dim 1 aoû 2010
Eglise catholique et postmodernité: Les défis pastoraux de l'Eglise catholique de la RDCONGO à l'ère de la postmodernité
Par Abbé Louis Mpala in Revues, Articles← Postmodernité et Pastorale: Le néotribalisme comme un des défis de l'archidiocèse de Lubumbashi à l'ère de la postmodernité | Philosophie africaine/ Bernard STEVENS: un scandale pour la philosophie africaine! →
Le primat de l’image s’accompagne d’un autre défi, celui de la spiritualisation du deuil. Ce dernier est devenu un moment de nouvels habits et celui de défilé de modes. C’est le temps de la « théâtrisation ». Les chrétiens postmodernes attendent le temps de deuil pour étaler leur richesse et la messe de suffrage est devenue un culte sociologique. On lit rarement la tristesse sur les visages des gens et chacun attend l’enterrement pour boire et non pour secourir la famille éprouvée. Le deuil n’est plus le temps fort pour méditer sur le mystère de la mort et pour contempler le Christ vainqueur de la mort. L’Eglise a le devoir de lever ce défi par une évangélisation appropriée où l’on parlera de l’image publicitaire, de l’image télévisuelle, de l’image virtuelle, de l’« l’image de marque » intellectuelle, religieuse politique, industrielle. Cela exige que l’Eglise envoie aux études des prêtres et laïcs pour une formation appropriée. Le discours selon lequel les prêtres sont moins nombreux, oublie le verdict de Jésus : le champ est vaste et les travailleurs sont moins nombreux. Ceux-ci, moins nombreux, doivent être formés dans les différents champs pastoraux. Il y va de la nouvelle évangélisation à l’ère de la postmodernité.
LES DEFIS PASTORAUX DE
L’EGLISE CATHOLIQUE DE LA RDCONGO
A L’ERE DE LA POSTMODERNITE
Professeur Abbé Louis MPALA Mbabula ( Université de Lubumbashi)
INTRODUCTION
Nous sommes entrés dans une nouvelle phase de l’Histoire. Elle est un temps de profonde mutation, qui touche autant le niveau social, technologique, scientifique, moral, philosophique, politique, économique que spirituel ou religieux. Bref, nous sommes dans la postmodernité.
Notre sujet a le souci de faire voir que l’Eglise catholique est en face de nouveaux défis qu’elle doit relever.
Venus en Afrique pour l’évangélisation, les missionnaires étaient dans une mentalité de la Modernité quand bien même ils auraient évangélisé à l’époque contemporaine.
La Modernité avait ses propres valeurs sur lesquelles se sont basées les missionnaires pour une bonne évangélisation. Nous sommes entrés dans la Postmodernité où il y a la transmutation des valeurs et cela place l’Eglise devant de nouveaux défis.
Dans un premier temps, je parlerai de la modernité. Je ferai voir son projet et ses caractéristiques. Cela me permettra de bien appréhender la Postmodernité et les défis pastoraux qu’elle traîne avec elle. C’est cela le second moment de ma communication. Le troisième et dernier moment fera objet d’une interpellation.
1 – DE LA MODERNITE
La définition de la Postmodernité exige, au préalable, celle de la Modernité[1]. Celle-ci ne peut être bien comprise que si on son connaît.
1.1. Le Projet moderne
Le Projet moderne ou des Modernes avait un objectif , celui de la réalisation de l’universalité des communautés, et ce à travers une émancipation progressive. On érige l’universel comme loi suprême. Au nom de l’Universalité, la Modernité se fondera sur la logique binaire , règne l’exclusion de dissemblable et triomphe du principe du tiers exclu.
Le Projet moderne instaurera le culte du nouveau et de l’originalité. D’où l’idée de dépassement, de la course effrénée vers le progrès sera le leitmotive. Ainsi on parlera de la Modernisation qui se fera voir dans le développement artistique, technique, cognitif, etc. Ainsi on aura des conditions idéales pour atteindre la pleine réalisation de l’Humain, être réputé universel.
Le Projet moderne fera de l’Idée de progrès le levier pour atteindre l’émancipation de l’humanité. Cette émancipation exigera une remise en question des croyances, provoquera un déracinement culturel et créera une rupture d’avec la tradition. A dire vrai, ce projet se donnera la tâche d’instaurer un nouveau « vivre-vivre-ensemble ».
Le Projet moderne finira par la création de l’Evidence moderne qui n’est rien d’autre que l’unification, la reductio ad unum. Et cette unification-réduction sera universalisée dans tous les domaines (politique, social, économique et idéologique surtout). De ce projet découle l’Essence de la Modernité, projet de rendre l’homme maître de soi et de la nature. Il est l’axis mundi. Les différentes caractéristiques de la Modernité sont les différentes étapes de la réalisation du projet moderne.
1.2. Caractéristiques de la Modernité
Nous retenons sept caractéristiques tout en sachant qu’il y en a d’autres.
1.2.1. La conception du sujet
L’homme de cette Epoque se nomme Homme moderne, différent de l’homme traditionnel, celui du passé ou du Moyen Âge. L’homme moderne se croit être le centre. Il est la référence de l’étant en tant que tel. A la fois Subjectum et Je, cet homme est centre de lui-même et il est un individu ayant un statut de conscience autonome[2]. Cet homme moderne verra l’Aufklärung radicaliser son autonomie et Emmanuel Kant l’exprimera sous sa devise « Sapere audere - Aie le courage de te servir de ton propre entendement ». Ainsi, cet homme moderne sortira de sa Minorité (celle de se référer à Dieu, à une Autorité) pour entrer dans la Majorité[3].
La Modernité, en effet, inaugure l’invention de l’individu avec le libre arbitre et rend l’homme moderne « axis mundi » autour duquel tout va et peut s’articuler[4]. En d’autres termes, l’homme moderne se veut la fin dernière de l’univers. Et le Rationalisme sera l’autre face de la subjectivité du point de vue épistémologique.
1.2.2. La puissance de la Raison
La Modernité a fait de la Raison l’instance qui donne sens et signification, celle qui justifie et de ce fait, c’est par la Raison que se justifie l’Individu, maître de soi et du monde.
Du point de vue épistémologique, la Modernité rend puissant le Rationalisme. Celui-ci se veut la foi dans la raison, dans l’évidence et la démonstration. C’est la croyance à l’efficacité de la lumière naturelle qui s’impose. La Raison est capable de tout connaître. Cela entraîne la négation de tout ce qui touche au sentiment, à l’affection. C’est sur ce terrain que Descartes et Pascal croiseront le fer. Les mathématiques sont prises comme l’école de la Raison rigoureuse.
Par sa critique de la Tradition sous ses différentes expressions, la Raison a conduit à la laïcisation de tous les critères, et ce dans tous les domaines. Quand bien même on ne parlerait pas de l’athéisme en cette Epoque, on dirait volontiers avec Heidegger que l’on assistera au dépouillement des dieux. Il y a ce que Heidegger appelle « la vacance par rapport à Dieu et aux dieux »[5]. Ceci explique pourquoi, en cette Epoque, les fondements de la vie sociale sont d’ordre rationnel et la nature n’est plus la demeure que Dieu a préparée pour l’homme.
En outre, l’utilisation de la Raison opérera des révolutions politiques, culturelles, industrielles, scientifiques et économiques. Puissante, la Raison engendra l’optimisme exprimé par l’Idée de progrès et par la conception linéaire ou dialectique de l’Histoire.
1.1.3. La Rationalité scientifique
Heidegger est explicite quand il est qu’ « un phénomène essentiel des Temps Modernes est la science »[6]. En effet, par la science, l’homme moderne différent de l’homme du Moyen Age, réalisera la domination de la nature. Par ailleurs, la nature du réel sera réduite à un schéma rationnel préalable. Cela conduira au désenchantement et à la démagification de l’existence. Tout devient rationnel, mais c’est plus tard que J.-P. Sartre critiquera, à la suite de Kierkegaard, cette idée en proclamant tout haut que la vie est absurde, c’est-à-dire non déductible par la Raison.
A dire vrai, la Rationalité scientifique a réduit l’essence des choses ou des étants à l’objectivité et la vérité sera comprise comme la certitude de la représentation de l’objet[7]. L’essence de la réalité étant déterminée par des relations numériques selon Galilée, celui qui sait lire les signes mathématiques et qui en perçoit les lois, est susceptible d’atteindre la connaissance objective de la nature.
La Rationalité scientifique déclenchera la Révolution scientifique. On passera du géocentrisme à l’héliocentrisme et l’application de la science et de la technologie engendrera le développement matériel. Ce dernier procurera le bien-être de l’humanité dans l’habitat, le transport, la santé, etc.
Nous ne pouvons pas ne pas parler de la méthode expérimentale recherchant la Vérité avec V majuscule. Dans son souci de vérité unique, la Rationalité scientifique cherchera à déterminer la mesure de tout ce qui vaut et voudra permettre de penser et d’agir en fonction de la quête du bonheur de l’individu.
1.1.4. Rationalité politique
L’homme moderne voudra créer un Etat moderne indépendant, autonome, possédant ses propres lois et ne se référant plus au « Bien » ou à une norme la dépassant[8]. Cet Etat est en rupture avec l’Etat du Moyen Âge.
Avec cet Etat moderne apparaît la Démocratie moderne différente de celle de Platon et d’Aristote. La démocratie moderne est considérée comme la seule forme rationnelle d’un Etat. Cette révolution politique touche le fondement du pouvoir.
Ainsi la nature de l’autorité et la source du pouvoir connaîtront un changement radical. L’autorité du prince n’est plus charismatique et son pouvoir ne vient plus de Dieu, mais du peuple. Le pouvoir est désormais immanent au peuple et il n’est justifiable que par l’accord du peuple. C’est à ce niveau que surgit le concept de contrat social comme ce qui fonde le pouvoir. Ce contrat s’oppose au droit divin. Le contrat social résultant d’un libre consentement, donnera naissance à une société politique « où chacun des membres s’est dépouillé de son pouvoir naturel, et l’a remis entre les mains de la société, afin qu’elle en dispose dans toutes sortes de cause, qui n’empêchent point d’appeler toujours aux lois établies par elle »[9]. Le peuple ne se dépouille pas de son pouvoir naturel pour être un jour être nié dans sa liberté ou sa recherche du bonheur. Au cas contraire, il est invité par John Locke à faire la résistance populaire.
L’Etat moderne étant provenu du contrat social, connaîtra le règne du droit. Ainsi qui dit Etat moderne, dit Etat de droit. L’on comprend pourquoi la rationalité politique établira en droit, des règles de l’organisation politique et sociale sur le fondement de la seule Raison. Ceci permettra la critique sans concession des Institutions et des règles imposées par l’autorité. D’où la révision de la Constitution s’imposera toutes les fois que le peuple le jugera nécessaire.
Signalons aussi que la Rationalité politique, dans son projet moderne universaliste, donnera naissance à l’Etat-Nation. Celui-ci affirmera le sentiment national et non sectoriel, régional ou local. L’Etat-Nation ira en guerre contre les particularités régionales, les spécificités locales, les divers dialectes, les us et coutumes et les modes de vie particuliers, et ce au nom des valeurs universalistes et au motif d’une organisation rationnelle de la société. A dire vrai, tout est fait au nom de l’IDEAL DEMOCRATIQUE et en son nom le Bien commun doit s’uniformiser.
De ce fait, la vie sociale sera aussi rationalisée. On assistera à la naissance d’une famille figée dans sa structure nucléaire ; chacun sera identifié à son travail, à son sexe, à son domicile, à sa famille. Il y a de l’ordre social et des lois sont votées pour établir l’ordre social. C’est aussi pendant cette Modernité que naîtront de grandes institutions éducatives, des institutions du travail social et de la santé. Cet ordre social servira à dépasser toute contradiction. Il y aura des solutions sous forme de dépassement. C’est la dialectique avec sa thèse, antithèse et synthèse qui est mise en œuvre. Ainsi on a une vie dramatique, celle qui trouve ses solutions aux conflits sociaux.
1.1.5. La Rationalité morale
Cette Rationalité met l’accent sur la liberté. Kant voudra réaliser le projet moderne de l’universalisme en prônant la morale de devoir par devoir dont le fondement est la conscience humaine ou mieux la Raison.
L’homme étant créateur des valeurs morales, est autonome et sa Raison s’érige en l’unique fondement de la morale. Encore une fois le sujet est mis en exergue. Comme on peut le deviner, la valeur morale d’un acte sera définie par la Bonne volonté et la vraie destination de la Raison est de produire la Bonne volonté. Celle-ci est bonne en elle-même. Elle est la condition requise pour rendre un homme digne de bonheur, car elle exige la pureté du cœur qui veut que l’on fasse son devoir par devoir. La Bonne volonté ne se base pas sur ses œuvres ou sur le succès et n’est influencée par aucune inclination.
Ce qui précède nous fait voir que dans la morale du devoir par devoir, toutes les actions doivent être posées par devoir et non par inclination. Dans cette morale, la volonté est déterminée seulement objectivement par la loi et subjectivement par le pur respect pour cette loi pratique. Ainsi « le devoir est la nécessité d’accomplir une action par respect pour la loi »[10]. En effet, dans cette optique, le devoir vaut pour tous les êtres raisonnables.
Sachant que l’homme, être raisonnable, ne vit pas toujours sous la direction du libre arbitre, la Raison va résoudre cette contradiction interne au niveau moral grâce à la conscience morale qui doit se contraindre en s’exprimant sous la forme coercitive d’un impératif catégorique qui n’est rien d’autre qu’un « auto-ordre ». Différent de l’impératif hypothétique soumis à une condition, subordonné à un but et variant selon les circonstances et les gens, l’impératif catégorique représente une action comme nécessaire pour elle-même et sans rapport à un autre but, comme nécessaire objectivement. Ne changeant pas avec les circonstances et les gens, et ne souffrant d’aucune exception, ce principe est universel et nécessaire.
1.1.6. Conception de l’Histoire et Idée de progrès
Pour la Modernité, l’Histoire de l’humanité suit une évolution linéaire. Il y a un développement ascendant de l’humanité. Ce qui engendre l’Idée de progrès.
Hegel pourra être évoqué avec sa philosophie de l’histoire, où l’histoire mondiale a un sens. Nous avons affaire à une Histoire finalisée, téléologique, une Histoire qui n’est qu’une réalisation de l’Esprit[11]. Pour la Modernité, l’Histoire de l’humanité a comme sens la réalisation de la réconciliation de l’humanité avec elle-même (pensons, par exemple, à la société communiste de Karl Marx), car elle évolue du plus barbare vers le plus civilisé des accomplissements.
Ayant un mot clé, à savoir Projet, qui est l’ultima ratio de toute vie, la Modernité conçoit la temporalité comme un film où il y a succession des moments nouveaux. Le temps est chronométrique : il se mesure, il est un temps auquel on mesure ses activités et c’est aussi un temps qui scande la division du travail et de la vie sociale et qui contraint la production.
Ceci étant, l’homme moderne est appelé à être maître de son histoire grâce à la Raison. D’où l’importance de l’éducation et de l’action politique. En effet, la maîtrise de l’histoire réalisera le projet moderne de l’universalité communautaire ou humaine. Ainsi l’Histoire n’est pas un Destin à subir, mais une Destinée à vouloir, à faire, car l’histoire a un sujet, l’homme et un sens. L’Idée de progrès en est le fer de lance.
1.1.7. La Rationalité économique
Cette rationalité s’exprime par l’économie du marché, reflet de la philosophie libérale. La rationalité économique met en valeur l’individu avec sa propriété privée. L’individu a le pouvoir de décider de ses biens et dans le circuit du marché, on doit obéir aux lois du marché.
Cette rationalité engendra le capitalisme libéral et divisera la société en différentes classes antagonistes. Elle est aussi à l’origine de la Révolution industrielle. Propulsée par l’Idée de progrès, la rationalité économique réalisera le projet moderne de l’universalisme ou mieux de l’unification uniformisant et le mot clé qui y est, est Rentabilité liée à l’efficacité de la technique.
La Modernité avancée, Epoque que nous vivons au même moment que la Postmodernité, sera celle du Capitalisme néolibéral connu sous le nom de Mondialisation économique, projet universaliste de la raison libérale. Dans cette mondialisation, les Nouvelles technologies de l’Information et de la communication (NTIC) jouent le rôle de la réalisation de l’universalisme économique.
2. POSTMODERNITE ET DEFIS PASTORAUX DE L’ARCHIDIOCESE DE LUBUMBASHI
C’est en définissant la Postmodernité et en présentant ses caractéristiques que nous verrons apparaître les défis pastoraux auxquels est confrontée l’Eglise catholique et particulier l’Archidiocèse de Lubumbashi.
2.1. DEFINITION DE LA POSTMODERNITE
La Postmodernité fait parler d’elle. Tantôt ce concept est écrit en un mot, tantôt en deux mots. Nous levons notre option conceptuelle pour la Postmodernité en un mot, et ce, parce que c’est le terme consacré en philosophie.
2.2. Sens de la Postmodernité
Nous savons qu’il est difficile de définir la Postmodernité. Voilà pourquoi nous préférons parler de son sens ou de sa signification.
Quant à l’origine de cette notion, beaucoup d’auteurs reconnaissent que la notion de Postmodernité est d’origine architecturale. C’est le critique Charles Jencks qui parla du postmodernisme. Cependant, il est de coutume de penser que c’est en 1979 que le philosophe Jean-François Lyotard[12] consacra ce terme dans son livre La condition postmoderne.
La Postmodernité est une notion apparue pour exprimer ou désigner une époque « naissante » ou une période historique dans laquelle les sociétés occidentales, en particulier, évoluent depuis un certain nombre d’années. En ce sens, elle a une signification historico-temporelle comme celles des termes « Moyen Age » et « Modernité ». Ainsi, devons-nous nous rendre à l’évidence en reconnaissant que Postmodernité est utilisée pour désigner de façon commode une époque. Pour les Postmodernistes, la Postmodernité demeure « le terme le plus représentatif du moment historique qui se déroule sous nos yeux (…). La période contemporaine ne constituerait nullement la fin de l’histoire, mais elle annoncerait plutôt une mutation importante de notre « manière d’être » ».[13]
Il sied de préciser que la Postmodernité ne constitue pas une négation globale de la Modernité et ne proclame pas encore la rupture radicale d’avec la Modernité. Les postmodernistes, dont Michel Maffesoli, font seulement le constat de la saturation de la Modernité[14].
Le préfixe « Post » signifie en quelque sorte un dépassement qui intègre le passé, car comme le fait remarquer Michel Maffesoli, il y a « une nouvelle composition à partir des éléments qui constituaient les valeurs précédentes ». Le « Post » se charge d’un « au-delà » pas encore très au-delà, car il recompose les éléments ayant constitué, jadis, les valeurs précédentes ou modernes, en les adaptant à la nouvelle conjoncture sociale. La saturation provoque un réaménagement épocal, devons-nous le dire. Michel Maffesoli, en 2008, a défini provisoirement la Postmodernité comme « la synergie de phénomènes archaïques et du développement technologique.»[15]
1.2. Constat de l’échec du Projet moderne et caractéristiques de la Postmodernité
Jean-François Lyotard, dans La condition postmoderne, constate la faillite de l’universel [16]et « prend en compte le fait que les espoirs d’émancipation placés dans les modèles politico-éducatifs n’ont pas tenu leurs promesses »[17]. Cela est prouvé par les barbaries du XXe siècle. Ainsi, le réel n’est en rien rationnel, contrairement à la pensée de Hegel. Auschwitz, les deux guerres mondiales, le nazisme, le totalitarisme soviétique, la guerre froide, la course au nucléaire, tout a réfuté l’optimisme spéculatif et démenti l’Idée de progrès.
Cet échec du Projet moderne engendre la « faillite des grands récits »[18]. Et cela conduit à l’abandon de ces grands récits. Lesquels ? Il s’agit, entre autres, du grand récit chrétien de la rédemption de la faute adamique par l’amour et la mort du Christ Jésus, du grand récit Aufklärer de l’émancipation de l’ignorance et de la servitude par la connaissance et l’égalitarisme, du grand récit hégélien de la réalisation de l’idée universelle par la dialectique du concret, du grand récit marxien et marxiste de l’émancipation de l’aliénation[19] par la socialisation du travail, du grand récit capitaliste de l’émancipation de la pauvreté par le développement techno-industriel, du grand récit démocratique de l’émancipation de la guerre sous toutes ses formes, etc. Tous ces grands récits ont perdu leur légitimité pour n’avoir pas réalisé les promesses modernistes d’émancipation universelle des communautés humaines.
Cela conduit à une désillusion et à un désintérêt. Il y a de « l’incrédulité à l’égard des métarécits », dit Jean-François Lyotard dans La condition postmoderne. Voilà qui conduira à une crise se manifestant par la fin de la morale du travail, par le relativisme, le néo-individualisme hédoniste, par le déclin de l’espace public, la réduction de la politique à la morale humanitaire, la recherche de nouvelles appartenances en deçà ou au-delà de l’Etat-nation[20].
Ce constat de l ‘échec du Projet moderne nous aidera à montrer les racines de la Postmodernité. Les racines de la Postmodernité n’ont pas toutes le même âge et sont de natures différentes. Il y a, entre autres, la découverte du deuxième principe de la thermodynamique. La deuxième racine est celle de deux guerres mondiales qui ont fait échec à la Raison ; la troisième racine est de nature économique ; la quatrième racine est politique ; la cinquième racine est d’ordre technologique ; la sixième racine est culturelle : le retour de Dionysos et des valeurs archaïques dont le tribalisme, le nomadisme, l’astrologie, etc.[21]
Il y a encore d’autres racines à caractère philosophique : le sophiste Gorgias (« L’homme est la mesure de toutes choses… »), Nietzsche (relativité de la vérité, vanité des espoirs des Lumières, la raison comme instrument de pouvoir, transvaluation des valeurs morales), Heidegger (primat de la quête de l’Etre sur celle de la Raison), Simmel (crise du sens, relativité, etc.) sans oublier Wittgenstein II avec sa théorie de jeux de langage. Jean-François Lyotard en fera même sa méthode dans La condition postmoderne. L’existentialisme a contribué aussi à la naissance de la Postmodernité. Sa critique adressée à la modernité depuis S. Kierkegaard, en son temps, a porté du fruit.
Les caractéristiques de la Postmodernité sont, entre autres, la Fragmentation de l’identité individuelle, le Néo-tribalisme, le Primat de l’image, le Rejet de l’histoire linéaire, de l’idée du progrès et apologie du présentéisme, l’Ethique de l’instant et la transfiguration idéologique.
2.3. Caractéristiques de la Postmodernité et défis pastoraux
Les caractéristiques de la Postmodernité sont, entre autres, la fragmentation de l’identité individuelle, le néo-tribalisme, le primat de l’image, le rejet de l’histoire linéaire, de l’idée du progrès et l’apologie du presentéisme , l’éthique de l’instant.
2.3.1. Fragmentation de l’identité individuelle
Si la Modernité a fait de l’homme un Sujet et un Je, le centre de référence de l’étant en tant que tel, maître de soi et possesseur de la nature, l’homme stable, identifiable par sa résidence, son travail, son sexe, son parti politique, bref l’individu ayant une identité, la Postmodernité vit et voit la fragmentation de l’identification individuelle. La Postmodernité est une période de mutation. Ainsi, on est passé de l’individu à la personne au sens étymologique de persona signifiant masque, instrument utilisé pour jouer différents rôles lors du théâtre . La logique « personiste »[22] - passez-nous l’expression- fait que la personne(=persona) ne soit persona que par rapport aux autres. Dans la Postmodernité, l’accent est mis sur ce qui unit plutôt que sur ce qui sépare. On s’unit aux autres non pas par un contrat social rationnel, mais par une « affectivité élective ».[23] Et souvent des mythes servent de lien : « Des héros, des saints, des figures emblématiques existent, qui sont en quelque sorte des « formes » vides, des matrices permettant à tout un chacun de se reconnaître et de communiquer avec d’autres. Dionysos, Don Giovanni, le saint chrétien ou le héros grec. Madonna ou Maradona (…) les figures mythiques, les types sociaux qui permettent une théâtralité commune, qui servent de réceptacles à l’expression du « nous », qui favorisent l’émergence d’un fort sentiment collectif ».[24]
L’individu, dans la société moderne, était un « sujet historique ». Cela n’est pas le cas avec la fragmentation de l’identité de l’individu devenu persona[25]. Celui-ci se perd dans « un sujet et collectif » , fruit de l’indifférenciation.
Le statut antique de l’être rationnel change de nature pour devenir persona, sans identité précise. En d’autres termes, le persona ne s’agrège pas à une bande, à une famille, à une institution ou à un parti précis pour avoir une identité ou une stabilité, mais il virevolte tout simplement d’un groupe à un autre [26].
Bref, la logique de l’identité qui attribuait à chacun un sexe, une profession, des convictions politiques, qui assignait à chacun une résidence, cède la place à la logique d’identité complexe ou logique d’identification intégrant en son sein, par exemple, l’hétérosexualité. C’est toute une ambisexualité. La fidélité et la stabilité de la logique d’identité font place au vagabondage, au nomadisme, au « personisme », au sens de jouer plusieurs rôles car on a plusieurs identités. Cette fragilisation de l’identité est bien visible dans le néo-tribalisme, autre caractéristique de la Postmodernité.
Cette fragmentation de l’identité engendre un défi pastoral : fragmentation de l’identité du chrétien. Il perd des repères et ne trouvent pas des figures emblématiques dans sa vie chrétienne si ce n’est dans des « héros » des films et des chansons. En ne créant que des médias où le voir prime sur le penser, le chrétien postmoderne ira « voir » ailleurs. Au lieu de se retrouver à l’aise dans sa communauté ecclésiale de base, il ira dans son groupe d’affinité semblable où il entend, au moins, ce qu’il veut entendre et voir ce que ses compagnons aimeraient voir avec lui. Etant un sujet collectif, un tel chrétien ne saura pas dire ce qu’il pense et qui peut entrer en contradiction avec les autres. L’esprit critique fait défaut en lui et son instabilité sera visible aussi dans sa famille. Celle-ci n’est plus son ancrage ; de ce fait, il devient antifamilial.
Un autre défi pastoral lié à la fragmentation identitaire est celui de l’homosexualité et le mariage homosexuel dont les médias parlent tant et montrent le gaypride. Ne trouvant pas dans l’Eglise des enseignements et des émissions sur cette ambisexualité, le chrétien postmoderne est indirectement invité à s’impathiser avec cette mode. Que dira-t-on quand ils viendront demander le mariage ?Vivant au grès des vagues de la spontanéité et sans identité fixe, il finira, si on ne fait pas attention, par être le héraut de la libération sexuelle engendrant l’homosexualité, le féminisme délinquant, l’apologie de l’avortement, du divorce et l’abolition de l’enseignement religieux dans les écoles conventionnées catholiques. Le chrétien postmoderne a le danger d’engendrer une anticulture radicale, radicale parce qu’elle ruine l’ancienne culture à partir de ses racines, à savoir la famille et l’éducation.
Un autre défi, et non le moindre, est celui des finances. Vivant dans une église pauvre financièrement, le clergé autochtone est en danger de perdre son identité surtout si son entretien financier doit provenir de sa famille biologique, de ses amis ou connaissances et de ses propres « acrobaties ». Il lui sera difficile d’obéir à la hiérarchie qui, elle, ne semble pas vivre dans l’angoisse financière. Ainsi l’on ne sera étonné de le voir se moquer des directives dans lesquelles il ne se retrouve pas. L’église ne peut venir à bout de ce défi qu’en mettant plus l’accent sur la communion (engendrant le partage, la solidarité, la compassion, etc.) que sur la hiérarchisation (qui parfois oublie que l’on a affaire à des hommes adultes ayant des besoins et soucis à exprimer).Une autre voie de piste serait de faire étudier le clergé et de lui permettre de donner quelques cours afin de subvenir aux besoins de la vie, faute d’intentions de messe.
2.2.2. Néo-tribalisme
Le néo-tribalisme passe pour une autre caractéristique de la Postmodernité. Le néo-tribalisme est une métaphore « pour décrire les rassemblements affinitaires qui (…) paraissent miter le corps social (…). Il y a une multiplicité d’affinités électives qui , dans tous les domaines, constituent ces micro-tribus dont nous sommes parties prenantes au travers des diverses institutions auxquels nous appartenons ».[27]
A dire vrai, le néo-tribalisme manifeste la saturation des institutions modernes comme la famille nucléaire, les syndicats, les partis politiques, etc. Ces institutions ne jouent plus leur rôle traditionnel, celui de guide pour atteindre un but. Elles existent, mais leur état est mité. On les voit comme on verrait la lumière d’étoiles déjà mortes.
C’est au sein du néo-tribalisme que la logique d’identification (et non d’identité) a droit de cité. Cette logique est beaucoup plus collective. On y expérimente la culture du sentiment. « On s’agrège suivant les occurrences ou les désirs. C’est une espèce de hasard collectif qui prévaut ».[28] Le ciment, dans ce néo-tribalisme , a pour nom valeur, admiration, goût. Ceci constitue les vecteurs d’une éthique nouvelle.
La Postmodernité, à travers son néo-tribalisme, crée une socialité confuse, hétérogène, mouvante. En effet, l’indifférenciation sexuelle, le syncrétisme idéologique et la mutualité professionnelle délimitent un nouvel esprit du temps. C’est en fonction de cela qu’il faut considérer l’aspect gyrovague de ces tribus.[29]
Dans le néo-tribalisme, on expérimente l’entraide, la solidarité, le partage du sentiment, l’ambiance affectuelle. On y recherche la fusion, on y éprouve le plaisir d’être ensemble sans finalité ni emploi, on y vit le concordisme de pensée, d’habitude. Le style de vie dans ce néo-tribalisme, « c’est avant tout le fait de n’exister que dans et par le regard et la parole de l’autre ».[30]
Dans le néo-tribalisme, le nouveau lien ne se base plus sur la descendance d’un ancêtre commun, ou encore moins sur la communauté sanguine. Le lien est, au contraire, fondé sur l’émotion partagée, le sentiment collectif. Il y a un vrai « consensus », au sens étymologique de cum-sensualis, « sentiment partagé ».[31]
On se colle l’un à l’autre et on adhère aux autres en fonction des goûts, des origines, des rêves, des histoires ou mythes communs.
Le néo-tribalisme est un nouveau modus vivendi, une nouvelle socialité avec ses hauts lieux , par exemple, ceux de la rencontre sportive, religieuse, musicale, intellectuelle etc. A dire vrai, et en cela Michel Maffesoli a raison, le lieu fait lien. L’espace est une sorte de « milieu », « médiance », « reliance », c’est-à-dire « qui me lie aux autres (…), ce qui renvoie à la confiance (…), que je peux éprouver pour les autres, ou confiance que j’éprouve pour les autres, ou avec les autres devant quelque chose qui nous est extérieur ».[32]
Puisque le lieu fait lien, il n’est pas surprenant que dans le néo-tribalisme se caractérise par l’ émergence de nouveaux codes, de nouveaux cultes, comme ceux du corps, du sexe, de l’image.
Dans le néo-tribalisme, se vit la notion de l’altérité, le « nous collectif ». Cependant cette altérité faite des personae engloutit ses membres. Chacun s’y perd, car dès le point de départ il y a fragmentation identitaire et à la place surgit l’identification. Cela nous fait comprendre le rôle des hauts lieux. Ils sont « des lieux où il est possible de se reconnaître tout en s’identifiant aux autres, des lieux où, sans se soucier de la maîtrise de l’avenir, on aménage son présent, des lieux enfin où s’élabore cette forme de liberté intellectuelle en prise directe avec ce qui est proche et concret. Toutes choses qui font de l’espace vécu non pas le refuge d’un individualisme furieux et immobile, mais bien la base à partir de laquelle vont s’opérer ces excursions, ces « sorties » qui bout à bout vont constituer l’ordre d’une nouvelle socialité »142.
Le néo-tribalisme fait surgir certains défis pastoraux. Il y a, par exemple, le défi de la survie des groupes spirituels au sein de l’Eglise. Les groupes traditionnels comme la Jama Takatifu, la Legio, l’Action Catholique, etc. ne sont plus capables d’attirer les chrétiens et ceux-ci se trouvent mieux là où l’on peut être à la mode en parlant du corps, du sexe, de la boisson, etc. L’Eglise ne donne plus des conférences ou des enseignements religieux portant sur le corps, le sexe, etc., car les théologiens moralistes se tarent dans des séminaires et ne se manifestent pas sur les lieux publics comme les CEV (communautés ecclésiales vivantes), la radio, la télévision et les salles de conférence. On ne sait pas remettre en question les nouveaux codes et cultes que se forgent les nouveaux néo-tribalistes.
En outre, le néo-tribalisme accompagné du vagabondage crée un défi pastoral lié au syncrétisme religieux. Le chrétien, par la fragmentation identitaire, trouve normal d’appartenir à la fois aux sociétés secrètes et au christianisme. Il ne trouve pas de contradiction entre les enseignements faisant de Jésus Christ un Maître initié, non mort sur la croix et non ressuscité et Jésus Christ, Dieu-Homme, Sauveur du monde, mort sur la croix et ressuscité. L’Eglise ne donnant plus des enseignements sur ce sujet (réincarnation différente de la réincarnation), se refuse d’interpeller de tels chrétiens surtout s’ils se montrent influents dans la vie matérielle paroissiale. Ainsi il n’est pas surprenant que les adeptes de sociétés secrètes recrutent leurs membres dans l’Eglise.
L’on ne doit pas garder silence sur la présence publique-sur les chaînes- des sociétés secrètes, dont le secret se situe à présent sur les initiations et non sur leur existence. Ces sociétés font partie du néo-tribalisme sophistiqué. Leurs lieux de rencontre font lien comme tout autre lieu informé sur le sens du lieu et du lien. Le lieu faisant lien, l’Eglise doit amorcer une nouvelle spiritualisation du lieu.
Ajoutons aussi le défi charismatique comme fils du néo-tribalisme. Les groupes charismatiques sont les vrais néo-tribalistes qui mettent certains bergers au rang de figures symboliques et les pasteurs-clercs sont souvent considérés comme des païens ou des serviteurs du diable. Les chrétiens postmodernes fréquentant les groupes charismatiques font des offrandes à leurs bergers et ne savent pas souvent soutenir les CEV et les paroisses. La dîme ne va pas toujours à qui de droit, mais au berger gourou. Celui-ci est même considéré plus puissant que le prêtre. Petit à petit, certains chrétiens deviennent anticléricaux conscients ou inconscients. A la paroisse, ils n’y vont presque pas ; aux CEV ils sont à compter au bout de doigt. Le lieu où ces groupes se réunissent, constitue des liens qui se font. L’Eglise est conviée à re-évangéliser les groupes charismatiques et à les aider à retrouver leur présence comme don de l’Esprit Saint pour l’Eglise universelle, et non une instance hystérique et lieu d’expérimentation ou ring entre Jésus-Christ et Satan. La demande des disciples de Jésus vaut encore son pesant d’or : « Seigneur, apprends-nous à prier. ». L’on doit organiser des enseignements à ce propos. La nouvelle évangélisation exige !
Par ailleurs, l’homme postmoderne, néo-tribaliste, a besoin de l’intégration et de par son vagabondage identitaire, il est devenu un « touriste spirituel », un « étranger spirituel » et c’est le gourou du groupe qui a le dernier mot sur lui et non Dieu YHWH.
Si nous devons considérer l’homme des religions traditionnelles africaines comme le premier homme dont le sens de la vie est donné, en dernière analyse, par le monde invisible à travers la communauté et celui de la colonisation comme le deuxième homme ayant la « civilisation occidentale » comme le modèle existentiel, celui de l’indépendance comme le troisième homme se considérant maître et libre dans le choix de son existence (quand bien même cela ne serait pas vrai sur toute la ligne), l’aujourd’hui est l’époque du quatrième homme, celui de la consommation audiovisuelle, de l’image, du « collectif ».
2.3.2. Primat de l’image
Dans la Postmodernité, la « reliance » n’est pas l’unique affaire du lieu. L’image est aussi essentiellement reliant. Ainsi, Michel Maffesoli parle-t-il de l’image comme « Mésocosme », c’est-à-dire « comme milieu, comme vecteur, comme élément primordial du lien social.»[33]
Mésocosme, dans son sens le plus fort, signifie « ce qui fait société, qui a un ordre et une logique interne, le tout s’exprimant dans le mimétisme tribal »143. C’est ce mimétisme tribal qui fait de l’image une mode. Celle- ci prend naissance dans le besoin de se singulariser et n’exister qu’en secrétant l’imitation la plus plate. La mode vestimentaire, idéologique, langagière, etc., traduit bien cette « inflation du sentiment » suscitée par l’atmosphère ambiante » 144.
Dans la Postmodernité, l’image est devenue une passion commune, et comme Mésocosme, elle est une autre manière d’être avec les autres. En effet, la prégnance de l’image déborde la vie privée et devient un élément constitutif d’un être ensemble plus passionnel que rationnel.
Ce primat de l’image joue un rôle important dans la nouvelle constitution et du sujet et de la société. Par et grâce à l’image publicitaire, image télévisuelle, image virtuelle, l’individu devenu persona comme la société recherche « l’image de marque » intellectuelle, religieuse politique, industrielle, etc. Ceci fait naître un « monde imaginaire » où vivent le persona et la société. Ce monde imaginal est en lui-même « une manière d’être et de pensée traversée, entièrement, par l’image, l’imaginaire, le symbolique, l’immatériel » 145..
Dans sa recherche de l’image de marque, le persona aura même la passion d’épiphanisation du corps. C’est ainsi que les « bodybuilding » et le jogging font recette. En effet, le corps, dans le monde imaginal, est « construit » pour être vu, théâtralisé. « Dans la publicité, dans la mode, dans la danse, [le corps] n’est paré que pour être mis en spectacle (…). Il se trouve que, pour ce faire, l’accent est mis sur la sensation collective que sur un projet rationnel commun. Mais le résultat n’est pas différent : faire participer à ce corps général, à un corps social. En ce sens, l’esthétique, au sens large, peut avoir une fonction d’agrégation et conforter (…) sa socialité » 146.
Le corps construit pour être vu n’est plus soumis à l’utilité, à produire. Il vaut pour lui-même. Il est habillé, soigné comme une réalisation en soi. Et c’est dans ce cadre que l’on peut considérer, à leur juste valeur, le piercing et le tatouage qui font leur retour.
A dire vrai, l’image remplace la réalité subjective et sociétale. Cela provoque le rejet de l’histoire linéaire, l’idée du progrès et l’exaltation du présent, qui constitue une autre caractéristique de la postmodernité.
Le primat de l’image est à l’origine du défi de la souffrance. Comment faire comprendre le sens de la souffrance au chrétien postmoderne vivant dans le monde « pictural » ou « imaginal », dans lequel l’image de marque est de mise ? Alors l’on n’est pas étonné de voir les chrétiennes se promener plus avec le miroir, le crayon de beauté, le poudre et le parfum, ingrédients qui jadis restés dans la salle de bain. La Bible n’a pas de place de leur sac. A voir de près les femmes se maquillant, dans un auditoire , par exemple, on se rend compte que l’image est mésocosme, i.e. elle est comme élément primordial du lien social . Les filles tissent les liens autour des ingrédients précités. Une fois défigurés lors d’un accident de voiture ou d’un incendie, il y a plus de chance que de tels chrétiens se suicident ou demandent l’euthanasie, car ils ont placé leur dignité humaine dans l’image, dans le paraître et non dans l’être. Ainsi le défi de la souffrance est majeur, car elle se vit à huit clos. Alors que l’on ne soit pas un jour surpris de voir les chrétiens votez, au référendum, pour l’euthanasie passive ou active, pour la manipulation génétique. Pour ce faire, l’Eglise est conviée, encore une fois, à évangéliser autour de la souffrance, de la dignité humaine et du corps temple de Dieu. L’église de la foi, de l’expérience humaine et spirituelle et non seulement des normes, doit, dans ce cas, avoir comme tâche, enseigner, entre autres, l’accompagnement des personnes souffrant.
Un autre défi engendré par le primat de l’image est celui de la mode vestimentaire, du culte du corps avec la tresse, le piercing et le tatouage. Comment doit-on s’habiller à l’Eglise et même dans la rue. Cela nous renvoie au cours de l’anthropologie philosophique avec la catégorie de la corporéité. Pourquoi s’habille-t-on et comment s’habille-t-on ? un homme tressé en femme doit-il s’approcher de la table du Seigneur ? Et cet homme ayant de piercing et tatouage qu’il exhibe à l’entrée de l’Eglise doit-il être expulsé ? L’Eglise catholique, sur ce point, a apprendre des Témoins de Jehova. Voyez comment ils s’habillent et se coiffent ! Une catéchèse de la jeunesse s’avère nécessaire et ce à partir des écoles chrétiennes où la religion ne doit pas être un cours de choix, encore moins un cours donné par n’importe quel enseignant. Alors le recrutement des enseignants doit répondre à certains critères comme cela se fait dans des écoles conventionnées protestantes. C’est à ce niveau que les groupes Kiro, Bilende ya mwinda, etc. doivent exister même au sein des écoles et non seulement à la paroisse. Que les prêtres et laïcs formés en catéchèse mettent la main à la pate.
Le primat de l’image s’accompagne d’un autre défi, celui de la spiritualisation du deuil. Ce dernier est devenu un moment de nouvels habits et celui de défilé de modes. C’est le temps de la « théâtrisation ». Les chrétiens postmodernes attendent le temps de deuil pour étaler leur richesse et la messe de suffrage est devenue un culte sociologique. On lit rarement la tristesse sur les visages des gens et chacun attend l’enterrement pour boire et non pour secourir la famille éprouvée. Le deuil n’est plus le temps fort pour méditer sur le mystère de la mort et pour contempler le Christ vainqueur de la mort. L’Eglise a le devoir de lever ce défi par une évangélisation appropriée où l’on parlera de l’image publicitaire, de l’image télévisuelle, de l’image virtuelle, de l’« l’image de marque » intellectuelle, religieuse politique, industrielle. Cela exige que l’Eglise envoie aux études des prêtres et laïcs pour une formation appropriée. Le discours selon lequel les prêtres sont moins nombreux, oublie le verdict de Jésus : le champ est vaste et les travailleurs sont moins nombreux. Ceux-ci, moins nombreux, doivent être formés dans les différents champs pastoraux. Il y va de la nouvelle évangélisation à l’ère de la postmodernité.
2.3.3. Rejet de l’histoire linéaire, de l’idée du progrès et apologie du présentéisme
Le rejet de l’histoire linéaire ou dialectique du progrès est fait à partir de l’expérience des victimes humaines. Pour ce faire, la Postmodernité s’investit à « développer de nouvelles conceptions du temps, de l’intersubjectivité et de la solidarité dans leur historique. »148
A la place de l’histoire avec « H » majuscule, la Postmodernité propose des histoires humaines. Ainsi, la linéarité fait-elle place au cyclique ou mieux au spiral qui fait revenir l’ancien réinventé par le nouveau. Les petites histoires sont vécues au jour le jour. Alors, l’histoire s’épuise dans les mythes.
Dans les histoires vécues, la conception du temps change. Le temps monochrome, linéaire, assuré, celui du projet de la Modernité se fragilise en temps polychrome, présentéiste et cyclique, car on a « la possibilité de vivre un moi pluriel, ou de dépasser le moi dans une entité bien plus vaste »149. Dès lors, la Postmodernité entre dans le temps du mythe, temps fait de répétition et pour lequel il n’est jamais dépassé. Cela se vérifie par la « redondance des conversations quotidiennes, prégnance des initiations multiples, retour des thèmes barbares dans la musique, la peinture, sans oublier la cruauté du « body art » (..), répétitions multiples, suspendant le temps linéaire, qui signent donc le retour du mythe et du tragique. » 150
IL y a dans le rejet de l’histoire linéaire et de son idée de progrès l’apologie du présentéisme. Le persona vit le passé au présent. Ce n’est plus le progrès qui le préoccupe. Il veut vivre hic et nunc et recherche, de ce fait, un nouveau type de rapport au monde et à la terre, plus libre et moins rationnel.
L’intensité du présent se base sur une autre conception de la vie. Celle-ci est sans projet puisqu’elle est sans but précis. Une vie sans but précis ne peut se vivre que dans l’ambiance d’insouciance. Quoi d’étonnant, surtout que le souci du lendemain y fait défaut et seul le désir de vivre au présent y règne. Ce caractère valorise paradoxalement l’existence pour elle-même. « Elle se suffit à elle-même »154, martèle Michel Maffesoli.
Puisque l’existence se suffit à elle-même, alors dire « oui » à la vie, accepter un seul instant, « c’est toute l’éternité qui se trouve approuvée, rachetée, justifié et affirmée » 155. La vie n’est-elle pas faite d’une succession de maintenant ? Et puisqu’il en est ainsi, « ce dont sera fait demain (sic) importe peu dès lors que l’on peut jouir, ici et maintenant, de ce qui se présente : une belle occurrence, une passion amoureuse, une exaltation religieuse ou la sérénité du temps qui passe »156 . C’est le retour du carpe diem et du Kairos. L’hédonisme et les occasions favorables sont désormais au rendez-vous. Il faut compter avec eux. Oui, « le propre du « présentéisme » est justement, de vivre d’une manière plus globale, c’est- à -dire en ne considérant pas qu’il y a des choses importantes et d’autres qui ne le sont pas. Tout fait sens dans la mesure où l’on ne réduit pas celui-ci à la simple finalité »157.
Le présentéisme privilégie le situationnisme s’employant « à jouir de ce qui se présente, de ce qui se donne à voir, de ce qui se donne à vivre »158. Il permet, en outre, au persona la connaissance de soi et la reconnaissance de l’autre avec qui on partage la touffeur du présent dans le groupe, la tribu, « l’affinité élective ».
Comme le présentéisme ne s’occupe pas de ce dont demain sera fait, l’on ne peut pas s’étonner que la prévalence de la fête sous ses diverses formes, que les différentes manifestations du « souci de soi » et les divers cultes du corps soient les indices de la vie postmoderniste. En effet, « le propre de la fête est bien une sorte de jouissance du présent. Cette jouissance et le « carpe diem » qui l’exprime fort bien deviennent des valeurs massives et irrécusables »159.
Le rejet de l’histoire linéaire engendre un défi pastoral lié à la conception de Dieu comme créateur du ciel et de la terre, maître du temps. Ce dernier, dans la foi chrétienne, va de la création au dernier jugement en passant par la chute d’Adam et d’Eve et par la rédemption apportée par Jésus le Christ. En rejetant le temps linéaire, le chrétien postmoderne opte pour le temps cyclique et entre dans des petites histoires mythiques dans lesquelles la théorie de la réincarnation prédomine et dans lesquelles la résurrection est niée ou mise entre parenthèses. Ce défi est à relever car il relativise le salut apporté par Jésus le Christ et Dieu existe dans la mesure où il est conçu à l’image de l’homme ; il n’est plus le Dieu de la Bible révélé par Jésus le Christ et un Dieu dont les dogmes expriment.
Ceci explique pourquoi l’Ere de la Postmodernité est celle du retour du religieux. Le polythéisme est de retour et même Satan a ses temples, et ce au vu et au su de tout le monde. La Postmodernité trouve absurde l’existence d’une religion unique. Chacun, en ayant son dieu, le Dieu avec « D » majuscule est mort et de ce fait, il y a plusieurs références normatives et aucune morale, chrétienne soit-elle, n’a le droit de se prévaloir sur les autres. Le relativisme religieux et moral s’installe sans faire du bruit.
De ce fait, l’Histoire avec « grand H » est fugace, car le Dieu de Jésus le Christ n’est plus maître de l’Histoire et le sens de celle-ci est plurivoque selon la croyance en la résurrection ou en la réincarnation. Combien des chrétiens postmodernes ne croient-ils pas en la réincarnation tout en fréquentant l’Eglise proclamant la résurrection ?
Le refus de l’Histoire linéaire conduit à l’exaltation du présentéisme . Celui-ci est un défi, car le chrétien postmoderne refusant le futur, ne fera pas de Dieu YHWH le réalisateur de ses projets et voudra vivre dans le présent puisque l’existence se suffit à elle-même et faire le contraire le ferait passer pour un homme anachronique, dépassé. Le chrétien présentéiste privilégiera le situationnisme partout où il sera et ne voudra pas être témoin du Christ et s’emploiera « à jouir de ce qui se présente, de ce qui se donne à voir, de ce qui se donne à vivre »158, et ce par tous les moyens possibles, même s’il faut se faire corrompre pour cela. Comme tout homme se trouvant dans le monde, le chrétien présentéiste acceptera d’être du monde et la prévalence de la fête sous ses diverses formes sera son option ; Dieu YHWH ne sera pas évoqué pour conduire la fête , la situation ne le permettant pas, car l’on n’est pas à l’Eglise. Le carpe diem s’impose : regarder combien les piqueniques, les visites « touristiques » semblent prendre le dessus sur le jeûne, le pèlerinage, les recollections ou mieux sur la vie intérieure. Que l’Eglise songe à la pastorale d’encadrement spirituel des adultes et au renouveau spirituel où le concert religieux doit être un moment de l’évangélisation et non celui d’exhibition des danses modernes.
2.2.5. Ethique de l’instant et transfiguration idéologique
La Postmodernité fait émerger une ethnique propre à elle-même qui tourne le dos au « devoir », à l’impératif catégorique et réclame le « vouloir être » basé sur l’optatif, le « il faut bien… ».
Le présentéisme se fonde sur l’Ethique de l’instant. Celle-ci est cause et effet de « la culture du plaisir, [de] l’affrontement au destin »161.
Pour bien appréhender cette éthique, il sied de signaler que la Postmodernité s’inscrit en faux contre l’universalisme, l’uniformisation, propres à la Modernité et prône le localisme, la reconnaissance des différences.
Sans obligation autre que celle de s’agréger, d’être membre du corps collectif, sans sanction autre que celle d’être exclu si cesse l’intérêt. (inter/esse) qui me lie au groupe »162.
Alors que la morale de la Modernité se fondait sur la raison, se voulait universelle et universaliste applicable en tout lieu et tout temps, impérative et reposait sur l’injonction à être ceci ou cela, l’éthique de la Postmodernité se veut « déontologique » (ta déonta) prenant au sérieux les situations locales, temporelles, prône l’optatif, le « vouloir être ». Voulant prendre au sérieux les situations, l’ethnique accepte ces situations « où les contraires se mêlent. Les situations ne sont jamais tranchées, elles ne sont point totalement blanches, noires, roses mais expriment en camaïeu toute la palette des couleurs de l’arc-en-ciel : chacune renvoyant subrepticement à l’autre (…). Les situations en effet sont éphémères, d’où leur intensité, d’où la « fringale » qui est la leur de tirer profit de tout ce qui se présente »163. Puisqu’elle accepte les contraires de la situation, l’éthique postmoderniste cherchera à ajuster ces contraires. Elle est alors la « coïncidentia oppositorum ». Voilà pourquoi elle se base sur une vie tragique et de destin. Qu’est ce à dire ? Contrairement à la morale qui donne une solution à la vie, la vie tragique de l’éthique postmoderniste est celle de « l’aporie, i.e. on vit avec ce qui est . On vit sur la tension des éléments contradictoires. On sait ce que l’on est , on reconnaît cette part d’ombre, l’instant obscure, la part maudite, on la reconnaît au sein de la structure individuelle, au sein de la structure sociale, et on reconnaît en même temps que c’est de la tension de ces divers éléments les uns sur les autres qu’existe quelque chose » 164. Cette vie tragique accepte le bonheur intégrant son contraire165. Le tragique est « contradictoriel » et non dialectique. La dialectique connaît à la fin un dépassement des contraires dans la synthèse. La dialectique est dramatique. Le contradictoriel ou la « logique du contradictoire » ajuste les contraires, ne les dépasse pas, n’a pas de solution. Voilà pourquoi il se vit dans l’instant et fait appel à l’éthique de l’instant où « il y a souci de l’entièreté, [et ceci] induit la perte du petit moi dans un soi plus vaste, celui de l’altérité, naturelle ou sociale »166.
L’éthique met en jeu la logique de la conjonction (et…et) pour arriver à vivre intensément le présent ; elle a la sensibilité du cycle, « qui accepte, avec sagesse, ce qui est. Qui met une forme d’intensité à vivre ce qui est »167. L’éthique postmoderniste se moque du devoir être ou de ce qui devrait être. Elle prend acte de ce qui est. Autrement dit, le tragique accepte le destin, car il y a une dimension « destinale » de l’existence, « cela signifie qu’on ne peut échapper à une vie que nous devons finalement vivre (…). La vie ne vaut peut être rien mais, on le sait, rien ne vaut la vie » 168. Cela exige, sans doute, un ars vivendi, une manière de vivre l’instant, de s’accorder « au monde tel qu’il est, car c’est le seul que l’on ait, le seul qui soit donné à vivre » 169.
L’éthique de l’instant accompagnée du temps du mépris à l’égard du politique va de pair avec la relativisation de la science et de son idée de la vérité.
Pastoralement, le chrétien postmoderne est tenté de suivre l’éthique de l’instant car le « devoir » que l’église impose ne va toujours pas de pair avec les désirs mondains. L’on voudrait passer de l’ « homo sapiens » poli par la parole de Dieu YHWH à l’ « homo sentimentalis » optant pour ses propres valeurs . C’est à ce niveau que l’on voit les chrétiens vivre dans la logique de « coïncidentia oppositorum »provenant du néo-tribalisme.
3. INTERPELLATION
Dans 1 Ch 12.23, les chefs de la tribu d’Issacar sont loués parce qu’ils avaient l’intelligence des temps et qu’ils savaient discerner comment Israël devait agir en fonction des circonstances. Dans Mt 16.3, Jésus nous demande de reconnaître les signes des temps. C’est cela qui justifie ma communication.
Ma réflexion est celle d’un philosophe qui essaie de faire voir certains défis que doit relever la nouvelle évangélisation. Par-ci par-là, j’ai essayé de proposer certaines pistes de solution, mais je sais que sans une bonne volonté dans le chef des pasteurs, et ce chacun à son niveau, la nouvelle évangélisation risque de ne pas être à la hauteur de son époque.
Cela étant, j’interpelle l’église dirigeante à veiller au recyclage du clergé et à former les futurs pasteurs en tenant compte de la Postmodernité tout en sachant que nous vivons plusieurs époques à la fois.
J’aurais bien voulu parler aussi de la mondialisation sous toutes ses formes et ce qu’elle engendre comme défis. Cela n’a pas été l’objet de ma réflexion. Je dois reconnaitre que ma réflexion n’a pas tout dit sur les défis pastoraux à l’Ere de la postmodernité. Cependant j’aimerais bien interpeller l’Eglise quant à la réflexion sur les différentes méthodes de la première évangélisation. Jadis les différentes méthodes d’évangélisations étaient l’apostolat dans les « colonies scolaires », la méthode des fermes-chapelles, la méthode des « écoles-chapelles, le catéchuménat-dévotions-retraites, l’école comme moyen de civilisation et d’évangélisation, l’indigénisation des agents d’évangélisation, la pastorale de la santé, les mouvements de jeunesse chrétienne et les mouvements de vie chrétienne pour adultes, l’apostolat de la plume-le cinéma-le théâtre, la radio et Tv catholiques, les communautés Ecclésiales Vivantes (CEV), les sports[34], etc. Sont-elles encore valables ? Lesquelles méritent-elles une réadaption ? Lesquelles faut-il encore perfectionner ? Quelles nouvelles méthodes faut-il ajouter à celles existantes ? Une méthode n’exige-t-elle pas la formation appropriée de l’agent pastoral ? La pastorale, à mon humble avis, est pluridisciplinaire. Ceci requiert des compétences dans tous les domaines. Que les agents pastoraux soient formés dans différentes disciplines scientifiques religieuses et laïques. A dire vrai, la nouvelle évangélisation sera ce que nous ferons d’elle. On ne donne que ce qu’on est et ce qu’on a.
CONCLUSION
Ma réflexion portait sur les défis pastoraux de l’Archidiocèse de Lubumbashi à l’Ere de la Postmodernité. Pour atteindre mon but, j’ai subdivisé mon travail en trois temps.
Dans un premier temps, j’ai parlé de la modernité. Celle-ci se comprend à partir du Projet moderne dont l’ objectif fut celui de la réalisation de l’universalité des communautés, et ce à travers une émancipation progressive. Au nom de l’Universalité, la Modernité s’est fondée sur la logique binaire et a instauré
le culte du nouveau et de l’originalité. D’où l’idée de dépassement, de la course effrénée vers le progrès sera le leitmotive. Le Projet moderne a fini par la création de l’Evidence moderne qui n’est rien d’autre que l’unification, la reductio ad unum. La Modernité a ses caractéristiques dont la conception du sujet comme le centre et la référence de l’étant en tant que tel. Il est passé sa Minorité (celle de se référer à Dieu, à une Autorité) pour entrer dans la Majorité. Cela a conduit à d’autres caractéristiques comme la puissance de la Raison, la Rationalité scientifique, la Rationalité politique, la Rationalité morale, la Conception de l’Histoire et Idée de progrès et la Rationalité économique.
Dans le second temps j’ai donné la signification appréhender la Postmodernité et les défis pastoraux qu’elle traîne avec elle. La Postmodernité est une notion apparue pour exprimer ou désigner une époque « naissante » ou une période historique dans laquelle les sociétés occidentales, en particulier, évoluent depuis un certain nombre d’années. Cette période a constaté l’échec du Projet moderne , la faillite de l’universel qui est aussi la « faillite des grands récits » . Cela a conduit à une désillusion et à un désintérêt. Il y a de « l’incrédulité à l’égard des métarécits . Les racines de la Postmodernité sont d’ordre scientifique, politique et philosophique. Les caractéristiques de la Postmodernité vont de pair avec les défis pastoraux. La Fragmentation de l’identité individuelle a engendre un défi pastoral de la fragmentation de l’identité du chrétien ; le Néo-tribalisme a crée un défi pastoral lié au syncrétisme religieux et le défi charismatique ; le Primat de l’image est à l’origine du défi de la signification de la souffrance , de la mode vestimentaire, du culte du corps et de la spiritualisation du deuilRejet de l’histoire linéaire, de l’idée du progrès et apologie du présentéisme ; le rejet de l’histoire linéaire ou dialectique du progrès est à la base de l’exaltation du présentéisme ; l’Ethique de l’instant et transfiguration idéologique fait que, pastoralement, le chrétien postmoderne est tenté de suivre l’éthique de l’instant car le « devoir » que l’église impose ne va toujours pas de pair avec les désirs mondains.
Le troisième et dernier moment a fait objet d’une interpellation. La pastorale, étant pluridisciplinaire, requiert des compétences dans tous les domaines. Que les agents pastoraux soient formés dans différentes disciplines scientifiques religieuses et laïques. A dire vrai, la nouvelle évangélisation sera ce que nous ferons d’elle. On ne donne que ce qu’on est et ce qu’on a.
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[1] - L’on peut lire, à ce propos, avec intérêt notre Thèse de Doctorat en Philosophie : Matérialisme historique,
Altermondialisme et Utopies postmodernistes. Contribution à la philosophie de l’histoire, Université de
Lubumbashi, 1er juillet 2006 (Inédite).
[2] - Cf. BAUDRILLARD, J., Modernité, dans Encyclopaedia Universalis. Corpus 12, Paris, Encyclopaedia
Universalis, 1988, p. 425 (424-427).
[3] - Cf. KANT, E., Réponse à la question : qu’est-ce que les Lumières ? dans KANT, E., vers la paix perpétuelle,
que signifie s’orienter dans
Flammarion, 1984, p. 43.
[4] - Cf. MAFFESOLI, M., Notes sur la postmodernité. Le lieu fait lien suivi de La hauteur du quotidien. A propos
de l’œuvre de Michel Maffesoli, Paris, Le Félin, 2003, p. 26.
[5] - HEIDEGGER, M., Chemins qui ne mènent nulle part, Paris, Gallimard, 1962, p. 100.
[6] Ib., p. 97.
[7] - Cf. Ib., p. 105.
[8] - MILBANK, J., La fin des Lumières. Postmoderne ou postséculier ? dans Concilium 244 (1992), p. 57.
[9] - LOCKE, J., cité par RUSS, J., Philosophie : les auteurs, les œuvres. La vie et la pensée des grands
philosophes. L’analyse détaillée des œuvres, Paris, Bordas, 1996, p. 163.
[10] - KANT, E., Fondement de la métaphysique des mœurs, Paris, Librairie Delagrave, 1954, p. 100.
[11] - Cf. MPALA Mbabula, L., Cours de Philosophie de l’histoire (Hegel), L1 et L2 Philosophie, Université de
Lubumbashi, année académique 2009-2010 (syllabus de 36 p. inédit).
[12] Cf. LYOTARD , J.-.F., La condition postmoderne. Rapport sur le savoir, Paris, Minuit, 1979.
[13] - Cf. Modernité et postmodernité, texte résumé et adapté d’Yves BOISVERT, Le Postmodernisme, Québec, Boréal Express, 1995
[14] - MAFFESOLI, Une sociologie pour « réenchanter le monde ». Propos recueillis par Fraga Tamazi, dans Sciences de l’homme et sociétés 73 (décembre 2004/Janvier 2005), p.16.
[15] ID., Après la modernité ? Logique de la domination, La violence totalitaire, La conquête du présent, Paris, CNRS éditions, 2008, p.680.
[16] Cf. LYOTARD , J.-.F., o.c., p.63.
[17] - DESCHAMPS, C., La pensée singulière. De Sartre à Deleuze. Quarante ans de philosophie en France, Paris, 2003, p.129.
[18] LYOTARD, J. – F.,o.c., p.7.
[19] Le premier chapitre a montré, entre autres, Marx-Engels en train de lutter pour l’émancipation humaine.
[20] Cf. BOURDIN, D., e.a. ,100 fiches de culture générale. Histoire de la pensée, Paris, 1995, p.328.
[21] Nous en parlerons longuement dans la section réservée aux caractéristiques de la Postmodernité.
[22] Nous voulons parler de personisme pour ne pas créer la confusion au sein du concept personnalisme.
[23] L’expression est de Goethe.
[24] Ib
[25] Nous utiliserons le masculin pour faire la distinction entre personne et persona.
[26]Ib.
[27] ID, Eloge de la raison/sensible, ac.
[28] ID, Du tribalisme, ac.
[29] Ib.
[30] Ib.
[31] ID, Une lecture de Georges Simmel , [en ligne]http://www.ceaq-sorbonne.org/maffesoli/ar georges.htm (page consultée le 9/10/2005)
[32] ID, Notes sur la postmodernité, le lieu fait lien, p.61-62.
142 Ib., p.81-82
[33] ID, Après la modernité ? Logique de la domination, La violence totalitaire, La conquête du présent, p.686.
143 ID., L’image comme « mésocosme », [en ligne] http://www.ceaq-sorbonne.org/maffesoli/ar meso.htm (page consultée le 10/08/2005).
144 Ib.
145 . ID., Notes sur la postmodernité. Le lieu fait lien, p.40
146 ID., Du tribalisme, a..c.
148 PEUKERT, H., La critique philosophique de la modernité, dans Concilium 244(1992), p.38
149 MAFFESOLI, M., L’instant éternel. Le retour du tragique dans les sociétés postmodernes, Paris, 2003, p.47
150 Ib, p.61.
154 Ib., p.85.
155 Ib., p. 56.
156 Ib. ; p. 57-58.
157 Ib., p.81.
158 Ib., p.100.
159 ID., Notes sur le postmodernité le lieu fait lien, p. 104-105.
158 Ib., p.100.
161 ID., L’instant internel. Le retour du tragique dans les sociétés postmodernes, p.32.
162 ID., Du tribalisme, a..c,
163 ID., L’instant éternel…, p. 142
164 ID, Eloge de la raison sensible, a..c
165 C’est ici que le fameux livre de Michel Maffesoli, La part du diable, Paris, 2002, est à citer. Il écrit à ce propos : « Voilà bien l’enjeu de la mutation postmoderne. Reconnaître la « part du diable », savoir en faire un bon usage, afin qu’elle ne submerge pas le corps social » (p.17). Son livre a la prétention d’indiquer une tendance de fond de la vie postmoderne : « La liaison organique du bien et du mal, du tragique et de la jubilation. Etonnant paradoxe, c’est en acceptant le mal, sous diverses modulations, que l’on peut trouver une certaine joie de vivre » (p.23).
166 MAFFESOLI, L’instant éternel,p.11.
167 Ib, p. 51
168 Ib., p. 27
169 Ib, p. 29-30
[34] Cf. MAKOLA, D., Les méthodes d’évangélisation dans l’église d’hier et d’aujourd’hui. Quel bilan établir un siècle après et vers quelles perspectives ?, Lubumbashi, Editions Don Bosco, 2010.