mar 19 mai 2009
La sorcellerie face à la chrétienneté
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En outre, il serait obérant de réduire tout le phénomène têtu de sorcellerie à un reflet de la détérioration des rapports sociaux. Cela n’est pas toujours le cas. Que dire de cette personne qu’on assiste et qui, à la place de la reconnaissance, fait du mal à son bienfaiteur ? Sont-ce ses rapports sociaux détériorés qui l’ont poussé à commettre le mal ? Encore une fois, le proverbe bemba est plus réaliste que certaines explications qui se veulent scientifiques dans leur réductionnisme : « Amano ya ndoshi Kutumpa = l’agir du sorcier est absurde, c-à-d non déductible par la raison ».
Par ailleurs, il serait imprudent de toujours établir une relation de dépendance entre la sorcellerie et la crise socio-morale et qui poussera à affirmer que la sorcellerie est cause de la crise et que tout en n’étant pas la cause absolue, elle peut être son effet voire le moyen d’y remédier. Malemba, spécialiste sur les problèmes de la sorcellerie à l’Université de lubumbashi, me semble incomplet dans ses explications, car il passe sous silence certains témoignages (dans son Induction abstractive ≠ L’expérience directe) où certains sorciers manifestent, sans rancœur, le sadisme ou leur plaisir de faire du mal gratuitement. Ne dit-on pas , toujours avec le proverbe bemba, « uwalya akakwe tominwa mbila=celui qui a mangé un membre de sa progéniture, ne doit jamais être inquiété » ? En quoi ici la sorcellerie est un effet de la crise-morale ou un moyen d’y remédier ? Si, à la limite, dans ce cas, elle serait l’effet de la crise-morale, il n’est pas pour autant un moyen d’y remédier. La sorcellerie a sa propre logique qui dépasse parfois et non toujours l’explication sociologique, dialectique soit-elle.
Le réductionnisme rend aveugle. Chaque cas de sorcellerie est souvent différent d’un autre. Voilà pourquoi, l’explication du phénomène têtu de la sorcellerie demande la collaboration du THEOLOGIEN , du PHILOSOPHE, du PSYCHOLOGUE, du SOCIOLOGUE, de l’ANTHROPOLOGUE, du PASTEUR, du SORCIER et de l’ENSORCELLE.
INTRODUCTION
L’homme est un être complexe. Il est un mystère. Il vient de loin. A la différence des animaux, il aménage le présent et prépare le lendemain. Seul, parmi les autres êtres vivants, il enterre ses morts. Il est un être symbolique et cherche à savoir d’où il vient, où il est et où il va. Voilà pourquoi il cherchera à répondre à la fameuse question de « Qu’est-ce que l’homme ? ». Cette dernière le plonge dans le sens de la destinée humaine.
En outre, il verra que la vie n’est pas toujours ce qu’il veut qu’elle soit. On dirait qu’il y a quelque part un « ETRE » qui tisse sa vie à son insu. De ce fait, il cherchera à entrer en contact avec cet ETRE. S’il ne le fait pas, il peut arriver que cet ETRE prenne l’initiative de « contenter » cet homme confronté à l’énigme de la vie ; mais la plus grande question est celle de connaître la vraie nature de cet ETRE. C’est à ce niveau que la parole de St Paul, selon laquelle « dans les générations passées, Dieu a laissé toutes les nations suivre leurs voies ; il n’a pas manqué pour autant de se rendre témoignage par ses bienfaits, vous dispensant du ciel pluies et saisons fertiles, rassasiant vos cœurs de nourriture et de félicité » (Act14, 16-17), devient permanente. Qu’est-ce à dire ? Il était difficile de préciser la vraie nature de l’Etre d’où provenaient les témoignages de bienfaits. Avec la révélation divine, nous sommes, aujourd’hui, capables de donner la nature de tout ETRE spirituel avec qui l’homme entre et peut entrer en contact.
Ceci étant, nous disons que si l’homme n’entre pas en contact avec l’Etre spirituel et personnel appelé Dieu YHWH, il se connecte sur un autre Etre spirituel créé appelé Diable ou Satan. Ce dernier est à l’origine de la sorcellerie. En quoi consiste-t-elle ? Pourquoi existe-t-il ? Comment l’acquiert-on ? Cet ensemble de questions constitue le premier moment de notre communication. Le second essaiera de faire voir comment notre pastorale est confrontée au phénomène de la sorcellerie. Le troisième et dernier moment présentera, à la suite de
Je vous rappelle que je me présente devant vous comme un pasteur philosophe. Voilà pourquoi je serai très friant des exemples provenant de la pastorale.
Il y a plusieurs définitions de la sorcellerie. En elle-même, la sorcellerie est un problème et un mystère à la fois. Problème, elle peut être étudiée. Mystère, elle est une réalité où le sujet qui en parle est impliqué soit comme victime soit comme acteur.
Prise en elle-même, la sorcellerie est avant tout un ensemble de savoir. En d’autres termes, le sorcier n’est pas un ignorant. Il sait ce qu’il doit savoir et faire, et il sait comment le faire, et il sait ce qui est requis pour bien faire ce qu’il a affaire. En deux mots, il sait. Son savoir forme un « corpus ». En ce dernier se retrouvent certaines lois fondamentales des êtres dont la nature intime est bien connue. Parmi elles, nous retenons la loi de la similitude (qui veut que le semblable attire son semblable et qu’agir sur le semblable c’est agir sur son semblable) et la loi de la contiguïté (stipulant que ce qui a été en contact avec une chose peut agir sur cette chose).
Comme on peut le deviner ces lois sont tirées d’une certaine anthropologie philosophique et d’une certaine conception du monde. La première considère l’homme comme un être ayant plusieurs parties : le corps, l’ombre, l’esprit, l’âme, le corps astral … et que tout ce qu’il touche garde ses empreintes. L’on peut le renforcer ou le déforcer à partir d’une de ses parties ou à partir de ce qui a son image ou ses empreintes. La seconde veut que l’homme soit une partie de la nature ou de l’énergie cosmique ou de la conscience cosmique et que tout acte est comme un son dont l’écho reviendra à son auteur. Tout vibre et toute force correspond à un degré de pouvoir donné ou un chiffre donné.
De ce qui précède, l’on comprendra que le savoir du sorcier permettra à ce dernier d’agir par jalousie ou par pur désir de destruction ou par vengeance sur un autre dont la force vitale ou l’ « aura » sera inférieure à son pouvoir. Toutefois, il sied de signaler que ce savoir est ésotérique. Le secret et le silence sont ses gardes de corps. Néanmoins, la fuite d’information a lieu lors de conversion.
Toujours prise en elle-même, la sorcellerie se révèle ensuite être un pouvoir, c’est-à-dire une capacité d’agir, à distance ou de près, sur un autre être vivant ou qui a de la force. Tout tourne autour de
Toujours prise en elle-même, la sorcellerie est un vouloir. Ce dernier se manifeste comme un moment fort de désirs à réaliser. Il est plus qu’une disposition psychique à passer à l’action. C’est l’être même du sorcier. C’est son essence même. C’est le vouloir méchant et qui se matérialise par son propre vouloir, étant déjà en possession du pouvoir.
Enfin, toujours prise en elle-même, la sorcellerie est une Action ou un agir. Et en ce moment, l’on voit ses effets.
Savoir, pouvoir, vouloir et agir, la sorcellerie peut se résumer en cet adage de Francis BACON : « Savoir est pouvoir ». Mais pour pouvoir il faut un support spirituel (au sens des esprits ou des entités).
Représentée ainsi, la sorcellerie pose une question, celle de son origine. Elle provient du monde des ténèbres et a pour maîtres d’initiation les mauvais esprits dont Lucifer est leur patron (cfr Is 14,3-21, Ez 28,11-19). Lucifer a montré à ses adeptes comment acquérir la puissance ici sur terre et ce, moyennant quelque chose, à savoir l’âme.
Rappelons que l’on acquiert la sorcellerie soit volontairement soit involontairement.
A dire vrai, la sorcellerie est un phénomène têtu. Si vous niez son existence, tôt ou tard vous aurez affaire à elle, soit par un membre de votre famille qui vous en parlera comme acteur ou comme victime soit par un collègue, etc.
Par ailleurs, nier l’existence de la sorcellerie revient à faire de
De ce qui précède, l’on comprendra que la sorcellerie se révèle comme un fait social, et c’est à ce titre qu’elle touche la pastorale.
La pastorale confrontée à la sorcellerie
Tout pasteur, prêtre, religieuse ou catholique soit-il (elle), sera un jour appelé à écouter les déboires du soi-disant sorcier, ou de celui qui en est victime. Victime puisque cette personne est ensorcelée ou victime puisque son enfant a été ensorcelé ou a été initié à la sorcellerie à son insu. Même le vrai sorcier viendra chez lui pour déposer ses « affaires ».
Le problème est sérieux. Il n’est pas seulement psychologique. Il dépasse l’homme. Pour ce faire, une attitude pastorale s’impose. L’ACCUEIL, selon sa chaleur ou sa tiédeur ou son indifférence, fera que la personne s’ouvre ou se ferme. Le contact humain instaure la communication qui présuppose la communion ou la compréhension. L’ECOUTE nous aidera à bien exercer le DISCERNEMENT sans lequel on risque d’être victime d’une illusion, car certains parlent de la sorcellerie là où il n’y a que la peur, le soupçon, l’envie, la jalousie et les adversités propres à la vie. N’oublions pas que TOUT HOMME A UNE HISTOIRE ET IL EST AUSSI UNE HISTOIRE. Ce principe étant bien compris et appliqué, l’on sera à même d’aider les autres. Ne jamais dire que la sorcellerie n’existe pas à celui qui croit en être victime ou à celui qui est prêt à vous remettre ses objets de pratique sorcière. Il vous dira que vous êtes « petit ». N’oubliez pas non plus qu’une des stratégies de Lucifer est de convaincre les gens qu’il n’existe pas et qu’il est une fabrication du Moyen-âge.
Voilà pourquoi il faut un partage pastoral pour voir comment les autres s’en sortent. C’est à ce niveau que le mystère de la prière et l’initiation des chrétiens à la prière doivent avoir lieu. Mais l’on doit toujours éviter les extrêmes, car c’est une pastorale délicate du fait que le spirituel, le physique et le psychique se compénètrent et il faut savoir à tout moment sur quel plan on agit, où on est quand on parle et quand l’autre parle. Voilà pourquoi l’ACCUEIL, L’ECOUTE doivent conduire à une confiance mutuelle. Par ailleurs, l’on doit se convaincre que ce n’est pas sa pastorale. Elle appartient à Jésus. L’on n’est que son Assistant. C’est à lui que revient le dernier mot. Ainsi
Les attitudes et le comportement du chrétien face à la sorcellerie
Devant ce phénomène têtu, le chrétien doit avoir certaines attitudes et un comportement digne de son nom. Par ailleurs, l’on doit se demander pour savoir qui est chrétien. Ne peut être chrétien que celui qui a la foi et qui sait que rien ne peut lui arriver sans la permission divine, car aucun de ses cheveux ne peut tomber sans que Dieu ne le sache. Ainsi il ne suffit pas d’être appelé chrétien pour être chrétien (Ps 23, 27,91,121,127,129).
Sachant que Dieu défend la pratique de la sorcellerie et de la divination (Dt 18,9-14 ; 7,25-26 ; Lév 18,21 ; 19,31 et 20, 4-5,27), le chrétien doit se tenir sur ses gardes et ne doit pas repousser les sorciers et devins. Il doit les considérer comme des êtres victimes ; toutefois, il ne doit pas oublier que Satan cherche à recruter ses agents parmi les serviteurs de Dieu. Que cela ne surprenne personne, car
L’on doit prier pour eux, et si cela est possible, l’on peut le faire avec le Ps 109 tout en signalant que vous recherchez leur salut. Le Notre Père nous contraint à prier pour eux.
L’on ne doit pas rendre le mal pour le mal : Rm 12,14-21 ; Dt 32,35 ; Jér 7,34 et 28 ; 1 Ps 5,8 ss ; Hb 10,30
L’on doit les assister et lui donner du pain quand il est dans le besoin : Gn 50,12-21.
L’on doit leur donner des conseils : Jér 19,13-17
Ne pas avoir peur d’eux mais les inviter à rencontrer Jésus et avoir sur soi les armes spirituelles (Eph 6,17).
N’oubliez jamais que notre SECOURS EST DANS LE NOM DU SEIGNEUR QUI A FAIT LE CIEL ET
La foi est la première condition pour un chrétien convaincu : Rm 10,9-13 ; ainsi nous pouvons même visiter les sorciers et partager leur repas : Col 2,15.
En dernière analyse, c’est aux pieds de Jésus qu’il faut tout déposer (Mt 11,28-29). Jésus a tout vaincu : Mt 28,18 et cachons en lui la vie : Col 3,3.
Avant de passer à la conclusion, j’aimerai attirer votre attention sur un fait : la sorcellerie existe mais on ne doit pas croire en elle, si ce n’est pas en Dieu seul. C’est en Dieu seul qu’on doit placer sa confiance. C’est cela croire.
Conclusion
De tout ce qui précède, un chrétien sait que la sorcellerie existe puisque le Diable existe. En outre, il sait que Jésus a tout vaincu ; ainsi le Diable et les sorciers sont vaincus. En d’autres termes, nous devons savoir que la sorcellerie n’est rien, elle est comparable à une corde que l’on confond à un serpent.
Toutefois nous devons attirer votre attention sur les explications sociologiques de la sorcellerie. Même si ce n’est pas toujours le cas, nous devons reconnaître que parfois le soupçon et l’accusation de sorcellerie révèlent un conflit actuel ou passé des acteurs sociaux. De ce fait, la sorcellerie devient l’instance d’explication et d’un lieu d’exploitation des conflits, de la mort, des maladies. Mais contrairement à ce qu’affirment certains chercheurs, l’absence de la sorcellerie n’appelle pas nécessairement le bonheur social, car comme le dit si bien le proverbe bemba : « Ifimuti fakala pamo tafabula kushenkana =suite au vent, les arbres se cognent entre eux». Les conflits sociaux existent aussi longtemps que les hommes seront des animaux sociaux.
En outre, il serait obérant de réduire tout le phénomène têtu de sorcellerie à un reflet de la détérioration des rapports sociaux. Cela n’est pas toujours le cas. Que dire de cette personne qu’on assiste et qui, à la place de la reconnaissance, fait du mal à son bienfaiteur ? Sont-ce ses rapports sociaux détériorés qui l’ont poussé à commettre le mal ? Encore une fois, le proverbe bemba est plus réaliste que certaines explications qui se veulent scientifiques dans leur réductionnisme : « Amano ya ndoshi Kutumpa = l’agir du sorcier est absurde, c-à-d non déductible par la raison ».
Par ailleurs, il serait imprudent de toujours établir une relation de dépendance entre la sorcellerie et la crise socio-morale et qui poussera à affirmer que la sorcellerie est cause de la crise et que tout en n’étant pas la cause absolue, elle peut être son effet voire le moyen d’y remédier. Malemba, spécialiste sur les problèmes de la sorcellerie à l’Université de lubumbashi, me semble incomplet dans ses explications, car il passe sous silence certains témoignages (dans son Induction abstractive ≠ L’expérience directe) où certains sorciers manifestent, sans rancœur, le sadisme ou leur plaisir de faire du mal gratuitement. Ne dit-on pas , toujours avec le proverbe bemba, « uwalya akakwe tominwa mbila=celui qui a mangé un membre de sa progéniture, ne doit jamais être inquiété » ? En quoi ici la sorcellerie est un effet de la crise-morale ou un moyen d’y remédier ? Si, à la limite, dans ce cas, elle serait l’effet de la crise-morale, il n’est pas pour autant un moyen d’y remédier. La sorcellerie a sa propre logique qui dépasse parfois et non toujours l’explication sociologique, dialectique soit-elle.
Le réductionnisme rend aveugle. Chaque cas de sorcellerie est souvent différent d’un autre. Voilà pourquoi, l’explication du phénomène têtu de la sorcellerie demande la collaboration du THEOLOGIEN , du PHILOSOPHE, du PSYCHOLOGUE, du SOCIOLOGUE, de l’ANTHROPOLOGUE, du PASTEUR, du SORCIER et de l’ENSORCELLE.
Je vous remercie
Abbé Louis MPALA