Note Pastorale :

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Carême  2008

 

L’homme a  du prix à mes yeux 

L’homme, tout homme, qui qu’il soit, a de la valeur devant Dieu   parce que créé à son image et sa ressemblance. Mais, que constate-t-on dans le phénomène « mining » ? Nous y trouvons d’abord l’engouement  généralisé vers l’exploitation minière, l’exploitation de l’homme par l’homme, le déséquilibre familial, l’immoralité, la destruction des infrastructures existantes et la pollution de l’environnement, la délocalisation de nombreux villages et cimetières.

Son Excellence Monseigneur

Gaston RUVEZI  KASHALA

Evêque de Sakania-Kipushi

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« NOTRE  RICHESSE
EST DANS NOTRE DIGNITE 
ET  NON DANS  LE MINING »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Note Pastorale :

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                      Carême  2008

 

« NOTRE  RICHESSE EST DANS NOTRE DIGNITE  ET  NON DANS  LE MINING »

 

Chers frères et sœurs, chers diocésains,

 

Salutation

Que la paix et la grâce de la part de Jésus-Christ notre Seigneur et Sauveur, de la part de Dieu notre Père qui nous a créés à son image et à sa ressemblance, et de la part de l’Esprit- Saint Consolateur, soient toujours avec vous en cette période de marche vers Pâques !

 

Introduction

La période de Carême, quarante jours, de cette année 2008, m’offre l’opportunité de m’adresser à travers cette note pastorale à chacun de vous au sujet du phénomène « mining », phénomène qui nous touche tous d’une manière ou d’une autre. Car, j’estime que le Carême est non seulement une période  de pénitence, mais c’est également un moment heureux du retour au Père pour écouter sa Parole avec une attention particulière et pour écouter l’enseignement de vos pasteurs.

Je vous souhaite donc, au terme de ce Carême, de porter beaucoup de fruits et des fruits qui demeurent ; signe de votre  résurrection avec le Christ, signe de votre passage avec lui de la mort à la vie.

Les quarante jours de Jésus au désert nous rappellent que notre marche vers Pâques est parsemée d’embûches et de tentations, mais comme Jésus, nous sommes appelés à surmonter ces difficultés, à vaincre ces tentations grâce à la dignité de fils de Dieu qui est en chacun de nous. Fort de cette dignité qui constitue notre vraie richesse, je vous dis : « Peuple de Dieu qui est à Sakania-Kipushi, lève-toi, recouvre ta dignité dans le Christ !

 

Constat

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Que vois-je en sillonnant tous les coins de notre diocèse ? De Sambwa à Kipushi, de Kipushi à Lonshi en passant par Kasumbalesa, Mokambo et Sakania, des sociétés minières ou « mining » en phase préparatoire ; certaines sont à l’étape de sondages, d’autres sont aux arrêts en attendant le bon moment, et beaucoup d’autres encore sont déjà en pleine activité d’exploitation.

 

Que vois-je encore ? Nos routes qui étaient les meilleures de la province du Katanga sont en voie d’être délabrées. Les engins lourds dénommés « trucks » au tonnage très élevé au service de ce « mining » sont à l’origine de la destruction de nos infrastructures routières.

Que vois-je aussi et surtout ? La destruction de la personne humaine travaillant parfois dans des conditions infrahumaines dans ce « mining », la destruction de la famille et de la jeunesse.

Oui, chers diocésains, chers frères et sœurs,

sans doute vous vivez cette triste réalité et vous la connaissez mieux que moi parce que vous l’expérimentez dans votre propre peau. Et vous vous demandez à bon droit : Notre Evêque voit-il ce que nous voyons ? Est-il au courant de ce qui se passe ? Que pense-t-il à ce sujet ?

Je reprends à mon compte ce que l’Assemblée des Evêques du Katanga avait déclaré l’année passée en s’adressant aux nouveaux dirigeants : « …il est clair que les minerais ne profitent ni à notre population, ni à notre pays. Alors que les bénéfices des investisseurs croissent sensiblement, les travailleurs, eux, s’appauvrissent davantage. Notre économie locale n’en tire apparemment pas de profit. Le peuple se demande à qui profite finalement l’exploitation minière au Katanga »[1].

 Ce qui se passe dans notre diocèse est inacceptable. Les chrétiens catholiques et tous les citoyens doivent réfléchir sur ce phénomène « mining ». Ils doivent  voir, c’est-à-dire observer ce qui se fait autour d’eux, juger, dans le sens de prendre en considération ce qui est digne de l’homme ; et agir, c’est-à-dire s’exprimer conséquemment, passer à l’action. Pour nous chrétiens, l’homme a une valeur inestimable : «  il a du prix aux yeux de Dieu » (Is 43,4)

L’homme a  du prix à mes yeux 

L’homme, tout homme, qui qu’il soit, a de la valeur devant Dieu   parce que créé à son image et sa ressemblance. Mais, que constate-t-on dans le phénomène « mining » ? Nous y trouvons d’abord l’engouement  généralisé vers l’exploitation minière, l’exploitation de l’homme par l’homme, le déséquilibre familial, l’immoralité, la destruction des

infrastructures existantes et la pollution de l’environnement, la délocalisation de nombreux villages et cimetières.

-L’engouement vers l’exploitation minière irrationnelle sans penser aux générations futures : Face à la pauvreté croissante, tout le monde croit trouver le salut dans le « mining ». Le père cherche à tout prix à se faire engager dans le « mining ». La mère et ses enfants se lancent dans les carrières, même les élèves et les enseignants désertent les classes au profit des « mining ». Les agriculteurs abandonnent les travaux champêtres, croyant trouver mieux dans le « mining ». Les hommes de Dieu n’en sont pas épargnés. Le virus « mining » a atteint toutes les couches sociales.

-L’exploitation de l’homme par l’homme : Devant cette offre de service, les entreprises « mining » engagent des gens à leur guise pour les utiliser comme des instruments de production et  parfois dans des conditions infrahumaines où les mesures de sécurité ne sont pas  toujours assurées et le logement franchement indécent.

-Le déséquilibre familial : Le travailleur, considéré comme instrument de production, devient un jouet dans les mains de l’entrepreneur. Ce dernier l’envoie où  bon lui semble, sans tenir compte des exigences de la vie familiale de l’employé. Que de  pères ne se sont-ils pas séparés de leurs enfants et  de leurs épouses pour de longues périodes !

-L’immoralité : Ces longues séparations ou absences prolongées des maris mettent en danger la fidélité matrimoniale, ainsi que l’éducation des enfants. Quant aux jeunes employés de « mining », ils s’adonnent aisément  à  la prostitution, à la consommation exagérée de l’alcool et de la drogue sans être inquiétés ni par les parents ni par les autorités administratives, et au mariage précoce. Dans ces milieux, on enregistre parfois l’escroquerie, le vol à mains armées, etc.

-La destruction des infrastructures existantes : Il suffit de voir le délabrement quotidien des routes Kasumbalesa et Kipushi pour s’en convaincre. Les ponts, constamment sollicités, sont  endommagés et les routes des dessertes  agricoles sont abîmées.

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-La pollution de l’environnement : Force est de constater que dans les nouveaux emplacements miniers, les arbres sont respectés, mais les rivières et les cours d’eau sont pollués.

Pire encore, des villages et cimetières sont délocalisés sous prétexte qu’ils ont été érigés  sur des gisement de minerais.

Les faits énumérés montrent à suffisance que la dignité de l’homme créé à l’image de Dieu semble  être bafouée. Pourtant, il a du prix aux  yeux de Dieu.

J’invite les autorités politico- administratives de notre diocèse situé sur les territoires de Kipushi et de Sakania de s’y pencher pour que l’homme retrouve sa dignité sa valeur absolue aux yeux de Dieu qui l’a créé. Aussi pourrais-je demander à toutes à toutes ces compagnies d’exploitation minière d’entretenir les routes qu’elles utilisent, de construire des écoles et des dispensaires pour leurs employés et pour la population du lieu de leur implantation et de fournir la population en eau potable.

Appelés à être signe de la présence de Dieu dans le monde

 Pendant ce temps de Carême, le phénomène « mining » nous invite aussi à réfléchir sur notre charité chrétienne qui devra se traduire dans le partage, la solidarité et le souci du bonheur de l’autre sans distinction de race, de sexe, de tribu et de religion.  La richesse du pays est un bien qui devra profiter à tous et ne doit en aucun prix être confisquée par une catégorie des citoyens. Cette injustice semble caractériser les différents responsables des sociétés minières implantées dans notre diocèse. Parmi eux, même des chrétiens, laïcs engagés agissent en contradiction avec leur foi. En voici les faits :

-Le recrutement : ce dernier, se fait-il  toujours sur  base des critères de compétence ? C’est surtout par trafic d’influence, tribalisme, népotisme ou corruption…

-Un salaire de misère par rapport à la production qui contribue à la dégradation de la dignité de l’homme. Et cette situation ne risque-t-elle pas d’exploser un jour. Il est temps de se laisser interpeller par ce passage biblique : « Qu’as-tu fait de ton frère ? »(Gn 4, 10).

Oui, chers frères et sœurs, il est temps de nous  convertir et de croire à la Bonne Nouvelle ! Cette dernière nous invite à  respecter l’homme, à vivre avec lui et à le considérer non comme un moyen de production, mais comme un sujet à développer. L’Eglise ne nous dit-elle pas que les chrétiens sont des signes de la présence de Dieu dans le Monde ?[2]

Etre signe de la présence de Dieu au monde signifie que les chrétiens doivent transmettre la volonté de leur Créateur. En créant l’homme à son image et à sa ressemblance, Dieu l’a doté d’une certaine dignité que personne ne peut bafouer fut-ce au profit de la richesse. C’est pourquoi la doctrine sociale de l’Eglise invite les chrétiens à  mettre l’homme au centre de toutes relations (économique, religieuse, politique, sociale, culturelle,…) à la lumière de l’Evangile. Elle  commande aux communautés chrétiennes d’être des expressions vivantes et concrètes de l’Eglise devant la perte de l’image de l’homme, le manque de respect des pauvres, les nouvelles formes d’injustice et d’exploitation de l’homme par l’homme et même d’esclavagisme…[3] C’est cela être prophète, comme le déclare le prophète Isaïe: « L’Esprit du Seigneur est sur moi parce qu’Il m’a consacré par l’Onction. Il m’a envoyé proclamer la Bonne Nouvelle aux pauvres, la libération aux captifs, la vue aux aveugles, la liberté aux opprimés… » (Is. 61, 1-2).

 

Chers frères et sœurs, chers diocésains,

Vivre le Carême, c’est donc accepter d’être témoin du Christ partout et en tout, en évitant l’incohérence dans la vie, les divisions ethniques et le manque d’engagement  chrétien des Laïcs dans la vie publique[4]. Autrement dit, devant une situation alarmante comme celle présentée par les sociétés minières implantées dans notre diocèse, sociétés qui exploitent et l’homme et nos minerais, sans améliorer en rien la vie de nos frères et sœurs, le chrétien doit rappeler  aux siens que la vraie richesse de l’homme se trouve dans sa dignité.

C’est ici que vous devez montrer que vous aimez réellement votre vie. Alors vous gagnerez non seulement votre vie, mais aussi et surtout votre dignité de fils de Dieu.

Avec ma bénédiction apostolique, je vous souhaite une bonne montée vers la Pâques du Seigneur.

 

+Mgr Gaston RUVEZI  KASHALA

 



[1] A.E.P.E.L., Que notre espoir ne soit jamais déçu (Cf. Ps. 70,1), Message des Evêques du Katanga, mars 2007.

[2] Jean Paul II (Pape), lettre Encyclique : Redemptoris Missio, 1990, n. 48.

[3] Doctrine Sociale de l’Eglise Catholique in Rapport de la session pastorale extraordinaire du 25 au 28 septembre 2007 à Kipushi, p.5.

[4] CENCO, Nouvelle évangélisation et catéchèse, n° 76-91.