L’abbé Louis Mpala en appelle pratiquement à un réveil de conscience pour que les filles et fils de ce pays se rendent que, hier, au temps de la colonisation, comme aujourd’hui encore, en cette fin de millénaire, la hardiesse de l’Occident n’a point fléchi et affirme toujours davantage ses méthodes d’exploitation et sa félinité en matière de politique à l’égard des pays en voie de développement. Il leur appartient de ne jamais l’oublier, d’ouvrir l’oeil et le bon, de mettre en place les stratégies efficaces de protection et de défense et surtout de changer radicalement d’esprit dans le sens d’un développement unitaire à notre taille. Ainsi on pourra déjouer les manœuvres de l’ennemi qui est plus que déterminé, malgré les apparences, à nous en faire baver. Hier, un prêtre – P. Tempels – s’était scandalisé de l’esprit  de colonisation, qui ne visait pas une véritable rencontre des cultures, susceptible de conduire à un échange mutuellement avantageux, de sagesse à sagesse, aujourd’hui, un prêtre encore – Louis Mpala-, comme tant d’autres, dénonce cet esprit et invite à la mobilisation. Notre salut, face à l’Occident, n’est ni dans la rupture d’avec lui, ni dans la résignation devant ses manœuvres.

 

Louis MPALA MBABULA

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

LECTURE MATERIALISTE DE "LA PHILOSOPHIE

BANTOUE" DE P. TEMPELS FACE AUX

MUTATIONS SOCIO-POLITIQUES EN R.D.C.

 

Préface du Professeur MAYELE  ILO

Deuxième édition revue et augmentée

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Editions MPALA

B.P. 342

Lubumbashi/RDC


Dédié à Mununga, Uta, Ngombe et Kabwe

 

 

 

 

 

 


Nos remerciements à la Révérende Sœur congolaise M. dont l’aide a permis la publication de cette brochure.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1ère édition : 1998

2ème édition : 2000

 

 

 

© EDITION MPALA – 2000

N° Dépôt légal 0820 - 9620


Préface de 1998

 

De prime abord, il sied de préciser que cette préface n’est pas destinée à présenter aux lecteurs Monsieur l’Abbé Louis MPALA, notamment connu par ces écrits dont Education à la conscience et à la raison. Introduction à la philosophie MSADA, et par sa remarquable activité tant pastorale qu’académique.

 

En tout cas, cette préface n’a nul lien d’approche biobibliographique.

 

En effet, rares sont en philosophie africaine, les contributions qui, à ce jour, ont poussé l’exigence de radicalité propre à la démarche philosophique jusqu’à ce point de la spéculation (Kä Mana) où s’impose le sentiment matérialiste que, depuis longtemps qu’on n’ose le penser, le discours et la praxis sur l’Afrique noire, en particulier la R.D.C., constituent un hiatus béant. Rares aussi sont les méditations qui, ayant démontré les mécanismes des tentatives faites pour calmer cette inquiétude fondamentale par des discours de taille ou d’une haute portée réflexive, s’interdisent toute précipitation dans la recherche des solutions à une problématique insuffisamment mesurée et/ou incommensurable.

 

Dans le cas d’espèce, l’Abbé Louis MPALA est « cet oiseau rare, oiseau de Minerve » qui, dans son œuvre La lecture matérialiste de la philosophie bantoue de P. TEMPELS face aux mutations socio-politiques en RDC, relève un défi dont on parlera jamais assez.

 

Nous parions donc qu’il soit le premier en date d’avoir lu l’incontournable chef-d’œuvre du P. Placide TEMPELS, La philosophie bantoue, sous des lunettes néo-marxistes dans un contexte socio-politique néocolonialiste qui est le nôtre.

 

Pour tout avouer, présentée à titre estimatif comme conférence, dans le cadre du Cercle des Etudiants en philosophie (CEPHI/F.C.K.), et dont nous sommes heureux de saluer l’édition, l’œuvre de l’Abbé Louis MPALA mise sur l’actualité du fameux livre de Tempels. Il se range dans la filière des marxistes tels que L. GOLDMANN, G. LUKA’S et L. ALTHUSSER qui proposent de grands « canons » de la critique sociologique marxiste. L’Abbé Louis MPALA estime et considère ces canons d’inexhaustifs. « Cet instrument est aussi à contextualiser » dira-t-il. C’est un organon à parfaire.

 

Prônant l’essor d’une philosophie africaine contemporaine fondée sur la méritocratie des africains en vue de la mondialisation naissante des cultures, l’Abbé Louis MPALA baptise cette entreprise de philosophie néocolonialiste dont l’arme efficace et appropriée est ici « la force psychologique devant l’extérieur ».

 

On le voit, l’Abbé Louis MPALA est un « Marx Congolais » qui réclame, à cor et à cri, que le peuple congolais dans son ensemble prenne conscience de son misérable sort et de la libération par le travail tant instrumental que stratégique. Comme qui dira : « Ad majora natus sum et Fortuna favet fortibus ». C’est donc à travers une éthique du discours et de la praxis que l’homme s’engagera à cultiver et vivre ses valeurs authentiques, en tant que « Mitsein » et « Sein Zum Tod » ! Mais n’est-ce pas là une situation propre à nous faire douter de nous-mêmes ? Prenons garde que les incidences de la susceptibilité affective n’obscurcissent les enjeux de cette pensée authentique. Ainsi toute remarque, tout amendement inscrivant dûment une signification, ouvrant la chose du texte » et projetant « le monde de l’oeuvre », est la bienvenue et accostera donc à bon port.

 

Jean BASIONO

Gradué en philosophie (F.C.K.)

 


Préface de 2000

DENONCER ET EXHORTER

 

On pourrait, de prime abord, se poser un certain nombre de questions au terme de la lecture de cette plaquette :

1° Et si l’on soumettait, à son tour, cette Lecture matérialiste de la Philosophie bantoue de P. Tempels face aux mutations socio-politiques en RDC à une lecture tout aussi matérialiste qui en dévoile le contexte, selon le principe des principes énoncé par l’auteur : « Toujours, tu partiras du contexte au texte » ?

 

2° De Marx, d’Engels ou de Mao, dont on connaît les options philosophiques fondamentales, que peut bien attendre ou espérer gagner pour lui personnellement d’abord, non pas un philosophe, un sociologue, un économiste, un marxiste ou un marxien, mais un chrétien et de surcroît un prêtre catholique ?

 

La philosophie bantoue de P. Tempels est l’œuvre d’un auteur situé d’abord dans le temps – celui de la colonisation, ensuite quant à ses options chrétiennes – c’est un missionnaire catholique-, enfin dans la mentalité de sa culture de belge et d’Occidental, et par conséquent conditionné. Se prêtait-elle mieux qu’une autre pour une lecture matérialiste ? Et pourquoi n’avoir appliqué cette grille de lecture qu’à une partie seulement ?

 

Autant de questions qu’il est difficile de s’empêcher de (se) poser après la lecture du travail de l’abbé Louis Mpala.

 

Ensuite, avec lui, on pourrait aussi relever les contradictions suivantes :

1° Si, au nom de ses appétits économiques et des ambitions commerciales insatiables, et dotée d’une puissance matérielle supérieure, une culture se croit missionnaire sans frontières de LA CIVILISATION et se sent en droit d’en éduquer d’autres à son idéologie, les règles du jeu de l’égalité des cultures s’en trouvent forcément faussées et la paix universelle compromise.

 

2° Les plus réceptifs parmi eux qui sont à éduquer selon l’esprit foncièrement agressif de l’Occident sont traités de renégats par ses représentants, tandis que ceux qui, parmi ces représentants, se montrent plus ouverts à la culture des peuples à éduquer, sont considérés comme des traîtres. Ce qui pose l’épineux problème de la réelle et véritable rencontre des cultures.

 

3° La volonté colonisatrice et exploitatrice de l’Occident, et la mission civilisatrice et évangélisatrice dont elle s’est parée, sont à l’opposé l’une de l’autre, et leur collaboration mutuelle sur le terrain congolais ne pouvait que rendre malheureuses certaines consciences, comme celle d’un P. Tempels qui est à la fois citoyen belge et prêtre missionnaire, les obligeant pratiquement à mettre les pieds dans les plats.

 

Les questions que voilà, qu’on pourrait se poser, et les contradictions ci-dessus, qu’on pourrait relever, ne sont encore’, à mon avis, que des prises de vue superficielles sur la démarche profonde de l’abbé Louis Mpala, lesquelles prises risquent de faire passer à côté de l’essentiel.

 

Il est clair que la lecture matérialiste de la Philosophie bantoue de P. Tempels face aux mutations socio-poltiques en RDC est un véritable acte de dénonciation et une exhortation patriotique au combat contre un ennemi connu qui, malgré les revers historiques subis, renaît toujours de ses faiblesses et n’a jamais véritablement changé son fusil d’épaule. Et pour bien saisir l’intention profonde de l’auteur, il importe, me semble-t-il, de commencer la lecture de sa plaquette par la seconde partie. Alors seulement, on comprend clairement que l’œuvre de P. Tempels, évoquée ici, n’est qu’un prétexte, et surtout on saisit pourquoi, dans cette œuvre, c’est la dernière partie qui a intéressé l’abbé Louis Mpala. Est donné ici un exemple de maîtrise de la pensée d’autrui au service de ses intérêts. Dépendance dont il faut bien sortir un jour.

 

Héritier en quelque sorte de l’esprit de pères des indépendances africaines – les plus influents ayant été d’obédience marxiste ou communiste -, de tous les dénonciateurs du phénomène historique de la colonisation et de tous ceux qui observent attentivement aujourd’hui la mais basse que cherche encore à faire l’Occident sur les richesses d’un pays comme la RDC, en s’ingéniant à forcer des accès dans la gouvernance de la chose publique, 40 ans après l’indépendance de ce pays, l’Abbé Louis Mpala invite tous les Congolais à une prise aiguë de conscience de la nature de l’esprit occidental, caractérisé par la volonté de puissance et de domination agressive. Le regard qu’il jette sur l’occidental ne lui ferait certainement pas moins découvrir que la race caucasienne est l’unique race au monde qui a su et s’est organisé les crimes contre l’humanité les plus ignobles à l’échelle continentale ou mondiale. Les Belges n’ont-ils pas du sang congolais dans les mains, comme les Américains du sang  indien ?  N’y a-t-il pas eu du sang sur les lianes[5] au Congo ? C. Anta Diop n’a-t-il pas montré dans l’Unité culturelle de l’Afrique noire que cette race du Nord est caractérisée par sa xénophobie ?

 

L’abbé Louis Mpala en appelle pratiquement à un réveil de conscience pour que les filles et fils de ce pays se rendent que, hier, au temps de la colonisation, comme aujourd’hui encore, en cette fin de millénaire, la hardiesse de l’Occident n’a point fléchi et affirme toujours davantage ses méthodes d’exploitation et sa félinité en matière de politique à l’égard des pays en voie de développement. Il leur appartient de ne jamais l’oublier, d’ouvrir l’oeil et le bon, de mettre en place les stratégies efficaces de protection et de défense et surtout de changer radicalement d’esprit dans le sens d’un développement unitaire à notre taille. Ainsi on pourra déjouer les manœuvres de l’ennemi qui est plus que déterminé, malgré les apparences, à nous en faire baver. Hier, un prêtre – P. Tempels – s’était scandalisé de l’esprit  de colonisation, qui ne visait pas une véritable rencontre des cultures, susceptible de conduire à un échange mutuellement avantageux, de sagesse à sagesse, aujourd’hui, un prêtre encore – Louis Mpala-, comme tant d’autres, dénonce cet esprit et invite à la mobilisation. Notre salut, face à l’Occident, n’est ni dans la rupture d’avec lui, ni dans la résignation devant ses manœuvres.

 

Quand on est épris d’esprit de justice, la dénonciation est une arme de combat nécessaire. Et cette arme est à portée de la main de n’importe qui, surtout du prêtre, qui, à la suite du Christ, doit dénoncer tout mal au nom de l’Evangile et mobiliser pour le progrès de tout homme et de tout l’homme. En cette période difficile que traverse la R.D.C., c’est bien là une manière convaincante pour un prêtre catholique ayant séjourné pendant des années en Europe, de contribuer à son niveau, à la résolution des difficultés présentes, en participant hors de la chaire de vérité à l’éveil patriotique. Notre vouloir vivre ensemble est notre leitmotiv et notre force.

 

La civilisation occidentale qui a fondé sa puissance et sa prospérité en grande partie sur l’exploitation éhontée et au besoin la spoliation des richesses d’autres races s’est toujours révélée mortifère pour celles-ci. Sa religion fondamentale est la domination, et son dieu la richesse matérielle à tout prix. Mais malgré cette guerre que la RDC est contrainte de livrer contre l’esprit occidental fructifiant en terre africaine, guerre d’un autre âge, comme l’a déclaré J. Chirac, et combat apparemment inégal, l’Abbé Louis Mpala, mu sans doute par sa foi et encouragé par quelques signes de changement palpables et de mentalité, ne perde pas espoir. Car la vocation d’un prêtre n’est certainement pas d’éteindre la mèche qui fume encore. Comme pour P. Tempels, il y a, pour lui aussi, une certitude : le crépuscule des dieux. Il faut y croire ferme.

 

MAYELE  ILO

Professeur à l’ISP/Lubumbashi

et au Département de Philosophie

à l’Université de Lubumbashi

 

 


AVANT – PROPOS

 

Je ne suis pas marxiste, encore moins marxien. Je suis un chrétien. Voilà pourquoi Marx – Engels – Maô – Gramsci m’intéressent. Ils sont fils de leur temps comme je suis aussi un produit de mon temps. Les maîtres marxistes font partie de notre patrimoine. Par leurs écrits, ils ont laissé des traces. La question est celle de savoir comment, pourquoi et quand et jusqu’à quel niveau faut-il les utiliser. Je me considère comme un héritier critique de Marx.

 

Marx – Engels ont eu des occasions pour se remettre en question. Lisons surtout les sept préfaces au Manifeste du parti communiste. Feuilletons aussi les lettres de vieillesse de Engels. A la fin, on comprendra, à la suite de Engels, que le marxisme n’est pas un système fermé. En d’autres termes, il réfute le dogmatisme. Si plus d’une fois Marx – Engels ont dû faire des auto-critiques, je ne vois pas comment je pourrais accepter tout ce qu’ils ont écrit. Ceci explique pourquoi depuis 1984 je m’intéresse à eux avec un esprit critique.

 

Si j’utilise dans cette plaquette la lecture matérialise, cela est fait dans le but de bien m’approprier « la chose du texte ». Mais lecture a ses limites, je le reconnais et elle a des champs d’application bien appropriés. Pour ce qui concerne La philosophie bantoue de Placide Tempels, je trouve ma lecture matérialiste bien adaptée. Toutefois, reconnaissant que toute œuvre humaine est comme une boule à mille faces, il va de soi que d’autres formes de lecture peuvent être utilisées. J’ai opté pour la lecture matérialiste. Au lecteur d’apprécier sa valeur dans la compréhension de notre Sitz im Leben.

 

En déposant dans la main du lecteur cette plaquette’, mon souci est de mettre sur la place publique le discours prononcé dans un local de quatre murs. Il n’y a de plus grande joie qu’en communiquant aux autres les fruits de ses propres recherches. Que dis-je ? Les fruits de nos propres recherches ; car toute production littéraire ou scientifique soit-elle est toujours une production sociale. Je ne suis pas parti du néant, mais de la lecture matérialiste conçue par des individus sociaux, de l’œuvre de TEMPELS, fils de son temps et de la pratique socio-politique actuelle. En un mot, ma brochure est notre production. Voilà pourquoi les critiques ne sont que les feu où se purifie toute production sociale, littéraire ou scientifique. Que ce discours ne révolte l’un ou l’autre, il a son sens d’être : la dette envers la société que nous sommes appelés à transformer en humanisant nos rapports sociaux[6] qui sont en dernière analyse, ce que nous sommes. Malheureusement, la pratique sociale nous montre souvent (et non toujours) les hommes « adaptés » aux rapports sociaux. C’est le drame de l’instrument devenu maître de son propre concepteur et producteur. Je m’arrête ici, car c’est un long débat où la dialectique en doit jamais être perdue de vue.

 

Cher lecteur, à toi la plaquette. Elle n’est plus mienne. Elle se défendra toute seule devant toi. Mais si tu écris, je pourrai la défendre.

 

Exposé pour la première fois le 26 novembre 1997 lors des quatrièmes journées philosophiques organisées par le Cercle des Etudiants en philosophie (CEPHI, dont nous avons eu l’honneur d’être le président en 1998-1999 des Facultés Catholiques de Kinshasa), le texte que je publie en seconde édition augmentée est celui qui a été exposé et défendu le 29 mai 1998 dans la grande salle de la Bibliothèque Nationale du Congo à Kinshasa.

 


INTRODUCTION

 

Laconique sera mon discours. Il y a de la réussite de nos assises et je ne voudrais pas voler votre temps. Je m’intéresse à l’actualité du fameux livre de Tempels. Je l’ai lu sous l’angle matérialiste. Il y a plusieurs lectures. Pour preuve, voyez les lectures de HOUNTONDJI, TOWA, KAGAME, MUJINYA, Aimé CESAIRE, EBOUSSI BOULAGA, SMET, FABIAN, BILOLO, NGOMA BINDA, etc[7].

 

Mon discours a comme fondation, en ce jour, de l’initiation à la lecture matérialiste. Ses murs sont faits de son application à La philosophie bantoue  de Placide TEMPELS. Son toit est constitué de son apport à la compréhension des mutations socio-politiques en République Démocratique du Congo.

 

Comme vous vous pouvez l’imaginer, ce discours est comparable à une maison. Le problème sera celui de savoir si cette maison est en matériaux durables. Vos réactions y répondront. Un constructeur contemple son œuvre. C’est la conclusion.

1. DE L’INITATION A LA LECTURE MATERIALISTE[8]

 

Nous vous proposons ici cinq canons de cette lecture et nous les formulons :

1° Son principe des principes : Toujours, tu partiras du contexte au texte.

2° Toujours, tu retiendras que le texte ou l’œuvre littéraire est un élément de la superstructure.

3° Toujours, tu te souviendras de Georges LUKAS qui recommande la recherche de l’action réciproque entre le développement économico-social et la conception du monde, et qui recommande l’étude des conditions socio-historiques de la genèse du texte.

4° Toujours, avec Lucien GOLDMANN tu répéteras :

-         l’élément essentiel quand on étudie un texte est de savoir que la littérature et la philosophie sont, sur des plans différents, des expressions d’une vision du monde et que les visions du monde sont des faits sociaux et non individuels. Toute vison du monde est exprimée par l’écrivain qui reflète le groupe ;

-         le second élément est la recherche des rapports entre l’œuvre et les classes sociales du temps de l’écrivain.

5° Toujours, avec Louis ALTHUSSER et son équipe de travail tu affirmeras que la littérature est une forme idéologique spécifique.

 

Voilà les canons de ce que d’aucuns ont appelé la critique sociologique marxiste.

 

Au chercheur de savoir comment manier cet instrument de travail imparfait comme toute œuvre humaine. Cet instrument est aussi à contextualiser.

 

2. DE SON APPLICATION A « LA PHILOSOPHIE BANTOUE » DE PLACIDE TEMPELS

 

Nous devons signaler que cette lecture s’est appliquée à la dernière partie de l’œuvre de TEMPELS*. Il s’agit du chapitre VII où il parle de « La philosophie bantoue et notre mission civilisatrice ». A la première partie nous avons réservé une autre appréciation intitulée la surdétermination superstructurelle sur la pratique socio-politique Zaïroise.

 

Cette dernière n’est pas encore mise en circulation.

2.1. Du contexte…

 

De par le texte, nous savons ce qu’est le contexte. Nous sommes en pleine colonisation selon les directives de la conférence de Berlin. Voici les « poteaux indicateurs » :

- Le non-civilisé … et nous (p. 109)

- Notre mission éducatrice et civilisatrice (p. 110)

- Notre mission civilisation (p. 112)

- Notre œuvre éducatrice (p. 117)

 

L’« esprit » de Berlin s’exprime à travers ce pseudo ( ?) leitmotiv de la colonisation.

N’oublions pas que qui dit colonisation sous-entend spoliation et exploitation. Qu’n dit TEMPELS lui-même : « On a dit que seule notre mission peut justifier notre occupation du sol des non-civilisés » (p. 112). Tirez les conséquences de toute » occupation du sol » d’autrui : expropriation du colonisé, … et mise à mort du récalcitrant. Tout se fait au nom de la mission civilisatrice. Les Bantous et les Congolais en particulier l’ont-ils demandée ? Berlin l’a décidé ainsi à leur place. Motif idéologique : tout grand enfant inculte a besoin d’être éduqué, ne fût-ce que par charité. C’est pour son bien. Même s’il l’ignore. Ainsi fonctionna la Logique occidentale (l’expression est de TEMPELS).

2.2. …au texte

 

Le texte, après avoir exposé ce que l’auteur appelle « la découverte » de la philosophie des Bantous (p. 109), dit l’essentiel : « Nous avons raté notre mission, faute de la connaissance de la philosophie des Bantous, de l’ «âme bantoue ». Que faire ? Voici le livre pour réussi. A quelle condition ? L’écrivain Placide TEMPELS utilise sept fois le « SI » conditionnel. Tout se résumerait en cette condition : renoncer à la « logique occidentale » et à son corollaire consistant à nier aux Bantous l’existence d’une philosophie. Laissons parler le texte :

·                           « Si notre hypothèse correspond à la réalité, et nous fait toucher le fond de l’âme primitive, nous nous verrons dans l’obligation d’opérer une révision de nos conceptions fondamentales au sujet des non-civilisé ; nous serons obligé de corriger notre attitude à leur égard » (p. 109)

·                           « On sent qu’il s’agira de parler » de sagesse à sagesse », « d’idéal à idéal », « de conception du monde à conception du monde ». N’est-ce pas « le crépuscule des Dieux ? » (p. 110)

o       « Nous pensions éduquer des enfants, de « grands enfants », … et cela semblait assez aisé » (p. 110).

o       « Le principe central de la philosophie bantoue est celui de la force vitale (force de vie) » (p. 114). En d’autres termes, tenez compte de ce que je vous dis pour réussir notre mission. C’est en ce sens que se comprend cette phrase : « Je soumets donc au jugement loyal de ceux (= intellectuels de la colonie, guides de la mission) d’entre eux qui me liront, les réflexions que je développe » (p. 120).

2.3. Que dire du contexte au texte ?

 

A ce niveau nous ferons appel au style affirmatif althussérien s’exprimant par des thèses. Thèse entendue comme affirmation-prise de position. Et si l’on veut engager des  discussions à ce propos, c’est sur la justesse et non la véracité. La thèse est juste quand elle correspond à la pratique ». Ainsi : une décision juste, une guerre juste, une ligne juste »[9]. Chaque fois notre thèse partira d’un canon identifié :

 

Du Canon 2 Thèse 1 :

 

« La philosophie bantoue » de TEMPELS est une œuvre littéraire qui est un élément de la superstructure, l’idéologie pratique appelée la culture.

 

Marx et Engels nous ont appris que la superstructure détermine aussi l’infrastructure, et Engels poursuivra en affirmant que dans cette action réciproque « rien n’est absolu et tout est relatif »[10]. (Engels à Conrad Schmidt 27 oct. 1890). Ainsi dans certaines conditions, dira Engels, « la conception idéologique, en réagissant sur la base économique, peut la modifier »[11] (Engels, même lettre). De ce fait, l’économisme ou le mécanisme sont à rejeter du marxisme. Il faut retenir la Dialectique.

 

Tempels attend, de son livre, une influence sur le cours de l’histoire de la mission civilisatrice : « Je soumets donc au jugement loyal de ceux d’entre eux qui me liront, les réflexions que je développe » (p. 120). Il s’adresse à l’intelligentsia de la colonie qui doit « prendre à cœur sa réelle mission de guide » (p. 120).

 

Du Canon 3 Thèse 2 :

 

« La philosophie bantoue » de TEMPELS nous présente la vision du monde des colons : peuple pas comme les autres. Peuple civilisé, doté d’une grande force vitale à laquelle aspirent les Bantous, non-civilisés.

 

Cette vision du monde – qui est une idéologie – les rend supérieurs et leur concède une mission historique : allez éduquer et civiliser les primitifs, les sauvages, les non-civilisés. Faites d’eux des évolués. Sur le terrain, cette vision est en interaction avec le développement socio-économique. Ainsi les uns, les colons, seront toujours plus puissants et enrichiront leur pays d’origine. Les autres, à savoir les colonisés, seront expoliés et humiliés. La vision du monde est au service du socio-économique et vice versa. Et c’est dans ces conditions socio-historiques que se situe la genèse de La philosophie bantoue comme un cri désavouant le hiatus existant entre la mission civilisatrice (fille de la vision du monde capitaliste) et la pratique socio-économique, praxis déshumanisante du côté des primitifs. De cette prise de position, Tempels le payera cher, malgré sa bonne volonté coloniale qui veut faire de lui « l’annonciateur des temps nouveaux de la « loi de charité » remplaçant la « loi de la crainte ». C’est le jugement de Mgr Pierard, Vic. Ap. de Beni (Congo Belge) (p. 117)/

 

Du Canon 4 Thèse 3 :

 

« La philosophie bantoue » est l’expression d’une vision du monde qui est un fait social non individuel, i.e. un produit collectif, et Tempels qui l’exprime est un écrivain reflétant le groupe auquel il appartient.

 

Ceci nous conduit à faire voir les rapports entre La philosophie bantoue et les classes sociales du temps de l’écrivain Tempels. A quel groupe appartient notre écrivain ? A son temps, combien de classes sociales existait-il ? Pour répondre à ces questions, notre lecture, dans sa rigueur, nous a contraint à détecter les indices et à les inventorier. Les voici : Primitifs comme épithète 7 fois, substantif avec » « 1 fois et sans » « 2 fois, Sauvage, épithète 1 fois, substantif avec » «  2 fois et sans » « 3 fois ; Basenji 1 fois, Nous, chez nous en Europe 1 fois, nous sujet c.o.d – c.o.i 65 fois, nous de majesté 3 fois, nous confondu au je et missionnaire 1 fois ; Eux-chez eux et pour eux 7 fois, eux comme blanc intellectuels de colonie 1 fois, eux comme les « philosophes de brousse » (p. 118), i.e. les vieux notables critiquant les évolués 2 fois ; Notre 15 fois, notre  de majesté 1 fois, notre pour toute l’humanité (notre XXe siècle) 2 fois ; Leur indiquant les Bantous 53 fois ; ils, les évolués, toutes tendances confondues 6 fois, ils, les « philosophes de brousse » 2 fois, ils, les Bantous 5 fois ; je 4 fois et m’ 2 fois ; On, les blancs déclarant l’échec de la mission civilisatrice du christianisme 3 fois, on, blanc qui critiquerait Tempels 2 fois, on l’anonyme des proverbes 3 fois, on, quelqu’un 1 fois, on, n’importe qui 4 fois, on désignant nous 5 fois, on, ethnologues de l’école évolutionniste 1 fois ; indigène 1 fois. Nous n’excluons pas l’erreur dans le compte-pour-un.

 

De ces indices, nous pouvons affirmer que nous avons affaire à deux classes fondamentales ou principales. Ces deux classes sont antagonistes et entre elles se situe la contradiction principale, et Tempels dit tout haut : « Nous nous posions trop souvent en face d’eux comme le tout devant le néant » (p. 110). « Leur grief principal et fondamental est le fait d’être traités continuellement comme des « imbéciles », « macaques » ou « nyama ». Par cette exaspération profonde, ils se montrent les dignes fils de leurs pères » (p. 116). Toutefois, faisons remarquer que dans chaque classe fondamentale, il y a différents groupes non antagonistes avec des contradictions secondaires. Ainsi dans le Nous-colons, il y a les eux (groupe des intellectuels ayant la mission de guide), les on (groupe des blancs s’attaquant aux christianisme) et les on (groupe des ethnologues)… Dans les Primitifs existent un groupe de leurs-ils-les évolués, ils-les « philosophes de brousse » critiquant les évolués.

 

Quel rapport existe-t-il entre l’œuvre de Tempels et les différentes classes sociales ? La philosophie bantoue, dans ses premiers chapitres, parle de l’ontologie de la classe des Primitifs. L’œuvre parle à leur place. La question de savoir si Tempels en parle bien et à quel titre ne nous préoccupe pas directement et indirectement elle a déjà sa réponse. Dans son dernier chapitre qui est notre champ d’investigation, l’œuvre s’adresse aux colons de bonne volonté, même si Tempels, par modestie (?), dans les trois dernières lignes de son texte, soumet son livre aux jugements des Bantous quant à ce qui concerne la justesse de la valeur de son hypothèse de force vitale (p. 123).

 

Du Canon 5 Thèse 4 :

« La philosophie bantoue » de Tempels est une forme idéologique spécifique.

 

En aucun moment, Tempels ne demande, purement et simplement, aux colons d’abolir la colonisation nous savons qu’il leur demande de renoncer à la logique coloniale et non à la colonisation qu’il confond à la mission civilisatrice quand bien même dans d’autres écrits il parlerait de la condition inhumaine sociale des Travailleurs, quand bien même il lutterait pour leur pension. Au contraire, par le « SI » conditionnel « prononcé » 7 fois (or 7 est un chiffre symbolisant la perfection, comme pour dire que rien n’est oublié), il montre comment réussir la lourde tâche historique d’éducation et de la civilisation des Primitifs. Et, à ce propos, Césaire ne lui pardonnera jamais : « Que l’on pille, que l’on torture au Congo, que le colonisateur belge fasse main basse sur toute richesse, qu’il tue toute liberté, qu’il opprime toute liberté, qu’il aille en paix, le Révérend Père Tempels y consent »[12]. Et le comble est que Tempels s’en prend aux EVOLUES qu’il traite de renégats de la pensée bantoue, de simili-occidentaux, de négations des civilisés. Ce sont des « éléments de désordres ». L’expression est de Tempels. Quel désordre ? Lui seul le sait. Si c’est la technique qui a fait du blanc un être d’une forte force, Tempels rappelle au Muntu que la technique ne fait pas l’homme. Un jour viendra et devant les faits têtus, ce sont ces EVOLUES qui réclameront l’indépendance. Que dis-je ? Une nouvelle forme de colonisation ?

 

Le livre de Tempels est encore idéologique sous une forme spécifiquement subtile : il lutte pour le respect des noirs. Voilà pourquoi certains de ses frères blancs l’attaqueront et le « renieront ». Il éveille les Noirs. Donc il sent mauvais. Comment peut-il dire aux « sauvages » qu’ils sont hommes comme les blancs, puisque ayant aussi une philosophie ? Comment peut-il dire publiquement (en publiant son écrit) qu’il s’agira désormais de parler « de sagesse à sagesse », « d’idéal à idéal », « de conception du monde à conception du monde ? (p. 110). Et le pire se trouve dans la conclusion de son discours révolutionnaire : « N’est-ce pas « le crépuscule des Dieux » ? (p.110). C’est inouï. Que faire d’un tel homme ? Une seule solution : le rejeter. Les Bantous, vont-ils le ramasser ? Pas question. Il n’a pas été clair. Il n’a pas demandé la décolonisation. D’ailleurs son discours est pseudo ( ?) révolutionnaire. La preuve ? Il dit : « On sent qu’il s’agira… » Pourquoi le verbe sentir et s’agira au futur ? Ne fallait-il pas dire : « Désormais il s’agit » ? Tous ces deux rejets partent du procès de l’intention de l’auteur. Malheureusement, le texte, orphelin de père, ne peut se défendre. Qui le défendra ? A-t-il un père putatif ou un parrain ? Où est-il ? Est-ce le R.P. SMET ? Est-ce dans ce sens qu’il faut comprendre son combat pour faire justice à Tempels ? Nous ne pouvons répondre à cette question qu’après avoir lu matériellement ses écrits (comme il nous l’a demandé dans sa lettre nous adressée).

 

De tout ce qui précède, que dire de l’écrivain Tempels ? Pour ma part, il est naïf comme tout prêtre qui se respecte. Il fait confiance à l’homme car Dieu YHWH lui fait confiance. Il demande l’impossible « aux colons de bonne volonté » à qui il s’adresse. Pourquoi ? Parce qu’il leur demande de renoncer à cette « Logique coloniale » qui dicte la politique, l’économie et j’ajouterais même, par supposition, la religion de la colonie congolaise. Le vampire vit du sang de sa victime. C’est un signe que si Tempels n’a pas été compris, lui-même n’a pas compris le sens ultime de la notion de « mission civilisatrice », notion transportée ou secrétée par une idéologie qui ne veut pas dire son nom.

 

Et pourtant, en le relisant, nous voyons que Tempels n’a pas perdu son temps et notre temps. Si les uns, dont A. Césaire, Wamba-dia-Wamba, l’accusent d’avoir remis les Bantous, pieds et bras ligotés dans la main du colon, pour moi, je le félicite de m’avoir permis de connaître la logique occidentale dans sa grande ligne qui reste la même. Les exceptions confirmant la loi. Tempels ne fait-il pas du « Respecter des Noirs » son cri silencieux de guerre ? Nous savons, ne nous le répétez pas, qu’il est ambigu. Oui, il était tellement naïf ( ?) qu’il oubliait ce que lui rappellera Aimé Césaire : de « la colonisation à la civilisation, il existe une distance infinie »[13].

 

3. DE SON APPORT A LA COMPREHENSION DES MUTATIONS SOCIO-POLITIQUES EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO

 

Pour éviter le placage, nous énonçons la Thèse 5 : L’histoire ne se répète pas.

 

Qu’est-ce à dire ? Même si les événements se ressemblent, les acteurs ne sont pas toujours les mêmes. Quand bien même ils seraient les mêmes, leurs nouveaux actes ne se poseraient pas à la même date et dans les mêmes conditions. Le passé nous aide seulement à comprendre le présent en vue de prendre de disposition pour le futur.

 

Notre conjoncture, conjoncture signifiant « moment actuel » ou « situation actuelle » selon Lénine, est exceptionnelle. Toutefois l’Occident est en face de nous. Comment se comporte actuellement les occidentaux engagés politiquement, économiquement et culturellement avec nous ? Une parenthèse : religieusement Tempels a réussi et les fruits sont là. En témoigne la JAMAA. Fermons la parenthèse. La logique occidentale a-t-elle changé ? Tempels demandait à ses frères d’opérer une révision de leurs conceptions fondamentales au sujet des non-civilisés. Il les invitait à corriger leur attitude à l’égard des Bantous. Cela a-t-il eu lieu dans nos contacts avec l’Occident ? Le néocolonialisme qui est notre contexte a-t-il revu ses conceptions fondamentales au sujet des Noirs se disant indépendants ? Je ne crois pas. Le néocolonialisme cherche et cherchera toujours ses intérêts, ceux de sa communauté et de sa culture. Comment se feront alors nos mutations socio-politiques résumées sous le concept de RECONSTRUCTION NATIONALE ? Matériellement le F.M.I., la Banque Mondiale, l’Union Européenne ne sont pas des œuvres caritatives. Ils conditionnent l’aide, non pas à leurs dépens, mais à ceux de demandeurs. C’est ici que la voix du sage-fou Nietzsche se veut impérative : « Nous sommes responsables devant nous-mêmes de notre existence… Personne ne peut te construire le pont sur lequel tu dois traverser la rivière de la vie, personne si ce n’est toi-même ?[14]. Sommes-nous pour la « Rupture » ? Non, mais pour nos contacts avec les autres, car nous sommes des êtres-pour-et-avec-les-autres, Tempels nous contraint à suivre, tous, son conseil : parler « de sagesse à sagesse », « d’idéal à idéal », « de conception du monde à conception du monde », car il y a « le crépuscule des Dieux ». Sans la pratique de ces conseils nous nous pointerons toujours des doigts accusateurs, et malheur au Congo si l’on cédait. L’ère de se poser en face des Noirs « comme le tout devant le néant » est révolue selon Tempels. Il faut en tenir compte. Le malheur est que certains Noirs se croient encore comme des Néants et considèrent l’Occident comme le Tout. En témoignage  ce langage que l’on peut surprendre : « Nous devons rester dans la Francophonie » et ces gens oublient qu’il est temps de créer ou de vitaliser la Bantouphonie. D’autres crient « Sans l’aide extérieure, nous sommes perdus ». C’est une façon de postuler la dépendance. A quand saurons-nous dire que « qui ne travaille pas ne mange pas » ? A ce niveau, il nous faut un programme de « réforme de structure » selon Lucien GOLDMANN. Ce programme doit être « apte à mener sur le plan des superstructures, de la pensée politique, sociale et culturelle, la lutte pour la conscience des individus ». Je ne rêve pas. Cela a déjà commencé sans tambour battant. Regardez des gens respecter la pelouse au bord de la route[15]. Cela se voit pour celui qui veut voir comment commence l’éducation de la conscience. De la pelouse on ira loin. L’espoir fait vivre.

 

L’occident a-t-il encore la mission éducatrice et civilisatrice ? En d’autres termes, doit-il toujours se considérer comme notre éducateur ? C’est une question de vie ou de mort. De notre réponse dépendra votre destin. Que dit Tempels à ses frères ? « Leur grief principal et fondamental est le fait d’être traités continuellement comme des « imbéciles », « macaques », ou « nyama ». A nous de faire de ce grief un Grand Refus pour bien mener notre RECONSTRUCTION NATIONALE. Et les cerveaux en fuite doivent comprendre que l’on n’est mieux que chez soi. « Kwenu ni kwi koshi ». Est-il vrai que l’Occident a une grande force vitale après laquelle nous courons comme le prétend Tempels ? Faisons attention à notre langage pour ne pas lui donner raison. Certains disent, sans noircir, qu’ils s’habillent comme un blanc, qu’ils ont une maison comme un blanc, qu’ils mangent comme un blanc[16]. Attention à ce langage. Que dire des « philosophes de brousse » qui dénigraient devant Tempels le blanc leurs frères les Evolués ? Aujourd’hui ce sont des « philosophes noirs de Paris, de Bruxelles » qui dénigrent devant l’Occident leurs frères Congolais restés au Congo. Je n’ai pas encore vu un blanc critiquer son pays ou son président devant les médias du Tiers-Monde. C’est possible, mais mes oreilles ne l’ont pas encore entendu.

 

Connaissant la logique occidentale, celle du Tout devant le Néant, celle de l’éducateur devant les Grands enfants, celle du supérieur devant l’inférieur, celle de l’occupant du sol, celle de guide ou de leadership, quelle attitude faut-il prendre ? Il faut savoir prendre position et la conclusion de Tempels ne se fera pas attendre. Il dit « Et voilà que nous sentons le sol fuir sous nos pas, que nous perdons la piste, que nous en sommes à nous demander comment faire à présent, pour conduire nos Noirs ? » C’est à ce niveau, à la recherche du comment faire à présent, que nous devons parler et marchander avec l’Occident en lui disant que nous ne sommes pas ses Noirs comme le dit Tempels. L’un a besoin de l’autre, et sachant que « munda ni mu cabu= le vendre est comme le port par où passe n’importe qui », il y a en Occident des fils occidentaux qui dénoncent la Logique occidentale  et avec (penser aux occidentaux qui parrainent les sans-papiers) nous pouvons faire tomber les murs de Jéricho, et notre RECONSTRUCTION NATIONALE pourra bien poursuivre son bonhomme de chemin au moment où chacun de nous comprendra qu’elle est l’affaire de tout un chacun. Et à ce niveau, certaines catégories doivent entrer dans la pratique politique : catégorie de direction, catégorie de ligne de direction pour atteindre les objectifs fixés, catégorie de stratégie et de tactique pour atteindre le but, catégorie de formes d’action appropriée (Althusser). Tout ceci requiert un gouvernement basé sur la MERITOCRATIE. Conjoncture oblige.

 

 

 

 

CONCLUSION

 

Que vous dire encore ? Ma lecture est une œuvre humaine, et l’homme étant « par nature un animal idéologique » d’après Althusser, il va de soi que je viens de prendre position dans le combat de la guerre philosophique. Discutons sur la justesse. Mon texte ou mon discours est faillible ; par vos critiques, il peut se rajeunir ou grandir. Voilà pourquoi une révolution permanente en esprit est de rigueur. Il y va de la survie intellectuelle.

 

Que vous dire enfin ? A vous de conclure, si ma lecture matérialiste en est une.

 

BIBLIOGRAPHIE

 

BELO, F., Lecture matérialiste de l’évangile de Marc. Récit-Pratique – Idéologie. 3° édition, Paris, Cerf, 1976.

CESAIRE, A., Discours sur le colonialisme, Paris, Présence africaine, 1955.

GENGEMBE, G., Les grands courants de la critique littéraire, Paris, Seuil, 1996.

MARX – ENGELS, Etudes philosophiques, Nouvelles édition revue et complétée, Paris, Ed. Sociales, 1961.

MPALA- MISENGA – BADIBANGA, Quel discours pour quel développement ? De la philosophie de la conversion mentale. Lubumbashi, Ed. Mpala, 1991.

NGOMA  BINDA, La philosophie africaine contemporaine. Analyse Historico-critique, Kinshasa, F.C.K., 1994

NIETZSCHE, F., Schopenhauer come educatore. Considerazioni inattuali III. Introduzioni di Giulio Raio. Roma, New Compton éditori, 1982.

SCHWARZ, A. (dir), Les faux prophètes de l’Afrique ou l’Afr(eu)canisme. Québec, Presses de l’Université Laval, 1980.

TEMPELS, P., La philosophie bantoue,  deuxième édition, Paris, Présence africaine, 1961.


 

 



[5] Titre symbolique de l’ouvrage de Daniel VANGROENIWEGHE, Paris, Diddier Hattier, 1986.

[6] On peut lire avec intérêt la troisième thèse sur Feuerbach comme Engels la formule : « La doctrine qui veut que les hommes soient des produits des circonstances et de l’éducation, que par conséquent, des hommes transformés soient des produits d’autres circonstances et d’une éducation, oublie que ce sont précisément les hommes qui transforment les circonstances et que l’éducateur a lui-même besoin d’être éduqué… » Karl Marx – Friedrich Engels, Etudes philosophiques, Nouvelle édition revue et complétée, Paris, Ed. Sociales, 1961, p. 62. Marx – Engels le disent aussi dans l’Idéologie allemande : « Par conséquent les circonstances font tout autant les hommes que les hommes font les circonstances ». (Ib, p. 83). Dans la contribution à l’histoire du matérialisme français, Marx – Engels n’affirment-ils pas que « si l’homme est formé par les circonstances, il faut former les circonstances humainement » ? (Ib, p. 143). En reproduisant ces textes, notre souci est de récuser l’économisme qu’on taxe Marx – Engels. La vision dialectique rejette toute interprétation déterminée. C’est le sens d’être des thèses sur Feuerbach. C’est une des raisons pour lesquelles, ces thèses constituent une révolution philosophique chez Marx – Engels.

[7] Cfr. NGOMA BINDA, La philosophie africaine contemporaine. Analyse Historico-critique. Kinshasa, F.C.K, 1994. Ce livre nous présente plusieurs lectures de la      La philosophie Bantoue de Tempels même si certains philosophes ne seraient pas d’accord d’avoir été « fixé » dans tel ou tel courant. On peut aussi voir la lecture qu’en fait WAMBA DIA-WAMBA, E., La philosophie en Afrique ou les défis de l’africain philosophe, dans SCHWARZ, A. (dir), Les faux prophètes de ‘l’Afrique ou l’Africanisme. Québec, Presses de l’Université Laval 1980.

[8] On peut lire avec intérêt l’ouvrage de Gérard GENGEMBE, Les grands courant de la critique littéraire, Paris, Seuil, 1996, p. 10-14. C’est nous qui formulons les canons.

* Nous utilisons le livre édité par Alioune Diop en 1961.

[9] L. ALTHUSSER, Philosophe et philosophie spontanée des savants, Maspero, 1974, p. 14.

[10] = « hier nichts absolut un dalles relativ ist ».

[11] = Was Wir ideologische Anschawing nennen, ihrerseits wieder auf die ökonomische Basis Zurückwirkt und innerhalb gewisser Grenzen modifizieren kann”.

[12] CESAIRE, A., Discours sur le colonialisme, Paris, 1955, p. 36.

[13] Ib, p.10.

[14] NIETCSHE, F., Schopenhauer come educatore, considerazioni inattuali. III, Roma, 1982, p.34 -35.

[15] A Kinshasa, les gens respectent la pelouse plantée dans le cadre de rendre Kinshasa la poubelle en Kinshasa la belle.

[16] Cfr. MPALA – MISENGA – NKONGOLO – BADIBANGA MPUTU, Quel discours pour quel développement ? De la philosophie de la conversion mentale. Lubumbashi, Edition Mpala, 1991. Même le langage de « Bulaya 2000 » est suspect, pourquoi ne pas parler de Lubumbashi 2000 qui serait différent de Lubumbashi 1900.