pourquoi y a –t-il quelque chose plutôt que rien. Autrement dit, ils veulent savoir ce qui est à l’origine de ce qui est. En d’autres mots, quel est l’élément premier de tout ce qui est ? Par ailleurs, ils se posent la question de savoir entre l’Un et le Multiple, qui a le primat ? Même si Parménide et ses disciples Zénon d’Elée et Mélissos de Samos semblent être préoccupés par la problématique de l’être stable, la passion de connaître des Antésocratiques nous paraît être l’Unité ou le fil conducteur favorisant leur intelligibilité.
La recherche du bonheur est aussi le fil conducteur des Postsocratiques. Qu’est-ce à dire ? Avec la Révolution humaniste opérée par la Sophistique, avec Socrate et après lui, on ne philosophera plus totalement comme avant. A présent la problématique fondamentale Homme supplante la problématique Nature. L’homme sous ses différents contours ( moral, politique, épistémologique, social, etc. ) intéresse le philosophe. L’on cherche en dernière analyse ce qu’il faut pour être heureux. Dialectique, notre méthode, pour les Antésocratiques comme pour les Postsocratiques, fait voir comment chaque philosophe s’inscrit dans la problématique fondamentale et comment il prend position sur les positions de ses prédécesseurs. C’est un vrai champ de bataille qui se présente devant le lecteur.
Comme on présente une revue historique d’œuvres d’art, notre méthode prendra l’initiative « de faire comprendre chaque philosophie pour elle-même, en veillant à la compréhension interne du système [ ou de la pensée ] plutôt qu’à    étudier               [ seulement ] sa relation dialectique avec le sens général supposé de l’histoire »[2]. En outre, cette méthode invitera le lecteur -et cela en commençant par nous-même- à avoir la sympathie et l’esprit critique afin de se placer dans la perspective adoptée par le philosophe (ce n’est qu’une prétention légitime), « de pénétrer dans sa vision du monde »[3] ( Ce n’est qu’un idéal et parfois une illusion herméneutique. Oui, c’est un souhait. Avec Gadamer, nous savons que comprendre un auteur, c’est le comprendre autrement. Mais cet autrement doit éviter de distordre la pensée de l’auteur).
 Notre souci, dans ce second volet de notre méthode, est de contourner ce défaut herméneutique consistant à comprendre et apprécier un auteur en partant du niveau de notre connaissance actuelle. Nous savons que c’est avec toute notre âme et culture que nous nous approchons des philosophes antiques, mais nous devons nous violenter en faisant des épochès. C’est difficile, mais ce n’est pas impossible. Au lecteur de voir si nous avons gagné notre pari. Nous voulons rappeler notre lecteur que notre histoire de la philosophie antique n’est pas une histoire objective ou linéaire. Elle présuppose l’existence de deux problèmes centraux ou principaux, à savoir celui de la nature (où il y a aussi l’Hénologie, c’est-à-dire le problème de l’Un et du Multiple) et celui de l’homme.
L’attitude pouvant nous prédisposer à bien dialoguer avec les anciens consistera à nous dire personnellement que nous ne sommes pas les premiers à aborder les problèmes de la nature, de Dieu et de l’homme. Compte tenu de l’état de connaissance propre aux anciens, nous ne devons avoir que de l’admiration pour ces anciens qui ont eu le COURAGE DE PENSER autrement en faisant entendre, chacun selon ses aptitudes, sa voix. Celle-ci est encore vivante, vibrante ; voilà pourquoi l’histoire de la philosophie antique est toujours d’actualité.
A la suite de Gérard Legrand, nous optons pour le concept de « Antésocratique » afin de faire comprendre que la philosophie n’a pas commencé avec Socrate, mais avec le premier homme. Celui-ci n’est pas nécessairement un noir. Comme il fallait commencer avec un peuple ayant laissé par écrit son activité philosophique, nous avons débuté notre cours avec l’Égypte antique pour la simple raison que le premier philosophe grec selon Aristote et les autres-, à savoir Thalès de Milet, a été un élève des Egyptiens.
C’est avec notre sensibilité que nous avons lu les différents philosophes et que nous avons mis par écrit leurs pensées. Les abordant à partir d’un lieu théorique et pratique donné, nous avons conscience de l’imperfection de notre entreprise. Aux critiques de la parfaire par un autre écrit. L’honnête homme ne manquera pas de louer notre effort de mettre à la disposition de nos étudiants et de tout chercheur un outil de travail.
Nous remercions tous ceux qui nous ont permis de publier ce cours. Nous pensons particulièrement à l’Abbé Elie TENGA,Recteur du Philosophat de Kambikila et aux étudiants salésiens Faustino Smao LESSITALA et UMBI Didier.
Seul nous prenons la responsabilité de cet écrit.
Cours, nous te souhaitons un bon séjour dans les mains du lecteur.
 
 
0.        INTRODUCTION
 
 
            Il n’y a pas de peuple sans culture. Mais quand un autre peuple commence à écrire l’histoire de l’autre, il le fera selon sa culture. Ainsi l’ethnocentrisme commandera - à son insu? – son écriture. Ceci vaut surtout pour l’histoire de la Philosophie. N’a -t- on pas entendu et lu que la Philosophie était grecque ? Sur quels critères se base-t-on pour émettre une telle affirmation ?
Les occidentaux et leurs épigones nous ont répété, à longueur des jours, ce verdict de telle sorte que certains d’entre nous prennent leur déclaration pour parole d’Évangile. N’a-t-on pas lu, par exemple, l’écrit d’un tel philosophe bien connu au Congo pour qui la philosophie est grecque puisque le mot lui-même est d’origine grecque ? A celui-là nous disons qu’il ne faut pas confondre la réalité –philosophie comme activité et le mot philosophie. Paraphrasant le Professeur MAYELE pour qui la réalité –mythe est universelle, tandis que le mot mythe est grec, nous affirmons que la réalité –philosophie est universelle ( nous savons ce que nous disons ), mais chaque peuple lui donne un nom selon le génie de sa langue[1].
Par cette partie introductive, nous sommes en train de nous insérer dans un débat tout en prenant position. La philosophie est universelle, elle n’est pas seulement hellène. Elle est humaine. Elle a l’âge de l’homme. Elle a commencé avec le premier homme. Partout où il y a l’homme ( grec, égyptien, congolais, etc.), elle est là[2]. Cette prise de position nous conduit à nous inscrire en faux contre le « Miracle Grec » pour la simple raison que la philosophie en Grèce n’a pas poussé comme un champignon. A dire vrai, même ce dernier se produit à partir d’une matière, pourriture soit-elle.
A la suite de Cheikh Anta DIOP, d’Obenga Théophile, et de tant d’autres (Bilolo, Mutombo Nkulu-N’senga, Abbé Mabika), nous croyons que la Philosophie Grecque fut en contact avec la Philosophie Pharaonique.
Chaque chose a son temps et à son temps. Le temps est venu où nous devons rendre justice à l’histoire de l’Afrique. Philosophiquement, l’Afrique ne doit plus être dépossédée comme une veuve du village. Personne n’a le droit de la rendre méprisable et pitoyable. Loin de nous l’ « hellénophobie » - passez-nous l’expression. Notre souci est de nous connaître pour bien savoir ce qui nous manque afin de bien emprunter à autrui ce dont nous avons et aurons besoin.
De tout ce qui précède, il va sans dire que notre cours commencera par la philosophie de l’Antiquité Négro-Egyptienne. Ce qui nous permettra de voir, et non d’établir , une filiation entre la Philosophie Négro-Egyptienne et la Philosophie Grecque à travers l’Ionie.
 
0.1.           OBJET
 
           Se basant sur notre prise de position, l’on comprendra que l’OBJET de ce cours est l’étude de la Philosophie à partir des personnes et des doctrines. Toutefois nous aurons à limiter temporellement ces doctrines. Voilà pourquoi nous n’aurons à faire qu’à la Philosophie Ancienne. Cela va de l’Antiquité Négro-Egyptienne jusqu’en 529 après Jésus Christ, date à laquelle furent fermées les écoles païennes par l’empereur Justin.
            Si telle est l’objet du cours, qu’en est-il des OBJECTIFS PEDAGOGIQUES ?
 
0.2.      OBJECTIFS PEDAGOGIQUES
 
S’il est vrai qu’on apprend la Philosophie dans son histoire[3], après avoir mis les étudiants en contact avec les philosophes à travers le cours et leurs textes, à la fin du cours, les étudiants devront être capables de :
1° reconnaître que la philosophie occidentale fut en contact avec la       philosophie antique Négro-Egyptienne, donc africaine ;
2° donner, en leurs propres mots, l’aperçu général de toute l’histoire de la philosophie ancienne ;
3° traduire et d’exposer chaque philosophe ou philosophie en quelques mots ;
4° savoir lire un texte philosophique tout en retrouvant la problématique ;
5° voir la filiation entre les différentes écoles philosophiques tout en indiquant  ce qui les différencie ;
6° identifier l’école, la pensée (problématique) et le style d’une école ou d’un philosophe, et cela grâce aux extraits de textes ;
7° prendre position face aux différentes doctrines philosophiques, car on n’apprend à philosopher qu’en discutant avec les philosophes.
 
A dire vrai, en philosophie, il n’y a pas des cadavres ; en philosophie antique, on ne ressuscite pas les cadavres. Tous les philosophes sont vivants et la prise de position des anciens face à l’énigme de la vie est toujours actuelle (dans l’essentiel sans doute, car chacun de nous est fils et père de son temps)
 
PREMIERE PARTIE 
 
0.        LA PHILOSOPHIE DE L’ANTIQUITE NEGRO – EGYPTIENNE
 
Aux origines de la pensée philosophique se trouve l’ETONNEMENT. Ce dernier conduit à la connaissance. Celle–ci se voudra une connaissance des causes premières. Celles – ci serviront à expliquer le pourquoi il y a quelque chose plutôt que rien. Ainsi l’on cherchera à savoir de quoi est fait l’univers et qui en est l’Auteur. En ce moment, la philosophie se confondra même à la religion. La Raison et la Foi se tiendront la main dans la main. Le DOUTE permettra aux amoureux de la connaissance philosophique de s’auto – critiquer pour vivre dans la certitude. Ainsi interviendra non seulement la spéculation, mais aussi l’expérience existentielle. Voilà pourquoi, en dernière analyse, la philosophie est liée à la vie comme les lèvres aux dents.
La philosophie de l’antiquité négro – égyptienne constitue une illustration de nos affirmations.
Cheikh Anta DIOP a examiné la pensée de l’Égypte pharaonique et il a restitué la philosophie égyptienne en ses trois grands systèmes de pensée : «  Le système hermopolitain, le système héliopolitain et le système memphite et l’on pourrait y ajouter le système thébain ».[1] Ce sont là, tous, des systèmes qui tentent d’expliquer l’origine de l’univers. Comment les Egyptiens ont-ils répondu à la question des origines ?
 
1.1.           LA CREATION
 
Selon ces systèmes, l’univers n’a pas été créé ex nihilo.
A l’origine sans origine, il y eut une matière incréée, sans limite et sans déterminations ; donc sans commencement et ni fin. C’est le NOUN « ou la matière chaotique primordiale, (-) le vivant en soi, qui contient potentiellement tout l’univers en gestation sous forme d’essences éternelles ou d’idées pures, indestructibles modèles, archétypes des futurs êtres, mais aussi la force nécessaire pour sa propre évolution vers l’actualisation du monde. »[2] . NOUN, « eaux primordiales », est une matière primordiale. Il est le « non – crée initial »[3]. NOUN est à l’origine de tout ce qui existe. Il contient à l’état d’archétypes toutes les essences de l’ensemble des êtres futurs( ciel, terre, étoiles, air, feu...) et porte en lui – même aussi un principe d’évolution de la matière à travers le temps. Ce principe est KEPHER ou KHEPER. Ce dernier est la loi fondamentale de transformation, il est la loi du devenir. Il préside à l’actualisation des archétypes « les essences, les êtres qui sont donc longtemps créés en puissance avant d’être créés en acte »[4].
Plus tard il sera appelé R (RE). Il est nommé R quand il apparaît en gloire, quand il commande et gouverne ce qu’il a créé, ou Atoum quand il est seul dans le NOUN. Râ est aussi appelé KHEPRI. Le passage de l ‘état d’Inconscient à celui de Réveil, fait devenir KHEPER R ou KHEPRI.
R (RE), première conscience de la matière incréée entraînée dans son propre mouvement d’évolution et franchissant les paliers de l’organisation et ainsi s’auto-engendrant lui-même de lui-même, est le premier dieu, le démiurge qui achève la création ( appelée la première occasion. N.B. : création = faire actualiser les archétypes, elle n’est pas ex nihilo ) par son verbe, le KA, sa volonté : « Il suffit que Râ conçoive les êtres pour qu’ils émergent dans l’existence»[5]. Il est Raison. Les créatures que Râ fera venir à l’existence s’appellent KHEPERU. R créera quatre couples divins selon la cosmogonie héliopolitaine : SCHOU (air – espace) et TEFNUT (humidité – eau), GEB (terre) et NUT (ciel – lumière, feu), OSIRIS et ISIS (couple humain fécond qui engendra l’humanité)[6] et SETH et NEPHTYS (couple stérile qui introduira le mal dans l’histoire humaine). Dans la cosmogonie hermopolitaine, nous avons cinq couples divins représentant les principes opposés de la nature qui seraient à l’origine des choses :
« 1° Kouk et Kouket = les ténèbres primordiales et leur opposée : les     ténèbres et la lumière ;
2° Noun et Nounet = les eaux primordiales et leur opposée : la matière et le néant ;
Heh et Hehet = l’infinité spatiale et son opposée : l’infini et le fini, l’illimité et le limité ;
4° Amon et Amonet = le caché et le visible : le noumen et le phénomène ;
5° Niaou et Niaouet = le vide et son opposée : le vide et le plein, la matière ( plus tard ) »[7].
Ceci nous fait penser à la théorie des contraires d’HERACLITE. Ici on voit une réponse au problème de l’Un et du Multiple.
De l’Un, le NOUN, est sorti le Multiple. Le NOUN est l’ARCHE, le  premier à partir duquel tout viendra à l’existence. C’est lui le fondement, la raison de tout le devenir ultérieur comme le dit T. Obenga dans la Philosophie africaine de la période pharaonique. Toutefois il est bon de faire savoir que «  du NOUN d’où émerge et se manifeste RÂ, on n’en sait trop rien : c’est le principe radical de tous les principes, le fondement de tous les fondements mais lui-même infondé, une sorte de ténèbre somnolente (il faut tout de même imaginer le NOUN ), d’où ( le Soleil divinisé ) émerge pour agir, faire être toutes les formes de l’existence »[8] 
 
De tout ce qui précède, nous pouvons dire que chez les anciens négro – égyptiens la matière a préexisté à l’esprit et que ce dernier vient de la matière. Chez eux, il n’y a pas de création ex nihilo. Il n’y a pas d’opposition entre la matière et l’esprit[9] . Qu’en est – il de l’homme ?
 
1.2.           L’ANTHROPOLOGIE PHILOSOPHIQUE EGYPTIENNE
 
 
Comment les Egyptiens antiques ont-ils répondu à la question « qui suis-je » ou « qu’est-ce que l’homme » ? 
L’homme est conçu comme « le fils du ciel et de la terre ».[10] Né du couple Osiris et Isis, l’homme comprend  six principes constitutifs d’après MABIKA: « un principe mortel, le Djet, et cinq principes spirituels et immortels, l’Ahk, le Ba, le Ka, le Schuyut et le Nom de famille ».[11]Chaque principe avait des fonctions spécifiques. Ainsi « le ka spécialement assurait la survie de l’individu dans l’au – delà... Ce ka gardait les traits physiques du défunt (et) il ne pouvait être l’objet du culte que sous forme du défunt, d’une gravure ou d’une peinture le représentant ».[12] Cheikh Anta DIOP, quant à lui, parle de ZED ou KET qui est le corps et «  se décompose après la mort, [du] BA , qui est l’âme corporelle ( le « double » du corps dans le reste de l’Afrique Noire), [ de ] l’ombre du corps, [du] KA [qui est] le principe immortel qui rejoint la divinité au ciel après la mort »[13]. L’homme est immortel parce que Dieu a « fait l’homme à son image »[14], dit la cosmogonie égyptienne[15]. Ainsi il y a Égalité et Fraternité entre les humains. Alors d’où provient le mal ? De la liberté morale, de la volonté  humaine, de la responsabilité humaine, de la science et de la conscience, du cœur humain[16].
L’homme doit travailler pour vivre et pour survivre dans l’au – delà. Il est enterré avec les biens, car il survivra et en aura besoin. La momification intervient pour vaincre le temps. Dans cette pratique se trouve le désir de rester éternellement. N’oublions pas que l’homme est à la fois âme et corps. Il est une « unité » corps – esprit, indivisible.
Pour l’homme égyptien, ce monde terrestre a de la valeur car c’est à partir de lui que l’on construit l’au – delà. Le grand mal serait de quitter cette terre sans la construire. On ne croise pas les bras pour attendre le bonheur dans l’au – delà. Ce dernier se mérite dès ici–bas. Construire ce monde équivaut à construire sur la terre. A la mort, le défunt doit se présenter au tribunal d’Osiris, « dans la sallede la vérité salle de deux maât, avec toute sa conscience, toute son intelligence et en pleine autonomie morale ».[17] Ceci nous conduit à parler de la morale ou de l’ETHIQUE qui fera que l’homme mérite l’Au-delà.
 
1.3.           L’ETHIQUE EGYPTIENNE
 
Le concept de MAÂT joue un grand rôle dans l’éthique. Moralistes, prêtres, littérateurs et roi se réfèrent souvent à MAÂt. Associé à l’idée d’exactitude, « le vocable maât englobe nos idées de « vérité » ou mieux de « véracité » s’opposant au « mensonge et de « justice ». Maât est avant tout le Droit dont procèdent les règles qui assurent la bonne marche de la société pharaonique ».[18] Dieu RA (RE) a introduit maât, harmonie, dans la création et ce principe actif  « détruit ses ennemis ». Les théologiens égyptiens assimilèrent le droit et les lois naturelles sous le nom de maât. Maât, c’est la Justice-Vérité, l’ordre cosmique déifié, a bien dit T. Obenga. C’est un ordre supérieur vivant et éternel, explicite Obenga dans sa Philosophie africaine de la période pharaonique.
Dans la pensée égyptienne, l’aspect juridique et moral de maât a primé. Ainsi « être MAATY, c’est juger selon le droit, ne pas leser autrui, ne pas introduire de désordre dans le corps social ».[19] Obenga a raison de dire que Maât « implique l’ordre, l’équilibre du monde, l’ordonnancement cosmique, en même temps que la justice, la vérité, la droiture morale. L’ordre procure la paix (hotep), condamne le crime (djayt), le mal (djout) »[20].
Ainsi pour fonder la morale, les sages classiques ont enseigné que maât est la volonté ordonnatrice de Dieu. De ce fait, celui qui s’en détourne commet une faute contre son créateur et le respect de la maât procure la juste garantie de la réussite.
Les instructions éducatives ou « sagesses » consistaient en séries de « maximes »= « sagesse », « instruction », « préceptes », « enseignements » versifiés... flanqués d’un épilogue (Ancien Empire) ou d’un prologue (Nouvel Empire) définissant le but du livre : apprendre aux gens à être heureux ».[21] Chaque maxime procède par association d’idées, recourt à l’image tout en s’appuyant sur un proverbe. Il débute par une recommandation pratique et se termine par des considérations pratiques. Le pragmatisme l’emporte. Tout tourne autour de l’utilité, de la réussite, car on cherche à être heureux.
Le vizir Ptahhotep esquissa l’image de tout bon égyptien : « Parler peu, mais parler bien ; être modeste mais sûr de soi ; se garder de l’avidité, de la gloutonnerie et de l’avarice, mais gérer ses affaires avec bienveillance, prévoyance, ne pas mépriser la joie de vivre et savoir être avantageusement généreux ; profiter de sa situation mais ne pas en abuser ; assumer les responsabilités de sa tâche, mais à aucun prix, ne se faire mal voir de ses chefs ». Plus dogmatique, un autre vizir, le père de Kagemni, révèle que le secret de la réussite est le « silence » : Effacement de soi, modération nécessaire, prudence ».[22] Retenue, bienséance, modération, convenance, sobriété, la prudence, etc. sont les termes clés du Père de Kagemni.
De tout ce qui précède, on comprendra que le bonheur s’acquiert ici – bas. A la mort, l’on doit rendre compte au Dieu Osiris et on déclare son innocence en ces termes :  « Je n’ai pas fait le mal (...), je n’ai pas blasphémé Dieu (...), je n’ai pas tué, je n’ai fait de peine à personne, je n’ai pas volé les galettes des bienheureux, ,je n’ai pas été pédéraste (...), je n’ai pas triché sur les terrains, je n’ai pas ajouté du poids de la balance », etc.[23] Cette citation fait voir que l’homme est un être – avec – autrui ou un être social. Voilà pourquoi il doit veiller à être en bons termes avec soi – même et avec les autres. Et l’on sera jugé à partir du vivre – avec.
Nous pouvons nous résumer ainsi : l’Éthique pharaonique sous forme de « maximes », « d’enseignement » ou « d’instruction » conduit à une culture générale comme une exigence à une vie heureuse. Cette culture se fonde sur l’acquisition et la pratique de la maât, c’est – à – dire la vérité et la justice.[24]
De cette philosophie antique négro – égyptienne, nous pouvons retenir deux concepts clefs, à savoir MAÂT et NOUN. Ainsi nous nous résumons avec Obenga : « La Maat (sic) est l’ordre du «  comme il faut », tandis que le Noun de l’ordre de « ce à partir de quoi » est advenu le monde tel qu’il est (...). Telle est la couche originelle de la philosophie pharaonique (-) où le Noun traduit la notion de matière opérante et où la Maât représente, en hiéroglyphe parfait, la notion élevée de perfection morale. Matière dynamique et vivante, le Noun est essence de toute chose, et crée de lui – même le passage du non – être à être, le passage aéré de « l’avant » à « l’après, c’est – à – dire le passage de la somnolence de la conscience à l’éveil de la raison qui, par le verbe, nomme, désigne, classifie, ordonne, commande, bref fait être. Sorte d’harmonie préétablie au plan cosmique, la Maât , qui est Ordre, Vérité – Justice, Félicité suprême, invite l’homme en société à faire et à dire, à penser et à agir, à vivre et à mourir, selon le vrai, le normal, le juste milieu, bref selon la vertu avec tout ce que ce mot implique, dans la mentalité négro – égyptienne, d’hiératique, de traditionnel et de transcendant, d’impératif, d’absolu ».[25]
Faisons connaissance de certains philosophes de l’Égypte antique.
 
 
 
 
1.4.           QUI SONT LES PHILOSOPHES EGYPTIENS ?
 
Les véritables philosophes égyptiens sont des prêtres, seuls dépositaires du savoir. Ils géraient les écoles se trouvant dans les temples. « Intermédiaires entre les dieux et les pharaons et entre les dieux et le peuple, ils sont le cerveau de tout le peuple ».[26]
Parmi eux, quelques noms nous sont connus : « SECHNOUFSIS : éminent professeur au collège Héliopolis. Il donna cours à Platon. CHONOUPHIS : éminent savant du collège de Memphis et professeur de philosophie de Platon. Il donna aussi cours à Eudoxe, Ellopion, tous camarades d’études de Platon. SONCHIS qui donna cours à Pythagore au collège Héliopolis ».[27] PTAHHOTEP, le sophiste honnête, SISOBER qui prônait le détachement, AMENNAKHTE (vers ~ 1400 /~1350) pour qui seule la culture générale par les livres faisait le sage, AMENEMOPE dont les instructions sont d’une tenue littéraire fort appréciable, ANY (~1400 / ~1350) opportuniste insistant sur les profits de la vertu et dont les conseils sur la modération semble ériger en doctrine morale l’égoïsme le plus borné ; ONKHSHESHONQY ( ~VI° Siècle) ayant des maximes et des dictions pittoresques.[28]
L’apport culturel de l’Égypte est incontestable. Tous les philosophes les plus importants de la Grèce se payaient un voyage en Égypte pour s’y s’instruire et pour avoir le prestige auprès des concitoyens. Thalès de Milet, de retour de l’Égypte, conseilla à Pythagore d’aller en Égypte pour compléter sa formation auprès des prêtres égyptiens.[29] Solon a aussi été en Égypte[30]. Zénon le stoïcien, surnommé le palmier d’Égypte, se réclamant Phénicien, maigre et noir de peau, témoignait d’un niveau élevé d’Égypte. Démocrite, Platon et Eurypide y ont aussi été.
Paul MASSON – OURSEL, orientaliste incontesté, affirme que l’Égypte a contribué à l’hellénisme et que « l’emprunt décisif de l’esprit grec à l’Égypte, est la géométrie, spécimen par excellence du savoir selon la doctrine de Platon ».[31] Même Aristote dans sa Métaphysique, A, 1, 981b23, reconnaîtra que les mathématiques sont nées en Égypte.
Charles WERNER, disciple de John BURNET, reconnaît, même s’il ne veut pas que la philosophie grecque soit fille de l’Égypte, que « les Grec ont – ils pensé que Thalès et Pythagore avaient emporté les mathématique d’Égypte : c’est là ce qui ont dit expressément Eudème pour Thalès et Isocrate pour Pythagore...La philosophie de Pythagore, et toute la première philosophie grecque, toute cette magnifique efflorescence, n’eût pas existé ; si la pensée grecque n’avait plongé ses racines dans l’âme profonde de l’orient »[32]qui était en contact permanent avec l’Égypte, devons – nous ajouter.
John BURNET, défenseur du miracle grec, pour qui la philosophie ne vient pas de l’Égypte ne semble – t – il pas se contredire quand il écrit : « Ce ne peut pas être par un simple accident que la philosophie prit naissance en lonie juste au moment où les relations avec ces deux pays (Égypte et Babylone) étaient les plus faciles, et il est significatif que l’homme même qui, à ce que l’on dit, introduisit d’Égypte la géométrie, est aussi regardé comme le premier des philosophies » ?[33]
Que dire de Léon ROBIN loué par Paul – Bernard GRENET ? Tout en reconnaissant ce que les savants grecs doivent à l’Orient ( Égypte comprise), il semble réserver l’explication rationnelle aux Grecs :  « Ce que les premiers savants grecs ont donc pu recevoir de l’Orient, ce sont les matériaux accumulés d’une très vieille expérience, ce sont des questions proposées à la réflexion désintéressée. Faute de quoi, la science grecque n’aurait peut – être pas pu se constituer, et, en ce sens, on ne peut parler de miracle grec. Mais d’autre part, au lieu d’avoir en vue immédiatement l’action, ces premiers savants ont cherché l’explication rationnelle ; c’est en elle et dans la spéculation qu’ils ont trouvé médiatement le secret de l’action ».[34] Ce jugement provient, sans doute, de Platon qui donne à entendre que les Egyptiens étaient un peuple pratique, plutôt que philosophe[35]. Comme l’interprète si bien WERNER, PLATON veut montrer que l’esprit grec est avide de savoir ( et cette liberté de l’esprit conduit à la philosophie ) et que l’esprit égyptien est avide de gain[36]. Ici l’on sent l’« européocentrisme » ou eurocentrisme qui voudrait que tout ce qui est bon ne vienne que de l’occident. Et pourtant un autre fils de l’occident a bien sonné le signal d’alarme en disant : « L’homme égyptien ne pouvait se réaliser faber sans s’avérer sapiens » [37].
     Nous disons, quant à nous, que c’est en prenant position ( dans le champ de bataille qui est la philosophie ) devant la philosophie égyptienne que les philosophes grecs ( anciens élèves des prêtres égyptiens) ont développé leurs points de vue, et c’est à ce niveau que se voit l’esprit créateur ( et non le miracle grec) , car un bon élève n’est pas celui qui répète son maître, mais c’est celui qui se met sur les épaules de son maître pour le remettre en question et ainsi voir encore plus loin. Les savants des religions comparées, les mythologues, les « initiés » et archéologues s’intéressent à l’Ancienne Égypte sous un autre angle. Avec T. OBENGA, nous reconnaissons que « les anciens Egyptiens ont pensé l’être, la vie, la mort, etc. Ne réduisons plus leurs écrits importants à la seule dimension « sacrée », « religieuse ». Ayons assez d’esprit critique pour les comprendre autrement désormais »[38]
En posant la question de l’origine de tout ce qui est, et en répondant que le Multiple provient de l’Un, les anciens Négro-Egyptiens ont essayé de réfléchir sur un problème philosophique fondamental. Les antésocratiques y répondront aussi à leur manière. Toutefois sachons qu’en étant en Égypte, Thalès, Pythagore, etc. ont connu cette problématique. La passion de connaître les poussera à se prononcer sur cette problématique.
1.       LES ANTESOCRATIQUES[1]
 
 
« …Solon, Solon, vous autres Grecs, vous êtes toujours des enfants, et il n’y a point de vieillard en Grèce... que veux – tu dire ? demande Solon – Vous êtes tous jeunes d’esprit, répondit le prêtre (égyptien) ; car vous ne possédez nulle tradition vraiment antique, nulle notion blanchie par le temps ». Platon, Timée 21d – 22d.
 
            L’homme, animal raisonnable, voit que l’univers existe. Il y a quelque chose plutôt que rien. Non seulement il voit mais aussi il touche ce qui est. La question qui surgit est celle de savoir de quoi est fait ce qui est. En d’autres termes, quel est l’élément premier devant ce multiple ? Quel est cet élément fondamental qui est à la source de tout ce qui est ? Nous savons que les anciens négro – égyptiens y ont répondu en pointant le NOUN, la matière incréée, les « eaux primordiales ». Qu’en pensent les autres ?
La réponse dépendra d’une école à une autre. Toutefois dans chaque école, il y aura aussi des avis partagés quant à ce qui concerne ce principe fondamental. L’on doit se prononcer sur l’Un [stabilité] et le Multiple [ Devenir].
 
 
 
 
1.1.           L’ECOLE DE MILET[1]
 
Nous sommes en lonie ( moitié sud de la côte occidentale de l ‘Asie mineure)[2] et non en Grèce continentale. Il y eut une école philosophique à Milet dont le fondateur est Thalès. Anaximandre et Anaximène appartiennent à cette école. Ils sont appelés « Physiciens » par Théophraste ou « Physiocrates » par Aristote[3], car leur objet matériel est la Nature et l’objet formel, l’élément premier expliquant la Nature ou l’être.
 


[1] A la suite de Gérard LEGRAND nous optons pour le concept Antesocratique et non Présocratique.Pourquoi ?Pour la simple raison que le concept antesocratique fait voir que la philosophie a commencé avant Socratique et non avec lui ;ainsi nous ne partageons pas l’avis de Cicéron selon lequel Socrate aurait « fait descendre la philosophie du ciel sur la terre »(CICERON,cité par G.LEGRAND,La pensée des présocratiques,Paris,197O,p.13).
1.1.1.     THALES DE MILET
 
2.1.1.1                  . QUI EST - IL ?
 
            (Né vers 637 et mort vers 546 avant Jésus - Christ)
Thalès est l’un de sept sages de la Grèce. A dire vrai, il y a plus de sept sages dans l’ancienne Grèce. Nous connaissons Thalès, Pitacos, Bias, Solon (ces quatre noms figurent dans toutes les numérotations), Aristodème, Epiménide, Anacharsis, Cléobule, Myson, Périandre et ajoutons, Chilon.
Chaque sage était bien connu pour son Apophtegme signifiant à la fois sentence et précepte. Ainsi de Solon, nous avons : « Rien de trop » ; de Chilon ou Thalès[4] :« Connais – toi toi même » ; de tel  (Solon) : « Ne fréquente pas les méchants », de Cléobule de Lindos : «  La mesure est la meilleure des choses » ; « Respecte ton père »,  de tel autre (Pittacos[5]) : « Si la terre est sûre, la mer ne l’est pas »[6] et de Thalès : « Rejette tout ce qui est malhonnête », « L’eau est la meilleure des choses »[7]
Tout ce que nous prétendons savoir de lui nous vient d’HERODOTE. Mais d’après Théophraste et Aristote, c’est bien lui qui inaugura la philosophie, mais nous devons ajouter avec ROBIN que tout ce que Aristote dit de lui se fonde sur la tradition.[8]
D’après Hérodote, il prédit l’éclipse de soleil ( 28 mai de l’an 585 av. J.C.) qui mit fin à la guerre entre les Lydiens et les Mèdes. Xénophane, disciple d’Anaximandre, l’atteste aussi selon Burnet.[9] Thalès avait aussi des aptitudes commerciales. « Prévoyant dès l’hiver, grâce à sa science, une abondante récolte d’olives, il aurait eu l’idée de louer à bas prix tous les pressoirs à huile de la région, pour les sous – louer à bénéfice, le moment venu, aux propriétaires embarrassés de leur récolte »[10]. Ce caractère pratique doit nous interdire de qualifier Thalès d’ancêtre des savants distraits du fait qu’il serait tombé un jour dans un puits en observant les astres et ce dont le raillerait une servante de Thrace. Cet anecdote provient de Platon ( Théêtete 174a). Et pourtant nous savons que le trou jouait le rôle de télescope.
On attribue, universellement à Thalès, l’introduction de la géométrie égyptienne en Grèce.
Homme politique, Thalès, selon Hérodote, a cherché à unir les cités ioniennes contre les Perses en une confédération défensive dont Teos serait la capitale car l’union fait la force. Que cela ne nous surprenne, car « c’était l’habitude des anciennes écoles de philosophie d’essayer d’influencer le cours des événements politiques. C’estcette action politique qui a valu au fondateur de l’école milésienne sa place incontestée parmi les sept sages, et c’est surtout parce qu’il fut mis au nombre de ces grands hommes que s’attachèrent à son nom les nombreuses anecdotes dont on lui fit honneur dans la suite »[11]. Thalès « mourut en regardant les jeux gymniques, pour avoir eu trop chaud et trop soif et par suite de sa fatigue et de son grand âge »[12].
On ne sait pas s’il a écrit quelque chose. Puisqu’il en est ainsi, voici l’exposé conjectural de la cosmologie de Thalès.
 
2.1.1.2. QUE DIT- IL ?
 
Nous fiant à Aristote, nous pouvons dire que Thalès enseignait que l’eau est la cause matérielle de toutes choses, que la terre flotte sur l’eau et que toutes choses sont pleines de dieux.[13] L’eau primordiale, primitive est ARCHE ( principe)
 «Le choix de l’eau par Thalès serait dû aux observations qu’il a faites en Égypte concernant la fertilité du Nil »[14]. Pour Thalès, l’eau était la chose fondamentale ou primordiale et toutes les choses étaient faites d’elle. L’eau prend les formes les plus variées : état solide, liquide et état de vapeur. Voilà son explication. Ainsi, à la question de quoi est fait le monde, nous avons la réponse : l’EAU. Cette réponse nous fait penser au NOUN, « eaux primordiales » et au TEFNUT (humidité – eau). Son eau, substance fondamentale, reste permanente à travers tout le devenir. Elle est l’élément ou la matière impérissable de toutes choses.
Thalès utilise la méthode inductive. Il voit que tout provient d’une transformation de l’eau et revient ensuite à l’eau. En Grèce, il est le premier à aborder le problème de l’Un et du Multiple.
Faisons remarquer que pour Thalès, c’est l’eau, une réalité d’expérience, qui explique tout changement : l’eau engendre la terre, l’air, le feu.
Il n’a pas servilement recopié ses maîtres égyptiens. Retenons que se définir en s’opposant est la loi du développement de la Philosophie comme le dit Clémence RAMNOUX[15]
Toutefois rectifions un fait historique. Diogène Laërce, dans son livre Vies, doctrines et sentences des philosophies illustres, dit « qu’on dit qu’il [Thalès] découvrit les saisons de l’année et qu’il la divisa en 365 jours ». Le même Diogène poursuit : « Il [Thalès] ne suivit les leçons d’aucun maître, sauf en Egypte où il fréquenta les prêtres du pays ». Il est établi que «  les Egyptiens inventèrent le calendrier sidéral et civil et divisèrent l’année en 365 jours ¼, répartis en 3 saisons de 4 mois, et ce dès la protohistoire, en 4236 av. J.C., c’est – à – dire 3.600 ans avant la naissance de Thalès et 2.800 ans avant l’émergence du peuple grec dans l’histoire »[16]. Diop a raison de traiter les méthodes grecques (Cf. Platon, Timée et Diogène Laërce, o.c.) de plagiaires.
 
2.1.1.3.Appréciation
 
 
Faisons remarquer que la REVOLUTION de Thalès par rapport à ses maîtres est d’expliquer l’existence de tout ce qui est sans recourir à une divinité si nous devons nous fier à Voilquin : « Sa préoccupation de remplacer l’explication mythique par une explication physique, sa manière de raisonner en arithmétique et en géométrie font de lui un des précurseurs de la science grecque »[17] Nietzsche ne dit pas le contraire : « La pensée de Thalès, même quand on l’a connue pour indémontrable, a bien plutôt cette valeur de n’avoir voulu être ni un mythe ni une allégorie »[18] . Mais selon Cicéron, pour Thalès, «  le dieu, c’est l’Intelligence qui fait tout avec l’eau »[19]. Ceci nous fait voir que la divinité n’est pas complètement écartée chez Thalès et qu’il n’est pas Athée comme l’affirme Simplicius[20].
Les mathématiciens, astronomes, etc. s’intéressent à lui sous un autre angle.
Il nous intéressera toujours car, parmi les Grecs, il fut le premier à proposer une réponse au problème de l’Un (stabilité) et du Multiple (devenir).
 
 
 
2.1.2. ANAXIMANDRE DE MILET
 
2.1.2.1.    QUI EST-IL ?
 
( 610 – 547 selon Hyppolyte, Evêque de Rome)
Tout ce que nous savons de lui vient de Théophraste qui a vu son livre, De la nature. Fils de Praxiades, citoyen de Milet, Anaximandre fut un associé de Thalès d’après Théophraste. Il fut le premier à dessiner la carte[21] afin d’avoir une représentation systématique du monde.[22]
 
2.1.2.2.      QUE DIT-IL ?
 
Prenant position sur l’élément primordial qu’est l’EAU pour Thalès, il se demandait comment la substance primordiale pouvait être une de ses choses particulières. Voilà pourquoi il chercha et trouva l’APEIRON (l’infinité, l’illimité, le pas-encore-déterminé selon Lucien Jerphagnon) comme cause matérielle et ELEMENT PREMIER DES CHOSES. Selon Théophraste, c’est lui qui introduisit le premier le terme ARCHE (Principe). « L’Apéiron  est cet Infini ou Indéterminé, ce néant inorganisé qui contient toute chose en puissance et par lequel tout peut accéder à l’être et au devenir par discrimination et formation des couples d’opposés. C’est à lui, de même, que tout retourne une fois le cycle accompli »[23]. Selon Théophraste, « il déclare que ce n’est ni l’eau ni aucun autre des prétendus éléments, mais une substance différente de ceux – ci, qui est infinie, et de laquelle procèdent tous les cieux et les mondes qu’ils renferment…Il dit qu’elle est éternelle et toujours jeune, et qu’elle environne tous les mondes »[24]. Cette substance infinie, éternelle et toujours jeune, l’APEIRON est matière illimitée, impérissable et inengendrée, contenant toutes choses et tout naît de lui et tout retourne à lui selon le mouvement éternel.  « Nous devons donc nous représenter, commente Burnet, une masse infinie, qui n’est aucun des opposés que nous connaissons, et qui s’étend sans bornes de chaque côté des cieux qui entourent le monde où nous vivons. Cette masse est un corps, et c’est d’elle qu’émergea un jour notre monde par la séparation des opposés [De lui se sépareront deux contraires affrontés : l’un léger, chaud et lumineux, l’autre lourd, froid et obscur]. Ceux – ci seront réabsorbés une fois, les uns comme les autres, dans l’illimité, et notre monde cessera d’être »[25]. Anaximandre parle aussi de l’éternel mouvement, qui est celui de l’infini, lui – même. Ce mouvement consiste en « une sorte de secousse de haut en bas et de bas en haut, ensuite de laquelle les opposés sortent de la masse infinie »[26]. Sans principe qui le limiterait, il est le principe des autres choses.
Selon Anaximandre, dit – on, il y a des mondes innombrables dans l’infini. Cependant, rapporte Théophraste, pour Anaximandre, notre monde est périssable même si les mondes innombrables sont équidistants. Et ces mondes, selon lui, sont des dieux .
Que dire de l’origine des corps célestes, de la terre et de la mer, des animaux, de l’homme ?
Pour lui, une portion de l’Infini s’est séparée du reste pour former un monde qui s’est d’abord différencié dans les deux opposés, le chaud et le froid. Ensuite, la chaleur de la sphère de la flamme a transformé en air une partie de l’intérieur humide et froid du monde. L’expansion de cette vapeur fit éclater en anneaux la sphère de flamme elle – même. Ces anneaux sont au nombre de trois : celui du soleil, de la lune et le cercle des étoiles.
La terre et la mer « sont sorties de la matière froide et humide qui fut séparée au commencement et qui remplit l’intérieur de la sphère de flamme »[27]. Comme on le voit «  il n’attribue pas la génération [transformation] au changement de l’élément[comme chez Thalès], mais à la séparation des contraires par suite du mouvement éternel »[28] La terre est de forme cylindrique et plane librement, sans être soutenue par quoi que ce soit. Sa forme est convexe et ronde, pareille à une colonne de pierre. A ce propos, Burnet fait remarquer, à juste titre, qu’«il semble avoir compris, quoique obscurément, qu’il n’y a ni haut ni bas dans le monde»[29]. Pour lui, il est vrai, le monde n’est pas sphérique.
Selon Diogène Laërce, Anaximandre pensait que « la lune ne donnait pas de lumière propre mais réfléchissait la lumière du soleil ; que le soleil était aussi grand que la terre, et qu’il était un feu absolument pur »[30].
Les créatures vivantes naquirent de l’élément humide quand il a été évaporé par le soleil. Cependant l’homme était, au début, semblable à un animal, à savoir un poisson, d’après Anaximandre cité par Théophraste. « Il (Anaximandre) dit en outre qu’à l’origine l’homme naquit d’animaux d’une autre espèce. La raison qu’il en donne est que, tandis que les autres animaux trouvent tout de suite leur nourriture par eux – mêmes, l’homme a besoin d’une longue période s’il avait été à l’origine ce qu’il est maintenant, il n’aurait jamais survécu… Il prétend qu’au début les êtres humains naquirent, dans l’intérieur de poissons, et qu’après avoir été nourris comme les requins, et être devenus capables de se protéger eux – mêmes, il furent finalement jetés sur le rivage, et prirent terre »[31].
 
2.1.2.3.     Appréciation
 
 
De cette citation, il ressort qu’Anaximandre avait une notion d’adaptation au milieu et de la survivance des plus aptes. N’est – il pas le précurseur de Darwin ? LAMBROS COULOUBARITSIS parle, à ce propos, des descriptions pré-darwiniennes.[32] D’autres savants, après lui, n’ont – ils pas dit que l’homme provenait du poisson ?
Si l’APEIRON nous fait penser au NOUN égyptien, force nous est de reconnaître qu’Anaximandre a pris, à un moment donné, une autre voie pour parler de l’origine de tout ce qui est. Il n’a pas répété les Egyptiens – quand bien même son Apéiron serait confondu au NOUN – encore moins son maître Thalès. Voilà une prise de position osée et raisonnée. Se définir en s’opposant est la loi du développement de la philosophie.
«On peut lui faire également un mérite d’avoir tracé un chemin à la physique moderne en s’élevant, grâce à cette première ébauche d’abstraction, jusqu’à la cosmologie véritable...[Sa tentative naïve d’explication] marque un progrès sensible dans la voie de l’abstraction et même de l’observation de la nature »[33]. Les hommes des sciences( physiciens) s’intéressent à lui sous un autre angle.
Karl JASPERS voit en lui le premier métaphysicien occidental : « Le premier, par la puissance à la fois radicale et constructive de son imagination, il créa une vue d’ensemble de l’univers, dans sa forme et dans son devenir. Dépassant toute intuition sensible, il formula à l’aide des concepts une vision métaphysique »[34].
Il a opté pour l’Un afin d’impliquer le Multiple, le Devenir
 
 
 
2.1.3. ANAXIMENE DE MILET
 
 
2.1.3.1.    QUI EST-IL ?
 
 
Né vers 588 et mort vers – 525 av. J.C.
 
Fils d’Eurystrakos, Anaximène, selon Théophraste, fut l’associé d’Anaximandre.
 
2.1.3.2.    QUE DIT-IL ?
 
Selon Théophraste, Anaximène « disait (…) que la substance fondamentale était une et infinie. Il ne disait pas, toutefois, comme Anaximandre, qu’elle fut indéterminée, mais déterminée, car il disait que c’était l’air »[35]. De l’air sont nées les choses qui sont, ont été et seront, y compris les dieux et les choses divines.
L’âme est air, le souffle et l’air entourant le monde entier.
L’air, substance fondamentale, est toujours en mouvement. Dilaté (dilatation) de façon rare, il devient feu. Le vent c’est de l’air condensé. Les nuages se forment de l’air par foulage, c’est–à–dire par condensation. A la fin, elles deviennent eau. Cette dernière, en se condensant encore plus, devient terre et quand celle-ci se condense autant que cela se peut, elle devient pierre. Ainsi, l’on comprend que, pour Anaximène, l’AIR « produit toutes choses par un double mouvement de raréfaction et de condensation »[36]. Sur ce point, il intéresse les Astronomes. Entre le ciel et la terre, il y a un inter échange : pluie, grêle, neige.
Pour lui, l’air est la divinité qui « anime » le monde. Il soutient que la terre est pareille à une table, quant à sa forme et que la cause des tremblements de terre est l’aridité et l’humidité de la terre. Tout cela ( aridité et humidité) est occasionné respectivement par les sécheresses et par les pluies. Pour lui, les astres ne passent pas sous la terre ou au-dessus d’elle, mais tournent autour d’elle.
 
2.1.3.3.      Appréciation
 
 
Les notions de condensation et de raréfaction marquent un progrès dans l’explication de l’origine de tout ce qui est et « il admet aussi le mouvement éternel comme amenant la transformation »[37].
L’AIR d’Anaximène nous fait penser au SCHOU égyptien. Mais nous devons faire remarquer qu’Anaximène n’a pas répété ses maîtres. Il a essayé de les réconcilier – en parlant de l’AIR qui est un élément de l’expérience, observable tout en étant une et infini – tout en les dépassant, car se définir en s’opposant est la loi du développement de la philosophie. Les notions de raréfaction et de condensation rendent, pour la première fois, la cosmologie milésienne entièrement consistante[38]. C’est avec lui que se clôt l’Ecole de Milet.
Quelle conclusion tirée des spéculations de l’Ecole de Milet ?
Nous devons reconnaître que les loniens de Milet gardent le mérite d’avoir tenté la première explication physique du monde dans le monde occidental, et Anaximandre d’avoir formulé l’exigence rationnelle d’un principe universel[39]. Cette explication physique du monde dans le monde est première dans la Grèce. Voilà pourquoi on les appelle les premiers physiciens ou les naturalistes.
Philosophes, ils expliquent le Multiple à partir de l’un. Ils sont opposés aux « vieux théologiens » selon Aristote et sont physiocrates. Les influences de l’Egypte se font sentir dans la recherche du Premier élément (cf. NOUN) et dans le fait de considérer le MOUVEMENT comme amenant la transformation (cf. KEPER).
A ce propos, Bertrand RUSSELL a raison quand il affirme que l’Ecole de Milet se forma au contact de l’esprit grec avec Babylone et l’Egypte[40]. Ainsi selon le DIFFUSIONNISME, une des thèses de l’anthropologie, on verrait dans l’EAU, l’APEIRON, l’AIR, (et le FEU de Héraclite) une influence de l’Egypte. Ce qui n’est pas exclu car Thalès a été en Egypte.
Par ailleurs, l’anthropologie récente issue du structuralisme «  montre qu’il est également possible que les hommes de différentes régions découvrent par eux-mêmes des choses analogues (du fait de notre structure humaine et d’un rapport analogue au monde qui nous entoure) »[41]
 
2.2.                   ECOLE DE PYTHAGORE DE SAMOS
 
2.2.1.     QUI EST-IL ?
 
Né entre 590/580 et mort vers 497 avant Jésus Christ, Pythagore de Samos est Ionien de naissance.
La vie de Pythagore ne relève pas d’un mythe comme certains le déduisent du silence prudent – qui n’en est pas un[42] – d’Aristote qui ne parle jamais de Pythagore, si ce n’est des Pythagoriciens, et de l’abondance du merveilleux dans les récits pythagoriciens où Pythagore passe pour être l’incarnation d’Ethalide, fils d’Hermès. Il est aussi présenté comme thaumaturge, de quelqu’un qui est descendu aux Enfers et qui a les dons d’ubiquité et de prophétie[43]. Pythagore a réellement existé et Hérodote, père de l’Histoire et quasi - contemporain de Philolaos et des autres grands pythagoriciens de la seconde génération, parle de lui. Même Héraclite, un anti – pythagoricien, né en 540, et qui écrivait du vivant de Pythagore, donne des témoignages sur lui[44]. Que dire de Platon qui le présente comme un éducateur hors de pair (République, X, 600) ?
Le futur maître de Crotone fit beaucoup de voyages dont celui vers l’Egypte où il fit 22 ans et plusieurs personnes (Antiphon, Isocrate, Cicéron, Pline, Plutarque, Diodore, Strabon, Justin, Clément, Théodoret, Porphyre) l’attestent[45]. D’où son goût de l’astronomie et de l’ésotérisme. D’après COULOUBARITSIS, il aurait aussi suivi des leçons d’Anaximandre[46].
D’après Aristoxène, Pythagore quitta Samos pour échapper à la tyrannie de Polycrate et fonda son école à Crotone en Italie.
Pythagore invitait les Crotoniates à la conversion des cœurs et des mœurs et dans son Ecole, on y enseignait les mathématiques, l’astronomie, la musicologie, la physiologie, la médecine etc. Sa communauté fut appelée Hétaire ou Synédrion par les historiens.
Le recrutement des adeptes était fait avec soin. L’initiation avait plusieurs étapes : 1° épreuve de physiognomie (= détruire les mœurs et le caractère de la forme du visage, de la ligne du corps et de l’allure générale) ; 2° postulat de 3 ans où l’on examine la conduite, l’endurance et les relations sociales du candidat ; 3° noviciat de 5 ans, durant lequel le candidat est appelé acousmatique ou auditeur. Il est soumis au fameux principe : « Savoir se taire et écouter ». Durant cette étape, on lui parle derrière le rideau ; 4° fin de l’Initiation et le candidat devient Esotérique. Ainsi il est admis en présence du maître et il a le droit de poser des questions et d’exprimer sa pensée. Comme études, il apprend la géométrie, la musicologie. D’où le nom de mathématicien. Cursus terminé, le candidat étudiait l’astronomie, la géographie, la météorologie, l’anatomo – physiologie, la médecine. Il devient alors physicien [47]. Nous devons faire remarquer qu’à côté des Esotériques, Pythagore acceptait aussi les Exotériques, disciples partageant l’idéal spirituel de la communauté mais ayant leurs propres occupations quotidiennes. Comme il n’y avait pas de clôture intégrale, certains disciples rentraient chez eux le soir et avaient des familles. Pythagore avait même une femme. La communauté pythagoricienne admettait aussi des femmes en son sein.
Chaque adepte prononçait un serment : « Non ! je le jure par celui qui a révélé à notre âme la tétraktys [ le quaternaire ], qui a en elle la source et la racine de l’éternelle nature »[48]. Et chaque soir, chaque adepte devrait faire un examen de conscience en trois points : « En quoi ai-je failli ? qu’ai-je fait ? qu’ai-je omis de mes devoirs ? »[49] Chaque membre devrait respecter certains tabous dont ceux de ne pas sacrifier un coq blanc, ne pas ramasser ce qui est tombé à terre, ne pas laisser sur la cendre l’empreinte de la marmite, s’abstenir des fèves et de la chair des animaux
( ils étaient végétariens).
 
2.2.2.     QUE DIT-IL ?
 
Que dire de la philosophie pythagoricienne ?
Pythagore fut le premier à inventer le mot Philosophie afin de se démarquer des soi – disant savants et sages. Pour lui, « le philosophe est un homme en quête de sagesse, toujours en route vers un absolu qu’il ne possède jamais, mais qu’il entrevoit et goûte chaque jour un peu mieux »[50]. Voilà pourquoi Gobry a raison de faire remarquer que la philosophie chez les pythagoriciens n’est pas un simple enchaînement de propositions, mais elle est comme le résultat d’une expérience continue, expérience que l’homme a de sa propre vie humaine, du monde, du bien et de Dieu. Oui, « le pythagorisme est donc le passage de l’existence vécue à l’existence pensée, et de l’existence pensée à l’existence exprimée»[51].
L’homme, dans les spéculations pythagoriciennes, est au centre. On doit élever l’homme, le purifier, voilà pourquoi la religion, la morale, la politique… intéressent le pythagorisme.
Par ailleurs, les spéculations pythagoriciennes cherchent l’explication de l’ensemble de la réalité. Cette préoccupation conduira Pythagore à poser le NOMBRE comme le fondement du réel. Brun dira même que la devise du pythagorisme est : « Tout est nombre »[52]. Ainsi, à la question qu’y a-t-il de plus sage ? On répondra le NOMBRE. Et à celle de qu’ y a-t-il de plus beau ? On dira l’HARMONIE.Pour Peter KUNZMANN,  « les pythagoriciens développèrent l’idée que l’essence de la réalité tout entière est contenue dans les nombres (...). Les choses deviennent des copies des nombres, et leur essence formelle est leur configuration mathématique »[53]. En d’autres termes, « les éléments des nombres sont les éléments de toutes choses et que le monde tout entier est harmonie et nombre »[54]. Pour éviter des confusions, la femme de Pythagore a fait cette remarque : « Il a dit non pas que tout naissait du Nombre, mais que tout était formé conformément au Nombre »[55]. Théano avertit que le nombre n’a pas une puissance créatrice. Il est vrai que Pythagore est arrivé à poser le Nombre comme fondement du réel grâce à la « constatation expérimentale de ce fait que les qualités et les rapports des accords musicaux sont constitués par des nombres»[56]. Ainsi chez Pythagore, toutes les choses que nous connaissons possèdent un nombre, car tout est formé conformément au Nombre, et de ce fait même, rien ne peut être conçu ni connu sans le nombre. En d’autres termes, le nombre est non seulement le fondement du réel, il est aussi son principe d’intelligibilité. Qu’est-ce à dire ? « Le nombre est l’explication de tout parce que, étant tout en tous, sa connaissance nous révèle ce qui unit toutes les réalités dans leur essence même»[57]Le nombre contient la clé des réalités. Philolaos n’a-t-il pas dit que « sans le Nombre, rien ne peut être pensé ni connu : il nous enseigne tout ce qui était connu et incompréhensible »[58] ? Philolaos, cet illustre pythagoricien, nous apprendra même que l’HARMONIE est la plus belle, car elle est l’unification du multiple composé et l’accord du discordant, et ce pythagoricien explicitera : « Chaque chose est une harmonie de nombre et le nombre est une harmonie d’opposés »[59]. Ces derniers sont en dix couples, car 10 est le nombre parfait : illimité et la limite (opposition fondamentale), Pair et l’Impair, le Multiple et l’Un, Gauche et Droite, Femelle et Mâle, en Repos et Mû, Courbe et Rectiligne, Obscur et Lumière, Mauvais et Bon, Oblong (Rectangle) et Carré.
 
Par ailleurs, l’on doit souligner que le nombre est une figuration spatiale de points séparés les uns des autres. En d’autres mots, on part des figures ou des grandeurs et non des sommes arithmétiques pour concevoir les nombres. Ainsi 1 c’est le point, 2 la ligne, 3 le triangle et 4 le tétraèdre ( le volume).
La conception du Nombre comme fondement du réel conduit à l’ARITHMOLOGIE que Ivan GOBRY considère de psychologique et de morale, or même de nos jours, la numérologie, chez certains, est un art divinatoire qui tisse la vie des adhérents.
Pour les pythagoriciens, les nombres pairs sont féminins et les impairs sont masculins. 1 c’est l’intelligence, « toujours immobile en elle-même»[60].Il est aussi l’unité. 2 c’est l’opinion, « parce qu’elle est oscillante et mobile »[61].3 est le « premier nombre qui ait commencement, milieu et fin, le premier parfait, celui par lequel se définissent l’Harmonie et le tout »[62]. 4 symbolise la sincérité ou la justice. 5 est le premier nombre qui résulte par addition du premier nombre féminin et du premier nombre masculin. Voilà pourquoi il symbolise le mariage ou la couleur et la corporéité. 6 est le produit du premier nombre masculin et du premier nombre féminin. Il symbolise la vie, l’âme. 7 est le seul nombre qui n’engendre aucun nombre compris dans la Décade et qui n’est engendré par aucun d’eux. Ceci a porté les pythagoriciens, selon Jean BRUN, à lui donner le nom de MINERVE parce que cette déesse n’a point été engendrée par une mère et n’a point de Père. 7 est le temps ou la lumière ou la santé, l’esprit. Ceci nous permet de comprendre pourquoi Théon de Smyrne disait que « c’est en sept semaines que le fœtus peut arriver à sa perfection, dans le septième mois qu’il devient viable, que c’est à l’âge de sept ans que les enfants perdent leurs premières dents, que les signes de puberté apparaissent dans la seconde période de 7 ans et que la barbe commence à croître dans la troisième période de 7 ans. D’un équinoxe à un autre on compte sept mois; la tête a sept ouvertures, le corps possède sept viscères »[63]. 7 peut aussi symboliser un temps critique(Kairos). 8 symbolise l’amitié, l’amour ou la prudence, 9 le bien ou la justice, « car [4 ou 9] ce sont les deux premiers nombres obtenus par la multiplication du premier pair et du premier impair par eux-mêmes ; or dans la justice il y a réciprocité de rémunération. »[64] 10 est la Décade, la foi ou la perfection. 10 est le TETRAKTYS douée de pouvoirs extraordinaires. Voilà pourquoi il est la formule du serment pythagoricien conservé par Jamblique. On lui adressait même une prière[65]. D’après Théon de Smyrne, « la Tétraktys complète la série des nombres, qu’elle comprend en elle-même la nature du pair et de l’impair, de ce qui est mouvement et de ce qui est immuable, du bien et du mal ».[66] On le représente ainsi : 10 = 1+2+3+4 . [67]       

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Par ailleurs, le pythagorisme se veut aussi être une cosmologie. Pythagore fut le premier a donné à l’univers sensible le nom de Cosmos. Ainsi le monde est une harmonie, quelque chose qui a commencé. L’univers sensible est sphérique, car cette forme est la forme parfaite. Les astres et la terre, tous sphériques, tournent autour d’un feu central ( car le Soleil et la Terre ne sont pas au centre de l’Univers. « Autour du Feu central gravite d’abord l’Anti-Terre, puis la Terre, qui tourne toujours la même face vers ce Feu central…Une telle conception de rotation de la Terre rendait parfaitement compte du lever et du coucher des astres, mais Philolaos n’envisageait pas une rotation de la Terre sur son axe »[68]) qui est parfait et divin et d’où émane le mouvement dont sont mus les astres. C’est ce feu central qui instaure l’harmonie dans l’univers sensible qui est le cosmos ou le monde. Celui-ci est doué de mouvement, de respiration et d’organisation. Il est vivant. L’homme y constitue un petit cosmos, un petit monde soumis à la loi de l’Harmonie et c’est par celle-ci que le corps est uni à l’âmequi est un nombre et qui possède quatre facultés : intelligence, science, opinion et sensation. L’âme est immortelle, car « les hommes sont à l’image de Dieu».[69] Le feu central est appelé symboliquement la mère des dieux, c’est-à-dire des astres, le foyer de l’univers, le poste de Zeus. [70]
 
L’on ne peut pas terminer de parler de l’école de Pythagore sans dire un mot sur la METENSOMATOSE (réincarnation et non métempsycose, encore moins métamorphose). D’après Porphyre, Pythagore a enseigné que l’âme était immortelle, qu’elle passait en des animaux d’espèces différentes, et selon certaines périodes, les êtres recommencent (comme le monde lui-même) leur vie antérieure. En outre, tous les êtres animés sont congénères, voilà pourquoi l’âme humaine peut prendre le corps d’un animal dans la « roue de renaissance »[71].Pythagore n’a-t-il pas affirmé d’être la cinquième réincarnation d’un fils d’Hermès ? C’est suite à cette croyance de la transmigration des âmes que Pythagore a arrêté le bras d’un homme qui battait son chien, car il avait reconnu, dans les aboiements du chien, la voix de son ami. L’on doit parler de la métensomatose, parce que ce n’est pas le corps qui reçoit une nouvelle âme (= métempsychose), mais c’est l’âme qui revêt un nouveau corps[72].
Le but de la philosophie chez Pythagore est de libérer l’âme de ses attaches dans ce monde où la vie est transitoire. L’âme a une nature éternelle, incorruptible en elle-même qui s’incarne dans un corps corruptible qui en serait la prison ( cf.  un précepte orphique qui dit que le corps est la prison de l’âme : sôma sêma). «  L’exil de l’âme, ce n’est plus quand quittant l’homme privé de vie, elle volète sous terre, fantôme sans force et sans conscience, c’est au contraire quand elle retourne ici-bas pour se joindre à un corps »[73].
Pythagore est mort à Métaponte où il aurait fui quand Cylon aspirant adepte refusé, accompagné de certains crotoniates, a mis le feu à la maison de Milon où s’étaient réunis certains pythagoriciens. En effet, la communauté pythagoricienne avait beaucoup d’adeptes qui se consacraient à la vie politique. C’est ainsi qu’un parti politique était appelé pythagoricien. Il était composé des aristocrates conservateurs. Même si Pythagore était parfois invité à parler au Sénat de Crotone, il a refusé d’en être le conseiller politique.
           
2.2.3.      Appréciation
 
 
Nous avons semblé être long dans ce chapitre réservé à Pythagore pour faire voir qu’il y a plusieurs formes de philosopher. Par ailleurs, la philosophie de Pythagore, bien qu’elle soit influencée par l’Egypte, n’a pas manqué d’influencer les théosophes et les mystiques sans oublier certains hommes des sciences. Paracelse, Boehm et Kepler probablement furent ses administrateurs ou Héritiers. Sa philosophie est liée au mysticisme. Voilà pourquoi les sociétés secrètes comme la Rose-Croix voient en lui un de leurs même si les Rosicruciens n’interprètent pas de la même manière que Pythagore la Réincarnation. Celle-ci peut être, chez Pythagore, une Involution, i. e. l’on peut s’incarner en animal, ce que refuse la Rose-croix pour qui la Réincarnation de l’homme se fait seulement dans l’espèce humain. A notre humble avis, il n’y a pas de réincarnation, car on ne meurt qu’une seule fois après quoi vient le jugement (cf. Hébreux 9, 27). Toutefois tout ce qu’il a dit n’est pas parole d’Evangile, mais c’est une prise de position exposée à toute forme de critique.
En outre, Platon lui doit beaucoup avec son Timée et la conception du corps comme prison, un tombeau. Même sa théorie de réminiscence proviendrait du pythagorisme. N’a-t-il pas influencé Platon dans sa conception du corps comme un tombeau ? L’on peut se moquer de sa théorie du nombre, mais il reste vrai que nous avons beaucoup à apprendre de ses leçons de la juste mesure nous qui vivons dans le « règne de la quantité » (l’expression est de Jean Brun) où « comprendre c’est mesurer » et où on se rend « maîtres et possesseurs de la nature » (ce qui entraîne, sans doute, le développement d’une puissance technique). Par manque de juste mesure, nous confondons quantité à qualité et nous sommes devenus des êtres de l’Avoir et non de l’Être ou de deux à la fois. L’examen de conscience de « quelle faute ai-je commise ?  Quel bien ai-je fait ? Quel devoir ai-je oublié » peut nous aider à être des êtres – pour – et - avec- les - autres. Il y va de notre survie.
Par ailleurs, nous devons reconnaître avec Jacqueline RUSS que Pythagore a jeté les bases d’une interprétation mathématique de l’univers[74]. Nietzsche l’a déjà signalé quand il écrit : « La contribution originale des Pythagoriciens est donc une invention extrêmement importante : la signification du nombre, donc la possibilité d’une recherche exacte en physique »[75]
Chez Pythagore et son École, on voit le rationalisme, l’explication du sensible par l’abstrait et la raison joue un grand rôle.
En outre, Pythagore, en parlant de l’Harmonie, prend position sur les affirmations d’Anaximandre.
Nous voyons une autre influence sur Platon quand ce dernier écrit sur le fronton de son Académie : « Que nul n’entre ici s’il n’est géomètre ». Quand Platon dit que la Philosophie doit nous apprendre à bien mourir, c’est la voix de Pythagore que nous croyons entendre.
La vie communautaire des congrégations religieuses a, en Pythagore, son précurseur.
Fils de son temps, il a essayé, à sa façon, de répondre à la problématique de l’Un et du Multiple. Le primat revient à l’Un. Il voit plus l’HARMONIE entre les deux que la séparation ou le primat.
 
2.3.           HERACLITE D’EPHESE[76]
 
 
2.3.1.      QUI EST-IL ?
 
Avant de parler de l ‘école d’Élée, nous trouvons opportun de parler avant tout d’Héraclite d’Éphèse.
Tout en ne connaissant rien de certain concernant des dates, la tradition situe sa naissance vers 550 et sa mort vers 480 avant Jésus-Christ.
 
Au dire de Burnet, il était fils de Blyson et il était connu comme le philosophe d’Éphèse. Reconnu comme un philosophe sans maîtres, Héraclite n’ignorait pas ses prédécesseurs de l’École d’Ionie (Thalès de Milet qu’il qualifie de premier astronome Fr. 38), Pythagore et Xénophane qu’il traite de polymathes(Fr. 40), hommes de beaucoup de savoir sans intelligence. Il ne parla d’aucun maître et nous savons que pour lui la plupart « des gens ne savent ni écouter ni parler »(Fr. 19).
 
Selon Théophraste cité par Robin[77] , Héraclite était d’un tempérament d’inspiré, d’isolé et de mélancolique. Le fragment 121 nous renseigne sur ce caractère : « Les Éphésiens adultes méritent la mort ; leurs enfants méritent tous d’être expulsés de la cité, puisqu’ils ont chassé Hermadore, le meilleur d’entre eux, en disant : « qu’aucun d’entre nous ne soit le meilleur ; s’il y en a un, qu’il aille vivre ailleurs et avec d’autres ». Cette déception fut un des motifs qui les poussa à vivre à l’écart de la politique même si de par sa naissance, il était prédestiné à jouer un rôle politique important. Jean Voilquin nous apprend qu’il appartenait à une famille sacerdotale et, « s’il n’eût renoncé à ses droits en faveur de son frère, il eût obtenu les privilèges réservés aux aînés des descendants de Cordus, y compris la présidence aux cérémonies de Déméter Eleusinienne. Par-là s’expliquent sa connaissance des mystères, son goût de formules sibylines »[78]
Héraclite fut appelé OBSCUR. Pourquoi ? Les auteurs divergent sur le « parce que ». Pour Voilquin, cela est dû à sa « prédilection pour les formules frappantes et concises »[79]. Pour Burnet cela relève de son style proverbialement énigmatique et donne en exemple les fragments 11,12, 9 et 92 : « tout reptile se nourrit de terre », « Nous nous baignons et nous ne nous baignons pas dans le même fleuve. Et les âmes s’exhalent de l’humide », « les ânes préfèrent la paille à l’or », « … ». Robin justifie ce surnom du fait qu’Héraclite avait des aphorismes en prose, une langue imagée et riche en antithèses souvent ambiguës. Il avait un style d’oracle. L. Couloubaritsis est de cet avis : « Il est dénommé l’ « obscur » ou « le faiseur d’énigmes » ; il aurait parlé ou écrit d’une manière oraculaire, ce qui s’éclairait par ce qu’il dit lui-même des oracles : « Le divin dont l’oracle est à Delphes, ne dit ni ne cache rien, mais signifie »(Fr. 93). Il est difficile de savoir si cela est dû à un certain mépris à l’égard des hommes, que son origine aristocratique semble avoir renforcé (Fr. 49 : « Un homme vaut à mes yeux dix mille personnes, s’il est meilleur-aristos »), ou à son attachement aux « mystères », auxquels sa famille l’aurait initié »[80]. Jean Brun propose une autre explication selon laquelle c’est parce que son livre fut écrit dans le dialecte ionien. Dario COMPOSTA l’explique par son style difficile et volontairement obscur.[81] Un fait est vrai : chaque fragment d’Héraclite peut avoir plusieurs interprétations et il n’est pas facile de décider pour l’une au détriment des autres. Nous ne sommes pas d’accord avec Nietzsche quand il dit que Héraclite est « obscur pour les lecteurs trop pressés »[82]
Il fut estimé par les stoïciens.
Son livre De la nature se divisait en trois discours : univers, politique et théologie.
 
2.3.2. QUE DIT-IL ?
 
 
2.3.2.1.     Sa conception de l’univers (monde) ou sa cosmologie
 
 
Comme les Ioniens, il se prononça sur l’ARCHÈ du cosmos. C’est le FEU : « Les transformations du feu sont, en tout premier, la mer ; et la moitié de la mer est terre, la moitié prestère (vent tourbillonnant). La terre devient mer liquide et est mesurée avec la même mesure qu’avant de devenir terre » (Fr. 31). Le feu est l’essence de toutes choses : « (Feu) : famine et abondance » (Fr. 65). Il est le principe d’où proviennent toutes choses et auquel toutes choses retournent : « Ce monde-ci, le même pour tous les êtres, aucun des dieux ni des hommes ne l’a créé ; mais il a toujours été et il est, et il sera un feu toujours vivant, s’allumant avec mesure et s’éteignant avec mesure »(Fr. 30), « toutes choses s’échangent pour du feu et le feu pour toutes choses, de même que les marchandises …» (Fr 90). Élément physique, il est le ce à partir de quoi peuvent être expliqués tous les phénomènes de l’univers. Le feu s’avère être le principe primordial et inchangeant.
 
S’il est vrai que le FEU est l’archè, la TABLE DES CONTRAIRES (Cf. Pythagore) nous permet de connaître et de comprendre le monde. Le couple Un et Multiple vient en premier lieu, car la réalité est une et multiple en même temps. Pour Héraclite, il n’y a pas d’un sans le multiple et vice versa. Dans cette optique le monde est à la fois Un et Multiple. Voilà qui explique l’UNITE et le DEVENIR. Ce dernier provient de l’opposition et de l’unité (# identité) des contraires. L’OPPOSITION (et l’unité des contraires) sont le principe et la loi. Voici quelques fragments : « Bien et mal sont tout un… » (Fr.58), « l’eau de la mer est à la fois très pure et impure ; pour les poissons, elle est potable ; pour les hommes elle est imbuvable et nuisible », ce qui est en nous est toujours un et le même : «  vie et mort, veille et sommeil, jeunesse et vieillesse;  car le changement de l’un donne l’autre, et réciproquement »(Fr. 88), « le froid devient chaud, le chaud froid, l’humide sec et le sec humide »(Fr. 126), « joignez ce qui est complet et ce qui ne l’est pas, ce qui concorde et ce qui discorde, ce qui est en harmonie et ce qui est en désaccord ; de toutes choses, une et, d’une, toutes choses »(Fr. 10), « c’est la maladie qui rend la santé agréable; le mal qui engendre le bien ; c’est la faim qui fait désirer la satiété, la fatigue le repos »(Fr. 111), « la guerre est le père de toutes choses et le roi de toutes choses; de quelques-uns elle a fait des dieux, de quelques-uns des hommes ; des uns des esclaves ; des autres des hommes libres »(Fr. 53).
Même si dans ce monde tout coule et fuit et que rien ne demeure (« on ne peut pas descendre deux fois dans le même fleuve »(Fr. 91). Oui, le devenir est nécessaire et utile (Fr. 8 :« la contrariété est avantageuse, et c’est de ce qui diffère que naît la plus belle harmonie ; tout devient par discorde »)[83],Héraclite, en dépit de flux constant, reconnaît que les choses restent stables grâce à la MESURE jouant le rôle de la JUSTICE : « Ce monde-ci… a toujours été et il est, et il sera un feu toujours vivant, s’allumant avec mesure et s’éteignant avec mesure »(Fr. 30), « tout sera jugé et dévoré par le feu qui surviendra » (Fr. 66), « le soleil ne franchira pas ses limites ; sinon, les Érinyes, auxiliaires de la justice, sauront bien le découvrir »((Fr. 94). Le LOGOS gouverne tout l’univers et donne le respect assurant la pérennité de l’ordre. Tout ceci peut se comprendre quand on sait qu’une solidarité existe entre les termes opposés, le conflit est communautaire, comme la discorde est règlement. Ainsi il y a une harmonie entre les contraires, entre le flux et le stable, et cela selon, la loi du Logos. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre la blâme d’Héraclite à l’endroit d’Homère qui prêchait la concorde. Pour Héraclite sans discorde tout fuirait et l’univers serait anéanti. [84] Platon n’a retenu d’Héraclite que le flux en oubliant son discours sur la justice rétablissant la STABILITE. Parlant de la stabilité, n’a-t-il pas dit : « Il se repose par le changement » ? (Fr. 83)[85] . N’a-t-il pas non plus ajouté que « toutes choses s’échangent pour du feu et le feu pour toutes choses, comme les objets pour de l’or et de l’or pour des objets » (Fr. 90) ?
Résumons cette cosmologie avec Jean VOILQUIN : « L’opposition des contraires est à la fois, condition du devenir des choses et, en même temps, principe et loi. L’État de stabilité, de concorde et de paix n’est que la confusion des choses dans l’embrassement général. »[86]
Que dire de sa conception de Dieu et du Logos ?
 
2.3.2.2.      Conception de Dieu et du Logos
 
Le fragment 67 nous donne une idée sur la conception de Dieu chez Héraclite : « Dieu est jour et nuit, hiver et été, surabondance et famine. Mais il prend des formes variées, tout de même que le feu quand il est mélangé d’aromates et qu’il est nommé suivant le parfum de chacun d’eux ». Unique avec des noms différents. Voilà pourquoi il est confondu au Logos, la raison universelle pour les stoïciens. Tout arrive et se passe selon lui, même si les hommes ne le comprennent jamais, aussi bien avant d’en avoir entendu parler qu’après (Fr. 1). Le Logos est la pensée divine circulant dans la nature (Immanentisme) et gouvernant tout l’univers. Malheureusement, les hommes, même si «  le logos leur est le plus familier, sur le logos qui gouverne tout, ils sont en désaccord et ce qu’ils rencontrent chaque jour leur paraît étranger » (Fr. 72). Le logos est la seule loi divine alimentant toutes les lois humaines. Héraclite le dit : « Ceux qui parlent avec intelligence doivent s’appuyer sur l’intelligence commune à tous, comme une cité sur la loi, et même beaucoup plus fort. Car toutes les lois humaines sont nourries par une seule loi divine, qui domine tout, [déterminisme] autant qu’il lui plaît [ MOÏRA DESTIN FATUM ], suffit en tout et surpasse tout ». (Fr. 114). Le « surpasse tout » semble faire resurgir la transcendance de Dieu sur le Cosmos. Il y a alors à la fois la transcendance et l’Immanence. Voilà pourquoi il est difficile de parler du PANTHEISME et du MONOTHEISME chez Héraclite. Encore une fois on voit qu’il est obscur.
Pour Héraclite, la raison humaine est un moment dans cette raison universelle, mais celle-ci s’abrite aussi dans la première.
Puisqu ‘il en est ainsi, la sagesse consistera à suivre le Logos. Et à ce propos, Héraclite est réaliste : « Aussi faut-il suivre le logos commun. Mais, bien qu’il appartienne à tous, le vulgaire n’en vit pas moins comme si chacun avait une intelligence particulière » (Fr. 2). En d’autres termes, « la sagesse consiste en une seule chose, à connaître la pensée qui gouverne tout et partout » (Fr. 41). Cela étant, cette sagesse se révélera dans la façon de vivre selon la nature. Héraclite a écrit : «  La pensée est la plus haute vertu ; et la sagesse consiste à dire des choses vraies et à agir selon la nature, en écoutant sa voix » (Fr. 112).
La vraie religion (religion en esprit) dans cette optique (vraie parce qu’opposée à celle où on se souille du sang des victimes, où l’on se salit avec de la boue, où on veut se nettoyer avec de la boue, où l’on adresse des prières à des maisons, ne sachant pas ce que sont les dieux et les héros     (Fr. 5)consistera à fondre sa pensée dans la pensée divine du feu qui circule dans l’univers.
Gouvernant tout et partout, le Logos rapproche des contraires affrontés, ajuste « les uns avec les autres en un équilibre sans cesse menacé de dislocation. Cette loi [ logos] vaut dans tous les domaines et à plusieurs niveaux. Il est donc vain de distinguer une cosmologie d’une anthropologie, et une anthropologie d’une politique »[87]. Logos s’appelle alors HARMONIA et il accepte et il refuse d’être appelé Zeus : « l’un, la sagesse unique, refuse et accepte d’être appelé du nom de Zeus » (Fr. 32).
Cette façon de concevoir Dieu, le Logos, l’Harmonie et la sagesse a fait qu’Héraclite soit estimé par les stoïciens recommandant de vivre selon la loi de la nature. On voit en Héraclite un souci de purifier la pratique religieuse et un sens élevé de la divinité.
Il y a différentes interprétations du Logos (Fr. 1). Voici celle de COULOUBARITSIS : « Dans un premier sens, « logos » renvoie au discours d’Héraclite dont il faudra saisir la vérité…Si l’on se réfère au sens de « discours » pour rendre « logos », il ne reste qu’une solution : accorder ce « discours » aux muses ou à un autre dieu mais alors on ne comprend pas la fin du fragment, qui fait état des hommes non instruits en se référant non pas à un discours qu’ils auraient entendu, mais à leurs propres actions, ce qui montre que la référence dépasse le langage même. Ces difficultés, qui occultent la dimension « physicienne » du texte d’Héraclite, peuvent être surmontées par une autre traduction, qui attribue au logos un caractère ontologique, et où le verbe akouô est traduit non pas par « écouter », mais par « engendré », voire « comprendre » ou « tirer un enseignement… » Dès lors, dire qu’on saisit le sens de la physis parce qu’on entend et comprend la façon dont elle se manifeste comme logos-ce qui suppose l’ordonnance (harmonique) des choses, y compris celle du langage individuel et collectif-, constitue la seule façon pertinente d’insérer cette pensée dans son contexte propre. Proche en cela de la pensée archaïque qui use sans cesse de la polysémie, Héraclite paraît bien envisager le terme de « logos » en plusieurs sens : il signifie tantôt ce par quoi on connaît et exprime quelque chose (logos individuel), tantôt ce dont participent tous les hommes ( logos communautaire), tantôt encore ce qui met en rapport les choses par mesure, et tantôt enfin, ce qui fait l’unité de toute chose, qui met toutes les choses en rapport et les rassemble (Logos ontologique) ». [88]
Que dit-il explicitement de l’homme qui doit vivre et agir selon la nature, en écoutant la voix du Logos ?
 
2.3.2.3.     Anthropologie philosophique
 
Pour Héraclite, l’homme est un composé de trois éléments, à savoir le feu, l’eau, et la terre. Le feu est le seul élément conscient et quand il quitte le corps, ce qui reste (eau et terre) est sans valeur. Voilà pourquoi Héraclite dira sans broncher que « les morts sont à rejeter plus encore que le fumier » ( Fr. 96 ), car ce dernier a de la valeur pour le jardinier. Le feu anime l’homme. A la mort, l’homme se transforme : « Pour les âmes, mourir c’est se changer en eau ; pour l’eau, mourir c’est devenir terre ; mais de la terre vint l’eau et de l’eau vint l’âme » ( Fr. 36 ). Un autre fragment le dit à sa manière : « Pour les âmes, devenir humides c’est plaisir ou mort. Tous nous vivons la mort, et tous nous vivons notre mort ». De tout ce qui précède l’intérêt de tout homme est de garder son âme dans un état aussi sec possible : « Où la terre est sèche, l’âme est aussi sage et la meilleure » (Fr. 118).
La conscience étant l’élément enflammé, par son âme l’homme participe au principe universel et l’effort de l’homme sur cette est «  de maintenir vivant en lui le feu, de telle manière qu’il reste en communication avec l’ensemble des choses. Le mal, pour l’homme, c’est de se renfermer dans son être particulier, comme il arrive dans le sommeil »[89]. Voilà pourquoi Héraclite invite l’homme à veiller : « Il ne faut ni agir ni parler comme des dormeurs » ( Fr. 73 ),car «  pour ceux qui sont en état de veille, il y a un seul et même monde » (Fr. 89). Le seul bien qui existe pour l’homme est de s’ouvrir et de vivre conformément à la loi commune des choses comme le dit Werner (p. 21, cf. Fr. 2), ainsi on ne sera pas comme « ces gens qui ne savent ni écouter ni parler » (Fr. 19), car ils ignorent que «  la loi, c’est encore d’obéir à la volonté de l’un » (Fr. 33), et tout homme doit se convaincre qu’ à «  tous les hommes, il est accordé de se connaître eux-mêmes et de faire preuve de sagesse » (Fr. 116). L’immortalité consiste à se replacer dans le courant universel.
On ne peut pas fermer ce sous-titre sans citer quelques aphorismes non traduits par Voilquin mais se retrouvant chez Burnet : « L’homme est appelé par Dieu petit enfant, tout comme un enfant par l’homme » (Fr. 79)   
« L’homme le plus sage, comparé à Dieu, est un singe, de même que le plus beau singe est laid, comparé à l’homme » (Fr. 83, 82)
« (Le sage) n’est pas reconnu, parce que les hommes manquent de foi »(Fr. 86)
Cette anthropologie appelle l’homme à se connaître, à être éveillé, à chercher le vrai bien. En d’autres termes, être homme c’est rechercher l’équilibre et voir l’essentiel. Voyant que la plupart des gens vivaient en état de sommeil, Héraclite semble être pessimiste sur l’être humain : « Ce n’est pas ce que pensent la plupart de ceux qu’on rencontre ; on a beau les instruire, ils ne savent pas encore qu’ils se figurent savoir » (Fr. 17), « il y a une chose que les meilleurs préfèrent à tout : la gloire éternelle à ce qui est périssable ; mais la foule se rassasie comme un vil bétail » (Fr. 18). Plein de lui-même, il disait : « Tout ce l’on peut voir, entendre et apprendre, c’est ce que je préfère » (Fr. 55). Oui, il faut avoir les yeux pour voir et retenir l’essentiel, les oreilles pour entendre et savoir suivre les paroles sages, l’intelligence pour apprendre et savoir se laisser guider par le vrai savoir et la vérité. Quoi de mieux pour être Homme sur cette terre ? ou « pour Dieu, tout est beau et bon et juste ; les hommes tiennent certaines choses pour juste et d’autre pour injustes » (Fr. 102).
 
2.3.3.     APPRÉCIATION
 
Cette cosmologie ne va pas plus loin que celle des prédécesseurs. Héraclite explique la succession du jour et de la nuit, de mois et des saisons par les exhalaisons selon le chemin d’en bas et le chemin d’en haut. En ceci, il ne dépasse pas Anaximène de Milet qui a parlé de la condensation (ici d’en bas) et de la dilatation ou raréfaction (ici d’en haut). Mais en parlant de l’unité des contraires, Héraclite se révèle être le premier grand dialecticien de la nature, de la pensée et de la société. Hegel, Marx et Engels lui doivent beaucoup. On ne peut parler d’une chose sans penser à son contraire. Retenons avec J. Brun que chez Héraclite, le Devenir n’est pas de l’Être mais un certain devenir se fait dans l’Être.
Sachons que  «  derrière les antagonismes apparents, le philosophe voit l’unité profonde et finale, qui les soustendent. Car «  le chemin d’en haut et le chemin d’en bas sont un seul et même chemin » »[90]
Le « Panta rei » auquel les gens réduisent la cosmologie de Héraclite provient de PLATON s’attaquant à Héraclite pour mieux s’opposer aux Héraclitéens et aux Sophistes.[91]
S’inscrivant dans le contexte   mis en forme par les milésiens cherchant l’unité de la physis, Héraclite est à distinguer de l’héraclitisme. Il est un philosophe du devenir et de physis ( qui ) et de logos ( la façon dont le Feu se manifeste)[92]
Chez lui, ce n’est pas le devenir qui dirige tout, mais le Feu ( « la foudre gouverne toutes choses » Fr. 64).
 
D’accord avec Copleston, nous disons que la grande contribution d’Héraclite est de ne pas dire qu’il y a le changement dans le monde, mais dans «  la conception de l’unité dans la diversité, de la différence dans l’unité »[93] et cela contrairement à Anaximandre pour qui les opposés sont regardés comme empiétant l’un sur l’autre et comme payant en retour une amende pour cet acte d’injustice »[94].Héraclite est « le métaphysicien de l’unité retrouvée dans le calme et la profondeur », car « c’est à l’âme qu’appartient le Logos », c’est elle « qui en possède la profondeur » »[95].
            Nous voyons chez lui, une conception de l’homme qui privilégie le feu au détriment de l’eau et de la terre.
 
 
 
 
 
 
 
 
2.4. L’ECOLE D’ELEE
 
Cette école aura une caractéristique principale : le primat de l’être sur le devenir. Si Xénophane de Colophon peut en être retenu comme le précurseur ou l’initiateur, Parménide en est le fondateur.
 
2.4.1. XENOPHANE DE COLOPHON
 
2.4.1.1.          QUI EST-IL ?
 
Né vers 570 en Ionie, à Colophane, Xénophane est mort vers 478 avant Jésus-Christ à Elée. Bien qu’il soit né avant Héraclite, nous l’exposons après pour faire voir sa continuité en l’Ecole d’Elée.
Selon Jean BRUN, Xénophane quitta sa ville suite à l’invasion perse et alla à Elée et à Syracuse[96]. Il a écrit les Elégies, les Silles (= sorte de parodie railleuse) et un livre Sur la nature. Il fut philosophe errant, un RHAPSODE, un poète et un satiriste.
Esprit critique, et sceptique (« Il n’y eut dans le passé et il n’y aura jamais dans l’avenir personne qui ait une connaissance certaine des dieux et de tout ce dont je parle (...). Mais c’est l’opinion qui règne partout » (Fr. 34 De la nature)),  il ridiculisa Pythagore à cause de sa théorie de METENSOMATOSE («  Un jour, dit-on, Pythagore qui passait s’apitoya sur un chien qu’on battait et s’écria : « Arrête, c’est l’âme d’un ami que j’entends gémir sous les coups de bâton », Elégies, 7[97] ) et fut à son tour traité de polymathe ou d’érudit dépourvu d’intelligence par Héraclite d’Ephèse.
Quand bien même Platon le traiterait comme fondateur de l’Ecole éléate et Aristote le ferait passer pour le maître supposé de Parménide, Xénophane n’en est pas un, mais il reste, et en cela Aristote a raison, le plus ancien des partisans de l’unité, et parmi ceux-ci se trouve Parménide. Burnet fait remarquer qu’il voyageait trop pour être le fondateur de l’Ecole.[98]
 
 
 
 
2.4.1.2.          QUE DIT-IL ?
 
Considéré comme fondateur de la première tentative de DEMYTHOLOGISATION, Xénophane dénonça les conceptions anthropomorphiques et caricaturales que les hommes se font de Dieu. Il fut scandalisé par les écrits d’HOMERE et d’HESIODE attribuant aux dieux ce qui chez les hommes est objet d’opprobre et de honte comme le vol, l’adultère, la tromperie réciproque. ( cf. Fr. 1 et 12 ). Pour lui, les hommes font des dieux à leur propre image (cf. Feuerbach) : « Les mortels s’imaginent que les dieux sont engendrés comme eux et qu’ils ont des vêtements, une voix et un corps semblable aux leurs »Fr. 14. « Oui, si les bœufs et les chevaux et les lions avaient des mains et pouvaient, avec leurs mains, peindre et produire des œuvres comme les hommes, les chevaux peindraient des figures de dieux pareilles à des chevaux et les bœufs pareils à des bœufs, bref des images analogues à celles de toutes les espèces animales » Fr. 15. «  Les Ethiopiens disent de leurs dieux qu’ils sont camus et noirs, les Thraces qu’ils ont les yeux bleus et les cheveux rouges. » Fr. 16. « ...Laissons de côté les combats de Titans et des géants, les aventures des Centaures, fables inventées par les anciens. Loin de nous les querelles, les propos futiles et oiseux, ayons toujours pour les dieux les égards qu’ils méritent » Fr. 1. Comme on peut le remarquer, Xénophane n’est pas athée mais critique face à certaines conceptions.
 
2.4.1.2.1.       Sa conception de l’être, de la nature ou Cosmologie
 
Xénophane affirme l’unité de toutes choses et l’unité de l’être. Pour lui « toutes choses sont une, si le Dieu dirige toutes choses, il n’en demeure pas moins unique, immobile et en repos dans lui-même. Telle est la raison, avance  Jean BRUN, pour laquelle Aristote appelait Xénophane le premier partisan de l’un ».[99]
Pour Xénophane, « tout sort de la terre et tout retourne à la terre » (Fr. 27). Il le dit ainsi parce que « tout ce qui naît et croît est composé de terre et d’eau » (Fr. 29). Il reste convaincu que « c’est de la terre et de l’eau que nous naissons » (Fr. 33).
A vrai dire, en suivant de près ces fragments cités, il ressort deux éléments, à savoir la terre et l’eau. Ainsi quand on parle de l’unicité de l’être chez lui, on ne doit pas sous-entendre celle de la nature, mais celle de Dieu. Simplicius nous dit qu’au dire de Xénophane (et en cela il cite Théophraste), « ce un universel, c’est Dieu. Il montre qu’il est unique, parce qu’il est plus puissant que tout ; car s’il y a plusieurs êtres, dit-il, il faut que la puissance soit également partagée entre eux ; or dieu, c’est ce qu’il y a de plus excellent et de supérieur à tout en puissance »[100]
La conception de l’être nous débarque sur celle de dieu.
 
2.4.1.2.2. Sa conception de dieu
 
 
De la longue citation de Simplicius, on peut se faire une idée sur sa conception de dieu. Toutefois les opinions sur cette conception sont partagées. Jean BRUN parlera du monothéisme mitigé et il le qualifia de premier penseur grec véritablement monothéiste[101]et il basera son affirmation sur les Fr. 23, 24, 25. Frédéric Copleston le qualifiera de Moniste et non de Monothéiste[102]. Léon ROBIN le traitera de Panthéiste et non de monothéiste et s’appuiera sur les Fr. 23 et 26. Clément RAMNOUX le qualifiera d’un Monothéiste en conflit contre le polythéisme[103].
Pour savoir prendre position sur ces différentes prises de position, nous trouvons opportun de citer Xénophane lui-même :
« Il n’y a qu’un seul dieu, maître souverain des dieux et des hommes, qui ne ressemble aux mortels ni par le corps ni par la pensée » Fr. 23.
« Tout entier il voit, tout entier il pense, tout entier il entend » Fr.24. « Mais c’est sans aucun effort qu’il meut tout par la force de son esprit » Fr. 25
« Il reste toujours, sans bouger, à la même place et il ne convient pas de passer d’un endroit dans un autre » (Fr. 26).
Le Fr. 23 a l’allure d’un monothéiste combattant l’anthropomorphisme et le polythéisme. Le Fr. 24 manifeste l’omniprésence de dieu et le Fr. 25 frise le panthéisme. Mais de tout ce qui précède un MONISME est affirmé. Son dieu n’est pas un « un pur esprit, mais spatialité pesante non pas sans forme, mais avec une forme parfaite, invisible aux yeux de l’homme »[104], d’après Clément RAMNOUX. A dire vrai, il n’est pas facile d’interpréter Xénophane.
           
 
 
 
2.4.1.3. Appréciation
 
 
Toutefois nous voulons terminer avec Xénophane en l’admirant avec Léon ROBIN : «  Ce qu’il y a en effet de plus important chez lui, c’est un effort pour établir l’existence d’un ordre de valeurs suprême à celui de l’expérience sensible, de l’opinion sociale [« l’opinion (scepticisme cf. Fr. 38     préfigure Parménide) est le lot de tous les hommes = c’est l’opinion qui règne partout » Fr. 34 ], de la tradition religieuse, pour se représenter cet ordre en fonction d’une réflexion morale déjà hautement critique (...). Sa méthode n’est pas moins remarquable : au lieu de rendre, à la façon d’Héraclite, des oracles dogmatiques, il fait sortir ses propres vues de la polémique qu’il engage contre l’opinion commune [car « les dieux n’ont pas révélé toutes choses aux hommes dès le commencement ; mais, en cherchant, ceux-ci trouvent avec le temps ce qui est le meilleur » Fr. 18] ; l’esprit dialectique des éléates est déjà chez lui ».[105]                       
 
 Avec Xénophane, nous voyons que l’homme doit avoir un esprit critique à l’égard de sa tradition, de sa religion et de sa société. Il faut fuir le royaume du « ON », de l’opinion. Il faut savoir prendre position, car se définir en s’opposant est la loi du développement de la philosophie. Son Fr. 26, où il dit que dieu « reste toujours, sans bouger, à la même place... » balise le chemin de Parménide d’Elée.
 
 
2.4.2.     PARMENIDE D’ELEE
 
 
(Vers 540-470 avant Jésus Christ)
 
2.4.2.1. QUI EST-IL ?
 
Fils de Pyre, Parménide fut converti à la philosophie par le Pythagoricien Ameinias .[106] Il est reconnu comme étant le premier philosophe à pouvoir exposer son système en langage métrique.
Parménide donna des lois à Elée et chaque année les magistrats prêtaient serment de leur rester fidèles.[107] Homme politique, il s’est rendu à Athènes pour les alliances.[108]
Initié, Parménide fut mystique et religieux. Il connaissait bien la philosophie d’Héraclite. Il a écrit un poème intitulé De la nature.
 
2.4.2.2. QUE DIT-IL ?
 
 
2.4.2.2.1.        Sa conception de l’être
 
 
Parménide est célèbre pour avoir dit : « l’Etre est [ voie de la vérité ] et le Non-Etre n’est pas. »
Comment est-il parvenu à cette affirmation hautement métaphysique ? Lui-même, dans son De la nature, dit qu’il fut emporté par ces cavales afin de le conduire à la Divinité qui le reçut avec bienveillance. Sa main droite prise dans celle de la divinité, celle-ci lui parla en ces termes : «  Jeune homme (...), sois le bienvenu (...). Eloigne de ta pensée de cette voie de recherche [la voie des opinions humaines] et ne laisse pas l’habitude aux multiples expériences te forcer à jeter sur ce chemin des Yeux aveugles, des oreilles assourdies et des mots d’un langage grossier. Mais c’est avec le raisonnement [c’est nous qui soulignons ] qu’il te faut trancher le problème controversé que je viens de te dire. Il ne reste à ton courage [nous soulignons] qu’une seule voie.
« Fr. 2. Néanmoins considère fermement avec ton esprit [nous soulignons] aussi bien ce qui échappe à ta vue que ce qui lui est soumis... « Fr. 4-5. Eh bien donc ! Je vais parler ; toi, écoutes et retiens mes paroles qui t’apprendront quelles sont les deux seules voies [ nous soulignons ] d’investigation que l’on puisse concevoir. La première dit que L’ ETRE EST ET QU’IL N’EST PAS POSSIBLE QU’IL NE SOIT PAS [nous soulignons ]. C’est le chemin de la certitude, car elle accompagne la vérité. L’autre, c’est :L’ETRE N’EST PAS ET NECESSAIREMENT LE NON-ETRE EST [nous soulignons]. Cette voie est un étroit sentier où l’on ne peut rien apprendre. Car on ne peut saisir par l’esprit [nous soulignons] le Non-Être, puisqu’il est hors de notre portée ; on ne peut pas non plus l’exprimer par des paroles ; en effet, c’est la même chose que penser et être [nous soulignons ] ‘’Fr. 8. Il nous reste un seul chemin à parcourir : l’être est [ nous soulignons ]. Et il y a une foule de signes que l’Etre est incréé, impérissable, car il est complet, immobile et éternel [ nous soulignons ]. On ne peut pas dire qu’il a été ou qu’il sera, puisqu’il est à la fois tout entier dans l’instant présent, un, continu [nous soulignons]... On ne peut ni dire ni penser que l’Etre n’est pas [rappelez-vous que c’est le même chose, pour Parménide, que penser et être]. En effet l’Etre n’a ni naissance, ni commencement... Ainsi Dikè [Déesse de la Justice] ne relâchera -t-elle pas ses chaînes et ne permet ni la naissance ni la mort, mais maintient fermement ce qui est. A cet égard, le jugement porte sur ce dilemme : ou il est ou il n’est pas... l’Etre n’est pas non plus divisible, puisqu’il est tout entier identique à lui-même (principe d’identité, cf. Héraclite : Principe de contradiction ) [ nous soulignons ]. ...Il demeure identique à lui-même. Ainsi reste-t-il immuable, à la même place, car la puissance nécessitée le maintient étroitement dans ses limites qui l’enserrent de toutes parts. Par conséquent, il n’est pas possible que l’Être soit infini ; en effet, il ne lui manque rien et, s’il était infini, il manquerait de tout. [Nous soulignons]. L’acte de la pensée et l’objet de la pensée se confondent. Sans l’Être, dans lequel il est énoncé, on ne peut trouver l’acte de la pensée. ‘’
Nous avons voulu citer Parménide afin de lui laisser la parole avant de la commenter et de prendre position sur sa position pour LA STABILITE DE L’ETRE contre le devenir.
De tout ce qui précède, l’on voit que la voie de l’opinion, celle se faisant à la vue, à des expériences, conduit à l’affirmation du Non-Être, mais la voie de la vérité s’appuie sur le raisonnement, le courage, l’esprit. Parménide a foi dans la RAISON pour affirmer que l’Être est. ( Rationalisme, cf. Descartes ).
Toutefois, faisons remarquer que le poème de Parménide connaît plusieurs interprétations. Dario COMPOSTA retient six interprétations de l’Être de Parménide :
1)            l’interprétation mystique qui est celle de Plotin. Ce dernier entend l’Être de Parménide comme l’Un de Xénophane. A notre humble avis, l’un de Xénophane est dieu alors que l’Être de Parménide nous semble plus être confondu au monde, à l’univers, à ce qui est maintenu dans les chaînes par Dikè. En disant que l’Être est, Parménide semble énoncer la théorie du monisme corporel et J. BURNET peut avoir raison de qualifier Parménide de Père du matérialisme[109], car ‘’si l’on envisage l’Un sérieusement, on est obligé de nier tout le reste ‘’[110]. Frédéric COPLESTON abonde dans le même sens en qualifiant la théorie de matérialisme moniste ‘’dans lequel le changement, le mouvement sont rejetés comme illusoires’’[111]. Ici, «la raison seule peut appréhender la réalité, mais la réalité qui est appréhendée par la raison est matérielle»[112]
Notre point de vue est de ne pas confondre l’Être de Parménide à l’Un de Xénophane et Clémence RAMNOUX ne dit pas le contraire : ‘’Toutefois, c’est du dieu que Xénophane a dit : ‘’Il est Un ‘’. Quand Parménide dit : ‘’Il est UN’’, ce n’est pas du dieu qu’il s’agit’’[113]
2) l’interprétation idéaliste proposée par Hegel, Stengel, etc. Pour eux, ‘’l’existence de Parménide est une production de la pensée ; penser signifie être’’[114]. Ici, l’on doit se poser la question de la primauté d’existence entre l’Être et la pensée. Si Parménide dit que ‘’sans l’être, dans lequel il est énoncé, on ne peut trouver l’acte de la pensée’’, cela veut dire que l’on ne peut penser que l’Être, ce qui est et non le Non-Être qui n’est pas. En d’autres termes, la pensée n’engendre pas l’Être, mais elle ne peut penser que ce qui est. Ici , il n’ y a pas d’idéalisme, il y a tout au plus le matérialisme.
3) l’interprétation matérialiste de Comperz, Guthrie, etc. Pour eux l’Être est ‘’ la       somme des corps matériels, presque comme « substance » de Spinoza ‘’[115].                   On force la note en voulant comparer l’être de Parménide à la substance de Spinoza ( panthéisme), même si l’être est un.
NB :Chez Parménide, la Dikè maintient l’Être dans les chaînes
4) L’interprétation logique de Riezler, Paci, Calgero, Cappelle, Frankerl, Riedel, etc. Ils enseignent que l’être de Parménide n’est que la copule d’une proposition. Il n’existe pas un être antérieur à la prédication et donc à la grammaire et à la logique. En grammaire le verbe ‘’est’’ (...) est la fonction mentale à travers laquelle l’esprit, avec les jugements particuliers, unit les propriétés des corps. Le participe ‘’être’’ n’est qu’une formule générale pour indiquer la fonction copulative des jugements singuliers ; l’infinitif ‘’essere’’ est la formule indifférenciée de toutes les opérations «copulatives»[116]. Sachant que Parménide est aux prises avec les théories de Pythagore et d’Héraclite, il va sans dire que quand il parle de l’Être est, il prend position contre ‘’le froid devient chaud, le chaud froid, ...’’ Et le ‘’nous nous baignons et nous ne nous baignons pas dans le même fleuve ‘’ de Héraclite. L’interprétation logique semble passer sous silence le contexte conflictuel des écoles.
5) L’interprétation platonico-aristotélique ou catégoriale pour qui ‘’l’être de Parménide est un concept transcendant avec diverses significations : Substance, qualité, quantité, lieu, etc. L’Être est un concept qui se ‘’dit en plusieurs modes’’[117]. Le concept, dans notre cas, exprime ce qui est et qui est sous plusieurs modes. Cette interprétation ne semble pas exclure, dans le fond, l’interprétation matérialiste.
6)L’interprétation existentielle ou métaphysique : ‘’l’être est la forme originale primaire d’être [esserci ] dans le monde ‘’[118]. (Heidegger, C : FABRO, G. PRINI.).
Si Composta en donne six, Clémence RAMNOUX en trouve quatre : l’interprétation purement logique , celle de manière physique et celle de manière métaphysique et celle de manière plus méditative pour qui ‘’le sujet du verbe être reste n’importe quoi de positif, c’est-à-dire de présent vécu. A partir de n’importe quel présent vécu, au sein de la mouvance, la pensée, armée du discours s ‘installe dans l’affirmation que c’est. La sphère n’est plus pensée comme simple structure logique, ni comme corps du monde, ni comme autre monde’’[119].
Voici nos commentaires : l’Être est, cela est, il est, veut dire que ‘’l’univers est un plénum’’ comme le dit Burnet (p. 206), il n’y a pas d’espace vide, ni à l’intérieur ni à l’extérieur du monde. Ce qui exclut le mouvement, le devenir qui ne sont que des apparences, des illusions. L’Être est, signifie que ‘’pour l’Être il n’y a ni passé, ni futur ; il est dans un éternel présent. Ainsi est éteinte la génération, et la destruction est inconcevable ; il n’ y a pas de devenir’’, explique L. ROBIN (p. 111). La Stabilité et l’Unité de l’Être sont établies.
 
2.4.2.3.        Appréciation
 
Nous ne pouvons pas ne pas évoquer l’apparente contradiction existant entre les deux parties de son poème, à savoir La voie de la vérité et La voie de l’opinion. La première est celle de la pensée logique faisant appel aux principes d’identité et de la non-contradiction. ‘’Pour la première fois, avance Jean VOILQUIN, se trouvent éliminées la contradiction et l’incohérence’’[120]. La seconde est la pensée empirique avec la physique de l’opinion. Ici on a une description du monde sensible. N’est-ce pas cette coexistence de deux voies qui, en fait, doivent s’exclure qui a conduit Platon à parler du monde sensible qui est celui de la voie de l’opinion et du monde intelligible, celui de la voie de la vérité ? Voilquin propose un moyen de se tirer d’embarras ( où nous met Parménide avec les deux voies ) en admettant que ‘’ dans la voie de l’opinion, Parménide expose les idées du ‘’ grand nombre’’, la physique de son époque et qu’il nous met en garde contre toute tentation de l’adopter»[121]. Il est difficile de se prononcer là-dessus, car Parménide n’est pas clair à ce propos.
Nous devons reconnaître à Parménide le courage d’avoir pensé autrement que ses prédécesseurs, d’avoir établi un rapport entre être, penser et dire, car on dit ce qu’on pense, et on pense ce qui est. La philosophie du langage a en lui un de ses précurseurs.
En outre, Parménide dégage pour la première fois ‘’le principe de [ non ] contradiction’’[122] en tant que nécessité pour la pensée d’opter entre un oui et un non pareillement absolus ‘’ et de ce fait, comme le souligne Jean BERNHARDT, ‘’Parménide a fait franchir à la pensée occidentale un pas décisif, en imposant à ses successeurs éblouis l’idéal d’une rigueur intransigeante’’[123].
Par ailleurs, Parménide a doté la logique ( et sa métaphysique) de deux principes, à savoir celui de l’identité et celui de la non-contradiction.
Mais ces deux principes oublient que la réalité empirique, sociale, politique, admet la contradiction, que rien n’est pensable sans son contraire. La réunion des contraires ne mène-t-elle pas parfois à l’harmonie ? Le Rationalisme (la pensée logique) ne doit pas toujours se méfier de la pensée empirique. N’est-ce pas cet embarras qui a conduit Parménide à ce que sa Muse, après avoir chanté la vérité de Être, puisse chanter la réalité ‘’dangereuse de l’illusion» d’après Jean BERNARDT (p. 47) ? A vrai dire, ce n’est pas tous les jours que l’expérience des sens doit être tenue pour trompeuse. Ici aussi se trouve critiquer Descartes. Le fait que Parménide existe, écrit, grandit, vieillit, change d’opinions, parle, nomme, etc. ne prouve-t-il pas qu’il est tout en n’étant pas ce qu’il a été ? La divinité, la Dikè de Parménide, ne joue-t-elle pas un rôle épistémologique et ontologique comme le dieu de Descartes qui est là pour garantir la connaissance ? Et le dieu d’Aristote jouera le même rôle, celui d’expliquer le mouvement. Pierre SOMVILLE fait de Kant, Descartes et Meyerson des hypotyposes Parménidiens[124].
Pas question de l’Un et du Multiple, pas d’élément premier.
Parménide ne semble pas être préoccupé par la problématique de l’élément premier. Toutefois, devons-nous le dire, il parle de l’Être comme l’Un, et le Multiple appartiendrait à la voie de l’opinion.
 
 
 
2.4.3.                    ZENON D'ELEE
 
 
( vers 500 avant Jésus Christ )
 
2.4.3.1.          QUI EST-IL?
 
Zénon fut l'élève favori de Parménide.
Pendant que Parménide propose une métaphysique de l'Être la polémique de Zénon se dirige contre la possibilité du multiple, du mouvement. Il composa quarante preuves ou arguments pour démontrer que l'Être est un, et il le fit pour venir en aide à son maître Parménide.
Sa méthode d'argumentation fut appelée, depuis Aristote, La méthode dialectique, "au sens de technique d'épreuve des opinions ; cette méthode consiste, (…) à admettre la thèse adverse     à titre d'hypothèse, pour en déceler les contradictions internes, ce qui suffit, comme elle contredit exactement ce que l'on veut défendre, à établir la validité de celle-ci."[125] En d'autres termes, après avoir enseigné que l'être était un, indivisible et immobile et que la multiplicité et le mouvement n'étaient qu'illusion, Parménide était traité d'incohérent par ses adversaires, partisans du mouvement. Et Zénon d’Elée imagina des arguments, est par la méthode dialectique [dialogue ], il devrait démontrer l’incohérence des positions des détracteurs de Parménide. Ainsi il engagea des discussions sur la notion de pluralité et sur celle du mouvement.
           
Nous avons à faire à une méthode disputeuse ou éristique (Art de la controverse. Qui se plaît, se consacre à la controverse). « Le ressort de la méthode, c’est donc le principe de contradiction [entendez et lisez principe de non-contradiction], dans, toute la rigueur que lui avait donnée Parménide. Son effet [nous soulignons], c’est de confondre l’adversaire et de faire rire à ses dépens ; mais c’est aussi de fermer deux voies opposées, pour qu’il n’en reste plus qu’une seule où il soit possible de s’engager ».[126] Sa FIN positive est de ‘’ faire place nette à la thèse dogmatique de Parménide, autrement dit de lui porter secours’’[127]
 
 
2.4.3.2.          QUE DIT-IL ?
 
2.4.3.2.1. Sur les arguments de Zénon
 
 
D’après Aristote dans sa Physique, VI, 239a, «  il y a quatre raisonnements de Zénon sur le mouvement, une source de difficulté pour qui veut les résoudre. Dans le premier l’impossibilité du mouvement est tirée de ce que le mobile transporté doit d’abord parvenir à la moitié avant d’accéder au terme... Le deuxième est celui qu’on appelle l’ Achille : Le voici : le plus lent à la course ne sera jamais rattrapé par le plus rapide car celui qui poursuit doit toujours commencer par atteindre le point d’où est parti le fuyard, de sorte que le plus lent a toujours quelque avance. C’est le même raisonnement que celui de la dichotomie : la seule différence, c’est que , si la grandeur successivement ajoutée est bien divisée, elle ne l’est plus en deux. On tire bien comme conclusion du raisonnement que le plus lent ne sera pas rattrapé par le plus rapide (...) ».[128] Aristote bât en brèche ce raisonnement en ces termes :’’Quant à penser que celui qui est en avant ne sera pas rattrapé, c’est faux ; en effet, tant qu’il est en avant, il n’est pas rattrapé ; cependant il est rattrapé, pour peu que l’on accorde que c’est une ligne finie qui est parcourue.’’[129]
Que dire du troisième argument ? ‘’Le troisième (...), prétend que la flèche, en train d’être transportée, est en état de station. C’est la conséquence de la supposition [nous soulignons] que le temps est composé d’instants ; si l’on refuse cette hypothèse, plus de syllogisme’’.[130] Diogène le cynique a contredit l’argument qui nie le mouvement en se mettant tout simplement en marche.
‘’ Le quatrième, poursuit Aristote, a trait à des masses égales se mouvant en sens contraire dans le stade le long d’autres masses égales, les unes à partir de la fin du stade [nous soulignons ] , les autres du milieu [ nous soulignons], avec une vitesse égale. La conséquence prétendue [nous soulignons], est que la moitié du temps est égale à son double [nous soulignons]. Le paralogisme ( raisonnement faux, fait de bonne foi. C’est le contraire du Sophisme, faux raisonnement fait de mauvaise foi.) consiste en ce que l’on pense que la grandeur égale, avec une vitesse égale, se meut dans un temps égal, aussi bien le long de ce qui est mû que le long de ce qui est en repos. Or, c’est faux, se prononce Aristote’’[131]
Hervé BARREAU, à la suite de Simplicius, nous rapporte deux arguments ayant trait à l’absurdité de la pluralité :  « 1° Si la pluralité existe, elle doit être à la fois infiniment grande : infiniment petite, parce que ses parties doivent être indivisibles et donc sans grandeur ; infiniment grande, parce que toute partie sera séparée d’une autre par une troisième, cette dernière de la première et de la deuxième par une quatrième et une cinquième, et ainsi indéfiniment. 2° Si la pluralité existe, elle doit être à la fois finie et infinie en nombre : numériquement fini, parce qu’il y a autant des choses qu’il y en a , ni plus ni moins ; numériquement infinie, parce que deux choses sont séparées par une troisième, celle-ci est séparée de la première par une quatrième, de la deuxième par une cinquième, et ainsi infiniment ».[132]
Que retenir de Zénon ?
 
2.4.3.3. Appréciation
 
Le raisonnement par absurde  fait son entrée en vigueur, et l’effort de réflexion et de discussion que Zénon d’Elée a suscité a « largement profité à l’analyse philosophique des notions d’infini et de contenu, de nombre, de temps ou d’espace, et de mouvement ».[133] Le dialogue comme méthode entre en philosophie avant Socrate.
Par ailleurs, Jean BERNHARDT a raison de faire remarquer que ‘’ la réflexion commence ainsi à se faire philosophie et la dialectique de Zénon d’Elée, sorte de dialogue à une seule voix influencé déjà, certainement, par l’essor de la démocratie, annonce l’ouverture d’esprit et les confrontations d’idées qui marqueront, au sens restreint, la naissance de la philosophie, de la discipline qui veut soumettre un travail de libre et claire démonstration à la critique d’autrui’’.[134] A vrai dire, Zénon d’Elée est dogmaticien même s’il feint de dialoguer, car une fois que vous acceptez le postulat sans l’expliciter, vous tomberez dans son piège.
Et à ce propos ‘’Platon avait décidément raison quand, passant en revue les rhéteurs qui rendent   ‘’ n’importe quoi semblable à n’importe quoi’’, il attribuait la palme au Palamède d’Elée’’ ‘’(Phèdre, 121d), qui n’était autre que Zénon ‘’.[135]
« L’admirable, devons-nous le reconnaître avec H. BARREAU, est pourtant que cet habile dialecticien ait obligé les philosophes et les mathématiciens à relever le défit qu’il leur avait tendu, comme pour se jouer’’.[136] Anaxagore relèvera le défi en disant que l’Être est infiniment divisible.
 
2.4.4.       MELISSOS DE SAMOS
 
( Vers Vème Siècle avant Jésus Christ)
 
 2. 4. 4.1. QUI-EST-IL ?
 
Dernier représentant de l’école éléatique, Mélissos est né à Samos, en Ionie. Politiquement actif, Mélissos commanda la flotte samienne lorsqu’elle emporta sur la flotte athénienne en 442.
Disciple de Parménide et attaché à ce dernier comme Zénon d’Elée, Mélissos n’utilisa pas la méthode paradoxale de réfutation pour défendre son maître contre les attaques de ses détracteurs.
Son originalité qui est aussi son infidélité pour certains, est de vouloir préciser et limiter les théories de son maître. C’est un disciple critique ou héritier critique ; toutefois, devons-nous l’admirer, car tout en acceptant l’essentiel de la pensée de Parménide, Mélissos a repensé entièrement la théorie de son maître en y introduisant une correction magistrale ‘’qui constitue un très beau cas de fidélité créatrice ( c’est-à-dire pas imitatrice ) : infini dans le temps, ainsi que le concevait Parménide (Mélissos ne voit pas, du reste, que Parménide, il est plutôt hors du temps), l’Être doit aussi être déclaré infini en grandeur, faute de quoi il serait borné par quelque chose qui ne pourrait être que du non-être existant, du vide’’.[137] Indirectement li s’attaque à Dikè, et prolongeant sa pensée Dikè serait le Non-Être ; or le Non-Être n’est pas, seul l’Être est, et il est INFINI
 
2.4.4.2. QUE DIT-IL ?
 
2.4.4.2.1.        Sa conception de l’Être
 
Il a écrit Sur de la Nature ou l’Être et les dix fragments nous donnent sa conception de l’être.
Pour lui, ‘’ce qui a toujours été et sera toujours. Car, s’il était devenu, avant de devenir, il eût été nécessaire qu’il fut rien ; mais s’il était rien, il ne pourrait devenir rien de rien’’ Fr. 1. L’Être n’a ‘’ni commencement ni fin, mais est infini.’’ Fr. 2. Eternel, l’être a une grandeur infinie (Fr. 3). L’Être est Un, car ‘’S’il n’était pas un, il serait limité par rapport à l’autre...’’ ( Fr.5). Son Etre est l’univers :’’ donc l’univers est éternel, infini, un et uniforme ; il ne peut ni perdre ni gagner, ni subir un changement d’ordre interne, ni ressentir de la souffrance ou du chagrin (...). Si en dix mille ans l’univers avait changé d’un cheveux, dans le temps total il aurait péri.’’ Fr. 7. Mélissos rejette le changement et argumente : «  Si [nous soulignons] nous voyons et si nous entendons juste, il faut que chaque chose reste telle qu’elle nous a paru d’abord, sans changer ni s’altérer, qu’elle soit toujours ce qu’elle est. Or nous disons que notre vue, notre ouïe, notre intelligence sont justes ; le chaud nous semble devenir froid et le froid chaud, et le dur devenir mou dur, le vivant mourir ou naître du non-vivant, tout change, rien ne reste semblable à ce qui était (...). Il n’y a en tout cela concordance (...) il est donc clair que nous ne voyons pas juste, mais aussi que c’est à tort que toutes ces choses nous paraissent être. Car si [nous soulignons] elles étaient vraies, elles ne changeraient pas, mais chacune serait telle qu’elle paraît [nous soulignons]. Or, dans le changement, ce qui est péri, ce qui n’est pas devient [nous soulignons]. Ainsi, s’il y avait pluralité des êtres, il faudrait qu’ils fussent tels que l’Un’’ Fr. 8. Et il conclut : « Si [nous soulignons] l’Être est, il faut qu’il soit Un ; étant Un, il faut qu’il n’ait pas de corps car s’il avait de l’épaisseur, il aurait des parties et ne serait plus Un » Fr. 9. On dirait que nous sommes devant l’apéiron. C’est avec le Fr. 9. que l’on voit comment Mélissos, ‘’à la sphère éternellement présente de l’être parménidéen, [il] substitue finalement un ‘’quelque chose’’ d’incorporel et d’illimité, et cette défense des thèses éléates pourrait (-) ouvrir déjà, par ses infidélités à Parménide, une brèche dans l’identité de l’être ‘’[138] comme le fait remarquer Barbara CASSIN
NB : emploi de SI Þ OR Þ DONC. Comme chez Zénon d’Elée, Melissos a une argumentation logique qui fait que si l’on accepte le premier SI, on approuvera le DONC
 
2.4.4.3. Appréciation
 
Aristote n’a pas manqué de critiquer Mélissos dans ses raisonnements commençant par Si. ‘’Tous les deux, attaque Aristote, Mélissos et Parménide, font des raisonnements éristiques. Car leurs prémisses sont fausses et leurs syllogismes mauvais ; celui de Mélissos, surtout, est grossier et n’embrasse en rien ; laisse-t-on passer une absurdité [nous soulignons], les autres arrivent ; en cela pas de difficulté. Que Mélissos donc commette un paralogisme, c’est évident ; il croit pouvoir conclure, en effet, que si tout ce qui est engendré a un commencement, ce qui ne l’est pas n’en a pas. Ensuite, une autre absurdité est d’étendre à toute chose engendrée la notion de commencement en l’entendant selon la chose, non selon le temps, et cela non seulement pour la génération absolue, mais aussi pour l’altération, comme s’il n’y avait pas de changement en bloc. Ensuite, pourquoi déduire l’immobilité de l’unité ?...’’[139] La critique d’Aristote est fondée et il ne faut pas se laisser prendre par les prémisses.
Par contre, nous devons féliciter le courage de Mélissos qui ‘’ne garda pas intact l’enseignement qu’il en avait reçu. [car] il disait que le Kosmos est infini, alors que les autres l’avaient déclaré fini’’, au dire de Aetius cité par VOILQUIN (p. 112) et du fait que son tout ou son Être est incorporel. Un disciple est celui qui connaît et les qualités et les défauts de son maître, et qui de ce fait même, prend le courage de penser autrement. C’est en se définissant en s’opposant à son maître que Mélissos a fait un pas de plus dans le monde philosophique. Oui, ‘’ peu comparable à l’apéiron milésien, cet apéiron de Mélissos qui s’en souvient peut-être, atteste également les progrès de la représentation de l’espace’’.[140]
 
Nous voulons conclure l’Ecole d’Elée en citant Léon ROBIN : ‘’Penseur original et vigoureux, remarquablement ferme et lucide, Mélissos a été plus justement apprécié par Platon qui l’élève presque au niveau de Parménide, que par Aristote, qui le couvre d’insultes. L’Eléatisme qui survit, soit chez les sophistes, dans ses éléments critiques et négatifs, soit, en outre, dans ce qu’il a de plus profond et de plus philosophique, par une interprétation de la doctrine socratique de concept, dont la place est considérable dans l’histoire de la pensée grecque : l’interprétation mégarique’’.[141] Il est vrai que Euclide, chef de l’Ecole de Mégare, défendait certains
principes de l’éléatisme. Ainsi pour lui le Bien est un comme la vertu est une, même si on lui donne plusieurs noms ( Sagesse, Prudence, Pensée (Nous). Toutefois il est unique et hors de lui rien n’est réel. Reconnaissons aussi que les Empédocle, les Anaxagore et les Démocrite auront à se prononcer sur l’Être de Parménide.
 
 
 
2.5. EMPEDOCLE D’AGRIGENTE ( Sicile)
 
( vers 490-430 avant Jésus-Christ)
 
2.5.1. QUI EST-IL ?
 
D’une personnalité forte, Empédocle était suivi par un « cortège d’hommes et de femmes » (Fr. 112) pour lui demander la voie à suivre pour atteindre la richesse, car il passait pour un thaumaturge ; d’autres le suivaient pour entendre ses prédications, car il passait pour un prophète, d’autres, accablés de mille maux le côtoyaient pour entendre des paroles qui guérissent, car il était non seulement thaumaturge mais aussi médecin. C’est lui, au dire de Bertrand RUSSELL[142], qui fonda l’école italienne de médecine qui eut une grande influence sur Platon et Aristote. Toujours selon B. RUSSELL, il découvrit que l’air était une substance indépendante, ce qui le conduit presque à une théorie de la respiration. En tant qu’homme de science, nous dit RUSSELL, il observa aussi l’effet de la force centrifuge, et, en astronomie, il savait que la lune brillait « en réfléchissant la lumière et croyait qu’il en était de même pour le soleil ».[143]
Empédocle se prenait pour un dieu immortel venu près des hommes (Fr. 1112). Politiquement actif et partisan déterminé de la Démocratie même s’il était d’une famille aristocratique défendant la tyrannie, philosophe poète après Parménide, Empédocle fut banni de sa cité et se réfugia dans le Péloponnèse où il mourut soit d’une blessure soit en se jetant dans l’Etna selon la légende rapportée par Diogène Läerce. Il a sacrifié SA fortune, pour le bien de ses compatriotes.
 
Il a écrit sur la nature et Purification
Il semble que le sophiste Gorgias a été son disciple, selon Dario COMPOSTA.[144] « Plus jeune qu’Anaxagore par l’âge, Aristote le disant plus ancien par la pensée »[145]
Quelle est alors sa pensée ?
 
 
2.5.2. QUE DIT-IL ?
 
2.5. 2.1. Sa conception du monde (Cosmologie)
 
Sa pensée, comme le souligne avec justesse L. ROBIN, est un croisement de trois influences, à savoir le Pythagorisme, l’Eléatisme et le Héraclitisme. Il est un vrai ECLECTIQUE. De Pythagore, il prend la théorie de la métemsomatose. De Parménide, il retient que l’Etre est plein (FR. 14), inengendré, éternel (Fr. 11, 12), parfaitement identique à soi et constant. Mais, de lui, «  il rejette, non moins clairement, ce qui, dans l’éléatisme, fait obstacle à l’intelligibilité de l’expérience sensible : l’unicité de l’être et son immobilité éternelle. Ainsi, pas d’unité d’éléments premiers… » [146]De Héraclite, il retient l’idée de Devenir suite aux opposées Amour et Haine. Toutefois, « alors que, chez Héraclite, les contraires coïncident dans l’identité [lisez l’unité], la puissance qu’Empédocle appelle Amour ne se confond jamais avec l’antagoniste qui est la Haine, mais elle lui succède nécessairement »[147]
 
Du point de vue cosmologique confondu à la cosmogonie, Empédocle a une conception pluralistes’inscrivant en faux contre le monisme ionien et celui de Héraclite. Il pose une pluralité limitée de principes : six éléments décomposables en deux plus quatre. « D’un côté les deux grands pourvus d’un statut ontologique supérieur : les principes du Rassemblement et de la Discorde, autrement dit Amour et Haine, ou en vocabulaire théogonique, Aphrodite et Neikos, Harmonia et Cydeimos, ou autres noms équivalents » [148].A dire vrai, ces deux Grands jouent le rôle de principes moteurset ainsi, au cœur de cette cosmologie se trouve un dualisme, propre   à la religion ou à la théogonie. Les quatre principes pourvus d’un statut ontologique ne s’appellent pas, chez lui,   éléments ( en effet, ce   terme est récent et   il est de platon   ), mais RACINES DE TOUTES CHOSES : Feu, Terre, Air et Eau, et ils ont aussi des noms divins : « Apprends d’abord les quatre racines de toutes choses : Zeus, qui brille, [ Feu], Héra vivifiante [ Terre] , Aidôneus [ Air ] et Nestis [ Eau] qui alimente la source des larmes pour les mortels » (Fr.6). Ces racines sont éternelles (« Les insensés ! C’est par étroitesse de jugement qu’ils croient que ce qui n’existait pas auparavant peut devenir ou encore périr ou être absolument détruit » Fr.11), pleines ou sans vide ( «  Dans le tout, il n’y a rien de vide. D’où pourrait   provenir quelque chose qui l’augmentât ? » Fr.    14), identiques à elles-mêmes, germes d’où tout vient ( ce qui a été, ce qui est et qui sera).
Toutefois, nous dit Empédocle, « tous les [ 4 ] éléments sont égaux et également anciens ; cependant chacun a son rôle    propre, chacun a sa nature particulière ; tour à tour, ils   prédominent au cour d’un cycle. En dehors d’eux,   rien ne vient à l’existence ni ne cesse d’être ; car s’ils avaient continuellement   péri, ils n’existeraient pas maintenant. Et le Tout, qu’est-ce qui pourrait l’accroître, et d’où cet accroissement   pourrait-il provenir ? »
La dernière phrase de la citation nous débarque sur la rive de la question du comment expliquer le devenir des choses, si nous savons que ces éléments restent les mêmes. Comment donc «  courant les uns au travers des autres, ils deviennent tantôt ceci, tantôt cela, tout en demeurant toujours les mêmes » Fr. 17?
Empédocle explique le changement, le devenir par le Fr. 18 : « …il y a seulement mélange et dislocation des composants du mélange… ». Le Mélange des éléments s’appelle NAISSANCE chez les humains et dislocation ou séparation MORT douloureuse (Fr. 19). Les objets viennent à l’être par le mélange des éléments, mais les éléments eux-mêmes sont éternels, inengendrés et immuables, de telle sorte que l’air ne peut pas devenir eau. C’est leur mélange proportionné qui donne les différents objets de l’univers. Jean BERNHADT résume et explicite bien Empédocle : « Susceptibles de se mouvoir et de se mélanger, de se mouvoir les unes par rapport aux autres, de se mélanger les unes avec les autres, ces racines ressemblent aux bases d’une palette, avec lesquelles le peintre [ «  les hommes profondément habiles dans leur art choisissent des sucs multicolores, les mêlent harmonieusement, et, en prenant plus ou moins de chacun, en font des peintures ressemblant   à tout ce qui existe et représentent des hommes et des femmes, des bêtes sauvages… » Fr. 23] sait rendre toute la diversité des choses : de la même façon, on expliquera tous les phénomènes qui apparaissent et disparaissent sans faire appel à des créations absolues ou à des anéantissements absolus, on invoquera simplement et on décrira des processus de mélange et d’échange entre les racines.[149]
 
Deux forces motrices sont à la base de ce mélange et cet échange, du rassemblement et de la séparation : AMOUR et HAINE. I l y a un conflit entre les deux. Quand l’Amour domine en refoulant la Haine à l’extrême périphérique du Tout, il organise le mélange intime et parfait des racines ; quand la Haine revient en force, elle sépare les Racines. Retenons que tous les mélanges se font selon la loi d’ajustement mutuel, d’affinité : «  Et si tout ce qui se montre plus propre au mélange s’attire réciproquement, par l’action de la ressemblance et de l’Amour, en revanche ce qui est ennemi se tient à grande distance ; nature, composition, forme revêtues, tout contribue absolument à s’opposer à la réunion, sous l’empire affligeant de la Haine qui lui a donné naissance » Fr. 22.
La domination successive de l’Amour sur la Haine et vice versa conduit à un processus du monde circulaire ou à processus cyclique éternel. Empédocle le dit : «  Et ce changement perpétuel est sans fin : tantôt c’est l’ Amitié qui rassemble tout jusqu’à l’Un , tantôt au contraire tout est séparé et entraîné par la Haine . < Ainsi, dans la mesure où l’Un naît naturellement du multiple>, et qu’à son tour, par la division de l’Un, le Multiple se constitue, les choses naissent et ne durent pas éternellement. Mais, dans la mesure où le changement perpétuel est sans terme, elles subsistent toujours dans le cercle immuable de l’existence » Fr. 17. Le Problème de l’Un et du Multiple semble être résolu chez et par Empédocle.
Cette conception cyclique de l’univers n’a-t-elle pas des répercussions sur sa conception religieuse, est-ce contraire ou le et vice versa ?
 
2.5.2.2. Sa conception religieuse
 
Sa conception de Dieu refuse l’anthropomorphisme et s’apparente à celle de Xénophane. Il déclare : « Dieu ne possède pas le corps pourvu d’une tête humaine ; il n’a pas de dos d’où partent, comme deux rameaux, deux bras ; il n’a ni pieds, ni genoux agiles, ni membre viril couvert de poils. Il est uniquement un esprit auguste et d’une puissance inexprimable dont la pensée rapide parcourt l’univers » Fr. 134. Si Dieu est ainsi compris, « Bienheureux [est] celui qui a acquis un trésor de divines pensées, [et] malheureux [ sera] celui qui n’a sur les dieux qu’une croyance ténébreuses ». Fr.132. Pour Empédocle, « il n’est pas possible de nous approcher de la divinité et de la saisir par la vue ou de la toucher de la main, ce qui est la meilleure voie d’accès pour que la persuasion atteigne le cœur de l’homme  » Fr. 133. Empédocle est convaincu que tout ce qu’il dit sur les dieux lui est inspiré par la Muse Caliopè.
Outre cette conception sur Dieu, Empédocle, comme Pythagore, croit à la transmigration de l’âme, à la Métensomatose et il garde même les souvenirs de ses anciennes réincarnations. Pour lui, « c’est un oracle de Destin, décret antique des divinités éternelles, scellé d’amples serments que, si une âme a souillé son corps dans un moment d’égarement ou, en suivant la Discorde, s’est parjurée avec impiété – une de ces âmes qui ont reçu pour lot la longue vie – elle erre pendant trois fois dix milles raisons, loin des bienheureux, prenant au cours de différentes naissances, toutes les formes mortelles et passant tour à tour par les chemins ardus de la vie. C’est pourquoi la puissance de l’éther la plonge dans la mer, la mer la crache sur la terre, le terre la rejette dans les flammes du soleil brûlant qui la lance dans les tourbillons de l’éther ; ils la reçoivent à tour de rôle, et tous la détestent. Moi aussi je suis maintenant une de ces âmes, et je fuis les dieux, et j’erre, parce que j’ai obéi à la Discorde furieuse » Fr. 115. « Car, je fus, pendant un temps, garçon et fille, arbre et oiseau, et poisson muet dans la mer » . Fr. 117. C’est par la purification que l’on doit échapper à la transmigration.
     De tout ce qui précède, que dire d’Empédocle ?
 
2.5.3. Appréciation
 
Sans le traiter de Diplomate pour avoir parlé de quatre Racines ou éléments, il reste un esprit perspicace tenant compte du dire des autres pour prendre, à la fin, une position raisonnée. A notre humble avis, il se positionne confortablement entre Héraclite et Parménide même s’il est en deçà de la vision dialectique propre à Héraclite. Platon ne l’égalera pas, croyons-nous, en réconciliant Héraclite et Parménide, car Empédocle a compris que malgré le changement, il y a quelque chose de permanent dans ce monde sensible et que la naissance est possible.
Fils de son temps dont il veut se libérer de l’anthropomorphisme, Empédocle reste encore dans les chaînes théogoniques quand il fait appel à Aphrodite, Amour et Nerkos, Haine, voilà pourquoi, sans froid aux yeux Frédéric COPLESTON écrit : « Il échoua, cependant , dans sa tentative d’expliquer comment les processus cycliques matériels de la nature se produit, mais il eût recours à des forces mystiques, l’Amour et la Haine. Il était réservé à Anaxagore d’introduire les concepts de l’Esprit comme la cause originelle du processus de l’univers »[150]. Retenons, toutefois, que jusqu’à la chimie moderne on avait adopté ces quatre éléments. Certains voudraient le faire même le précurseur de l’Evolutionnisme et du Mutationnisme, théorie selon la quelle les espèces nouvelles surgiraient brusquement dans la nature. Pour   Clémence RAMNOUX, Empédocle a habillé « la science naissante de forme religieuse, allant par-là, au rebours de l’évolution destinée à triompher en Occident. Sa physique et sa mystique associées font, par contre, le pont entre la pensée des antiques cosmogonies et la pensée tardive des gnoses. Empédocle constitue donc un maillon important dans la chaîne d’une longue tradition »[151]. A propos des GNOSES dont parle Ramnoux, nous devons réfléchir car la Rose-croix, le message de Graal, l’Eckankar...qui poussent chez-nous mettent au centre de leurs enseignements la théorie de la REINCARNATION.
 
2.6. Anaxagore de Clazomènes ( Ionie )
 
( 500 avant Jésus Christ vers 428 avant Jésus Christ)
 
2.6.1. QUI EST-IL ?
 
Métèque Ionie, sortie de l’école d’Anaximène, Anaxagore fut le premier à introduire la philosophie à Athènes. Ainsi, « il appartient au cercle éclairé qui entourait Périclès »[152] qui, dans la jeunesse, fut son disciple. Trente ans, il vécut à Athènes, et comme les Athéniens avaient promulgué une loi permettant  la mise en accusation de ceux qui ne pratiquaient pas la religion officielle et répandaient des théories sur « les choses d’en haut » [153], Anaxagore fut accusé d’impiété pour avoir dit que le soleil était une pierre chauffée à blanc et que la lune était faite de terre. Il refusa une âme aux astres considérés comme des divins. Mis en prison, il en fut probablement tiré par Périclès et dû se retirer en Ionie, à Lampsaque où il mourut à un âge avancé. A dire vrai, à travers lui, c’est Périclès qui était attaqué par ses adversaires. Les citoyens de Lampsaque érigèrent « un monument à sa mémoire sur la place du marché (un autel dédié à l’esprit et à la vérité) et l’anniversaire de sa mort fut pendant longtemps un jour de congé pour les enfants de l’école ; il avait demandé lui-même, dit-on ».[154]
Il nous a laissé un livre Sur la nature.
Quelle est sa philosophie ?
 
2.6.2.   QUE DIT-IL ?
 
2.6.2. 1.   SA COSMOLOGIE
 
Comme Empédocle, il part de l’Eléatisme et il se démarque à la fois de deux. Avec les éléates, il dira que « Rien ne naît ni ne périt » Fr. 17 et que « le tout reste toujours égal à lui-même » Fr. 5.
            Devant le problème de l’un et du multiple, il rejeta l’Etre Un des éléates, et ne resta pas enfermé dans le nombre limite des éléments. Dépassant les quatre racines d’Empédocle, il pose une infinité d’éléments, un nombre infini et infiniment divers.
Ainsi, au commencement fut un mélange primitif se trouvant dans un repos primordial. Il est différent de l’Apéiron d’Anaximandre. Anaxagore affirme la pluralité de l’être sans « laquelle on ne pourrait jamais rendre compte du réel divers et changeant dont l’évidence est irrécusable »[155]. Anaxagore dit : « Toutes choses étaient ensemble infinies en nombre et en petitesse. Car, l’infiniment petit existait aussi. Et tant que les choses étaient ensemble, aucune ne pourrait être distinguée par suite de sa petitesse. L’air et l’éther occupaient tout, tous deux étant infinis, car dans toutes choses, ce sont celles-là qui l’emportent par le nombre et le volume ». (Fr. 1) Cette prédominance de l’air dans le tout nous fait penser à Anaximène. Ne dit-on pas que Anaxagore est sorti de l’école de ce dernier ?
Comme on peut le deviner à partir de ce fragment, le tout ou le mélange primitif est hétérogène dépourvu d’organisation. Puis intervint une REVOLUTION ( c’est un concept cosmologique et non pas sociologique et politique) qui met tout en branle, en rotation (tourbillon) de plus en plus rapide, le Tout. Le NOÛS, l’esprit, « a donné l’impulsion à cette révolution. Celle-ci, tout d’abord, n’a porté que sur une faible partie, puis elle s’est étendue d’avantage et s’étendra encore plus. » (Fr. 12.) De ce tourbillon, « il en est résulté mécaniquement des groupes séparés allant progressivement jusqu’au détail que nous connaissons dans le monde actuel et aux transformations que nous y observons » [156]. Ainsi se découvre l’organisation du corps, et où il y a toujours la prédominance d’un élément sur le tout d’un corps.
Mais qu’en est-il de ce NOÛS, ce fameux principe et cause de la révolution, du mouvement, du changement ?
Le NOÛS est « infini, autonome, et ne se mélange à rien ; il est seul lui-même et par lui-même, car s’il n’était pas par lui-même et s’il était mêlé à quelque chose, il participerait à toutes choses dans la mesure où il serait mêlé à une d’elles… Et ce qui serait mêlé au NOÛS l’empêcherait d’avoir pouvoir [nous signalons] sur chaque chose, comme il l’a maintenant étant seul lui-même (…). Tout ce qui a une âme, le plus grand comme le plus petit, est sous le pouvoir du NOÜS… tout ce qui est mélangé, et séparé et distinct, tout a été connu [nous soulignons] du NOÜS. De quelle façon tout doit être [nous soulignons] et de quelle façon tout a été et n’est pas maintenant [nous signalons], c’est le NOÜS qui l’a mis en ordre. Le NOÜS tout entier est identique, à la fois le plus grand et le plus petit... » Fr. 12. « Le NOUS, qui existe toujours [nous signalons], se trouve certainement, maintenant encore, là où est out le reste, dans la masse environnement, dans ce qui a été uni à elle et dans ce qui en est séparé » (Fr. 14)
Du NOÛS, suite à ce fragment, nous savons qu’il est le plus subtil, mais non immatériel, transcendant, tout en étant parfois immanent, infini, autarcique, actif, libre. S’il est ordonnateur, gouverneur et recteur universel comme le désigne Platon dans Philèbe, il n’est pas, cependant, une puissance créatrice
Par ailleurs, l’on doit ajouter que chez Anaxagore, on n’a pas une conception finaliste des choses. Platon la thématisera dans son Timée. Et Leibniz parlera de «  Principe de raison ». Aristote la développe avec sa théorie de quatre causes. Si l’on ne peut pas le confondre au Logos d’Héraclite, il ressemble plus au Dieu de Xénophane par sa conscience, son omniscience. Mais disons-le déjà, Anaxagore n’a pas parlé de Dieu, même Cicéron et Aétius identifieront son NOÛS à Dieu (« Aétius, I, 7, 14. Anaxagore : Dieu est l’intelligence qui a fait le monde »).
Reconnaissons qu’Anaxagore introduit le Noûs en fonction de l’ordre de l’univers “et non pour une tension idéale et religieuse de l’homme, vers Dieu »[157], comme le souligne Dario COMPOSTA.
 
La cosmologie d’Anaxagore, contrairement à celle d’Empédocle, affirme que les choses ou les corps élémentaires ne sont pas réellement distincts les uns des autres. Pour lui, «  les choses se trouvant dans notre monde unique ne sont pas isolées les unes des autres, ni tranchées comme à la hache, ni le chaud à partir du chaud » Fr. 8, car « en tout, il y a une parcelle du tout, sauf du NOÛS. » Fr. 11. Oui, « les autres choses ont une part du tout… »Fr. 12. N’oublions jamais qu’il y a beaucoup de parts dans beaucoup de choses. Mais rien ne se sépare absolument ; une chose n’est pas distincte entièrement d’une autre, sauf le NOÛS. Mais aucune chose n’est non plus complètement semblable à une autre ; et « chaque chose est et était manifestement ce dont elle contient le plus. »Fr. 12. Oui, si tout était complètement semblable à tout, il n’y aurait pas de Multiple originaire, et c’est dans le tout primitif ou le mélange primitif que se situe le langage de l’Un originaire.
 
2.6. 2.2. Anthropologie philosophique
 
Cette cosmologie a aussi une brèche anthropologique qui veut que l’homme soit différent des autres êtres vivants non pas à cause de son intelligence (car le noûs est le même dans tous les êtres animés ), mais grâce à ses MAINS. C’est sa constitution physique qui l’en différencie. Aristote ne sera pas d’accord avec cette anthropologie, car pour lui l’homme est un animal rationnel.
 
2.6.2.3. Théorie de la connaissance (épistémologie)
 
En outre, la cosmologie d’Anaxagore contient une Théorie de la connaissance. Les éléments constituant l’être sont-ils connaissables ? Il y répond sans aller par quatre chemins : «  Aussi ne pouvons-nous, ni par la raison, ni en fait [nous soulignons], connaître le monde de ces choses séparées »Fr. 7. Cela est dû « à cause de la faiblesse de nos sens, [ et à cause de cela] nous sommes impuissants à distinguer la vérité » Fr. 20. Faut-il alors sombrer dans le scepticisme, l’agnosticisme ou l’apophatisme ? Non, mais « ce qui est visible ouvre nos regards sur l’invisible » Fr. 21. L’homme doit utiliser son expérience, sa mémoire, sa sagesse et son activité même si en force et en vitesse il est inférieur à l’animal. Cette théorie de la connaissance nous pousse à ne pas nous arrêter tout simplement à la connaissance sensible, celle de ce qui apparaît, celle des phénomènes, il faut ouvrir nos regards sur « l’invisible ». Cet « invisible » est-il connaissable ? Oui, semble-t-il, car il nous invite à y aller, contrairement à Kant qui posera l’EN-SOI et qu’il reconnaîtra comme inconnaissable. Quand Husserl parle d’aller à la « chose elle-même » ne répond-il pas à l’appel d’Anaxagore ?
 
Que dire en conclusion ?
 
2.6.3. Appréciation
 
Nous trouvons injuste l’appréciation d’Aristote qui veut qu’Empédocle soit plus ancien par la pensée par rapport à Anaxagore. Poser le NOÛS comme l’intelligence principe de l’univers, c’est vouloir séparer la cosmologie de la cosmogonie, et c’est aussi faire émanciper la pratique philosophique et scientifique de la religion faite à l’image de l’homme ou de la tradition. S’il n’a pas parlé de Dieu, encore moins de la morale, c’est une option méthodologique, et il est prématuré de l’accuser de l’athéisme, car le Fr. 21 a l’allure mystique : « Ce qui est visible ouvre nos regards sur l’invisible ». Cicéron et Aétius, dans cette optique, n’ont pas totalement tort de confondre son NOÛS à Dieu, et surtout au Dieu de Xénophane, ne parle-t-on pas de l’athéisme méthodologique ? N’en est-il pas l’initiateur ?
 
B. Russell reconnaît en lui « le premier [qui] explique que la lune brillait en réfléchissant la lumière… Anaxagore donne l’explication correcte des éclipses et place la lune au-dessus du soleil »[158]. Par ailleurs, « il rejette l’idée que la fatalité et le hasard puissent être à l’origine des choses. Toutefois sa cosmologie ne fait pas état de la Providence »[159].
Sa conception du tout mélange primitif qui connaîtra un mouvement le séparant ne nous fait-il pas penser à la Théorie du Big Bang postulant un Atome primitif qui aurait explosé au Temps initial ? Socrate expliquera l’ordre du monde à partir du Dieu Intelligence.      En cela, il est disciple de Anaxagore.
Anaxagore restera le symbole d’un philosophe courageux cherchant, au nom de ses convictions et ses observations, à se frotter à la tradition scientifique, religieuse et philosophique de son temps.
 
 
 
 
2.7. L’ECOLE ATOMISTE
 
2.7. 1. Leucippe de Milet et Démocrite d’Abdère (Ionie)
 
2.7.1.1. QUI SONT-ILS ?
 
Né vers 480 avant Jésus Christ et contemporain d’Empédocle et de Anaxagore, Leucippe est le fondateur de l’École atomiste même si Epicure nie son existence. D’après Diogène Laërce, il fut disciple auditeur de Zénon d’Elée.
Leucippe a écrit Le grand Système du monde et De l’esprit. Il s’est gardé de l’ivresse logique [l’expression est de Léon ROBIN, p. 138] des éléates et a cherché à sauver la pluralité, le mouvement, la génération et l’avenir.
Démocrite (vers 460- 370 avant Jésus Christ), plus jeune et contemporain de Socrate, à qui il survivra, a fait de grands voyages en Orient et en Egypte. Il a une connaissance encyclopédique. A dire vrai, la tradition n’a pas droit à le classer parmi les Antesocratiques. Il fut disciple de Leucippe. Il a été à Athènes et il y est passé incognito : « Je suis venu à Athènes ; nul ne m’y connaissait »Fr. 16. De ses différents voyages, il est revenu, nous dit Nietzsche, pauvre et sans ressource. Ainsi il fut réduit comme un mendiant à vivre des aumônes de son frère, et son disciple. Marx vivra des aumônes de son ami Engels. Méprisé pendant sa vie où il a failli mourir de faim, Démocrite, homme que sa ville natale tenait pour un prodigue, homme à qui on refusa une sépulture honorable, selon Nietzsche, connut après sa mort, de la part de sa parenté une reconnaissance et on élèvera en son honneur des monuments. Platon ne le cite jamais dans ses Dialogues, on dirait qu’il ne le portait pas dans son cœur. A ce propos Nietzsche regrette : « Le divin Platon n’allait-il pas jusqu’à tenir ses écrits pour si dangereux qu’il comptait les détruire par un autodafé privé et n’en fut empêché que par cette considération qu’il était trop tard, que le poison s’en était déjà répandu »[160]. D’après une traduction tardive, selon Nietzsche, il riait toujours.
Nous devons reconnaître qu’il est difficile, en traitant de la philosophie atomiste, de distinguer ce qui est dû à Leucippe et ce qui est dû à Démocrite. Voilà pourquoi, soulignent Barbara CASSIN et John BURNET, Aristote parle presque toujours de « Leucippe et Démocrite » et Nietzsche n’hésite pas à appeler le maître et son disciple, « deux doubles »[161].Mais il ne faut pas confondre Démocrite à Leucippe comme l’insinue Legrand[162]
 
2.7.1.2. Que disent-ils ?
 
2.7.1.2.1. cosmologie
 
Prolongeant et se démarquant de l’Eléatisme, Leucippe et Démocrite considèrent l’Etre comme une multiplicité infinie de masses, invisible en raison de leur petitesse. Qu’est-ce à dire ? Comme le dit Pierre – Maxime SCHUHL, l’Etre de Démocrite est partagé «  en corps insécables, les ATOMES, qui sont, comme l’être parménidéen, impassibles et impérissables. Ils ne se distinguent que par des déterminations spatiales. C’est la « figure » qui fait d’eux des formes (en grec « idée ») rondes ou anguleuses ou crochues, etc. C’est l’accrochage de ces atomes dans le vide qui constitue les corps. Il se produit un tourbillon, au sein duquel s’effectue un triage. Et ainsi se forment les mondes, par des causes purement mécaniques »[163]. Cette citation constitue le résumé de l’atomisme. Autrement dit, Leucippe et Démocrite, tout en reconnaissant l’Etre de Parménide, acceptent aussi l’existence du Non-Etre qui est le VIDE. Celui-ci n’a pas d’être ou de matière, il n’a pas de corps, il est incorporel. On aura à faire remarquer que l’Atomisme qui se veut MATERIALISTE reconnaît la présence d’un corps immatériel.
 
Le VIDE est postulé pour l’explication du mouvement. En outre « la raréfaction et la condensation ne s’expliquent que par l’espace vide ».[164]
Les atomes sont inengendrés, immuables, impassibles ou inaltérables, très petits, multiformes et en nombre infini. Ils sont imperceptibles, sans qualité exceptées la solidité et l’impénétrabilité. Ils diffèrent les uns des autres par la figure (ex : A et N), par la forme(schêma) ( ex. : les uns anguleux et les autres ronds), par l’ordre(taxis) dans lequel ils sont disposés ( les atomes de même figure comme AN et NA), par la position (thesis)(ex. : Z et N ou I et H) et par la grandeur. Pour Nietzsche, « la principale différence est dans la forme, qui indique la différence de grandeur et de poids »[165].Tous les êtres sont de même nature.
 
Tout étant fait d’atomes, l’âme est composée d’atomes les plus mobiles, ronds du feu et répandus dans tout le corps qu’ils mettent en mouvement. « Ils y sont renouvelés par la respiration, grâce à laquelle la vie se maintient dans l’organisme »[166].
Revenons au mouvement et à son explication.
Pour Leucippe et Démocrite, au commencement les atomes existaient dans le vide et n’y eut aucune force motrice comme cause nécessaire à leur premier mouvement. Pour ces deux, le mouvement éternel des atomes est considéré comme se suffisant à lui-même. Démocrite exclut, après son maître, toute explication causale : « Pour toute explication causale, je donnerai l’empire des Perses ».[167] Toutefois nous devons nous interdire de dire que Leucippe et Démocrite attribuaient le mouvement au HASARD. Pour Leucippe, « rien ne se produit vainement, [nous soulignons], mais tout [nous soulignons] se produit à partir d’une raison et en vertu d’une nécessité [nous soulignons] »[168] . Rien n’est laissé au hasard, tout se fait en vertu d’une nécessité. (C’est Epicure qui introduira le concept de HASARD dans l’Atomisme. Legrand nous prévient que la sentence de «il y a et il n’y a pas de hasard attribué à Démocrite proviendrait de Mallarmé. Jacques Monod est tombé dans cette erreur quand il attribue à Démocrite cette sentence qui est son épigraphe : « Tout ce qui existe dans l’univers est le fruit du hasard et de la nécessité ». A dire vrai, le titre de son fameux livre réconcilie Démocrite et Epicure).Celle-ci n’est pas à confondre au NOÛS d’Anaxagore. Non. Pour lui, l’éternité et la continuité du mouvement ne demandent aucune explication en dehors de cette nécessité qui n’est pas non plus à confondre au premier Moteur Immobile d’Aristote. D’ailleurs, ce dernier l’a bien compris et c’est pourquoi il les blâme, car ils n’ont pas expliqué la source du mouvement. On critique toujours une philosophie par une autre. Nous avons affaire à une nécessité mécanique, et c’est parce qu’il y a le VIDE qu’il y a le mouvement. A dire vrai, Leucippe et Démocrite désacralisent le monde en le vidant de la HaineAmour de Empédocle et du NOÛS de Anaxagore. Est-ce une nouveauté ? Oui, dans le sens où c’est du jamais entendu sous le soleil. A ce propos, nous sommes d’accord avec Nietzsche qui reconnaît que Démocrite est le premier à exclure sévèrement de son système tout élément mythique. Il est le premier rationaliste matérialiste et athée dans le monde grec( ?).
 
Quelle théorie de connaissance sera-t-elle liée à cette Cosmologie ?
 
2.7.1.2.2. Théorie de connaissance ou GNOSEOLOGIE
 
La théorie de la perception sensible est énoncée. « La perception s’explique par le fait que les corps extérieurs émettent des images : ces images pénètrent dans l’œil et produisent la vision. Cependant les qualités que nous apercevons par les sens, comme les couleurs, ne sont qu’une apparence, une «  convention » ; ce qui existe en réalité, ce sont les atomes et le vide »[169]. Ainsi on a deux formes de connaissance : «  l’une véritable, l’autre obscure. A la connaissance obscure appartient : la vue, l’ouïe, l’odeur, le goût et le toucher. La véritable connaissance est toute différente. Quand la première se révèle incapable de voir le plus petit, ou d’entendre, ou de sentir, ou de goûter ou de toucher et qu’il faut pousser ses recherches sur ce qui est difficilement perceptible à cause de sa finesse, alors intervient la connaissance véritable qui, elle, possède un moyen de connaître plus fin. » Fr. 11. Quel est ce «  moyen de connaître plus fin » ? Nous l’ignorons (mais la physique nucléaire peut y répondre). Bien que G. Capone BRAGA cité par D. COMPOSTA ( p. 119) dise que Démocrite ne fut pas sceptique, certains fragments gardent l’allure du scepticisme : «  Nous ne saisissons pas véritablement ce que chaque chose est ou n’est pas » Fr. 10, du fait qu’ «  en réalité nous ne savons rien, car la vérité est au fond de l’abîme » Fr. 117. « ...il est embarrassant de savoir ce qu’est véritablement chaque chose » Fr. 8. Du moins, nous savons qu’il échappe au scepticisme quand il réserve la vraie connaissance aux atomes et au vide.
 
Il est une des théories de Démocrite dont beaucoup d’historiens ne font pas cas. Il s’agit de sa conception politique.
 
 
            2.7.1.2.3.  Conception politique
 
Démocrite met l’accent, dans la res publica, sur l’intérêt public. « Il faut mettre au tout premier rang l’intérêt public, afin que la cité soit bien gouvernée » Fr. 253. Toutefois les honnêtes gens ne doivent pas « négliger leurs propres affaires pour s’occuper des affaires d’autrui... Si d’autre part l’intérêt public se trouvait en quelque sorte négligé, on y perdrait sa réputation, même sans commettre de prévarication ou d’injustice » Fr. 253. Dans cette logique, « la justice consiste à faire ce qu’il faut, l’injustice à ne pas le faire et à s’y soustraire » Fr. 256. Alors l’on ne doit pas être surpris d’entendre Démocrite dire qu’« on devrait partout supprimer l’ennemi public » Fr. 259. Et que « quiconque tue de sa propre main un voleur de grand chemin ou un brigand, ou encore le fait de tuer par personne interposée ou faire décréter sa mort, doit être tenu pour innocent »Fr. 260.
Par ailleurs, Démocrite est pour la MERITOCRATIE, car il demande de « rendre des honneurs à ceux qui en sont les plus dignes, [car] c’est assurer la plus grande part de justice et de vertu » Fr. 263 et de ce fait, « le commandement appartient naturellement au meilleur » Fr. 267.
Pour que cette conception politique réussisse, il faut que l’homme lui-même se prenne au sérieux. Et Démocrite conseille : « N’aie pas honte devant les autres plus que devant toi-même ; ne t’autorise pas du fait que personne ne connaîtra ta conduite pour agir plus mal que si tous en étaient informés. C’est toi-même qu’il faut respecter [nous soulignons ] ; il faut instituer cette loi dans ton cœur : n’y rien laisser pénétrer de fâcheux » Fr. 264.
Cette conception va de pair avec son Éthique.
 
2.7.1.2.4. Son Éthique
 
D’ après Fernando GIL, le concept clef de l’Éthique de Démocrite est KRESIS qui signifie «  équilibre dynamique » et celui-ci « se situe soit à l’intérieur du microcosme qui l’entoure immédiatement »[170]raison, de la souffrance et de l’insubordination d’une âme paralysée par la douleur » Fr. 290 et il faut savoir «  supporter patiemment la pauvreté [ car cela ] est le fait d’un homme maître de soi » Fr. 191.. A vrai dire, il s’agit de la juste mesure. Il dit : « En tout, la juste mesure est belle ; l’excès et le défaut me déplaisent » Fr. 102. Oui, «  si on dépasse la juste mesure, on rend souverainement désagréables les choses les plus agréables » Fr. 233. Pour être dans la juste mesure, de l’homme Démocrite exige la maîtrise de soi et celle-ci doit surtout se faire voir dans des situations critiques, et à ce propos Démocrite exhorte : « Triomphe, par la
 
Si la JUSTE MESURE et la MAITRISE DE SOI  sont bien comprises, alors on comprendra que "le BONHEUR et le MALHEUR se trouvent dans l'âme" Fr. 170 et que le vrai bonheur " ne consiste pas dans la possession de troupeaux et de l'or. C'est l'âme qui est le siège de la béatitude" Fr. 171. Ainsi de ce fragment, on saura que "ce ne sont pas les forces physiques ni les richesses qui rendent heureux, mais la DROITURE et la PRUDENCE" Fr. 40. S'il en est ainsi, l'on doit "rechercher des biens divins; se contenter de biens humains" Fr. 37.
 
Mais quel est le vrai BIEN DE L'AME qui doit procurer la TRANQUILLITE DE L'AME? C'est le PLAISIR, en dernière analyse, car il procure la joie durable et permanente. Oui, "le meilleur pour l'homme est de vivre avec le maximum de joie et le minimum de tristesse. Or, ce n'est pas impossible, si l'on ne place pas le plaisir dans les choses périssables" Fr. 189. Et à ce propos Démocrite avertit : "Il ne faut pas aspirer à tout plaisir, quel qu'il soit, mais à celui qui est lié au beau" Fr. 207, et l'on ne doit pas oublier que "des plaisirs intempestifs provoquent le dégoût" Fr. 71. De ce fait, "pour l'homme, la tranquillité de l'âme provient de la modération dans le plaisir et de la mesure dans le genre de vie [nous soulignons]. …Aussi faut-il éviter de désirer ce qui ne nous appartient pas, nous contenter de ce que nous possédons, en comparant notre vie à celle des plus misérables et nous juger heureux en songeant à ceux qui souffrent…En adoptant cette manière de voir, on vivra plus tranquillement et pas mal de calamités nous seront épargnées: l'envie, la jalousie et la haine" Fr. 191. Cette manière de voir nous fera acquérir la "SAGESSE qui supprime les maux de l'âme" Fr. 31 comme la médecine soigne les maux du corps. Toutefois la SAGESSE n'a pas d'âge, car "on peut constater de la sagesse chez les jeunes gens et chez les vieillards de la déraison; car ce n'est pas l'âge qui rend sage, mais une EDUCATION appropriée et la NATURE" Fr. 183 et n'oublions pas "que la nature et l'éducation sont proches l'un de l'autre. Car l'EDUCATION transforme l'homme, mais par cette transformation, elle lui crée une SECONDE NATURE" Fr. 33. Cette éducation et cette seconde nature nous aideront à comprendre que le "sage est celui qui ne s'afflige pas de ce qui lui manque et se satisfait de ce qu'il possède" Fr. 231.
 
A côté de la juste mesure, de la maîtrise de soi, de la tranquillité de l'âme et de la sagesse, Démocrite met aussi en exergue le concept du DEVOIR. Pour le philosophe d'Abdère, "on évite les fautes, non par peur, mais par sentiment de devoir" Fr. 41; et le "devoir, c'est de retenir l'homme injuste; à tout le moins de ne pas s'associer à son injustice" Fr. 38. En fait, "on doit être homme de bien ou imiter les gens de bien" Fr. 39. Pour Démocrite, "céder à la loi, à l'autorité et au plus sage que soi, c'est avoir le sens de ses devoirs" Fr. 47. Le sens du devoir fera comprendre que "l'homme bienfaisant n'est pas celui qui regarde s'il sera payé de retour, mais celui qui se détermine à bien faire de son propre mouvement [pensons ici à la bonne volonté de Kant]" Fr. 96. Par ailleurs, nous dit Démocrite, "notre devoir, c'est de dire la vérité et c'est aussi la conduite la plus avantageuse" Fr. 225 et l'homme a le devoir d'"instituer cette loi dans son cœur: n'y rien laisser pénétrer de fâcheux" Fr. 264.
 
Avant de fermer ce chapitre, faisons remarquer que Démocrite était misogyne et du sexe il avait une opinion particulière: "Que la femme n'exerce pas sa langue, ce serait terrible" Fr.110. "Être commandé par une femme serait pour l'homme la pire des offenses" Fr.111. "La femme est beaucoup plus portée que l'homme aux actes imprudents et irréfléchis" Fr.273. "Parler peu, c'est une vraie parure pour une femme; la simplicité dans la parure a de la beauté" Fr.274. "L'acte sexuel est une courte apoplexie: l'homme sort de l'homme, s'en détache et s'en sépare comme sous l'effet d'un coup" Fr.32. "Les hommes éprouvent à se gratter le même plaisir qu'à faire l'amour" Fr. 127. "Je n'approuve pas chez l'homme la procréation, car dans le fait d'avoir des enfants j'aperçois de nombreux et considérables dangers; j'y vois, au contraire, peu de satisfaction; encore sont-ils minimes et sans poids"Fr. 276. "Pour quiconque a besoin d'assurer sa descendance, le mieux, me semble-t-il, est d'adopter le fils d'un de ses amis. On aura un enfant tel qu'on a le désir. On peut le choisir d'après ses propres goûts et d'après ce qu'on voit en lui de capacités et de dispositions naturelles à l'obéissance…"Fr.277.
 
Que dire en conclusion?
 

2.7.1.3. Appréciation
 
Leucippe et Démocrite ont eu le courage de prendre position et de réfléchir autrement que les prédécesseurs et les contemporains. Ces atomistes, contrairement à Empédocle, Anaxagore, ont expliqué le monde sans introduire un Esprit ou des forces divines, et "contrairement à Socrate, Platon et Aristote, [ils] cherchèrent à expliquer le monde sans introduire la notion d'intention ou de cause finale » [171]et ont le mérite d'avoir mené des tendances antérieures à leur conclusion logique, fournissant un exposé et une explication purement mécanique de la réalité"[172].A ce propos Nietzsche ne dit pas le contraire quand il affirme que «  de tous les systèmes anciens,celui de Démocrite est le plus logique :il suppose la plus stricte nécessité partout présente,il n’y a ni interruption brusque ni intervention étrangère dans le cours naturel des choses »[173].Sur ce point Karl MARX est son disciple. Pensons à sa thèse de doctorat de 1841 consacrée à Démocrite et Epicure.
Reconnaissant que Démocrite a été sali dans le passé, Nietzsche ne s’empêche pas de dire que «nous devons à Démocrite bien des sacrifices funèbres rien que pour réparer tant soit peu les torts du passé envers lui. En effet, il est rare qu’un écrivain considérable ait eu à souffrir autant d’attaques dues à des raisons diverses.»[174]
Par ailleurs, repris par "Epicure, l'atomisme devrait avoir la plus brillante destinée, et rester jusqu'à nos jours, la base de toute science de la nature"[175]. Avec Démocrite, le rationalisme s’affirme encore plus.
La pensée politique de Démocrite invite l'homme à se prendre en charge tout en respectant le bien public ou commun et à se respecter, à avoir peur de sa propre conscience.
L'Ethique de Démocrite influencera les Epicuriens et les Stoïciens avec les concepts de Juste mesure dans le plaisir, avec celui de la maîtrise de soi devant les infortunes, avec celui de la tranquillité de l'âme. Son concept du devoir nous fait penser à Kant avec son impératif catégorique et la morale du devoir par devoir. Ceci nous pousse à ne pas suivre Legrand quand il affirme que la valeur philosophique de Démocrite est « très douteuse »[176].Sa philosophie politique et morale prouve le contraire. Démocrite fut philosophe[177]et homme des sciences à la fois. Mais nous ne semblons pas suivre Nietzsche quand il affirme que l’éthique de Démocrite est conservatoire.[178]
Ses considérations sur la femme et le sexe montrent en quoi Démocrite est fils de son temps. Sur ce point, il est anticonformiste.
La nécessité mécanique expliquant le mouvement est leur ponctum dolens. En outre, son système de la nécessité ne sait pas expliquer le problème du mal.
 
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COMMENT CONCLURE CETTE PREMIERE PARTIE?
 
Nous venons de voir, depuis la Philosophie antique négro-égyptienne jusqu'à l'Atomisme, que l'homme est un animal qui s'étonne et qui cherche à comprendre pourquoi il y a quelque chose plutôt que rien. Comment est né le monde (cosmogonie) se mêle au comment est constitué le monde(cosmologie). Ainsi la Cosmogonie côtoie la Cosmologie et vice versa.
Ainsi la grande problématique est celle de l'UN et du MULTIPLE. L'objet matériel sera d'une façon générale la NATURE et l'objet formel dépendra d'un philosophe à un autre. Voilà pourquoi ils seront appelés physiocrates ou Physiciens. Même quand ils avaient une conception théologique ou une conception de l'homme, tout était en fonction de la NATURE, et l'homme était vu comme un microcosme. Même la morale ou l'Ethique ne décolle pas de la Nature comme telle.
C'est avec les Sophistes et la période socratique que la problématique changera et que l'HOMME sous ses différents aspects (être moral, être culturel, être politique,…) sera au centre des préoccupations philosophiques.
Les Antesocratiques sont encore vivants et leur façon de philosopher est encore valable, car les problèmes philosophiques ne terminent pas, mais ils reçoivent toujours des tentatives de réponses compte tenu du progrès mental, culturel, économique, politique et religieux de chaque époque. Nous devons beaucoup de respect aux Antesocratiques qui sont en fait des philosophes avant Socrate.
DEUXIEME PARTIE
 
        3.8. PERIODE SOCRATIQUE ET POSTSOCRATIQUE
 
3.8.1. La Sophistique
 
La sophistique n’est rien d’autre que le mouvement des sophistes. Ces derniers sont venus de Sicile où « les orateurs pratiquant l’éloquence judiciaire [étaient amenés] à réfléchir sur les principes de leur art et à les codifier… Ainsi naquit la rhétorique sicilienne, affaire de métier et nécessité professionnelle ».[1]
Ce mouvement était occasionné à Athènes par la transformation des conditions politiques. Il y a la crise de l’Aristocratie face au passage du pouvoir au peuple, la DEMOCRATIE. Celle –ci réclame des citoyens « une aptitude à pouvoir s’exprimer de façon élégante ».[2] Et les Sophistes sont là pour enseigner cette « façon élégante ». Ainsi on aura la maîtrise du langage et de l’argumentation.
 
3.8.2. QUI SONT-ILS ?
 
            Si le mot sophiste, jadis, était égal à Sophos (=sage), alors le sophiste était compté parmi les sept sages de la Grèce même si en réalité il y en avait plus de sept. Ensuite le mot Sophiste signifiait musicien et poète[3]. En outre, on désignait sous le nom des sophistes quelques intellectuels d’un type original qui vécurent dans le monde grec de 450 à 380 av J.C. C’est avec Platon et Aristote que Sophiste signifiera « marchand d’illusions et le philosophe, chercheur de la vérité »[4]. Ainsi, les connaissant par leurs ennemis (Platon et Aristote), « on fut toujours enclin à tenir la sophistique pour une sorte de Satan intellectuel et moral »[5], cependant Platon fut aussi appelé sophiste par ses ennemis Isocrate et Lisia de même Aristote fut traité de sophiste par l’historien Timeo[6]. Socrate est aussi présenté comme sophiste par Aristophane. C’est de nos jours que le mot sophiste retrouve sa « dignité », car l’on comprend que la sophistique était un phénomène nécessaire comme le sont Socrate et Platon. D’ailleurs, ceux –ci, sans ceux-là, sont en fait impensables.
Situés dans le temps, les Sophistes occupent la période qui va de 450 à 380 av J.C. d’après Dario Composta. Vu du point de vue spatial ou lieu, les sophistes sont presque tous étrangers à Athènes, à l’exception de l’athénien Antiphon[7]. Ce sont des intellectuels apatrides comme les appelle Jean-François Revel. Du point de vue sujet, les sophistes enseignent la « linguistique », la rhétorique, la grammaire, la poésie, la politique, etc. Ils sont des polyvalents. Ce sont des « experts du savoir », quant bien même Platon et Aristote diraient que leur savoir est apparent et non effectif.
 
3.8.3. QUE FONT-ILS ?
 
Les sophistes sont à la base de la REVOLUTION INTELLECTUELLE. Avec eux, la réflexion passe de la physique, du cosmos à l’HOMME et à ce qui concerne la vie de l’homme comme un membre de la société. Et leurs thèmes favoris sont l’Ethique, la Politique, la Rhétorique, l’Art, la Religion, l’Education, la problématique des rapports entre la nature et la loi.[8]C’est avec eux que commence la PERIODE HUMANISTE de la philosophie antique. Composta a raison de les appeler penseurs originaux parce qu’ils passent pour les « philosophes de la nouvelle expérience sociale » démocratique d’Athènes de 450 à 380 av J.C. remplaçant la problématique cosmologique des naturalistes (y compris les épigones de l’atomisme) par celle de l’humanisme »[9].
Toujours en voyage, ils furent considérés comme des « troubadours de la rhétorique »[10], « orateurs itinérants », « penseurs itinérants » selon Romeyer, « vendeurs de science universelle, mais vendeurs avant tout de l’éloquence, cette éloquence qui, dans la cité grecque, était la clef du pouvoir et parfois de la vie sauve, aussi bien pour l’homme politique devant l’assemblée que pour le général devant ses troupes et pour l’un et l’autre devant les tribunaux. La sophistique, c’est donc d’abord la rhétorique, l’art de parler, de créer la conviction d’un moment par le charme du verbe »[11] . Ils sont, par ailleurs, d’un esprit libre et cosmopolite. Cosmopolites non seulement puisque voyageurs, mais aussi et surtout, puisqu‘ils affirment que « les sociétés et leurs lois sont des conventions, dont l’immense diversité ne doit pas dissimuler l’unité fondamentale de la nature humaine. C’est la première fois qu’est formulée clairement l’affirmation d’une identité possible entre Grecs et « Barbares » et, au sein d’une même cité, entre citoyen, métèque et esclave ».[12]
Par ailleurs, nous renseigne C. Werner, rejetant la science de la nature comme inutile à l’homme pour se bien conduite dans la vie, les sophistes montraient que « les premiers philosophes s’étaient tous contredits les uns et les autres ».[13]
 
3.8.4. SUR QUOI REPOSE LA SOPHISTIQUE ?
 
Elle repose surtout sur un PRINCIPE PHILOSOPHIQUE, à savoir le Scepticisme ou le Relativisme.
Sur le PLAN POLITIQUE, tout en enseignant la science politique, ils y introduisent un relativisme. Ils font voir qu’il y a opposition entre le droit naturel et le droit positif qui est une convention. Le droit positif, soutiennent-ils, n’est pas valable par nature, car il provient d’une législation taillée sur mesure d’intérêt du législateur. Les puissants s’en servent pour opprimer les plus faibles, dira l’un; un autre pourra soutenir que la loi est un moyen des pauvres pour se protéger contre les forts ; un autre en verra une arme réciproque aidant à protéger les biens et la vie des citoyens. En dernière analyse, chacun a ses arguments.
A côté de ce relativisme politique, moyennant l’argent, ils donnent une Education politique, et font comprendre que la VERTU POLITIQUE ou la compétence ne dépend pas de la nobilité du sang, et encore moins de la naissance, mais tout simplement du SAVOIR. D’où l’engouement des jeunes de toutes les classes pour la science politique et la rhétorique car il faut savoir rendre fort l’argument le plus faible.
Sur le PLAN MORAL, leur relativisme se fait voir quand ils enseignent que les valeurs morales existent non pas par nature, mais bien sur base de convention, voilà pourquoi il y a des coutumes, us et traditions qui diffèrent d’un moment à l’autre, ceci conduit à une remise en question des valeurs traditionnelles et on ne manquera pas de les accuser d’immoralité et d’incivisme.
Sur le PLAN RELIGIEUX, le relativisme ira de l’Agnosticisme en passant par les théories de la religion (un produit social, psychologique) jusqu’à fonder son existence sur celle de l’injustice qui doit être réparée, ne fût –ce que dans l’Au –delà. Certains seront accusés d’Athéisme. On n’a qu’à voir comment Socrate fut accusé d’impiété, car il était confondu aux Sophistes même s’il passait pour leur adversaire numéro 1.
Au niveau de la THEORIE DE LA CONNAISSANCE, leur relativisme dans le principe de Protagoras qui fait de l’homme la MESURE DE TOUTES CHOSES.
Comme on peut le constater, ces « nouveaux philosophes » amènent une nouvelle façon de voir les choses. Ce sont les premiers enseignants vivants de leur métier et brisant le dogme éthique attachant chacun à sa cité, influant la liberté d’esprit dans les esprits de leurs auditeurs face à la tradition, aux normes et aux comportements codifiés, faisant appel à la fidélité illimitée dans les possibilités de la raison.
Qui n’est pas allé les entendre ? La seule façon de les combattre est d’aller vers eux, les écouter, maîtriser leur art, et après être capable à les combattre. Socrate, Platon suivront ce schéma.
Nous devons signaler que la sophistique a pris de l’Eléatisme l’ERISTIQUE. S’ils peuvent être accusés de l’avoir utilisée négativement, Socrate le fera positivement. Oui, ils s’arrêteront ou « comment dire bien » et au « comment dire correctement » sans se soucier de la « vérité » 
La sophistique constitue un moment fort important car elle est un pont entre la période antesocratique et la période socratique. Leur rôle est capital. On n’a qu’ à voir combien des DIALOGUES Platon   leur consacre. Toutefois, reconnaissons que Platon ne présentera pas toujours avec honnêteté scientifique leur science.
Ajoutons la remarque du philosophe Père Ladrille : « Les sophistes diffèrent aussi des cosmologues quant à la Méthode : les cosmologues procédaient par intuition interprétative de l’expérience, les éléates par la raison pure, les pythagoriciens par mathématisation du monde de l’expérience. Les sophistes accumulent des quantités d’observations de faits culturels, politiques, moraux, religieux et intellectuels (connaissance), et en tirent des conclusions par induction. Les sophistes diffèrent encore de leurs prédécesseurs par leur but. Avant eux il s’agit d’une philosophie spéculative qui vise seulement à comprendre, à expliquer. Les sophistes, eux, ont pour but d’enseigner et de gagner leur vie en enseignant. »[14] 
 
3.8.5. QUELQUES SOPHISTES
 
Sans vouloir parler de tous les sophistes nous parlerons d’une façon brève de Protagoras et Gorgias.
 
3.8.5.1. PROTAGORAS D’ABDERE
 
3.8.5.1.1. Qui est-il?
 
Comme Démocrite, Protagoras était originaire d’Abdère. Les dates mal connues le situent de 480 à 408 av. J.C. Portefaix à ses débuts, c’est après qu’il acquit l’instruction et à l’âge de trente ans, il voyagea dans toute la Grèce. Dans ses pérégrinations, il se déplace avec des disciples provenant de différentes cités visitées. Il semble qu’il faisait payer cher ses cours. Il professait l’agnosticisme.
Il a écrit sur la Vérité, sur les Dieux, De l’Être et sur tant des sujets.
 
3.8.5.1. 2. QUE DIT-IL ?
 
N’ayant pas retrouvé beaucoup de fragments lui attribués, nous nous référons aux trois que nous présente J. VOILQUIN.
Dans son Grand Discours, Protagoras parle de prédispositions naturelles et de la pratique, si l’on veut devenir instruit et qu’il faut commencer à étudier dès l’adolescence. En d’autres termes, il y a un certain âge où l’enseignement s’acquiert plus facilement.
En outre, son enseignement transpire le SCEPTICISME ou le RELATIVISME quand il s’agit de Dieux ou de la vérité. Pour lui « l’homme est la mesure de toutes choses [nous soulignons] de celles qui existent et de leur nature ; de celles qui ne sont pas et de l’explication de leur non-existence » (La vérité ou Discours destructifs, dans J. VOILQUIN, o.c., p. 204). L’homme est pour lui la norme de jugement. Ce fragment est la GRANDE CHARTE DU RELATIVISME occidental. Cela veut dire qu’il n’y a pas de critère absolu pour distinguer l’être du non-être, le vrai du faux. L’HOMME EST LE SEUL CRITÈRE. En d’autres termes, autour d’une chose on peut avoir deux raisonnements : dire et contredire. Cela dépend de chacun. Pour ce faire, il faut apprendre à rendre plus fort l’argument le plus faible. Ainsi Protagoras s’emploiera à enseigner les modes avec lesquels techniquement et méthodologiquement il était possible de lever et de porter à la victoire un argument reconnu faible. De ce fait, la VERTU n’est rien d’autre que l’HABILETE dans le savoir faire triompher son argument. Attirés par ce genre d’enseignement, les jeunes rêvaient de faire carrière dans les assemblées, les tribunaux et dans la vie politique. Ainsi LE PLUS UTILE était considéré comme LE MEILLEUR et LE PIRE était LE NUISIBLE. . Les moyens justifient la fin ( utilitarisme, pragmatisme ).
Le Relativisme et le pragmatisme se basent sur l’UTILE.
« Sur les dieux, dit-il, je ne puis rien dire, ni qu’ils soient, ni qu’ils ne soient pas : bien des choses empêchent de le savoir, d’abord l’obscurité de la question, ensuite la brièveté de la vie humaine ». A ce sujet, il fut accusé de l’impiété et contraint à s’enfouir .A dire vrai ,il s’agit de l’agnosticisme.Ses livres furent brûlés sur la place publique.
3.8.5.1.3. Appréciation
 
Ce relativisme qui touche tous les niveaux ne lui sera pas pardonné. L’exigence de l’esprit humain est la recherche de la vérité, et la société ne doit se construire sur le relativisme. Il y va de la survie politique, sociale, etc. A mon humble avis, et cela contrairement à Protagoras, reconnaissant faillible, je ne peux pas faire de ma science le critère de la Vérité. Dieu est le critère absolu. L’utile ne doit pas ausculter l’agir honnête.
 
3.8.5.2. GORGIAS DE LEONTIN
 
3.8.5.2.1. QUI EST-IL ?
 
Né vers 483 à 375 av. J.C à Léontin, Gorgias fut à la fois rhéteur, philosophe et ambassadeur. A Athènes, on apprécia sa nouvelle éloquence, et tout le monde courut vers lui pour prendre ses leçons. Habile dans la dialectique éléate, il raisonnait avec rigueur même si le contenu laissait à désirer.
Il a écrit sur le non-être ou sur la nature.
3.8.5.2.2. QUE DIT-IL ?
 
Son écrit est un vrai manifeste du NIHILISME occidental. Il écrit : « L’un, le premier, qu’il n’y a rien, le second, que, s’il y a quelque chose, ce quelque chose est inconnaissable à l’homme ; le troisième, que même si ce quelque chose est connaissable, il ne peut être ni divulgué ni communiqué à autrui ».
Gorgias semble nier la possibilité d’atteindre une « vérité » absolue ; toutefois il ne voudra pas nous laisser vivre dans le règne de l’opinion. Pour lui, cette dernière est la plus fausse des choses. D’où il faut suivre la voie de la RAISON. Celle =ci se limite à illuminer les faits, les circonstances, les situations de la vie des hommes et nous donne la description de ce qu’on doit et de ce qu’on ne doit pas faire (Raison = mesure). Ainsi on tombe dans la MORALE DE LA SITUATION où les devoirs varient selon le temps, l’âge, la caractéristique sociale. Ainsi un même acte peut être bon ou mauvais selon la personne qui le pose.
Du point de vue de la Rhétorique, Gorgias utilise LA PAROLE pour la persuasion, la croyance et la suggestion, comme il n’y a pas de vérité absolue. Sa Rhétorique est un art de persuasion. Ainsi un politique sera appelé RHETEUR, car il est capable de persuader les juges dans les tribunaux, les conseillers dans le conseil, les membres de l’Assemblée.
 
3.8.5.2.3. Appréciation
 
Ce que Gorgias oublie est que lui qui postule qu’il n’y a rien est. Voilà au moins une certitude. Il est lui-même connaissable, car on ne peut le confondre à un autre. Et si quelque chose ne pouvait être ni divulgué ni communiqué à autrui, Gorgias n’enseignerait pas sa rhétorique et n’écrirait rien. Or sa pratique contredit sa pensée. Quand on lit son argumentation, on voit qu’elle est logiquement rigoureuse, mais son contenu est contredit par la pratique de l’auteur lui-même. Il y a autodestruction pragmatique.
Quant à ce qui concerne la morale de la situation, si elle est valable pour certaines situations nous rappelant la jurisprudence, cela ne prouve pas que la vie morale doit se soumettre à la raison individuelle. Si même les animaux ont leur « morale » que dire des êtres humains ? Leur raison doit-elle les amener à se conduire selon les circonstances sans avoir un « code moral » de référence ? L’homme est un animal social, politique et par surcroît moral. Voilà qui justifie la présence d’un « code moral » pour enseigner aux gens le Bien à faire et le mal à éviter, et cela pour un Bon-Vivre-Ensemble.
 Il faut savoir choisir entre le mal et le pire. On a besoin d’une raison ayant de la conscience et celle-ci ne doit pas être émoussée, mais aiguë.
 
3.9. L’ECOLE DE SOCRATE 
 
3.9.1. SOCRATE
3.9.1.1. QUI EST-IL ?
 
Fils d’un artisan sculpteur et d’une mère sage-femme, Socrate est né à Athènes en 469 et mort en 399 avant Jésus-Christ. Laid avec un nez camus, Socrate fut un bon et vigoureux soldat, brave buveur de vin sans être ivre.
Socrate a réellement existé et nous avons Platon, Xénophon, Aristophane et Aristote comme des sources, toutefois chacun d’eux a son Socrate. Le Socrate de Xénophon, sans être métaphysicien, recommande l’utile (La vertu est utile, car elle rend heureux donc il faut la pratique). Pour le Socrate de Platon, la Justice est un absolu, se situant dans le monde des idées. Le Socrate de Platon et de Xénophon se désintéresse de la spéculation cosmique et fait de l’étude de l’homme le but de laphilosophie. Il se concentre sur la conduite humaine, sur l’art de vivre moralement bien[1].
Le Socrate d’Aristote est métaphysicien.
Il fut disciple de Prodicos pour qui la vie n’est que misère et désolation (souffrance, sacrifice, ...) (cf. PLATON, Axioches,366b)
 
3.9.1. 2. Que dit-il ?
 
Héritier de l’ERISTIQUE éléate, dans son sens positif, Socrate devint « un technicien de la discussion de l’analyse des idées. Le but, pour-lui, est d’aboutir à une définition complète d’une notion: le courage, la beauté, la rhétorique, la vertu, etc. ». Pour atteindre cette DEFINITION, il pose des questions à l’interlocuteur trop confiant en lui-même, car il se croit savant. En effet, Socrate se présentait devant ses interlocuteurs comme un docte ignorant, car ce qu’il savait est qu’il ne savait pas. Par le jeu des QUESTIONS-RÉPONSES, l’interlocuteur était amené à prendre conscience de la difficulté à donner la définition correcte et finissait par AVOUER SON IGNORANCE, et cela au grand rire de la jeunesse accompagnant Socrate. C’EST CELA L’IRONIE, la première phase de la méthode socratique appelée DIALECTIQUE (art de discuter) ou procédé épagogique. L’ignorance avouée(PLATON, Le Ménon, 79c-80c), Socrate passait à la deuxième phase de sa méthode, la MAÏEUTIQUE[2] signifiant littéralement « l’art d’accoucher ». Toujours par le jeu QUESTIONS-REPONSES, Socrate, conduisait et aidait son interlocuteur à donner la définition correcte. Cette phase métaphysique repose sur la croyance de la part de Socrate, en la REMINISCENCE (cf. PLATON, le Ménon, 80d-81c).
La méthode socratique a « une grande portée pédagogique, puisque le disciple en l’occurrence n’est pas enseigné par le maître, mais incité par le maître à découvrir par lui-même, par sa propre réflexion, les implications d’une idée »[3]. Faisons remarquer que dans sa première phase, cette méthode ne pouvait qu’à tirer, à Socrate, des ennemis, et qu’il devrait un jour être ACCUSE DE CORROMPRE LA JEUNESSE face aux valeurs traditionnelles. Aristophane nous présentera, dans ses Nuées, un Socrate SOPHISTE, or à cette catégorie d’intellectuels est imputée le mépris des valeurs traditionnelles. A dire vrai, Socrate aboutissait, malgré lui, au même résultat que les Sophistes, à savoir « à fabriquer des jeunes gens qui « tenaient tête » à leur père et n’avaient aucun mal à le battre au jeu de « l’éristique », de la controverse batailleuse »[4]
 
Reconnu par l’oracle de Delphes comme le plus sage des hommes et faisant du « CONNAIS-TOI TOI-MEME » de Chilon (Cf. Thalès) sa devise, Socrate avait son « DAÏMON », une voix intérieure qui lui parlait afin d’éviter de commettre le mal (Cf. PLATON, Phèdre 242c). Elle n’ordonnait pas à faire ceci ou cela, mais elle l’interdisait. Socrate qualifiait cette voix de divine. Ceci explique un des pourquoi il sera ACCUSE DE CHERCHER A INTRODUIRE DE NOUVEAUX DIEUX DANS LACITE même s’il prouvera devant ses juges qu’il honorait les dieux de la cité et qu’il participait aux fêtes religieuses publiques. Comme peine ,il proposa d’être nourri, sa vie durant, au PRYTANEE.
L’enseignement de Socrate est essentiellement une ETHIQUE. Voyant comment les Sophistes profitaient de la Démocratie et ont aussi contribué à la CRISE MULTIFORME, Socrate prit la résolution de combattre la maladie de la cité, à savoir l’IGNORANCE renforcée, entre autres, par le relativisme. Il prendra la MISSION d’enseigner la VRAIE SCIENCE différente de celle des sophistes. Il s’agit de la SAGESSE, de la VERTU, non pas entendue dans le sens sophistique, mais comprise comme CE QUI REND UNE CHOSE BONNE ET PARFAITE. En d’autres termes, il veut une NOUVELLE TABLE DES VALEURS à laquelle on doit se référer. De ce fait, l’on comprendra que la vraie science enseigne que les vraies valeurs ne sont pas liées aux choses extérieures comme la richesse, la gloire, la puissance, la beauté, mais elle invite à voir avec la RAISON que les vraies valeurs sont celles de l’âme et se résument dans la CONNAISSANCE. Ainsi celle-ci, la SAGESSE[5] , est la SCIENCE DU BIEN à faire et du mal à éviter (ou une vertu consistant dans le choix du bien et du mal à réfuter pour le bien), car le VICE n’est rien d’autre que la privation de science, de connaissance ; en un mot de l’IGNORANCE.
En outre, Socrate enseigne que tout homme cherche son BONHEUR et il est acquis grâce à la SAGESSE (Cf. PLATON, Euthydème, 278c), la FELICITE qui ne vient pas des choses extérieures, non du corps, mais seulement de l’âme. Celle-ci est heureuse quand elle est ordonnée ou VERTUEUSE. Comme la maladie et la douleur sont un désordre du corps, ainsi la santé de l’âme est l’ordre de l’âme et cet ordre spirituel ou harmonie intérieure est le BONHEUR.
Par ailleurs, si l’homme cherche le Bonheur, quand il saura CE QU’EST LE BIEN, il ne pourra ne pas le faire, car AUCUN N’EST VOLONTAIREMENT MECHANT[6]. C’est le fameux PARADOXE SOCRATIQUE. En d’autres termes LA CONNAISSANCE DU BIEN CONDUIT A LA PRATIQUE DU BIEN. C’est cela L’INTTELLECTUALISME socratique. C’est ici que la LIBERTE se conçoit comme l’auto-domination et devient la base de la vertu. Il s’agit de dominer par sa propre rationalité sa propre animalité. L’on doit rendre l’âme maîtresse du corps et de ce fait n’est plus HEROS le vainqueur de ses ennemis, mais le vainqueur des ennemis intérieurs.
Comme on le voit, Socrate a trop confiance en la RAISON humaine et en la volonté, et il n’est pas étonnant de le voir concevoir DIEU comme L’INTELLIGENCE (et ici se lit le NOUS d’Anaxagore) et pour le prouver, il argumente : Le monde et l’homme sont faits de telle sorte (ordre, finalité, intention) que seule une cause adéquate (ordinatrice, finalisatrice et donc intelligence) ne peut en donner raison. En d’autres termes, rien n’est fait par hasard. Il est vrai qu’il n’acceptait pas l’anthropomorphisme et ainsi, sans qu’on le traite proprement de MONOTHEISTE, nous pouvons dire que de DIEU il a une conception claire et non confuse. Son DIEU EST INTELLIGENCE.
 
Un temps viendra où il sera traîné devant le tribunal, puisque accusé de corrompre les jeunes, de vouloir introduire de nouveaux dieux dans la cité. Comme détracteurs ou accusateurs, il y avait « Anytus (représentant les artistes et politiciens) homme politique du parti démocrate, Melitus, poète tragique « jeune et inconnu, aux cheveux plats, la barbe rare, le nez crochu » et Lycon, un obscur rhétoricien »[7]. De sa défense, un seul argument nous semble fort quand il dit que parmi ses accusateurs aucun ne fut son disciple pour dire qu’il l’a corrompu. Condamné à boire la ciguë pour avoir proposé de payer un peu d’argent et d’être nourri aux frais de l’État, Socrate est mort en parlant de l’immortalité de l’âme (Cf. PLATON, l’apologie de Socrate et ID., Axiochos où Socrate parle de la mort. Il s’agit d’une CONSOLATION « ... ne veux-tu pas réfléchir et considérer la loi de la Nature ? A l’âge où tu es parvenu, instruit comme tu es, et, à défaut d’autre motif, Athénien, ignore-tu ce que tout le monde sait et répète et qu’il faut après l’avoir passée honnêtement, s’en aller où le destin nous appelle, avec bonne humeur, sinon en chantant le péan. Mais se montrer si faible et se cramponner à la vie comme un enfant n’est pas le fait d’un homme qui a   l ‘âge de la réflexion »[8].
Thèse : après la mort, il n’y a pas de sensibilité.
Thèse : Immortalité de l’âme. « Au sortir de cette prison, tu t’en iras, dégagé du corps, là où l’on ne connaît ni travail, ni gémissement, ni vieillesse, où la vie est paisible et à l’abri des maux, où l’on jouit d’un calme et d’une sérénité que rien n’ébranle, où contemplant la nature tu philosopheras, non pour la foule et la parade, mais pour l’éclatante vérité » 370c-d.)
Ce n’est pas la crainte de la mort.
Il faut vivre honnêtement pour échapper au dernier jugement dans la plaine de vérité où Minos et Rhadamanthe siègent, selon Gobryas le mage qui tient à Socrate ce langage. Il est mort sans avoir écrit un livre et il devint le personnage principal des Dialogues de PLATON. Signalons qu’il a refusé d’obéir aux juges lui demandant de renoncer à examiner les gens et à philosopher (PLATON, Apologie de Socrate, 29c).Avant de mourir il a donné quelques conseils à ses disciples présents et il leur parla aussi de l’immortalité de l’âme : ne pas gémir devant la mort mais apprendre à bien vivre pour que son âme retourne, à la mort, chez les dieux ; obéir aux dieux qui nous retiennent vivants sur la terre, d’où il faut vivre dignement, profiter favorablement et positivement de ce temps accordé par les dieux ; ne pas tenir beaucoup ,en tant que philosophe, à certains plaisirs comme le boire, le manger, la possession des vêtements ou des chaussures de choix ou toutes parures destinées au corps[9]. Après avoir bu la cigüe, Socrate s’est éteint petit à petit.
 
3.9.1.3.Appréciation
 
De lui, on ne peut dire beaucoup de choses.
Adversaire acharné des sophistes, Socrate semble sacrifier sa famille pour passer à travers les rues en train d’enseigner la vertu. Sans se soucier de richesse externe, il cherche celle de l’âme. En cela, il est le philosophe qui voit l’essentiel de la vie et qui comprend que l’on ne doit pas croiser les bras quand la maison brûle. Il a vécu et il est mort pour ses idées.
Sa foi dans la raison l’aveugle de telle sorte qu’il ne voit pas qu’il ne suffit pas de connaître le bien pour le faire, qu’il faut aussi l’éducation de la volonté et tenir compte des intérêts. A ce niveau, il est dans le PARALOGISME.
Sa méthode dialectique, « Méthode de rechercher la connaissance au moyen de question et de réponses » est féconde même s’il la prend de Zénon d’Elée. Toutefois, devons –nous ajouter, elle n’est pas applicable dans le domaine empirique. En morale, en politique, dans l’enseignement..., elle porte de fruit.
Beaucoup se réclameront de lui, et parmi eux Platon. En refusant de s’évader (Cf. Platon, Criton), Socrate montre que le philosophe doit être responsable de ses paroles et de ses actes. Quel bel exemple ! Pour Nietzsche, « il avait une magnifique occasion de montrer à quel point il était supérieur à toute crainte et à toute faiblesse humaine et quelle était la dignité de sa mission divine. Grotius dit que la mort l’enleva dans toute sa grandeur et sa gloire, comme un soleil tropical au couchant »[10] .
Toujours Nietzsche ne manque pas de dire que Socrate est «le premier à philosopher sur la vie, et toutes les écoles issues de lui sont d’abord des philosophies de la vie. Une vie dirigée par la pensée! La pensée sert la vie, alors que chez les philosophes antérieurs la vie se servait de la pensée et la connaissance ; chez Socrate c’est la vie intègre qui est le but, chez les autres c’est un degré éminent de connaissance exacte. Ainsi, la philosophie socratique est absolument pratique ; elle est hostile à toute connaissance qui n’est pas jointe à des effets moraux. Elle est à l’usage de tous, populaire, car elle tient que la vertu peut s’enseigner(…) ; la philosophie des Sept Sages s’était contentée de réduire en formules morales la morale pratique et vivante, respectée dans toute la Grèce. A présent on commence à contester la valeur des instincts moraux ; la connaissance claire sera le seul mérite, mais cette connaissance claire apportera aussi à l’homme la vertu. Car c’est une croyance propre à Socrate, que la connaissance et la moralité sont identiques. Mais si l’on renverse les termes on obtient cette affirmation bouleversante : partout où manque la connaissance claire, est le mal(kakon) ».[11]
3.9.2. PLATON
3.9.2.1. QUI EST-IL ?
 
Athénien de naissance et répondant au nom d’Aristoclès, Platon fut le sobriquet qu’il reçut suite à la carrure de sa poitrine. De haute noblesse, il était fils d’Ariston prétendant descendre de Kodros, dernier roi d’Athènes. Du côté maternel, il compte Solon parmi ses ancêtres.
 
Éduqué dans l’aristocratie, Platon suivit à un moment les enseignements de l’héraclitéen Cratyle et du parménidéen Hermogène[12]. C’est après qu’il devint disciple de Socrate. Couloubaritsis n’est pas de cet avis. Pour lui, c’est après la mort de Socrate qu’il les aurait fréquentés. A la mort de ce dernier, il fut déçu, car la Démocratie a tué un honnête homme.
Il a beaucoup voyagé jusqu’en Égypte, « la terre d’une ancienne sagesse qui l’impressionnera toujours »[13]. Séduit par les expériences politiques, il fut vendu esclave et racheté par un commerçant qu’il avait reconnu. Il s’appelait Anniceri de Cyrène.
Il a fondé lACADEMIE, «  une Ecole sur le modèle des écoles pythagoriciennes de la Grande Grèce qu’il venait de visiter » [14] et il a beaucoup écrit. Il est tellement fécond qu’il est difficile de tout exposé. Nous devons alors choisir les thèmes et laisser aux étudiants d’en approfondir d’autres.   
 
3.9.2.2. QUE DIT-IL ?
3.9.2.2.1. Sa théorie de l’être ou métaphysique
 
Platon pose l’existence de deux mondes (dualisme), à savoir le monde des idées (le monde intelligible) et le monde sensible, celui des apparences. Le vrai monde est celui des idées. Celles-ci existent réellement, c’est le REALISME DES IDEES OU L’IDEALISME OBJECTIF.
Nous qui nous trouvons dans le monde sensible, nous sommes, comme qui dirait, dans la CAVERNE[15] (Allégorie de la caverne), et nous sommes condamnés à ne voir que le reflet de la réalité. Pour ce faire, nous devons tourner les yeux vers le feu(lumière du soleil), la VERITE. Ce mouvement des « yeux » est la CONVERSION. C’est le temps de l’initiation, de l’apprentissage. Celui-ci commence par la géométrie. Voilà pourquoi il est écrit sur le fronton de l’Académie « QUE NUL N’ENTRE ICI S’IL N’EST GEOMETRE ». L’étude de la philosophie requiert un pré acquis, à savoir la géométrie.
Après le temps de l’initiation, par la METHODE DIALECTIQUE, on peut par le premier mouvement ASCENDANT aller du monde sensible au monde des idées et par le dernier mouvement DESCENDANT,on descendra du monde des Idées au monde sensible pour se mêler aux autres hommes, même si quand il leur parlera, il sera traité d’insensé et sera objet de moquerie. Sa mission sera de délivrer ses anciens compagnons de chaînes en les instruisant. Il aura une vision synoptique de la réalité, et ainsi cette méthode nous révélera son double rôle. Permettre de diviser l’opposé des réalités et permettre d’avoir une vue d’ensemble des choses.
Cette méthode dialectique comparable à une échelle ne peut que déboucher sur une Théorie de la connaissance.
 
3.9.2.2.2. Théorie de la connaissance ou Gnoséologie
 
Platon pose quatre types de connaissance correspondant à quatre types d’objets.
Dans le monde sensible, nous avons deux types de connaissance. Nous avons la CONJECTURE comme connaissance provenant des images des choses et la CROYANCE comme connaissance acquise des êtres vivants.
Au monde intelligible correspond aussi deux types de connaissance. La CONNAISSANCE DISCURSIVE se remarque dans les intelligibles inférieures comme les mathématiques. LA CONNAISSANCE INTUITIVE est celle des idées (Beauté, Vérité, Bien)
Il est vrai que pour Platon la CONNAISSANCE élève l’esprit au monde des idées et la connaissance intuitive est la meilleure. Les mathématiques sont comme la porte par laquelle on entre dans le monde intelligible et elles préparent à la contemplation des idées.
L’homme qui doit contempler les idées doit être conçu d’une façon particulière.
 
3.9.2.2.3. L’anthropologie philosophique de Platon
 
L’homme, selon lui, est composé du corps  et de l’âme. Comme chez Pythagore, celle-ci est d’origine divine, elle émane de l’âme du tout que le Démiurge a mise dans le monde. D’origine divine, elle participe au monde intelligible d’où elle est tombée lors des différents déplacements, tirés par deux chevaux dont l’un est bon et obéissant et l’autre mauvais. Par la chute, elle se retrouve enfermée dans un TOMBEAU qui n’est rien d’autre que le corps. Encore une fois Pythagore parle en Platon. Platon croit aussi en la métensômatose[16] ,ainsi on passera, si on a mal vécu dans différents corps :animal, végétal, humain, etc.
Le salut de l’homme consiste à se séparer du corps pour remonter vers le monde intelligible où l’on doit contempler les idées. A ce niveau, l’on doit aussi parler de la purification chez Platon. Celle-ci ne consiste pas en des rites d’incantation, mais en une activité personnelle de l’homme, en un détachement assuré par l’activité philosophique. L’âme doit apprendre à se purifier, « par un retour sur soi –même et un rassemblement dans son être même au détriment de tout ce qui est sensible »[17]. Autrement dit, la passion de savoir, de l’instruction peut conduire l’âme chez Hadès, le dieu bon et sage. Mais si l’on a passé sa vie en aimant l’avoir et le pouvoir, la débauche et la gloutonnerie, on va errer de vie en vie.
Selon Arstocles, alias PLATON, l’Âme est composée de trois parties à savoir la RAISON, le COURAGE, et les APPETITS. La raison est profondément divine, le courage appartient au monde sensible et il est aussi une partie noble. Les appétits sont de la partie inférieure, car ils sont passifs. Platon compare ces trois parties à un ATTELAGE où la raison est l’image du char, le courage celle du cheval obéissant et les appétits le cheval rétif.
A chaque partie de l’âme correspond une VERTU. Le devoir de ce qui est raisonnable est la SAGESSE, celui du courage est la PERSEVERANCE (obéir énergiquement ) et celui des appétits est la MODERATION, la TEMPERANCE.
Par ailleurs, Platon adjoint à ces trois vertus la quatrième, en l’occurrence la JUSTICE[18], cette dernière règne quand toutes les parties de l’Âme remplissent leurs devoirs et les activités qui leurs incombent.
De cette anthropologie philosophique sortira sa philosophie politique.
 
3.9.2.2.4. Philosophie politique [19]
 
Platon rêve d’une Cité Idéale où chacun aurait sa place et pourrait exercer les fonctions liées à ses compétences.
 
3.9.2.2.4.1. Naissance de l’État
 
Toutefois Platon a sa façon d’expliquer la NAISSANCE D’UN ETAT. Pour lui, c’est la FAIBLESSE HUMAINE qui est à l’origine de la création de l’État. L’homme reconnaissant sa faiblesse, ses actions limitées, s’associe aux autres. C’est l’union fait la force. Ainsi il y aura une division du travail.
Par ailleurs, Platon fait une ANALOGIE entre les parties de l’Âme et l’État. Qu’est-ce à dire ? Comme l’Âme a trois parties, l’État a trois ordres. En d’autres mots, Platon reconnaît trois classes sociales à savoir l’ordre des SAGES (ou des GARDIENS. Ils sont faits pour gouverner. Ce sont les meilleurs : faits d’OR. Ceux qui méritent dirigent: MERITOCRATIE, lorsque ce sont les Sages qui dirigent, on a affaire à la SOPHOCRATIE. ), l’ordre des GUERRIERS (ou les SOLDATS faits d’ARGENT) et l’ordre des PRODUCTEURS (ou agriculteurs, ouvriers ou commerçants faits de CUIVRE et de FER ). Aux Sages correspond la Raison, aux Guerriers le Courage et aux Producteurs les appétits.
Seuls les PHILOSOPHES peuvent devenir ROIS ou les ROIS doivent devenir PHILOSOPHES. Dans le gouvernement « ce qui doit guider les philosophes, ce n’est pas la volonté du peuple, mais son « intérêt »[20]. Le but de la Cité est, en outre, le bien de tous et non le bonheur d’une classe.
 
3.9.2.2.4.2. L’ Éducation
 
Nous devons souligner avec insistance que pour Platon, l’EDUCATION est le fondement du corps politique tout entier. Ainsi il prévoit une EDUCATION ELEMENTAIRE faite de la musique, de la poésie et de la gymnastique qui va jusqu’à la vingtième année. La musique est la « Culture » qui fait des « Gentlemen »,car elle donne la mesure et l’harmonie et durant cette éducation, il y a proscription de certaines lectures et d’une musique provocante, par exemple la tristesse, sauf celle vantant le courage, la tempérance. La gymnastique exige l’entraînement du corps austère. Ainsi il y a de la diététique qui est bien suivie : ne pas manger du poisson, sauf la viande rôtie, pas de sauce et de condiments. Une fois bien élevé, on n’aura pas besoin de médecin. Par ailleurs, Platon prévoit aussi l’EDUCATION  SCIENTIFIQUE (mathématiques, astronomie durant dix (10) ans ) et une INITIATION A LA DIALECTIQUE (philosophie durant cinq (5) ans) permettant de s’élever par la raison seule jusqu’à l’essence des choses[21]
L’éducation est la même pour les femmes et pour les hommes car il y a égalité de sexe et on est d’une même nature et on aura aussi des femmes soldats.
Après l’Éducation, suivra l’ACTION PRATIQUE DANS L’ETAT (15 ans) et à la fin, il y aura le choix entre l’accès au pouvoir et la vie contemplative
Retenons qu’il y a un examen à chaque étape pour la sélection des individus. Ainsi peu d’individus accèdent au rang de gouverneurs philosophes
 
3.9.2.2.4.3. Communauté des biens
 
Platon prône AUSSI LA COMMUNAUTE DES BIENS. Ainsi il y a interdiction de la propriété privée, et les femmes et les enfants sont communs à tous, et la procréation est réglementée par l’État. Ainsi on maintient la population et on suit certains principes eugéniques ( Naissance désirables ). Il y a sélection des meilleurs. Le système de CRECHE et d’ORPHELINAT sera appliqué afin que les enfants et les parents ne se reconnaissent pas, mais les enfants infirmes seront mis à l’écart, dans quelques endroits mystérieux et inconnus. Illégitimes seront les enfants nés d’unions non sanctionnées par l’État. Ne peut être mère que celle qui a entre 20-40 ans et père celui qui a entre 25-55 ans. « En dehors de ces limites, les rapports seront libres mais les méthodes abortives ou l’infanticide seront obligatoires »[22].
Par ailleurs, Platon prévoit des CENTRES DE RÉÉDUCATION pour les délinquants pervers. Dans son livre, les Lois, il admet la DÉNONCIATION de certains citoyens suspects d'IMPIÉTÉ et d'ATHÉISME. Cette dénonciation sera transmise à une institution secrète appelée CONSEIL NOCTURNE[23]. Les coupables seront mis dans la prison dite MAISON DE RÉSIPISCENCE et de REDRESSEMENT où les impies seront soumis à " des cours intensifs de recyclage religieux et de réarmement moral, pendant une période de cinq ans"[24]. Mais si la FOI ne leur est pas revenue, ils seront mis à mort.
 
3.9.2.2.4.4. Cité Idéale et Justice
 
Comme on peut deviner dans cette CITE IDÉALE régnera la JUSTICE naissant de l'expression de la meilleure activité, c'est-à-dire elle consistera dans "le fait que chacun s'emploie à son travail et que nul ne fait " la mouche du coche""[25]. Chacun fait son travail sans se mêler de celui des autres.
 
Cette façon de concevoir la JUSTICE ne veut pas que celle-ci soit le fait de donner à chacun son dû ou le fait que ce qui est utile soit au plus fort. Platon analyse la JUSTICE à l'échelle de la Cité née de la nécessité, pour les hommes, pour subvenir à leurs besoins vitaux. La JUSTICE est l'équilibre hiérarchique de la Cité et l'ÉTAT JUSTE est celui qui veille à l'harmonie des trois classes. Voilà la JUSTICE POLITIQUE comparable à la justice de l'âme représentée par l'équilibre des trois puissances de l'individu[26].
Platon, dans le gouvernement de la Cité, admet le MENSONGE comme une des prérogatives du gouvernement "au même titre qu'administrer un médicament est une prérogative du médecin"[27]. Ainsi il y aura un MENSONGE ROYAL qui pourra peut-être tromper les dirigeants, "[qui] trompera très certainement le reste des citoyens"[28].
 
3.9.2.2.4.5. La constitution
 
La CONSTITUTION de la Cité Idéale, comme on peut le deviner, est l'ARISTOCRATIE, gouvernement des meilleurs au sens étymologique. Quand elle se dégrade elle devient la TIMOCRATIE (où il y a le goût exagéré des honneurs et de la cupidité). Celle-ci dégénérera en OLIGARCHIE (gouvernement d'un petit nombre attiré par l'argent et les dominations qu'il procure). Dégoûté, le peuple fera la révolution et le gouvernement fera place à la DÉMOCRATIE(gouvernement de dèmos, le peuple, un régime de liberté parfaite devenant anarchie). Cette dernière se dégradera en TYRANNIE ( gouvernement faisant passer le peuple de l'anarchie à l'esclavage), pire des gouvernements.
 
3.9.2.3. Appréciation
 
De Platon on peut dire beaucoup de choses et notre exposé reconnaît son insuffisance. L’étudiant doit le compléter et l’étoffer.
Platon a sa façon de philosopher en remettant en honneur le monde religieux et la mystique. Si on peut critiquer son DUALISME séparant les deux mondes, et le corps-âme, ses réflexions sur l’homme montre son souci de voir l’homme être un homme de bien, et il invite ce dernier à voir l’essentiel et à ne pas négliger la PURIFICATION personnelle capable de nous faire échapper à la métensômatose nous faisant prendre des corps conformes à notre vie antérieure qui ne fut pas vertueuse. Seul le philosophe, ami du savoir, peut parvenir dans le monde des dieux, car lui seul a su vivre à l’écart de toutes les passions du corps sans exception.
Cette théorie de la réincarnation n’est qu’une croyance.
 Son souci de créer une cité idéale est la nostalgie de tout homme de vouloir vivre dans un Etat de paix, de droiture et de justice, malheureusement cela relève de l’utopie et il est regrettable de ne pas voir Platon proposer la suppression de l’esclavage. Il était fils de son milieu et temps. Par ailleurs, il ne suffit pas d’être philosophe pour bien gouverner.
Louis Althusser voit en Platon le premier philosophe, car c’est avec lui que l’on voit que la philosophie suit la science et non le contraire. Cette position est discutable. Les étudiants doivent prendre position une fois informés sur un philosophe.
Nous devons féliciter Platon pour avoir pris la parole et donné sa conception de l'homme et de la politique. Il a le courage de penser contrairement à certains de ses contemporains.
Vouloir instaurer une Cité Idéale est une critique lancée à la Démocratie qui a tué Socrate, l'honnête homme. Il reste convaincu que la réforme politique est avant tout une "réforme intellectuelle et morale"[29]. Ainsi toute constitution politique doit impliquer un système d'éducation. A ce propos, il est précurseur de Jean-Jacques ROUSSEAU.
Platon lie la morale à la politique, et son souci est de ne pas être dirigé par des bandits mais par des sages. En cela, il inspirera Aristote, Hannah ARENDT, et Thomas MORE du point de vue de l'utopie.
Sa communauté des biens précède les philosophes socialistes et communistes dont Karl MARX.
Sa théorie de l'égalité des sexes est une révolution en son temps et dans le nôtre où la femme est encore considérée comme inférieure par certains hommes.
Son anthropologie dualiste laisse à désirer, car l'homme est UN. Ainsi sa théorie de réincarnation, bien que professée par des sociétés secrètes dont l' A.M.O.R.C. (Rose-Croix), ne résiste pas aux assauts de la raison et d'une certaine foi.
Sa cité est idéale, utopique et non possible. Sa communauté des biens, bonne intention; n'est pas de ce monde. D'où Aristote ne manquera pas de pourfendre.
Jean-François REVEL n'a-t-il pas raison de qualifier Platon de premier théoricien de lavage de cerveau[30]avec son conseil Nocturne et sa maison de redressement, sa crèche et son orphelinat?
En outre Jean-François REVEL, qualifie le gouvernement platonicien de NOOCRATIE (=une oligarchie des intellectuels, une royauté philosophique) et ainsi Platon est l'ancêtre du TOTALITARISME moderne selon ses détracteurs dont KARL POPPER. Seuls les dirigeants décident et les autres n'ont qu'à obéir et chez les jeunes l'esprit de discussion est supprimé. Sa cité est aussi une sorte d'hôpital où sont soignés puis maintenus certains individus.[31]
 
3.9.3. ARISTOTE DE STAGIRE
 
3.9.3.1. QUI EST-IL ?
 
Né à Stagire en 385, petite ville de Macédoine, Aristote avait pour père Nicomaque, médecin du roi Amyntas II de macédoine. Il fit ses études à Athènes et devient dans l’Académie l’un des brillants disciples de Platon. Ce dernier l’appelait le « liseur » (à cause de sa passion pour la lecture ?), la « pensée pure ». Toutefois il se sépara de son maître au nom de vérité : « Amicus Plato sed magis amica veritas. »
Esprit polyvalent, grand naturaliste et moraliste, il inaugura la recherche expérimentale et fonda la Logique. Métaphysicien profond, il a beaucoup écrit. Il voyagea beaucoup et fut précepteur du Jeune Alexandre, le futur Alexandre le Grand.
Il fonda son Ecole, le Lycée qui concurrença l’Académie que Platon a confiée à son neveu Speusippe. Aristote donnait ses leçons en marchant, en se promenant sous les ombrages. Ainsi ils furent appelés PERIPATETICIENS. Il donnait deux sortes de cours :
4.      Tous les matins, il y avait des cours précis, difficiles appelés ESOTERIQUES et destinés aux initiés, c’est-à-dire aux élèves savants et exercés.
4.      Tous les après-midi, il donnait des cours publics, EXOTERIQUES, procédant par question-Réponse.
Suite aux problèmes politiques survenus après la mort d’Alexandre, il préféra s’exiler au lieu de donner l’occasion au peuple de tuer un philosophe.
Il est mort en 322 av.J.C
 
3.9.3.2. QUE DIT-IL?.
 
3.9.3.2.1. Contre la Théorie des Idées
 
Aristote s’est levé contre la Théorie des idées de son maître. Pour lui, les Idées n’ont pas de réalité objective. Donc il n’y a pas de Réalisme des Idées. En d’autres termes, il n’y a pas de modèles réels des choses sensibles. La seule chose qui existe est le concret, le palpable, le sensible.
 
3.9.3.2.2. La métaphysique
 
De sa métaphysique nous voulons retenir sa théorie de quatre causes et celle des catégories.
Parlant de la réalité changeante (Devenir) et s’efforçant de l’expliquer, Aristote postule quatre causes. Toutefois il commence par faire une distinction entre l’ACTE et la PUISSANCE (dans la matière, l’essence n’existe qu’en puissance, elle ne parvient à la réalité que par la forme)[32]. L’acte est l’état adulte, état d’accomplissement. La Puissance est l’état de potentialité, de virtualité, i.e un état dans lequel l’être tend vers sa forme réalisée. Un élève est ACTUELLEMENT élève de telle classe et il est POTENTIELLEMENT étudiant, professeur, président…
Les notions de l’Acte et de la Puissance constituent la Théorie dynamiste de l’être. Toutefois le PASSAGE de la puissance à l’Acte ( « ce déplacement de l’essence, Aristote le nomme entéléchie, ou réalité complète »)[33] est conditionné par : 1) la prédisposition préalable et par 2) l’absence d’obstacles.
Cela étant posé, Aristote enseignera que le développement de tout être se fonde sur quatre causes :
1.      Cause matérielle (id est quo aliquid = ce dont) : c’est la matière, le ce en quoi une chose est faite. « Chaque objet est constitué d’un matériau »[34]. Aristote lui-même a dit : « La matière à laquelle une chose est immanente et dont elle est faite »[35]
2.      Cause formelle (id est quod = ce que) : c’est la forme, le type, l’essence ce qui donne à chaque chose sa forme déterminée. « Un objet se définit par sa forme »[36]. Ex : dans la statue, c’est l’idée voulue par le sculpteur – par exemple le visage de Kabila – qui est la forme. Aristote a dit : « La raison d’être propre à ce qui est et était pour la chose et genres qui la concernent »[37]
3.      Cause efficiente (id a quo = ce par quoi) : c’est la cause (l’antécédent) qui provoque effectivement le changement, le développement .« Chaque développement a besoin d’un moteur »[38]. Ex : les coups de ciseau du sculpteur. Pour Aristote, c’est « le principe premier du changement et du repos »[39]
4.      Cause finale (id propter quod = ce pour quoi) « Rien n’arrive sans but »[40] : téléologie. C’est le but, la finalité. Ex : le sculpteur travaille en vue d’avoir l’argent, la gloire
Toutefois devons-nous ajouter, la cause finale n’est pas seulement dans les réalisations humaines, elle est aussi dans la nature. « C’est elle qui guide les changements du gland vers la réalisation de la forme parfaite – le chêne en acte – (…). Pour Aristote, finaliste convaincu, la nature ne fait rien en vain »[41]
Nous devons comprendre qu’Aristote a parlé de ces quatre causes parce que la métaphysique est chez lui la recherche des premières causes, et il va de soi que ces quatre causes constituent les causes premières. La cause ou le principe est « condition et fondement ».
Si la métaphysique est la recherche des premières causes, elle se veut alors être la science de l’être en tant qu’être et considère l’être dans son entièreté. Voilà pourquoi l’être n’aura pas une seule signification comme chez les Eléates. Il a plusieurs significations. Ainsi on aura :
1. L’être comme catégorie (ou être en soi) : l’être est une substance et il a dix modalités d’être ou catégories : substance (ex : homme, cheval), relation (à côté de, en face de…), qualité (bon, malade…), quantité (5kg, six fois…), temps (hier, demain…), lieu (ici, là…), action (exprimer à quelqu’un quelque chose par un verbe actif), passion (voir le verbe passif), situation (être debout, assis…), possession (avoir, posséder…).
2. L’être comme acte et comme puissance.
4.   L’être accidentel : être contingent, fortuit.
4.   L’être comme vrai ou nécessaire.
 
Par ailleurs, chez Aristote nous avons l’HYLEMORPHISME contre le dualisme (pas de pure matière, pas de forme pure), i.e la conception de la matière comme forme. C’est une conception moniste de la réalité.
 
 
 
3.9.3.2.3. Son Anthropologie philosophique
 
L’homme est forme et matière. Il est une matière brillante d’une forme. Il a d’abord une âme végétative, ensuite une âme sensitive et enfin une âme rationnelle. Voilà pourquoi l’homme est un animal rationnel. C’est la RAISON             qui le différencie des autres vivants.
 
3.9.3.2.4. Son Éthique
 
Si le Bien est ce que tous désirent, il va de soi qu’il soit le BONHEUR (Eudémonisme). Celui-ci ne se réduit ni aux plaisirs, ni aux honneurs, ni au succès, ni à la richesse. Le Bien Suprême de l’homme consiste dans le fait de se perfectionner en tant qu’homme. Il consiste, à dire vrai, en une activité de l’âme selon sa vertu, alors la meilleure et la plus parfaite. Ainsi on parle de la CONTEMPLATION.
Pour Aristote, l’unique problème d’éthique se résume dans la question de " comment faire pour mener une vie conforme à la raison( et non conforme à la volonté Dieu) ? "Hervé BARREAU a ainsi raison de dire que "le problème moral est donc celui du sens de l'existence humaine dans son ensemble"[42].Les répétitions, les bonnes habitudes dans le mode d’être font acquérir la VERTU, la juste mesure, la justice.
Chez Aristote, la VERTU est l'essence du Bonheur et elle tient dans un "juste milieu" entre deux excès opposés, exemple entre la Témérité et la Lâcheté, la vertu est le Courage, entre Prodigalité et Parcimonie, il y a Libéralité ; entre Bouffonnerie et Rusticité, il y a Gaieté, entre  Timidité et Impudence, il y a la Modestie. La vertu est un " juste milieu ". De ce fait, la SAGESSE consiste dans la PHRONESIS (= prudence décisive pour l'action éthique), dans le fait de bien diriger la vie humaine ou dans le fait de délibérer d'une manière correcte ce qui est bien ou mal pour l'homme. De ce fait, la sagesse se révélera comme la connaissance des réalités qui sont au-dessus de l'homme. Réaliste, Aristote, définissant la sagesse comme le savoir par excellence, dira qu'elle appartient à Dieu seul.
Comme Platon, Aristote ne dissocie pas la MORALE de la POLITIQUE.
 
3.9.3.2.5. La philosophie politique[43]
 
     Pour Aristote, l’homme est non seulement un animal rationnel, il est aussi un ANIMAL POLITIQUE, un ËTRE CIVIQUE et il est le seul à avoir la PAROLE, faite pour exprimer l’utile et le nuisible, le juste et l’injuste. Selon Aristote, « seul, il perçoit le bien et le mal, le juste et l’injuste et d’autres valeurs : or c’est la possession commune des ces valeurs qui fait la famille et la cité »[44].
 
3.9.3.2.5.1. Naissance de l’Etat
 
Contrairement à Platon qui situe la naissance de l’Etat dans la faiblesse humaine, Aristote la situe dans la CONVENTION ( cf. contrat ) et l’Etat a aussi ses racines dans la NATURE HUMAINE et non dans les caprices des hommes. Et l’Etat, ici, la CITE, est né de l’accroissement naturel. Au début, il y eu une famille, ensuite des villages et à la fin la CITE. En celle-ci, l’homme accomplit sa nature car il est un animal politique (Zôon politique). Si la famille cherche à satisfaire aux besoins de chaque jour et les villages à ceux qui ne sont pas purement quotidiens, la CITE permettra de BIEN VIVRE. Ici, elle satisfait le désir de bien vivre.
 
Comme Platon, Aristote fait un PARALLELISME (= analogie) entre l’homme et la cité en se basant sur un PRINCIPE TELEOLOGIQUE (où l’on voit la finalité, ce qui est visé). Au point de vue biologique, l’homme est la fin de la nature et la cité est le modèle éminent de toute association du point de vue anthropologique. Toutefois nous avertit BARREAU, « ce parallélisme est l’effet d’un unique principe : c’est l’intellect qui assure la supériorité de l’homme et qui le dote du langage constructeur des cités »[45]. L’homme vise dans ses rapports sociaux le BIEN – VIVRE « que l’intellect conçoit, que la parole indique et que la Cité réalise »[46]. Comme on le voit, la cité vise au bien-être suprême. Le Bien – vivre chez Aristote comporte deux choses à savoir les activités morales et les activités intellectuelles. Qu’est-ce que Aristote entend par l’Etat ? Il s’agit de la CITE. Et qu’est-ce que la cité ? Elle est composée des CITOYENS.
 
3.9.3.2.5.2. Cité et citoyens
 
Aristote donne les critères pour être CITOYEN. Il ne suffit pas de résider en un certain lieu pour en être citoyen, car les étrangers et les esclaves peuvent y vivre aussi. Le droit de poursuivre et d’être poursuivi en justice ne suffit pas non plus pour être citoyen car ce droit peut être assuré par traité aux résidents étrangers. Le fait de descendre des citoyens n’est pas non plus une garantie. Seul le fait de participer à l’administration de la justice et d’être membre de l’assemblée gouvernante   et on peut gouverner à son tour et aider à faire des lois qui régiront l’Etat dont on est membre. Ainsi tous les citoyens ont un objet commun, celui d’assurer la sécurité de la    Cité. Tout citoyen sera exempté du travail manuel et il cherchera le loisir.
 
On comprendra que dans la Cité Aristotélicienne, tous les hommes libres   de la cité ne sont pas tous citoyens. L’artisan ne peut devenir un véritable citoyen car « on n’est pas susceptible de pratiquer la vertu quand on mène une vie d’artisan »[47].
 
Si tel est le statut du citoyen, quelle est l’IDENTITE DE L’ETAT ?
Chez Aristote, l’identité de l’Etat ne dépend pas du lieu et de ses habitants, car un jour la dislocation peut avoir lieu. Elle dépend principalement de l’IDENTITE DE LA CONSTITUTION, i.e son organisation des diverses magistratures et surtout du gouvernement. Pour Aristote, « la constitution, c’est le gouvernement »[48].
 
3.9.3.2.5.3. Constitution
 
Aristote parle de six formes de Constitution (trois opposées à leurs contraires) et donne DEUX CRITERES pour les classer, à voir le nombre de ceux qui participent au pouvoir politique (un, quelques-uns et tous) et l’intérêt (commun et privé). Ainsi on aura trois bonnes constitutions :
1° MONARCHIE où règle UN roi au nom de l’intérêt commun. Son contraire est la TYRANIE (un au nom des intérêts privés).
2° ARISTOCRATIE où règne quelques-uns pour   l’intérêt commun. Son contraire est l’OLIGARCHIE (quelques-uns au nom de leurs intérêts). 
3° REPUBLIQUE où règne une classe moyenne au nom de l’intérêt commun et son opposé est la DEMOCRATIE (la majorité des pauvres au détriment des riches).
 
3.9.3.2.5.4. L’Etat possible
 
De ces trois bonnes constitutions, Aristote préfère la REPUBLIQUE qu’il appelle POLITEIA ou démocratie modérée. Elle est un gouvernement des classes moyennes. Il n’y a pas d’excès de richesse.
 
Ne soyons pas surpris de voir la Démocratie décriée par Aristote. Pour lui « elle repose sur la liberté, l’égalité et la majorité : par conséquent, ce sont des gens modestes qui détiennent  la souveraineté. La démagogie représente le risque majeur des démocrates. Pour lutter contre elle, il faut interdire la confiscation des biens des condamnés au profit du peuple ou de la cité ; il faut aussi promouvoir une redistribution des richesses, afin que le plus pauvre puisse accéder à une certaine aisance »[49] et ainsi on créera une classe moyenne «assez nombreuse pour ne pas tomber dans les travers de l’oligarchie, assez pourvu de biens pour n’être pas tenté de dilapider les richesses de la cité »[50].
 
Dans la POLITEA apparaît le souci d’Aristote, celui de voir la Cité atteindre la communauté du bien-vivre « qui est humain par excellence ».[51]
 
De ce fait, on ne sera pas étonné de voir Aristote s’inscrire en faux contre LA COMMUNAUTE DES BIENS de Platon. Il trouve le communisme de la République de Platon très uniformisant et selon lui, son unité excessive conduit à la perte de la cité, car en perdant sa diversité, la Cité retourne à l’état de famille. Aristote soutient qu’il est de nature même de l’Etat « une pluralité et une pluralité d’éléments dissemblables »[52].
 
Aristote récuse aussi la communauté des femmes et des enfants conduisant à la perte de la cité, car on ne prend pas soin de ce qui est commun. Ne dit-on pas que « ce qui est l’affaire de tout le monde n’est l’affaire de personne. » ? [53] Par ailleurs, soutient Aristote, la communauté des biens provoque plus de récrimination dans le partage des produits de la propriété privée, surtout si on donne plus à ceux qui travaillent moins. Or le sentiment de la propriété privée est à la source du plaisir et une occasion d’observer la vertu. Il soutient même les querelles dans la propriété commune sont dues à la malignité humaine et non au fait que c’est une propriété commune.[54]
 
De tout ce qui précède, Aristote posera
1° Une propriété privée du sol et usage commun des produits.
2° Une propriété commune et usage privé
3° Une propriété commune et usage commun.
Bref, il penche pour une propriété privée et un usage commun.
 
Par ailleurs, devons-nous ajouter, la Cité du stagirite suppose plusieurs conditions :
La population : elle ne doit être trop nombreuse. Un certain minimum est nécessaire bien repartir les offices selon les mérites.
 
Le territoire : il doit être suffisamment grand pour « assurer aux habitants une vie libre et des loisirs, mais pas trop grand pour ne pas favoriser le luxe. Il doit être d’accès difficile aux ennemis tout en étant d’issue facile pour les habitants »[55]. Il doit être embrassé tout entier d’un seul coup d’œil.
 
Le caractère du citoyen : il y a trois classes : guerriers, juges, prêtres formant la classe aisée, les agriculteurs et les artisans.
Quelle éducation aura-t-on dans cette cité ?
 
 
 
 
3.9.3.2.5.5. L’Education
 
 Comme chez Platon, l’Education a une place de choix dans la Cité aristotélicienne et il est le problème principal du LEGISLATEUR. L’éducation aura le but de rendre apte à mener une vie de loisir. En d’autres mots, elle exercera les citoyens à devenir d’abord de bons sujets et acquérir les qualités leur permettant de devenir ensuite de bons gouvernants. Cette Education s’occupera du corps, des désirs et de la raison.
 
On comprendra que dans cette Cité le philosophe est un pédagogue et invitera à      choisir la vie de loisir au lieu de la vie laborieuse. C’est cela l’IDEAL HELLENIQUE. Le travail et les techniques sont méprisables. Ainsi on saura pourquoi Aristote légitime l’ESCLAVAGE.
 
Celui-ci est de droit, « par nature ». Il est lié à la nécessité économique et l’ESCLAVE, écrit-il, est l’«être qui par nature ne s’appartient pas, mais est l’homme d’un autre(…) : est l’homme d’un autre quelconque, étant homme, est objet de propriété ; il est objet de propriété en tant qu’instrument ordonné à l ‘action et séparable »[56]. L’esclavage existe parce que certains sont faits pour obéir et d’autres pour commander. Mais « un grec ne doit en aucun cas réduire un grec en esclavage »[57] et ceci fut révolutionnaire en son temps.
 
L’esclave peut espérer être un jour émancipé. Le pouvoir du maître sur l’esclave est despotique, celui du mari sur la femme est constitutionnel, celui du père sur l’enfant est monarchique.
 
Quel sera le concept de la JUSTICE dans cette Cité ?
 
3.9.3.2.5.6. La justice
 
     Aristote n’a pas passé sous silence cette question. Ainsi il parlera de la justice universelle ou légale. Elle est relative à nos rapports avec autrui. Et « il s’agit de l’accomplissement total de la loi si la loi a été établie correctement » [58]. De ce fait l’homme juste est celui qui observe la loi et respecter l’égalité. Il énoncera aussi la justice particulière, qui sera distributive (prendre soin de repartir justement les biens et les honneurs dans la société) et corrective (compenser les dommages subis).
 
     Au concept de JUSTICE, Aristote joint celui d’EQUITE (Jurisprudence). CELLE-CI CORRIGE LA JUSTICE QUAND LA LOI SE MONTRE INSUFFISANTE  EN RAISON DE SON CARACTERE TROP GENERAL. L’équité prend en compte les cas particuliers et apporte une correction à la généralité de la loi »[59].
Dans cette cité doit-on obéir aveuglement ?
 
3.9.3.2.5.7. La sédition
 
     Aristote est aussi conscient du fait que sa cité peut disparaître. Ainsi il évoque la SEDITION qui permet d’être de deux types. La première vise le remplacement de la constitution (= partie délibérative qui est souveraine, magistrature – notre pouvoir exécutif et administratif – et pouvoir judiciaire), mais la seconde la prise pure et simple du pouvoir. La cause principale est le sentiment de l’inégalité et les causes secondaires sont la frustration des groupes, le goût des richesses et des honneurs, etc. Voilà pourquoi la magistrature ne doit pas être une source de profit.
 
     Dans cette conception de la politique, Aristote en sortira avec une conception toujours présente : « Tel genre d’homme requiert un gouvernement despotique (du maître sur l’esclave) tel autre gouvernement monarchique, tel autre encore un gouvernement libre, chacun de ces régimes étant juste et expédient pour le peuple en question…[60]. En d’autres mots, la meilleure forme de l’Etat, résume Maurice de Wulf, est « celle qui convient le mieux aux besoins du peuple »[61].
 
Pour Aristote, l’homme est un animal politique et il doit s’occuper de la politique, sinon celle-ci s’occupera de lui.
 
3.9.3.2.6. Sa conception de Dieu
 
Le monde étant éternel, n’ayant pas de commencement, et étant en mouvement, doit avoir une Cause. Par ailleurs, dans l’explication du mouvement par les causes, les unes par les autres, il faut bien s’arrêter quelque part. Il faut donc poser un PREMIER MOTEUR mouvant tout sans être mû par quoi que ce soit.
Ainsi on comprendra que pour Aristote Dieu est le MOTEUR IMMOBILE. Il n’est pas créateur, il agit par traction et non par impulsion. Il est ACTE PUR, donc rien n’est en puissance en lui. En lui, tout est actualisé. Il est dépourvu de matière. PURE PENSEE, Dieu ne se pense que lui-même et dans sa PERFECTION, il ignore le monde.
Quelle appréciation ferons-nous de Aristote ?
 
3.9.3.2. Appréciation critique
 
Aristote est toujours grand. C’est un philosophe courageux qui sacrifie l’amitié sur l’autel de la vérité. Il n’hésite pas à entrer en contradiction avec son maître. Il PREND POSITION SUR UNE AUTRE. Ainsi il proposa sa façon de voir l’homme et l’État.
Avec Platon, il demeure un des fondateurs de la science politique, science de la cité et de la société, science de l’État, forme élaborée de la société. Pour lui, la politique reste la science architectonique par excellence, celle qui oriente et dirige tout savoir-faire . N’a-t-il pas dit que si vous ne vous occupez pas de la politique, elle s’occupera de vous ?
C’est avec raison que Jaqueline RUSS le qualifie de père des sociologues et cela se voit dans sa façon d’expliquer la naissance de l’État.
Mieux que Platon, il nous permet de mieux embrasser la diversité des régimes, du moins ceux de son temps.
Chez lui comme chez Platon, la morale est liée à la politique, elles font UN, mais la politique englobe l’éthique, car le bien individuel est subordonné au  souverain bien de la cité, et à ce propos il n’est pas l’ancêtre de l’individualisme, quand bien même celui-ci se réclamerait de lui.
Sa critique de la communauté des biens aurait évité à l’ex. URSS de sombrer si l’on avait prêté attention à sa philosophie.
Sa position sur les critères pour être citoyen est d’actualité dans notre pays où le cas Banyamulenge fait tâche d’huile.
Il a introduit en politique la méthode empiriste en comparant les différentes constitutions. Nicolas MACHIAVEL n’emboîtera que ses pas.
Sa philosophie politique se veut REALISTE et non UTOPISTE comme chez Platon. Il ne parle pas d’un État idéal mais d’un État possible.
Sa conception de la justice secourue par l’équité fait un pas de plus sur celle de Platon.
Homme, Aristote était fils de son temps, voilà pourquoi il trouve normal que la femme soit inférieure à l’homme, et en cela il va plus bas que Platon.
En légitimant l’esclavage et en reconnaissant une certaine inégalité, il ne voit pas plus loin que son maître.
Quoiqu’on en dise, il restera contemporain quand il énonce que le peuple a le gouvernement qu’il mérite. Montesquieu lui doit beaucoup.
En l’étudiant, on sera capable de prendre position sur notre vivre-ensemble qui cherche à être un BIEN-VIVRE.
Aristote, en s’opposant à Platon, fait « progresser » la philosophie et par ses observations, il fait progresser la science. Nous sommes héritiers de ses recherches dans plusieurs domaines. Sa métaphysique rejoint la problématique de l’être, de l’un et du multiple, du stable et du devenir. Sa théorie de l’Acte et de la Puissance est un grand apport. Son anthropologie échappe au dualisme et en retenant la RAISON comme ce qui différencie l’homme des autres êtres, il se sépare d’Anaxagore. Son Ethique est pratique et répond à ce que tout homme cherche sans pour autant l’atteindre. Son souci politique louable reste imparfait, car il reconnaît l’esclavage. Son Dieu, comme la Dikè de Parménide et le Dieu de Descartes après lui, est un Dieu EPISTEMOLOGIQUE, censé répondre à des problèmes d’ordre épistémologique. Il n’a rien à voir avec la vie des hommes, et encore moins avec leur salut.
 
3.10. LES ECOLES SOCRATIQUES
 
3.10.1. L’école de Mégare
 
A la mort de Socrate, ses amis se réfugièrent à Mégare, y compris Platon pour un certain temps.
Comme le dit si bien Lambros COULOUBARITSIS, « les philosophes de Mégare ont souvent été qualifiés de disputateurs, de réfutateurs, voire d’éristiques et de sophistes »[62]. A dire vrai, les philosophes de Mégare (dont ICHTHYAS, CLIMOMAQUE, EUBOULIDE..) sont de dialecticiens redoutables et ils posent de véritables problèmes philosophiques d’ordre logique. Toutefois, à la suite de Socrate, l’Ethique a une grande place chez eux.
Euclide de Mégare en fut le fondateur. Il parlait de deux démons : l’un le sommeil et l’autre la mort. Le premier, jeune et docile, on peut lui échapper sans peine. Le second est vieux, inflexible. Impossible d’échapper à sa manifestation. Bien qu’influencé par Socrate, Euclide fera un éléatisme éthique. Il pensera le BIEN dans son UNITE, toujours identique à soi. Comme la vertu, il est un, même si on lui donne plusieurs noms (Sagesse, Prudence, Pensée). Unique, hors de lui rien n’est réel. On a le culte du Bien comme chez Socrate.
Les mégariques, retenant de Zénon d’Elée le sens polémique, ont produit des arguments d’une valeur incontestable. Ex. : Le chauve : Quand peut-on dire que X est chauve ? Le tas : Quand commence le tas, avec combien de grains de sable ? Le menteur : Quand je dis que je mens, dis-je vrai, puisque je mens ? C’est le Paradoxe du menteur.
 
3.10.2. L’école cynique (445-365)
 
Elle fut fondée par Antistène. Le nom de l’Ecole vient du lieu de sa fondation, à savoir le gymnase de Cynosarges, lieu où se rassemblaient les étrangers vivant à Athènes. « Cynosarge » signifie « chien agile », et ce nom fut attribué aux adeptes de l’Ecole. En effet, leur façon de vivre, libre et dépravée, aboyait face à l’hypocrisie de la société athénienne. Ils sont anticonformistes religieux et sociaux.
Diogène de Sinope (323 av. J.C.), connu sous le nom de Diogène le Cynique, fut le disciple le plus célèbre d’Antistène. Il fut contemporain de Platon et d’Aristote. Il se promenait en plein jour avec sa lampe allumée à la rechercher de l’homme, á la recherche d’un homme authentique. Devant Alexandre le Grand qui lui demandait ce qu’il pouvait faire pour lui, il lui répondait qu’il devrait s’écarter de son soleil. Ici on voit la liberté d’esprit de cyniques. Voyant un jour un enfant boire dans ses mains, il jeta son gobelet en s’écriant, selon Diogène de Laërce cité par Couloubaritsis (p. 170) : «  un garçon m’a dépassé en frugalité ». N’oublions pas que la VERTU, pour les Cyniques, consistait dans le rejet des richesses, des honneurs et des plaisirs. Il dormait dans un tonneau, et à celui qui se moqua de sa pauvreté, il se contenta de faire remarquer qu’ « on voit bien des gens accéder à la tyrannie à cause de leur richesse, mais jamais à force de pauvreté ». « La pauvreté, dit-il encore, est, pour la philosophie, une aide qu’on n’apprend pas dans les livres : ce que la philosophie tente d’inculquer dans les discours, la pauvreté contraint l’esprit à le saisir par les faits ». C’est pourquoi la seule philosophie qu’il admet est celle qui apprend « à se suffire â soi-même". Pour lui la philosophie consiste à « pouvoir être riche sans avoir une seule obole » ; c’est aussi « être prêt à toute éventualité ». La chose la plus belle au monde, dira-t-il encore, c’est « la liberté du langage »[63]. A la question de savoir qu’elle est la bête qui mord le plus terriblement, il citait la calomnie, le flatteur.
Platon l’appelait « Socrate devenu fou » à cause de son mode de vie.
Les Cyniques se croyaient « citoyens du monde ». C’est le cosmopolisme. Ils prêchent la fraternité et la solidarité avec les déshérités. Ils étaient considérés comme anarchistes.
 
3.10.3. L’ECOLE CYRENAÏQUE
 
Elle fut fondée par Aristide (435-355 av. J-C), disciple de Socrate après avoir connu la philosophie de Protagoras. Comme les Sophistes, il fallait payer ses enseignements. Reproché d’avoir quitté Socrate et de ne pas assisté à sa mort, il répondait : « Je suis allé auprès de Socrate pour m ‘instruire et chez Denys pour m’amuser ». Et comme il s’était moqué de Diogène qui avait ses légumes, celui-ci lui a répondu : « Si tu avais appris à faire autant, tu ne fréquenterais pas les cours des tyrans ». A quoi il rétorqua : « Et toi, si tu avais appris à vivre en compagnie, tu n’aurais pas à laver des légumes ». Comme on peut le remarquer, on n’a pas toléré à Aristide le fait d'avoir quitté Socrate pour vivre chez le tyran Denys.
Aristide a repris la devise de Socrate, à savoir «connais-toi toi même». Toutefois, cette connaissance de soi est en référence au PLAISIR. Celui qui se connaît prend conscience de ce que le plaisir est et n’est pas. Il est absence de douleur et expérience positive. Le bien, pour Aristide, est ce qui procure le plaisir. Celui-ci se situe dans le présent et non dans le passé qui n’existe plus. Ainsi, on a l’HÉDONISME qui se défend de la débauche. La connaissance de soi entraîne la maîtrise de soi et celle du plaisir. Les plaisirs doivent être réglés ; d’où l’excès est interdit, car il nuit à la personne. Par ailleurs, les choses sont éphémères. Il faut avoir la SCIENCE OU LE PLAISIR et seul le philosophe peut la posséder. La philosophie n’est pas dans cette optique, une simple spéculation. Elle est l’arme destinée à éclairer l’homme dans la recherche du Bonheur et permet de maîtriser les plaisirs. Le Bonheur est dans la recherche de plaisirs. « Il faut, en d’autres termes, vivre avec les plaisirs plutôt que contre eux. C’est pourquoi, le précepte de l’École hédoniste est opposé à l’Ecole cynique : il faut posséder sans être possédé. Cela signifie qu’il faut apprécier à sa juste valeur tout plaisir donné, même le plus intense et se méfier des illusions du Bonheur. »[64]
 
3.10. 4. CONCLUSION SUR LES ÉCOLES SOCRATIQUES
 
            L’homme est au centre de leurs réflexions. Toutes ces écoles sont à la recherche du Bonheur. Si le but est le même, elles diffèrent sur les moyens. Certains prônent l’étouffement des passions pour sauvegarder sa liberté, d’autres font l’apologie d’un plaisir présent.
            L’on comprend, à présent que tout se comprend à partir de l’HOMME et non à partir de la NATURE comme cela fut le cas avec les Antesocratiques. Ne retourne-t-on pas subrepticement à l’homme mesure de toutes choses, surtout de son bonheur ? Les Épicuriens et les Stoïciens en seront, encore une fois, un exemple.
 
3.11. EPICURE ET L’ÉPICURISME
3.11. 1. QUI-EST-IL ?
 
            Epicure est le chef de ce courant philosophique. Il est né à Samos, 7 ans après la mort de Platon. Il a suivi des cours à l’Académie et au Lycée. De Nausiphanes, ancien élève de Pyrrhon, il avait appris l’absence de trouble, pour l’âme. De Démocrite, il apprit le rationalisme et l’atomisme. Il a acheté un jardin où il donnait cours.
            Homme modéré, sobre, doux, assez vertueux, intrépide devant la souffrance, Epicure fut accablé de calomnies ternissant sa mémoire. Et pourtant, il s’est donné comme but celui de débarrasser les hommes des superstitions religieuses et de la peur de la mort.
 
3.11. 2. QUE DIT-IL ?
 
3.11. 2. 1. Sa cosmologie
 
            D’après lui, il n’y a que deux choses dans l’univers : les atomes et le vide. L’univers est tout ce qui existe ; et tout ce qui existe est matériel. Ainsi, même l’âme est corporelle, donc mortelle. Elle est formée d’atomes imperceptibles, plus subtiles. Les atomes ont la pesanteur, la grandeur, la forme, sont indissolubles, persistantes, n’augmentent en rien et ne diminuant pas. Par un mouvement les déviant de leur trajectoire, le CLINAMEN, les atomes se combinent par HASARD et non par Nécessité comme enseignait Leucippe.
 
3.11. 2. 2. Son Ethique
 
            Pour Epicure, l’idéal de la sagesse est absente de trouble de l’âme, l’ATARAXIE (Cf. Démocrite). Ainsi, l’Ethique a un double aspect. Elle est la critique d’ascétisme et la formation d’authentiques règles de sagesse.
            Son Ethique, comme celle de Démocrite, voit dans les PLAISIRS la source de Bonheur et de bien. Toutefois, les plaisirs ne sont pas confondus à ceux des débauchés (Cf. Aristide). Au contraire, ils consistent en l’absence de souffrances physiques et de trouble de l’âme. Voilà pourquoi, il donna une HIERARCHIE DES PLAISIRS : les plaisirs naturels et nécessaires visant à retrouver la santé et l'équilibre. Ex : boire de l’eau. Les plaisirs naturels et non nécessaires. Ex : vouloir se nourrir des mets délicats et ne boire que ce qui est rare. Les plaisirs non naturels et non nécessaires. Ex : vouloir dominer le monde ou disposer d’immenses richesses. Par ailleurs, Epicure nous fait savoir que quand bien même si tous les plaisirs seraient un bien, on ne devrait pas rechercher tous les plaisirs. Les excès sont à éviter et le PLUS GRAND BIEN est dans la satisfaction d’humbles plaisirs naturels, dans l’apaisement de la faim et dans l’étanchement de la soif. Ainsi, on comprendra qu’Epicure enseigne une vie simple, peu coûteuse, sans débauche. En d’autres mots, le plus Grand Bien consiste à se suffire à soi-même. C’est cela SAGESSE qu’il enseigne à qui veut être heureux, sage, honnête et juste.
 
3.11.3. Appréciation
 
            C’est dans l’ Ethique que LA PHILOSOPHIE est une activité qui, par des discours et des raisons, nous procure une vie heureuse. Elle est un PORT ou une CITADELLE, une DIGUE ou un REMPART que l’homme élève contre les inquiétudes, les terreurs et les infortunes. Voilà pourquoi, Epicure donnera quelques conseils : retire –toi en toi –même, chasse les passions, instruis –toi auprès des plus savants. Jouis d’une parfaite tranquillité d’âme, ris du destin, ne considère ni la nécessité comme un maître, ni le hasard comme un dieu. « Médite –le, jour et nuit, et vivant au milieu des biens périssables, tu ne ressembleras en rien à un être mortel et passeras comme un dieu parmi les hommes »[65].
            C’est dans la recherche de l’ATARAXIE qu’Epicure donnera les quatre remèdes. « Il n’y a rien à craindre des dieux
                 «Il n’y a rien à craindre de la mort
                 « On peut supporter la douleur
                 « On peut atteindre le bonheur »[66]
            Il donne une vraie compréhension des plaisirs. Epicure ne fait pas décoller les humains de la terre, en les invitant à se couper des dieux, il leur prive, par ailleurs, d’une autre forme de plaisir se trouvant dans la contemplation.
 
 
 
 
 
3.12. LE STOÏCISME
 
Lon parle volontiers du Stoïcisme ancien où dominent les figures de ZENON de Cittium (334-264 av J.C.) et CHRYSIPPE de Sales (280/277-210/204) mort en riant. CLEANTRE (331-232 av J.C.) en fait aussi partie.
Le stoïcisme moyen se glorifie des figures de PANAITON de Rhodes (185-125 av J.C) et de POSIDONIUS d’Apamée (135-51/5 av J.C.), Le stoïcisme nouveau est représenté par SENEQUE (8-64 ap. J.C.), EPICTETE (50-130 apr. J.C.) et de l’empereur MARC AURELE (121-180 apr. J.C.)
            Les stoïciens comparent la PHILOSOPHIE à un verger défendu par des murs : logique, physique et éthique. Ils la comparent aussi à l’œuf : le jaune = éthique ; le blanc = physique et la coquille = logique. Posidonius la compare à un être vivant dont les os et les nerfs sont la logique, le sang et la chair la physique et l’âme l’éthique.
 
3.12. 1. COSMOLOGIE
 
            La réalité est matérielle ou corporelle. En d’autres termes, toute substance est matérielle, tout ce qui existe est matériel, limité. La DIVINITE se confond au MONDE. C’est le PANTHEISME. Le monde est conçu soit comme la substance une, indestructible, inengendrée, soit comme le feu ou une providence pénétrant (comme l’esprit) toutes les parties de l’univers.[67]
            Le monde est DIEU ; ce dernier est le LOGOS ordonnateur du monde. Toutefois les stoïciens reconnaissent quatre sortes d’incorporels, à savoir le discours, le vide, le lieu et le temps. 
            Pour eux, l’UN est rattaché au MULTIPLE et la SAGESSE consiste à vivre selon les LOIS DE LA NATURE.
 
3.12. 2. L’ETHIQUE
 
            L’éthique enseigne la conduite sage et vertueuse, seule capable de procurer l’ABSENCE DE TROUBLE DE L’AME et de soigner ou d’écarter les PASSIONS DE L’AME.
Si pour les Epicuriens, on met en exergue les plaisirs, les Stoïciens prônent une VIE MORALE consciente et une mise en pratique de l’harmonie et du monde. Il faut rechercher l’EQUILIBRE (Cf. Démocrite), car il y a une SOLIDARITE HUMAINE (Cf. Cynisme) et COSMIQUE. L’HARMONIE (Cf. Pythagore) doit être recherchée à tous les niveaux. Voilà pourquoi la vie morale se fait voir dans ses trois formes: la vie spéculative procurant la connaissance, la vie raisonnable basée sur la sympathie vécue et la vie active en conformité avec la NECESSITE. Et l’homme doit « savoir que tout ce qui arrive, arrive justement. » Il y a ce qui dépend de nous et ce qui dépend du DESTIN, MOIRA.
Toutefois, le SAGE est méditatif, homme d’action, raisonnable .Il comprend que,par la méditation, les raisons de l’harmonie universelle et par l’action il concourt à cette harmonie universelle. Il est libre et reconnaît la NECESSITE. Il est cosmopolite et sauve sa vie en le perdant.
L’homme, dans cette éthique, doit se comparer à un chien attaché par une bricole à la charrette du chiffonnier. S’il se révolte, il sera traîné et blessé, et s’il obéit, se conformant à la LOI DE LA NATURE, il est heureux. L’AME HUMAINE est une EMMANATION DE LAME DU MONDE. Le comprendre conduit à la sagesse et au salut. Qui peut être sage ? Socrate ne l’est pas, il y tend seulement.
 
3.12.3. Appréciation
 
Le stoïcisme, de STOA (portique) où se tenaient les enseignements, est une tendance philosophique complexe et vise le BONHEUR de l’homme en l’invitant à connaître les Lois de la nature. Héritier d’HERACLITE, quant à ce qui concerne le LOGOS, le stoïcisme prolonge la réflexion humaniste et propose un idéal existentiel consistant dans la Recherche de la PAIX DE L’AME et cela s’acquiert par la maîtrise de soi, en vivant selon les LOIS DE LA NATURE, en recherchant l’HARMONIE et en comprenant la Nécessité. Ici la philosophie est vie. Ce système souffre de son PANTHEISME.
Pour le stoïcisme, nous nous sommes inspiré de J-P. Dumont.
 
3.13. LE SCEPTICISME
 
A dire vrai, les Sophistes doivent être considérés comme les premiers vrais sceptiques.
PYRRHON D’Elis (365 –275) est le fondateur de ce courant. Il avait suivi Alexandre le Grand dans ses expériences en Asie et « il aurait été impressionné par l’indifférence qui caractérisait les sages et mages indous »[68] . TIMON fut disciple et son héritier spirituel et confidentiel à la fois.
Sage, Pyrrhon a vécu en compagnie de sa sœur, sage-femme. Deux fois, sa tranquillité de l’âme fut troublée. Pour la première fois, lorsqu’il grimpa dans un arbre pour fuir un chien et la deuxième, la dernière fois, quand il se fâcha contre sa sœur. Résigné, il citait souvent Homère :« Pourquoi gémir, Patrocle est mort qui valait mieux que toi ». Son ami, étant tombé dans un marais, Pyrrhon a poursuivi son chemin et son ami a admiré son impassibilité.    
Le premier, il formula la REGLE DE SUSPENDRE SON JUGEMENT : « Je ne définis rien, il n’ y a rien de compréhensible, ni oui ni non »[69], car « pour ou contre, on trouve toujours d’égales raisons et l’apparence est maîtresse de toute chose »[70] (Cf. Protagoras) Toutefois, si l’on doit douter des choses obscures, cela ne vaut pour L’EVIDENCE DES CHOSES SENSIBLES.
Pour Pyrrhon, l’APHASIE (ne rien dire) et l’ATARAXIE (ne point se troubler) peuvent seuls conduire à l’impassivité qui demande qu’on respecte les lois (conformisme) et les coutumes.Il est différent du Cynisme et de Protarogas.
Chez Pyrrhon, « la suspension de jugement (époché), l’indifférence complète (adiaphonie) marquent le terme de l’impassivité fondée sur l’incertitude de ce que l’homme ne peut saisir »[71].
Après sa mort, ses disciples prirent le nom de ZETETIQUES, de SCEPTIQUES, d’EPHECTIQUES et d’APORATIQUES « marquant par là qu’il peut exister quatre moments du doute selon que l’on recherche sans cesse la vérité, qu’on ne cesse de la rechercher sans la trouver, qu’on suspend toujours son jugement et qu’on demeure finalement dans l’incertitude »[72].
Il eut comme disciples Arcésiles, Carnéade, l’homme distrait à table et à qui la parole conférait un éclat incomparable d’après Cicéron : « Jamais il ne soutint une thèse sans la faire triompher, jamais il n’attaqua une doctrine sans la détruire. Ses adversaires, dit-on, le fuyaient »[73].
 
.3.13.1. Appréciation
 
Comme ses prédécesseurs, Pyrrhon cherche la tranquillité da l’âme. il s’en diffère par les moyens. Il est humaniste, et il concentre sa réflexion sur l’homme. Conformiste, il appelle le respect des lois et des coutumes. Sceptique, il ne veut pas troubler la paix de son âme.
Son défaut est de n’avoir pas douté de son doute. En cela au moins il avait une CERTITUDE qui échappait au doute ; i e son doute est au moins vrai. S’il en est ainsi, le scepticisme est inconséquent dans sa formulation même. Il invite à « suspendre son jugement » sans suspendre cette déclaration. Le réalisme veut que la vie soit faite des OPTIONS FONDAMENTALES qui sont des déclarations ou décisions conduisant notre vivre ensemble. (Cf. DESCARTES qui ne doute pas de la religion et de la morale).
 
3.14. PLOTIN ET LA METAPHYSIQUE DE L’UN
 
3.14.1. QUI EST-IL ?
 
Né en Egypte (est-il d’origine romaine?) en 205 ap. J.C et mort en 270, Plotin, homme qui a repensé la doctrine de Platon avec les éléments aristotéliciens et stoïciens, a suivi les cours d’AMMONIUS SACCAS. C’est à 28 ans, d’après son disciple et biographe Porphyre, qu’il s’est attaché à la philosophie. Il a pris part à l’expédition de l’empereur Gordien contre les Perses dans le but de se familiariser avec « les doctrines orientales »[74], d’après Porphyre.
En 244/7, il s’installa à Rome où il ouvrit une ECOLE. Il fut protégé par l’EMPEREUR Gallien qui voulait faire de lui un philosophe officiel.
Son disciple Porphyre classa ses 54 dissertations en six groupes de neuf traités(symbole des neuf Muses) et qui donne aussi un nom au traité : Les ENNEADES.[75]
3.14.2. QUE DIT-IL?
 
3.14. 2.1. L’UN
 
Principe premier des choses, il est la parfaite UNITE, il est PUR, VERITABLE. Il est un EN SOI, car il n’a pas besoin de rien. Il est L’ABSOLU. Principe absolument premier et l’intelligence consistant dans la pensée ne peut pas être le premier principe, car, comme pensée, elle requiert un objet qu’elle tient d’un principe se trouvant au –dessus d’elle. Ce qui n’est pas le cas avec l’UN.
Au –delà de l’intelligence, l’UN n’a besoin de rien d’autre que lui–même[76]. Aristote, selon lui, a eu tort de dire que le premier principe se pensait lui–même.
 
L’UN est au-delà de la connaissance, au-delà de l’expression de la parole. Il est INEFFABLE. La seule notion pouvant bien le dire est le BIEN. Il s’agit du BIEN absolu conduisant au BEAU absolu, créateur de toute beauté. Dans le BEAU absolu, l’UN est l’objet le plus haut de l’amour qui ne doit pas s’attacher aux beautés trompeuses du monde sensible.
L’UN est la perfection absolue, cause génératrice de toutes choses. Il est DIEU, car il est Absolu et la Puissance des êtres.    
Comme se fait la CREATION ?
DIEU produit des choses en restant lui-même immobile et la création n’est rien d’autre qu’un rayonnement d’une lumière échappant de l’Absolu sans troubler son corps comme la splendeur émane perpétuellement du soleil. C’est la THEORIE DE L’EMANATION. ici il y a une dialectique descendante. DIEU engendre éternellement ce qu’il y a de plus parfait après lui. L’UN, DIEU engendre l’intelligence qui est L’IMAGE de L’UN. Donc l’intelligence reste une EMANATION. En créant l’intelligence, l’UN lui communique sa puissance créatrice. L’intelligence engendre à son tour l’AME, image de l’intelligence, elle-même image de L’UN.
 
L ‘UN, en dernière analyse, engendre le MULTIPLE. Toutefois les produits de l’UN aspire à L’UN.
Plotin dira : « Il faut remonter jusqu’à l’UN, à L’UN véritable. Il n’est pas comme les autres uns qui, étant multiples, ne sont qu’en participant à l’UN. il faut saisir l’UN qui n’est pas tel par participation, et qui n’est pas cet UN qui n’est pas plus un que multiple. Le monde intelligible et l’intelligence sont certainement des êtres plus « un » que tous les autres, pourtant ils ne sont pas l’ UN dans toute sa pureté. Qu’est-ce que l’UN pur, véritable, qui ne se dit pas d’autres choses ? C’est ce que nous désirons voir, si c’est possible. Il faut bondir jusqu’à l’UN et ne plus rien lui ajouter, mais s’arrêter là par crainte de s’écarter de lui et se garder de procéder jusqu’à deux. Sinon vous avez deux, non pas un deux où l’UN rentrerait comme unité, mais le couple qui est postérieur à l’UN, car l’Un se refuse à faire nombre ».[77]
 
L’UN de Plotin est « au-delà de l’essence et de l’être » (Cf. Rép. 509 b) comme le Bien de Platon. Demeurant « en lui-même », il est « puissance de tout » et lui est « le plus parfait ». Il ressemble à une fontaine qui surabonde, à un feu qui répand sa chaleur, tout entier il est un EN SOI et un POUR SOI. Notre désir doit être celui de nous UNIR à lui qui n’est ni repos ni mouvement, lui qui n’est ni mélange à quelque chose ni pourtant absent de quelque chose. On ne peut le « VOIR » que par l’EXPERIENCE MYSTIQUE, celle de la CONTEMPLATION. Sur son lit de mort, Plotin dira :  « Je tâche à faire remonter tout ce qui est divin en nous vers le divin qui est dans le tout »[78]. Et loin de se perdre dans l’INDICIBLE, L’INEFABLE, l’âme, s’unissant à l’UN, retrouve son destin originel et bienheureux. A ce niveau, il n’est plus rien qu’elle craigne, plus rien non plus qu’elle convoite.
DIEU s’est créé lui-même, car il est la liberté absolue.
 
3.14.2.2. L’INTELLIGENCE
 
Autrement appelée intellect, l’intelligence est père de l’Âme. Elle l’a engendrée, la vivifie et lui reste immanente[79]. Elle donne à l’âme les formes à imprimer dans la matière, car tout être est forme et matière. L’intellect est la cause productrice des choses sensibles. Celles-ci existent par participation en tant qu’elles participent à une forme intelligible. Elle est comme un monde des réalités éternelles existant réellement et faisant exister tout ce qui existe.
L’intelligence est éternité même et le temps est son image. Elle est, et ne connaît ni le futur, ni le passé. Sa vie est un maintenant éternel et bienheureux[80]. Elle est le monde de la pure beauté. Ainsi les formes éternelles contenues en elle sont parfaitement belles. D’où la vraie forme et la vraie beauté existent dans le monde intelligible.
 
Monde de l’unité, l’intellect n’exclut pas la multiplicité. Il est en acte, il est activité même. Il est la vie universelle. Il se meut éternellement en lui-même sans sortir de son repos.[81] Mouvement, son existence est comparable à celle de la pensée. Il allie en lui l’un et le multiple, ainsi il est un Tout rempli d’harmonie.[82]
L’intelligence contient autant d’IDEES qu’il y a d’individus dans le monde sensible. Il n’y a pas, par ex. un seul archétype pour tous les hommes.
 
3.14.2.3. L’AME HUMAINE ET L’AME UNIVERSELLE
 
Dorigine divine, l’âme est éloignée de DIEU comme l’enfant est séparé de sa famille dès sa naissance. L’âme n’a plus la connaissance de DIEU.
Étrangère à elle-même, elle s’attache aux choses extérieures. Toutefois, on doit dire de l’âme qu’elle est supérieure aux choses sensibles et corporelles et que sa véritable destinée est de se tourner vers DIEU dont elle émane.[83] 
           
L’âme donne au corps sa vie et sa beauté. Elle est principe de vie. Réalité substantielle, incréée et indestructible (# corps), elle est immortelle.
L’âme est une partie de l’Âme universelle qui « a tiré toutes choses des ténèbres de la matière et leur a donné la forme, le mouvement et la vie » Cette âme universelle fait du monde constamment une œuvre d’art ; présente à la fois dans toutes choses, elle anime toutes choses à la fois. Toujours entière et indivisible, elle soutient tous les êtres au-dessus du néant. Cette Âme universelle tire son image d’un principe supérieur l’INTELLIGENCE. D’où l’âme est l’image de l’intelligence dont elle est un verbe de même que « le verbe extérieur, la parole, est l’image du verbe intérieur de l’âme. »[84]
Provenant de l’intelligence, l’âme est intelligence.
 
3.14.2.4. LE MONDE SENSIBLE
 
Il est produit par expansion de l’âme universelle. D’où le monde est beau et non un tombeau. Il est soumis à la loi du temps. Il n’est pas une chute de l’âme. Il est une belle image du monde intelligible et se modèle perpétuellement à la ressemblance de l’Être divin qu’elle a pour mission de représenter.[85]
L’ordre et la beauté règnent dans le monde et s’expliquent par la PROVIDENCE (rien n’y passe par hasard) universelle. Cette Providence fait que le monde soit conforme à l’intelligence.
           
Comment s’explique alors le mal dans le monde sensible ? Ce dernier n’a pas la perfection du monde intelligible. Il est un MELANGE d’intelligence et de matière. D’où il renferme le mal qui a son principe dans la matière en tant qu’est privation de la forme.
Par un mouvement ascendant, DIALECTIQUE ASCENDANT, il doit monter vers L’UN. Ici se justifie la PURIFICATION comme voie obligée de l’Homme pour s’unir à l’UN.
3.14.2.5. L’HOMME
 
Lhomme est composé d’une âme et d’un corps. L’âme n’est enfermée dans un corps, car elle n’est pas corporelle. Elle contient le corps et non le contraire. L’âme est mauvaise en tant qu’elle est mêlée au corps. Elle a des ailles, une fois séparée du corps. Le détachement de l’âme à l’égard du corps doit être un détachement intérieur, une PURIFICATION sans violence et consistant dans LA MORALE. Par la purification l’âme parvient à la VIE CONTEMPLATIVE qui est sa véritable FIN. C’est dans la vie contemplative que consiste le BONHEUR (plénitude de vie)
3.14.3. Appréciation
 
Plotin essaie de rester original et fécond. Il utilise la RAISON pour tout expliquer, quand bien même il admettrait la METENSOMATOSE à la suite de Pythagore. Il est fils de son temps et père d’une génération des philosophes qui se réclament de lui. On ne peut comprendre la philosophie islamique et tous ceux qui parlent de l’INTELLECT AGENT sans recourir à Plotin. L’on ne doit pas confondre la théorie émanantiste au mystère de la TRINITE.
 
CONCLUSION
 
Nous devons marquer les pas après avoir dialogué avec les anciens.
L’Antiquité négro-égytienne comme les Antésocratiques étaient brûlés par la passion de connaître. A la question de savoir pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien, l’ Égypte antique a une réponse qui est propre à son expérience et à sa sensibilité. Les Antésoratiques, chacun à sa façon, y ont suggéré une réponse. Ils sont tous intéressants et vivants. La nature ou l’univers constituait leur problématique fondamentale. La Sophistique constitue une période de transition. Sans elle, Socrate et les Postsocratiques n’existeraient pas peut-être ; ou mieux ils auraient peut-être orienté autrement leur mode de pensée. Ainsi la problématique, et cela grâce aux Sophistes, sera celle de l’homme. Mais d’une façon spéciale chaque postsocratique cherchera à proposer à l’homme les voies et moyens pour atteindre le bonheur.
De tout ce qui précède, l’on comprendra le sens d’être de notre titre, à savoir La passion de connaître et la recherche du bonheur.
Notre cours a fait voir que la pensée des anciens est toujours actuelle pour tout celui qui aimerait apprécier, à sa juste valeur, les découvertes scientifiques, les conceptions religieuses, les pensées politiques, les systèmes moraux, les enseignements de certaines sociétés secrètes, les dieux de certains philosophes, etc. C’est en se mettant sur leurs épaules que certains sont devenus grands. Nous pensons à saint Augustin, saint Thomas, Descartes, Kant, Marx, Heidegger, Machiavel Montesquieu, Rousseau, Rawls et tutti quanti.
Ne peut devenir grand que celui qui se met à l’écoute des autres et qui apprend de leurs erreurs et qualités.
Notre cours, à notre humble avis, prédisposera l’étudiant à bien suivre d’autres cours comme ceux de Cosmologie, de Métaphysique, d’Épistémologie, d’Anthropologie philosophique, de philosophie politique, de l’Éthique etc.
Il incombe à l’Étudiant de bien le comprendre. N’oublions jamais que la philosophie est liée à la vie comme les lèvres aux dents : non scholae sed vitae discimus. 
 
           
 
 
BIBLIOGRAPHIE
 
LIVRES
1.             ARISTOTE, Physique et Métaphysique. Paris, P.U.F., 1966.
2.             ID., Sur la nature, (Physique II, Bibliothèque des textes philosophiques). Introduction, traduction et commentaire par L. Couloubaritsis, Paris, 1991.
3.        BRUN, J., Les présocratiques, Paris, P.U.F., 1989.
4.             BURNET, J., L’aurore de la philosophie grecque.( Bibliothèque scientifique), Paris, Payot, 1970.
5.             COMPOSTA, D., Storia della filosofia antica. Rome, P.U.U., 1985.
6.             COPLESTON, F., Histoire de la philosophie. La Grèce et Rome. Paris, Casterman, 1964.
7.        DIOP ANTA CHEIKH, Civilisation ou barbarie. Paris, Présence Africaine, 1981.
8.        DUMONT, J. P., La philosophie antique. (Que sais-je ?) Septième édition mise à jour. Paris, P.U.F., 1989.
9.        GOBRY, Pythagore. Paris, P.U.F., 1973.   
10.   Le livre des morts des anciens égyptiens. Introduction, traduction, commentaire de Paul Barguet, Paris, Cerf, 1967.
11.   JERPHAGNAN, Histoire de la pensée : antiquité et Moyen Age. Paris, Editions. Tallander, 1989.
12.   KUNZMANN, P., BURKARD, F.-P., WIEDMANN, F., Atlas de la philosophie. (Encyclopédies d’aujourd’hui). Paris, Librairie Générale Française, 1993.
13.   LAËRCE, D., Vie doctrines et sentences des philosophes illustres. Traduction, notice et notes par Robert Genaille, Paris, Garnier–Flammarion, 1965.
14.   LEGRAND,G.,La pensée des présocratiques.(Pour connaître la pensée). Paris, Bordas, 1970.
15.   MABIKA NKATA,J.,La mystification fondamentale 1.Merut ne Maât.Aux sources négrides de la philosophie.(Cercle nunique).Lubumbashi, P.U.L., 2002.
16.   NIETZSCHE, F., La naissance de la philosophie à l’époque de la tragédie grecque.Traduit de l’allemand par Geneviere Bianquis. (nrf). Paris, Gallimard, 1938.
17.   NGOMA BINDA, La philosophie africaine contemporaine. Analyse historico –critique. (Recherches philosophiques africaines) Kinshasa, F.C.K., 1994.
18.   OBENGA, T., La philosophie africaine de la période pharaonique 2780 –330 avant notre ère. Préface de Tshiamalenga Ntumba. Paris, l’HARMATTAN, 1990.
19.   REVEL, J-F., Histoire de la philosophie occidentale. Penseurs grecs et latins. Paris, Stock, 1968.
20.   ROBIN, L., La pensée grecque et les origines de l’esprit scientifique. Paris, Albin Michel, 1963 et 1973.
21.   ROMEYER DHERBEY, G., Les Sophistes.(Que sais-je ?).Deuxième édition mise à jour. Paris, P.U.F., 1989.
22.   RUSS, J., Histoire de la philosophie. De Socrate à Foucault. (Profil formation) Paris, Hatier, 1985.
23.   ID., Philosophie :les auteurs, les œuvres. La vie et la pensée des grands philosophes. L’analyse détaillée des œuvres majeures. Paris, Bordas, 1996..
24.   RUSSELL, B., Histoire de la philosophie occidentale en relation avec les événements politiques et sociaux de l’antiquité à nos jours. Traduit de l’Anglais par Hélène Kern. (Bibliothèque des Idées) Paris, Gallimard, 1952.
25.   SAUVAGE, M., Parménide. Paris, P.U.F., 1973.
26.   SOMVILLE, P., Parménide d’Elée. Son temps et le nôtre. (un chapitre d’histoire d’idées) Paris, Vrin, 1976.
27.   VERGER, A –D. HUISMAN, Histoire des philosophes illustres par les textes. Préface de Ferdinand Alquié. Paris, Ferdinand Nathan, 1966.
28.   VOILQUIN, J., Les penseurs grecs avant Socrate. De Thalès de Millet à Prodicos. Paris, Garnier Frères, 1964.
29.   WERNER, C., La philosophie grecque. (Payothèque) Paris, Payot, 1972.
 
DICTIONNAIRE
 
30.   Dictionnaire de la pensée politique.Hommes et idées.(Collection J.Brémond). Paris, Hatier, 1989.
 
ARTICLES
 
31.   BARREAU, H., Zénon d’Elée, dans Dictionnaire des philosophes. Paris, Encyclopaedia / Albin Michel, 1998, pp. 1597-1600.
32.   BERNHARDT, J., La pensée présocratique : De Thalès aux Sophistes, dans
33.   BOLLACK, J., R., Empédocle, dans Dictionnaire des Philosophes, p. 509-512.
34.   CASSIN, B., Mélissus ou Mélissos, dans Dictionnaire des Philosophes, p. 1043.
35.   ID., Leucippe, dansDictionnaire des Philosophes ., p. 436.
36.   CHATELET, F., La philosophie païenne du VI ème siècle avant J. C. au II ème siècle après J.C.. Paris, Hachette, pp. 21-71.
37.   GIL, F., Démocrite, dans Dictionnaire des Philosophes, p. 426.
38.   KAYAS, G., Philolaos, dans Dictionnaire des Philosophes, pp. 1186-1187.
39.   LALEYE ISIAKA, P., La philosophie ? Pourquoi en Afrique ? dans C.P.A. 3-4 (1973).
40.   MABIKA, J., La dimension métaphysique de la philosophie africaine, dans  Philosophie Africaine : Rationalité et rationalités. » Actes de la XIX semaine philosophique de Kinshasa du 24 au 30 avril 1994. Kinshasa, F.C.K., p. 515-536.
41.   OBENGA, T., La philosophie pharaonique, dans Présence Africaine 137/138(1986)
42.   RAMNOUX, C., Les Présocratiques, dans PARRAIN,B.(dir),Encyclopédie de la Pléiade. Histoire de la philosophie. I. Orient –Antiquité –Moyen âge. Paris, Gallimard, 1969, pp. 405 –448.
43.   ID., Héraclite, dans Dictionnaire des philosophes, p. 702 –706.
44.   SCHUHL, Anaxagore, dans Dictionnaire des Philosophes, p. 65-66.
45.   YOYOTE, La pensée préphilosophique en Egypte, dans PARAIN, B. (dir), Encyclopédie de la Pléiade. Histoire de la philosophie. I. Orient –Antiquité –Moyen Age, p. 1-23.
 
MEMOIRES
 
46.   MUTOMBO NKULU –NSENGA, Antériorité de la philosophie négro –africaine. T.F.C. Lubumbashi, G.S.I, 1981.
 
 
 
TABLE DES MATIERES
 
 
 
 
AVANT-PROPOS…………………………………………………..
2
0.
INTRODUCTION……………………………………………………
5
0.1.
Objet………………………………………………………………....
6
0.2.
Objet pédagogique…………………………………………………
6
 
 
Première partie
 
1.
LA PHILOSOPHIE DE L’ANTIQUITE
 NEGRO-EGYPTIENNE……………………………………………
 
8
1.1.
La création…………………………………………………………..
8
1.2.
L’anthropologie philosophique égyptienne………………………
10
1.3.
L’éthique égyptienne……………………………………………….
11
1.4.
Qui sont les philosophes égyptiens ?…………………………….
14
 
 
 
2.
LES ANTESOCRATIQUES………………………………………..
17
2.1.
L’école de Milet……………………………………………………..
18
2.1.1.
Thalès de Milet……………………………………………………...
18
2.1.1.1.
Qui est-il ?…………………………………………………………...
18
2.1.1.2.
Que dit-il ?…………………………………………………………...
19
2.1.1.3.
Appréciation……………………...………………………………….
20
2.1.2.
Anaximandre de Milet………………………………………………
22
2.1.2.1.
Qui est-il ?…………………………………………………………...
22
2.1.2.2.
Que dit-il ?…………………………………………………………...
22
2.1.2.3.
Appréciation…………………………………………………………
24
2.1.3.
Anaximène de Milet………………………………………………...
25
2.1.3.1.
Que est-il ?……………………………………………………….….
25
2.1.3.2.
Que dit-il ?…………………………………………………………...
25
2.1.3.3.
Appréciation…………………………………………………………
26
 
 
 
2.2.
ECOLE DE PYTHAGORE DE SAMOS…………………………..
27
2.2.1.
Qui est-il ?…………………………………………………………...
27
2.2.2.
Que dit-il ?…………………………………………………………...
28
2.2.3.
Appréciation…………………………………………………………
33
 
 
 
2.3.
HERACLITE D’EPHESE…………………………………………...
35
2.3.1.
Qui est-il ?…………………………………………………………...
35
2.3.2.
Que dit-il ?…………………………………………………………...
36
2.3.2.1.
Sa conception de l’Univers (Monde)
ou sa Cosmologie…………………………………………………..
 
36
2.3.2.2.
Conception de Dieu et du Logos………………………………….
38
2.3.2.3.
Anthropologie philosophique………………………………………
40
2.3.3.
Appréciation…………………………………………………………
42
 
 
 
2.4.
L’ECOLE D’ELEE…………………………………………………..
44
2.4.1.
Xénophane de Colophon…………………………………………..
44
2.4.1.1.
Qui est-il ?…………………………………………………………...
44
2.4.1.2.
Que dit-il ?…………………………………………………………...
45
2.4.1.2.1.
Sa conception de l’être, de la nature
ou Cosmologie………………………………………………………
 
45
2.4.1.2.2.
Sa conception de Dieu……………………………………………..
46
2.4.1.3.
Appréciation...............................................................................
47
2.4.2.
Parménide d’Elée…………………………………………………...
48
2.4.2.1.
Qui est-il ?…………………………………………………………...
48
2.4.2.2.
Que dit-il ?…………………………………………………………...
48
2.4.2.2.1.
Sa conception de l’être……………………………………………..
48
2.4.2.3.
Appréciation…………………………………………………………
52
2.4.3.
Zénon d’Elée………………………………………………………...
54
2.4.3.1.
Qui est-il ?…………………………………………………………...
54
2.4.3.2.
Que dit-il ?…………………………………………………………...
55
2.4.3.2.1.
Sur les arguments de Zénon………………………………………
55
2.4.3.3.
Appréciation…………………………………………………………
56
2.4.4.
Mélissos de Samos…………………………………………………
58
2.4.4.1.
Qui est-il ?…………………………………………………………...
58
2.4.4.2.
Que dit-il ?…………………………………………………………...
58
2.4.4.2.1.
Sa conception de l’Etre…………………………………………….
58
2.4.4.3.
Appréciation…………………………………………………………
59
2.5.
Empédocle d’Agrigente (Sicile)……………………………………
61
2.5.1.
Qui est-il ?…………………………………………………………...
61
2.5.2
Que dit-il ?…………………………………………………………...
62
2.5.2.1.
Sa conception du monde (cosmologie)…………………………..
62
2.5.2.2.
Sa conception religieuse………………………………………….
64
2.5.3.
Appréciation…………………………………………………………
65
2.6.
Anaxagore de Clazomènes (Ionie)………………………………..
67
2.6.1.
Qui est-il ?…………………………………………………………...
67
2.6.2.
Que dit-il ?…………………………………………………………...
67
2.6.2.1.
Sa cosmologie………………………………………………………
67
2.6.2.2.
Anthropologie philosophique………………………………………
70
2.6.2.3.
Théorie de la Connaissance (épistémologie)……………………
70
2.6.3.
Appréciation…………………………………………………………
70
 
 
 
2.7.
L’ECOLE ATOMISTE………………………………………………
72
2.7.1.
Leucippe de Milet et Démocrite
d’Abdère (Ionie)……………………………………………………..
 
72
2.7.1.1.
Qui sont-ils ?………………………………………………………...
72
2.7.1.2.
Que disent-ils ?……………………………………………………..
73
2.7.1.2.1.
Cosmologie………………………………………………………….
73
2.7.1.2.2.
Théorie de la connaissance ou gnoséologie…………………….
75
2.7.1.2.3.
Sa conception politique…………………………………………….
75
2.7.1.2.4.
Son éthique………………………………………………………….
76
2.7.1.3.
Appréciation…………………………………………………………
78
 
COMMENT CONCLURE
CETTE PREMIERE PARTIE………………………………………
 
80
 
 
 
 
Deuxième partie
 
3.8.
Période socratique et Postsocratique……………………………
81
3.8.1.
La Sophistique………………………………………………………
81
3.8.2.
Qui sont-ils ?………………………………………………………...
81
3.8.3.
Qui disent-ils ?………………………………………………………
82
3.8.4.
Sur quoi repose la sophistique ?………………………………….
83
3.8.5.
Quelques sophistes………………………………………………...
85
3.8.5.1.
Protagoras d’Abdère………………………………………………..
85
3.8.5.1.1.
Qui est-il ?…………………………………………………………...
85
3.8.5.1.2.
Que dit-il ?…………………………………………………………...
85
3.8.5.1.3.
Appréciation…………………………………………………………
86
3.8.5.2.
Gorgias de Leontin….………………………………………………
86
3.8.5.2.1.
Qui est-il ?…………………………………………………………...
86
3.8.5.2.2.
Que dit-il ?…………………………………………………………...
87
3.8.5.2.3.
Appréciation…………………………………………………………
87
 
 
 
3.9.
L’ECOLE DE SOCRATE…………………………………………..
89
3.9.1.
Socrate……………………………………………………………….
89
3.9.1.1.
Qui est-il ?…………………………………………………………...
89
3.9.1.2.
Que dit-il ?…………………………………………………………...
89
3.9.1.3.
Appréciation…………………………………………………………
93
3.9.2.
Platon………………………………………………………………...
95
3.9.2.1.
Qui est-il ?…………………………………………………………...
95
3.9.2.2.
Que dit-il ?…………………………………………………………...
95
3.9.2.2.1.
Sa théorie de l’être ou métaphysique…………………………….
95
3.9.2.2.2.
Théorie de la connaissance ou gnoséologie…………………….
96
3.9.2.2.3.
L’anthropologie philosophique de Platon………………………...
97
3.9.2.2.4.
Philosophie politique………………………………………………..
98
3.9.2.2.4.1.
Naissance de l’Etat…………………………………………………
98
3.9.2.2.4.2.
L’éducation…………………………………………………………..
98
3.9.2.2.4.3.
Communauté des biens……………………………………………
99
3.9.2.2.4.4.
Cité idéale et justice………………………………………………..
100
3.9.2.2.4.5.
La constitution……………………………………………………….
100
3.9.2.3.
Appréciation…………………………………………………………
101
3.9.3.
Aristote de Stagire………………………………………………….
103
3.9.3.1.
Qui est-il ?…………………………………………………………...
103
3.9.3.2.
Que dit-il ?…………………………………………………………...
103
3.9.3.2.1.
Contre la théorie des Idées………………………………………..
103
3.9.3.2.2.
La métaphysique……………………………………………………
104
3.9.3.2.3.
Son anthropologie philosophique…………………………………
106
3.9.3.2.4.
Son éthique………………………………………………………….
106
3.9.3.2.5.
La philosophie politique…………………………………………….
107
3.9.3.2.5.1.
Naissance de l’Etat…………………………………………………
107
3.9.3.2.5.2.
Cité et citoyens……………………………………………………...
108
3.9.3.2.5.3.
Constitution………………………………………………………….
108
3.9.3.2.5.4.
L’Etat possible………………………………………………………
109
3.9.3.2.5.5.
L’éducation…………………………………………………………..
111
3.9.3.2.5.6.
La justice…………………………………………………………….
111
3.9.3.2.5.7.
La sédition…………………………………………………………...
112
3.9.3.2.6.
Sa conception de Dieu……………………………………………..
113
3.9.3.3.
Appréciation…………………………………………………………
113
 
 
 
3.10.
LES ECOLES SOCRATIQUES…………………………………...
115
3.10.1.
L’école de Mégare………………………………………………….
115
3.10.2.
L’école cynique(445-365)………………………………………….
115
3.10.3.
L’école cyrénaïque………………………………………………….
116
3.10.4.
Conclusion sur les écoles socratiques……………………………
117
 
 
 
3.11.
EPICURE ET EPICURISME………………………………………
118
3.11.1.
Qui est-il ?…………………………………………………………...
118
3.11.2.
Que dit-il ?…………………………………………………………...
118
3.11.2.1.
Sa cosmologie………………………………………………………
118
3.11.2.2.
Son éthique………………………………………………………….
118
3.11.3.
Appréciation…………………………………………………………
119
 
 
 
3.12.
LE STOÏCISME……………………………………………………..
120
3.12.1.
Cosmologie………………………………………………………….
120
3.12.2.
L’éthique……………………………………………………………..
120
3.12.3.
Appréciation…………………………………………………………
121
 
 
 
3.13.
LE SCEPTICISME………………………………………………….
122
3.13.1.
Appréciation…………………………………………………………
123
 
 
 
3.14.
PLOTIN ET LA METAPHYSIQUE DE L’UN……………………..
124
3.14.1.
Qui est-il ?…………………………………………………………...
124
3.14.2.
Que dit-il ?…………………………………………………………...
124
3.14.2.1.
L’Un…………………………………………………..………………
124
3.14.2.2.
L’intelligence………………………………………………………...
126
3.14.2.3.
L’âme humaine et l’Âme universelle……………………………...
126
3.14.2.4.
Le monde sensible………………………………………………….
127
3.14.2.5.
L’homme……………………………………………………………..
128
3.14.3.
Appréciation...............................................................................
128
 
CONCLUSION ……………..……………………..………………..
129
 
BIBLIOGRAPHIE.......................................................................
130
 
TABLE DES MATIERES...........................................................
133
 


[1] Cf. J-F REVEL, o.c. , p. 163
[2] CF. PLATON, Théétète, 151d : «  Mon art de maïeutique a mêmes attributions générales que le leur [femmes coucheuses]. La différence est qu’il délivre les hommes et non les femmes et que c’est les âmes qu’il surveille en leur travail d’enfantement et non les corps... »
[3] Ib. , p. 164.
[4] J.-F. REVEL, o.c., p. 165-166.
[5] Cf. PLATON, Charmide ( ou de la sagesse morale de tout un chacun )
[6] PLATON, Le Ménon,                   : « Nul au monde ne peut vouloir sciemment le mal, personne ne peut pas ne pas vouloir le bien ( le bonheur). Ceux qui commettent le mal, c’est par ignorance qu’ils le font. Ils sont à la recherche du bonheur mais ne savent pas le chemin »
 
[7] B. RUSSELL, Histoire de la philosophie occidentale, p.104. cf. PLATON, Apologie de Socrate, 24b
[8]PLATON, Œuvres complètes. T. VIII, 365b
 
[9] Cf. PLATON, Phédon
[10] F.NIETZSCHE,o.c.,p.147.
[11] Ib.,p.146.
 
[12] Cf. L. COULOUBARITSIS, o.c., p. 179.
[13] Ib., p. 181.
[14] Ib., p.181.
[15] Cf. PLATON, La République, Livre septième
[16] Cf. PLATON, Ménon, 80d-81c. ID,Phédon.
[17] L. COULOUBARITSIS, o.c., p. 224.
[18] -Pour les parties de l’âme, nous nous sommes inspiré de P. KUNZMAN, F-P. BURKARD et F. WIEDMAN, Atlas de la philosophie , Paris, 1993, p. 45.
[19] On peut lire avec intérêt le Dictionnaire de la pensée politique .Hommes et idées ,Paris,1989,p.594-599.
[20] -M. DE WULF, Précis d’histoires de la philosophie, Louvain 1950, p.23
[21] Cf. PLATON, La République. Livre septième.
[22] B. RUSSELL, Histoire de la philosophie occidentale, p. 130.
[23] Cf. Ib. , p. 208.
[24] Ib. , p. 208-209.
[25] Ib. , p. 131.
[26] Cf. J. RUSS, Philosophie, les auteurs, les œuvres, Paris, 1960, p. 23.
[27] B. RUSSELL, Histoire de la philosophie occidentale, p. 131.
[28] Ib., p. 131.
[29] J. RUSS, Philosophie: les auteurs, les œuvres, p. 220.
[30] Cf. J-F. REVEL, o.c., p. 222.
[31] Cf. Ib., p. 222.
[32] P. KUNZMANN, F.-P. BURKARD ET F. WIEDMAN, o.c., p. 49.
[33] Ib., p. 49.
[34] Ib., p. 49.
[35] ARISTOTE,Physique et Métaphysique,Paris,1966,p.61.
[36]P. KUNZMANN, F.-P. BURKARD ET F. WIEDMAN, o.c., p. 49.
[37] ARISTOTE, Sur la nature, Paris, 1991 p. 51.
[38]P. KUNZMANN, F.-P. BURKARD ET F. WIEDMAN, o.c., p. 49.
[39] ARISTOTE,Sur la nature,p.61.
[40] Ib., p. 49.
[41] A. VERGEZ-D. HUISMAN, o.c., p. 44.
[42] H. BARREAU, Aristote, Paris, 1972, p.130.
[43] On peut lire avec intérêt le Dictionnaire de la pensée politique. Hommes et idées,p.33-39.
[44] ARISTOTE, Politique, 1253 à 7-18, cité par Ib., p. 151.
[45] H. BARREAU, Aristote, p. 152.
[46] Ib., p. 152. C’est nous qui soulignons.
[47] J. RUSS, Philosophie: les auteurs, les œuvres, p. 42.
[48] ARISTOTE, Politique, cité par Ib., p. 42.
[49] J. RUSS, Philosophie: les auteurs, les œuvres, p. 44.
[50] H. BARREAU, Aristote, p. 163.
[51] Ib., p. 163.
[52] W.D. ROSS, Aristote, Paris, 1971, p. 341-342.
[53] Ib., p. 342.
[54] Cf. Ib., p. 343.
[55] Ib., p. 373.
[56] ARISTOTE, Politique, 1254a 14-17, cité par H. BARREAU, Aristote, p. 153.
[57] W.D. ROSS, o.c., p. 338.
[58] J. RUSS, Philosophie: les auteurs, les œuvres, p.39.
[59] Ib., p. 39.
[60] ARISTOTE, Politique, 1287b 37-39, cité par H. BARREAU, Aristote, p. 264.
[61] M. DE WULF, o.c., p. 31.
[62] L. COULOUBARITSIS, o.c., p. 159.
[63] Ib., p. 171.
[64] Ib., p. 173.
[65] J-P. DUMONT, o.c., p. 107.
[66] EPICURE, Lettre à Ménécée citée par C. COULOUBARITSIS, o.c., p. 523.
[67] Cf. J-P. DUMONT, o.c., p.110.
[68] L. COULOUBARITSIS, o.c., p.564.
[69] PYRRHON résumé par J-P. DUMONT, o.c., p. 117.
[70] Ib., p. 117.
[71] Ib., p. 117.
[72] Ib., p. 117-118.
[73] CICERON cité par J-P. DUMONT, o.c., p. 119.
[74] C WERNER, o. c., p. 199.
[75] Cf. L. COULOUBARITSIS, o. c, p. 597.
[76] Cf. C. WERNER, o. c., p. 207.
[77] PLOTIN, Cité par L. COULOUBARITSIS, o. c,  p. 605.
[78] PLOTIN, Cité par M. DE GANDILLAC, Platon, dans Dictionnaire des Philosophes, p. 1246.
[79] C. WERNER, o. c., p. 201.
[80] Cf. Ib., p. 202.
[81] Cf. Ib., p. 203.
[82] Cf. Ib., p. 203.
[83] Cf. Ib., p. 200.
[84] Ib., p. 200.
[85] Cf. Ib., p. 201.


[1] J. VOILQUIN, o.c. p. 198.
[2] P. KUNZMAN, F-P. BURKARD et WIEDMAN, Atlas de la philosophie, Paris, 1993, p. 35.
[3] Cf. D. COMPOSTA, o.c., p. 124.
[4] J-F. REVEL, Histoire de la philosophie occidentale, Paris, 1968, 149.
[5] Ib., p. 149.
[6] Cf. D. COMPOSTA, o.c., p. 125.
[7] Cf. J-F. REVEL, o.c. p. 152.
[8] Cf. G.ROMEYER DHERBEY, Les Sophistes, Paris, 1989, p.4.
[9] D. COMPOSTA, o.c., p. 136.
[10] La rhétorique selon Platon est « le pouvoir de persuader par ses discours les juges au tribunal, les sénateurs dans le conseil, les citoyens dans l’assemblée du peuple, et dans toute autre réunion qui soit une réunion des citoyens  », Gorgias VII, 452a
[11] J-F. REVEL, o.c., p. 149.Platon dira, à travers Socrate, que « leur thèse est spécieuse plutôt que vraie » Platon, Euthydème, 30bc 
[12] Ib. , p. 155.
[13] C. WERNER, o.c., p. 37.
 
[14] G. LADRILLE, Cours de la philosophie antique, Kansebula, 1992-1993, p. 14, stincilé.


[1] On peut lire avec intérêt l’article de Clémence RAMNOUX, Ioniens, dans Dictionnaire des philosophes, Paris, 1998, p. 771-778.
[2] Cf. VOILQUIN, Les penseurs grecs avant Socrates. De Thalès de milet à Prodicos, Paris, 1964, p. 25-28
[3] Cf. Ib ;, o.c. p. 47.
[4] Cf. D. LAËRCE, Vie, doctrines des philosophes illustres, Paris,1965, p.57.
[5] J. VOILQUIN, o.c. p. 51
[6] J-P. DUMONT, La philosophie antique, Paris, p.11 – 12.
[7] B. RUSSELL, Storia della filosofia occidentale, Milano, 1996 , p.54.
[8] cf. ROBIN, o.c., p. 58.
[9] Cf. J. BURNET, o.c., p. 41.
[10] L. ROBIN, o.c., p. 58.
[11] J. BURNET, o.c., p. 46. Nous soulignons.
[12] D. LAËRCE, o.c., p. 57 et cf. L. JERPHAGNON, Histoire de la pensée : Antiquité et Moyen Âge, Paris, 1989, p.50.     
[13] Cf. ARISTOTE, Métaphysique A3, 983b21
De caelo, B13, 294A28
Métaphysique A3, 938b20
De An. A5, 411a7 cité par J. BURNET, o.c. p. 48.
[14] L. COULOUBARITSIS , Aux origines de la philosophie européenne, Bruxelles, 1994, p. 47.
[15] Cf. C. RAMNOUX, o.c., p.775.
[16] C. A. DIOP, o.c., p. 436.
[17]VOILQUIN, o.c., p.46.
[18] F. NIETZSCHE, La naissance de la philosophie à l’époque de la tragédie grecque, Paris, 1938, p. 37
[19] Ib., p. 48.
55Cf. Ib., p. 47.
 
 
[21] Cf. J. BURNET, o.c., p.54.
[22] Cf. L. ROBIN, o.c., p.61.
[23] P. SOMVILLE,  Parménide d’Elée. Son temps et le nôtre, Paris, 1976, p. 15.
[24] THEOPHRASTE cité par J. BURNET, o.c., p. 55.
 
[25] J. BURNET, o.c., p. 61.
[26]Ib., p. 62.
[27] Ib., p. 71
[28] Théophraste cité par Simplicius cité par J. VOILQUIN, o.c., p. 52.
[29] Ib., p. 73.
[30] D. LAËRCE, o.c., p.101.
[31] Plut Symp. Quaest. 730 cité par J. BURNET, o.c., p. 727.
[32] cf.L.COULOUBARITSIS, o.c., p. 48.
[33] J. VOILQUIN, o.c., p.49-50.
[34] K. JASPERS, Les grands philosophes, cité par P. SOMVILLE, o.c., p. 14.
[35] THEOPHRASTE, cité par J. BURNET, o.c., p. 77/78. Nous soulignons.
[36] C. WERNER, o.c., p.18. Nous soulignons.
[37] THEOPHRASTE, cité par SIMPLICIUS, cité par J. VOILQUIN, o.c., p. 56.
[38] Cf. J. BURNET, o.c., p.78-79.
[39] Cf. J-P DUMONT, o.c., p. 18.
[40] Cf. B. RUSSELL, Histoire de la Philosophie occidentale, Paris, 1952, p. 48.
[41] L. COULOUBARITSIS, o.c., p. 62.
[42] Cf. ARISTOTE, Mét., A, 5, 986a 15 dit d’Alcmeon qu’il florissait « au temps de la vieillesse de Pythagore »
[43]cf. I. GOBRY, Pythagore, Paris, 1973, p. 10 et cf. L. ROBIN, o.c., p. 71.
[44] Cf. I GOBRY, o.c., p. 10-11. Cf. Héraclite se moque de la polymathie : « Le fait d’apprendre beaucoup                  (polymathie) n’instruit pas l’intelligence. Autrement il aurait instruit Hésiode et Pythagore, ainsi que Xénophone et Hécatée », dans J. VOILQUIN, o.c., p. 76.
[45] Cf. C. A. DIOP, Civilisation ou Barbarie, p 436 et ID., Antériorité des civilisations nègres, p. 98-100. 106-107 en bas, cf. I. GORBY, o.c., p. 15. Cf., J. BRUN,  Les Présocratiques, Paris, 1989, p. 26.
[46] Cf. COULOUBARITSIS, o.c., p.61.
[47] cf. I. GOBRY, o.c., p. 17.
[48] L. ROBIN, o.c., p. 77.
[49] PYTHAGORE, Les vers d’or, traduit par J. VOILQUIN, Les penseurs grecs avant Socrate, Paris, 1964,p. 42.
[50] I. GOBRY, o.c., p. 39.
[51] Ib., p. 39.
[52] J. BRUN, o.c.,p. 28.
[53] P. KUNZMANN, dans Atlas de la philosophie, Paris, L.G.F, 1993, p. 31.
[54] L. ROBIN, o.c., p.79.
[55] THEANO citée par I. GOBRY, o.c., p. 44.
[56] L. ROBIN, o.c., p. 79. Pour ARISTOTE, Mét, 8, 1083 b8. « Les pythagoriciens pensent que le nombre est la source ( archè) et comme la matière première des essences. C’est de nombres que sont constitués les êtres corporels » cité par P. SOMVILLE, o.c., p. 20.
[57] I. GOBRY, o.c., p. 44.
[58] PHILOLAOS cité par I. GOBRY, o.c., p. 43-44.
[59] Ib., p. 80 et cf. ARISTOTE, Met A5 986a15.
[60] Ib., p. 80.
[61] Ib., p. 80.
[62] Ib., p. 83.
[63] THEON de Smyrne cité par J. BRUN, o.c.,p 37-38.
[64] L. ROBIN, o.c., p 79.
[65] Cf. J. BRUN, o.c., p.38.
[66] THEON de Smyrne cité par J. BRUN, o.c., p. 39.
[67] Pour ce qui concerne l’Arithmologie, nous avons à la fois, pris les explications et chez I. GOBRY et chez J. BRUN et chez L. ROBIN .
[68] G. KAYAS, Philolaos, dans Dictionnaire des Philosophes, Paris, 1998, p. 1187.
[69] D’après THEMISTIUS, Discours, XV, cité par I. GOBRY, o.c., p. 117.
[70] Cf. L. ROBIN, p. 85.
[71] Cf. P. SOMVILLE, o.c., p. 22.
[72] Cf. I. GOBRY,o.c., p. 57 et cf. L. ROBIN, o.c., p.91.
[73] J.P. VERNANT, cité par L. COULOUBARISTSIS, o.c., p. 63.
[74] J. RUSS, Histoire de la philosophie. De Socrate à Foucoult, Paris, 1985, p. 13. 
[75] F. NIETZSCHE, o. c., p. 143.
[76] Pour les fragments d’Héraclite nous nous référerons du livre cité de Jean VOILQUIN.
[77] Cf. L. ROBIN, o.c., p. 95.
[78] J. VOILQUIN o.c.,p. 71.
[79] Ib., p. 71.
[80] COULOUBARITSIS , o.c., p. 50-51.
[81] Cf. D. COMPOSTA, Storia della filosofia antica, Roma, p.53.
[82] F. NIETZSCHE, o. c., p. 58.
 
[83]CF. COULOUBARITSIS ,o.c., p.55.
[84] L. ROBIN,o.c., p.97.
[85] Fragment inexistant chez Voilquin mais que l’on trouve chez Burnet.
[86] J. VOILQUIN, o.c., p. 72.
 
[87] C. RAMNOUX, Héraclite, dans Dictionnaire des philosophes, Paris, 1998, p. 704.
[88] COULOUBARITSIS, o.c., p. 52-53.
 
[89] C. WERNER, o.c., p. 21.
[90] P. SOMVILLE, o.c., p. 16.
[91] Cf. COULOUBARITSIS, o.c., p. 51.
[92] Cf. Ib., p. .51-52.
[93] F. COPLESTON, Histoire de la Philosophie, Paris, 1964, p. 52.
[94] Ib., p. 52.
[95] P . SOMVILLE, o.c., p.16-17. (Cf. Fr. 22B115, 22B45)
[96] cf. J. BRUN, o.c., p. 66.
[97] Cf. VOILQUIN, o.c., p. 64.
[98] Cf. J. BURNET, o.c., p. 196.
[99] J. BRUN, o.c. , p. 71.
[100] Simplicius cité par J. VOILQUIN, o.c., p. 67.
[101] Cf. J. BRUN, o.c., p. 70. Cf. P. SOMVILLE, o.c., p. 26-27 pour qui « l’œuvre de Xénophane s’avère résolument monothéiste »
[102] cf. F. COPLESTON, o.c., p. 60.
[103] Cf. C. RAMNOUX, Les présocratiques, dans Histoire de la philosophie (Encyclopédie de la pléiade ), p. 423.
[104] Ib., p. 423.
[105] L. ROBIN, o.c., p. 104.
[106] Cf. P. SOMVILLE, o.c., p. 32.
[107] M. SAUVAGE, Parménide, Paris, 1973, p. 19.
[108] Cf. D. COMPOSTA, o.c., p. 95.
[109] J. BURNET, o.c., p. 210 au bas de la page.
[110] Ib., p. 206.
[111] F. COPLESTON, o.c. p. 62.
[112] Ib., p. 62.
[113] C. RAMNOUX, Parménide, dans Dictionnaire des philosophes, p. 1164.
[114] D. COMPSTA, o.c., p. 77.
[115] Ib., p. 77
[116] Ib., p. 77-78.
[117] Ib., p. 78.
[118] Ib., p. 78.
[119] C. RAMNOUX, Parménide, dans Dictionnaire des philosophes, p.1166.
[120] J. VOILQUIN, o.c., p. 89.
[121] Ib., p. 90.
[122] L. ROBIN, o.c., p. 111.
[123] J. BERNHARDT dans F. CHATELET (dir), La philosophie païenne, Paris,1972, p. 47.
[124] Cf. P. SOMVILLE, o.c., p. 61-79.
[125] Ib., p. 49.
[126] L. ROBIN, o.c., p. 116-117.
[127] Ib., p. 117.
[128] ARISTOTE, cité par J. VOILQUIN, o.c. p. 106.
[129] Ib., p. 107.
[130] Ib., p. 107.
[131] Ib., p. 107.
[132] H. BARREAU, Zénon d’Elée, dans Dictionnaire des Philosophes, p. 1598.
[133] L. ROBIN, o.c. p. 119.
[134] J. BERNHARDT, a.c., dans o.c. 49.
[135] H. BARREAU, o.c., p. 1600.
[136] Ib., p. 1600.
[137]BERNHARDT, o.c., p.49.
 
[138] B . CASSIN ,Mélissus ou Mélissos, dans Dictionnaire des philosophes, p. 1043.
[139] Aristote,  Physique, I  cité par J. VOILQUIN, o.c., p.112.
[140] J. BERNHARDT, o.c. , p. 50.
[141] L. ROBIN, o.c. , p. 122.
 
[142] B. RUSSELL, Histoire de la philosophie occidentale, p. 74.
[143] Ib., p. 74
[144] DARIO COMPOSTA, o.c., p.95.
[145] C. RAMNOUX, Les Présocratiques, dans Histoire de la philosophie,  p. 439.
[146] J. BERNHARDT, La pensée présocratique : de Thalès aux Sophistes, dans Histoire de la philosophie, p.51.
[147] J. BULLACK, Empédocle, dans Dictionnaires des philosophes, p. 510.
[148] C. RAMNOUX, Les présocratiques, dans o.c., p. 440.
[149]J. BERNHARDT, o.c., p. 51-52.
[150] F. COPLESTON, o.c., p. 78.
[151] C . RAMNOUX, Les présocratiques, dans Dictionnaire des philosophes, p. 442.
[152] P.M. SCHUHI, Anaxagore, dans Dictionnaire des Philosophes, p. 67.
[153] B. RUSSELL, Histoire de la philosophie occidentale, p. 81-82.
[154]F. COPLESTON, o.c., p. 79.
[155] J. BERNHARDT, o.c., p. 64.
[156] Ib., p. 66.
[157] D. COMPOSTA, o. c., p.
[158] B. RUSSELL, Histoire de la philosophie occidentale, p. 83.
[159] Ib., p. 82-83
[160] F. NIETZSCHE, o.c., p 135.
[161] A. NIETZSCHE cité par B. CASSIN, Leucippe, dans Dictionnaire des Philosophes, p. 1905
[162] Cf.G.LEGRAND ,o.c.,p.157.
[163] P.M. SCHUHL, Démocrite, dans Dictionnaire des philosophe, p. 426
[164] F.NIETZSCHE,o.c.,p.128.
[165] F.NIETZSCHE,o.c.,p.129
[166] C. WERNER, o. c. , p. 33.
[167] DEMOCRITE,cité par G.LEGRAND,o.c.,p.159.
[168]  LEUCIPPE, De l’esprit dans J. VOILQUIN, o. c., p. 169
[169] Ib., p.33.
[170] Ib. , p. 33.
[171] B. RUSSELL, o.c. p. 86.
[172] F. COPLESTON, o.c., p. 88.
[173] F.NIETZSCHE,,o.c.,p.130.Nous soulignons.
[174] Ib.,p.134.
[175] C. WERNER, o.c., p. 34.
[176] G.LEGRAND,o.c.,p.160.
[177] Nous nous inscrivons en faux, encore une fois, contre Legrand qui affirme, sans nuance, que «  sans être philosophe lui-même, Démocrite a rendu service à la philosophie sur le plan méthodologique »(Ib.,p.161.)
[178] Cf.F.NIETZSCHE,o.c..,p.136..
 
 
 
 
 


[1] C. A. DIOP, Civilisation ou barbarie, Paris, 1981, p. 388.
[2] Ib. , p. 427.
[3] T. OBENGA, La philosophie pharaonique, dans Présence Africaine 137/138 (1986), p. 6 et cf. ID., La philosophie africaine de la période pharaonique 2780-330 avant notre ère, Paris, 1990, p. 29. 
[4] C. A. DIOP, o.c., p. 389.
[5] Ib., p. 390.
[6] Cf. Ib., p. 390.
[7] Ib, p. 392.
[8] T. OBENGA, La Philosophie africaine de la période pharaonique 2780-330 avant notre ère, p.60. cf. Le Livre des morts des anciens égyptiens, introduction, traduction, commentaire, de Paul BARGUET, Paris, Cerf, 1967, Chapitre 17.
[9]Cf. ID., a.c., p.2.
[10] J. MABIKA, La dimension métaphysique de la philosophie africaine, dans  Philosophie africaine : Rationalité et rationalités  Actes de la XIX semaine philosophique de Kinshasa, 1996, p. 533.
[11] Ib., p. 533.
[12] Ib., p.533.
[13] C. ANTA DIOP, o.c., p.392.
[14] Ib., p. 392.
[15] Ib. , p. 392.
[16] Cf. OBENGA, La philosophie africaine de la période pharaonique 2780-330 avant notre ère, p. 142 .
[17] MUTOMBO NKULU – N’SENGA, Antériorité de la philosophie négro – africaine, T.F.C. Lubumbashi Grand Séminaire Interdiocésain Saint Paul, 1981, p. 126. inédit Cf. Le livre des morts des anciens égyptiens, chapitre 125.
[18] J. YOYOTTE, Égypte, dans PARAIN (dir), Encyclopédie de la pléiade. Histoire de la philosophie. I., Paris, 1909, p. 41.
[19] Ib., p. 12. Nous soulignons. Cf. Le livre des morts des anciens égyptiens, chapitre 125.
[20] T. OBENGA, a.c., p. 22.
[21] IbNous soulignons.., p. 15.
[22] Ib., p. 16. Cf. T. OBENGA, La philosophie africaine de la période pharaonique...p. 153-168.
[23] Le livre des morts des anciens égyptiens, chapitre 125, p.158-159.
[24] Cf. NGOMA – BINDA, La philosophie africaine contemporaine, Kinshasa, 1994, p. 128.
[25] T. OBENGA Cité par Ib., p. 129 – 130.
[26] MUTOMBO NKULU – N’SENGA, Mémoire cité, p. 120.
[27] T. OBENGA, L’Afrique dans l’Antiquité, cité par Ib., p. 120.
[28] cf. J. YOYOTTE, a.c., p. 14 – 19.
[29] cf. C. A. DIOP, o.c., p. 436.
[30] Cf. P. SAÏDA RADJA,  Kemet, Berceau des civilisations modernes. Introduction à l’afro-centrisme scientifique, Lubumbashi, 2000, p. 47.
[31] P. MASSON – OURSEL, Histoire de la philosophie, Paris, 1969, p. 32.
[32] C. WERNER, La Philosophie grecque, Paris,1972, p. 911.
[33] J. BURNET, L’aurore de la philosophie grecque, Paris, 1970, p.22.
[34] L. ROBIN, La pensée grecque, Paris, 1963/1973, p. 52.
[35] cf. PLATON, République, 435è et Lois747b, L
[36] cf. C. WERNER, o.c., p. 13.
[37] P. MASSON – OURSEL,o.c., p.28.
 
[38] T. OBENGA, La Philosophie africaine de la période pharaonique..., p. 61.


[1] Ici, nous nous inscrivons en faux contre LALEYE pour qui « l’application de l’épithète philosophique à toutes autres formes de pensée en pratique chez tout peuple autre que le peuple grec, reste une application analogique ». Je rejette aussi son affirmation selon laquelle ce sont les grecs qui ont inventé la chose que nous nommons philosophie. LALEYE, La Philosophie ? Pourquoi en Afrique ? dans Cahiers philosophiques africains 3-4 (1973) (Spéciales journées philosophiques1973), p.90-92.
[2] Cf. L. MPALA MBABULA , Philosophie pour tous. Cours d’introduction à la philosophie (Savoir et être). Deuxième édition augmentée. Lubumbashi, Mpala, 2003.
[3] Cf. A. VERGEZ et D. HUISMAN, Histoire des philosophes, Paris, 1966, p.9.
 


[1] Cf. MUCCHIELLI, Philosophie générale et histoire de la philosophie, Paris, 1957, p. 80.
[2] Ib., p. 80.
[3] Ib. , p. 80.