dim 28 aoû 2022
POUR UNE APPROCHE PROSOPONISTE DE L’EDUCATION PRENATALE NATURELLE A LA PAIX
Par Abbé Louis Mpala in Conférences← Louis MPALA Mbabula, Richard LUBEMBO Mulamwa Kabeke et Raymond MBEKA Mwamba, HOMO CANTOR ET HOMO EDUCANDUS. Pour une philosophie de la culture, Lubumbashi, Ed. MPALA, 2022 | Professeur Grison-Trésor KAKUMBI Belumba (dir), De la démocratie participativo-prosôponiste chez Louis MPALA Mbabula. Pour quelle éducation électorale sur base de la parémie ? →
Résumé
Notre approche prosôponiste comme philosophie de la rencontre fait du Sein Maternel le premier lieu de la RENCONTRE, espace anthropologique délicat, entre le Fœtus et le monde interne (Fœtus-maman, fœtus-papa) et externe (fœtus-familles restreinte et étendue, fœtus-famille/Communauté culturelle/Société politico-économique). D’où l’éducation commencera par la dialectique action-réaction sur, avec et par le fœtus. De ce fait, la femme, comme le « berceau d’une nouvelle humanité » (F. Schmidt), est à protéger contre toutes formes de violences, de traumatismes, etc. Il y va de l’avenir de notre humanité (être humain et monde humain). Pour ce faire, tout un arsenal méthodologique, pédagogique, sapiential, écologique et sanitaire sera envisagé. Sans être une destination, l’éducation prénatale naturelle à la paix est un processus se poursuivant, après la naissance, dans d’autres cadres (école maternelle-secondaire, université, église, associations sportives, etc. Tout doit concourir à la « paix positive ». Notre approche se veut une des contributions montrant à la mouche la voie de sortie de la bouteille (L. Wittgenstein 2).
POUR UNE APPROCHE PROSOPONISTE DE L’EDUCATION PRENATALE NATURELLE A LA PAIX
Par P.O. Abbé Louis MPALA Mbabula / Université de Lubumbashi
Résumé
Notre approche prosôponiste comme philosophie de la rencontre fait du Sein Maternel le premier lieu de la RENCONTRE, espace anthropologique délicat, entre le Fœtus et le monde interne (Fœtus-maman, fœtus-papa) et externe (fœtus-familles restreinte et étendue, fœtus-famille/Communauté culturelle/Société politico-économique). D’où l’éducation commencera par la dialectique action-réaction sur, avec et par le fœtus. De ce fait, la femme, comme le « berceau d’une nouvelle humanité » (F. Schmidt), est à protéger contre toutes formes de violences, de traumatismes, etc. Il y va de l’avenir de notre humanité (être humain et monde humain). Pour ce faire, tout un arsenal méthodologique, pédagogique, sapiential, écologique et sanitaire sera envisagé. Sans être une destination, l’éducation prénatale naturelle à la paix est un processus se poursuivant, après la naissance, dans d’autres cadres (école maternelle-secondaire, université, église, associations sportives, etc. Tout doit concourir à la « paix positive ». Notre approche se veut une des contributions montrant à la mouche la voie de sortie de la bouteille (L. Wittgenstein 2).
INTRODUCTION
Notre communication présente notre approche prosôponiste, celle de la philosophie de la Rencontre qui fait du Sein Maternel le premier lieu de la RENCONTRE, espace anthropologique délicat, entre le Fœtus et le monde interne (Fœtus-maman, fœtus-papa) et externe (fœtus-familles restreinte et étendue, fœtus-famille/Communauté culturelle/Société politico-économique). D’où l’éducation commencera par la dialectique action-réaction sur, avec et par le fœtus. De ce fait, la femme, comme le « berceau d’une nouvelle humanité » (F. Schmidt), est à protéger contre toutes formes de violences, de traumatismes, etc. Il y va de l’avenir de notre humanité (être humain et monde humain).
Pour bien soutenir notre position, nous diviserons notre expos en deux points. Le premier présentera notre cadre conceptuel et le cadre théorique.
1. CADRES CONCEPTUEL ET THEORIQUE
Notre cadre conceptuel s’appesantira sur deux concepts, éducation et paix ; cependant notre cadre théorique est celui de l’approche prosôponiste.
1.1. Cadre conceptuel
1.1.1. Education
Il sied de prime abord de distinguer l’éducation de l’instruction.
1.1.1.1. Education et instruction
D’origine du verbe latin ex-ducere, signifiant conduire de vers, éduquer, étymologiquement veut dire faire passer d’un état à l’autre, d’un esprit à l’autre.
Lié à l’école, le mot éducation est confondu au concept instruction. Celle-ci est « la transmission de savoirs et de savoir-faire. Elle utilise des méthodes d’apprentissage »[1]. La confusion entre éducation et instruction proviendrait, peut-être, de nos jours, à l’appellation donnée de par le monde à nombre de « Ministères de l’éducation »[2].
Ceci étant, Marie-Andrée Bertin signale que l’éducation concerne « l’éveil et le développement des potentialités de l’être humain et sa relation à lui-même, aux autres et au monde »[3]. Toutefois, Elena Cardinale complète Marie-Andrée Bertin en précisant que ces potentialités, facultés ou attitudes à réveiller et à développer sont « déjà inhérentes en nous »[4].
Et puisqu’il en est ainsi, de l’éducation, Mahatma Ghandi ne nous surprend pas quand il affirme que « la vraie éducation consiste à faire venir à la lumière le meilleur d’une personne »[5]. A notre avis, ce qu’il y a de meilleur en l’homme est son aspiration à devenir plus, à être plus tout en étant mieux.
Pour que cette aspiration se concrétise, l’éduqué ne sera pas un agent. « L’agent désigne le rouage d’une machine ; il est agi par la finalisation du système ; on lui demande d’avoir des compétences et de ne pas trop penser ; c’est un sujet-agi »[6]. Il n’est pas non plus acteur. Ce dernier se caractérise « par son intentionnalité ; il a des stratégies, est pourvu de conscience et d’initiative. Il a des projets et entrevoit la possibilité d’un changement. S’il est déjà un sujet, il reste néanmoins un exécutant (donc il reste agi) : il interprète sa participation, il joue un rôle mais il n’est pas créateur. Il ne finalise pas lui-même ; il complète la finalisation des autres »[7]. Au contraire, il est appelé à devenir ou à être auteur. Un auteur est « la véritable origine de l’action. Celui-ci projette ses fins et induit le problème de la responsabilité en éducation. Etre auteur, c’est vouloir se situer explicitement au fondement de ses actes. L’intentionnalité est ici pleinement présente. Il s’agit de s’autoriser à, de se donner l’autorisation. C’est ici qu’on peut véritablement parler d’initiateur ou de sujet-créateur, car il se reconnait la légitimité et la nécessité de décider de certaines choses lui-même »[8].
1.1.1.2.Education prénatale naturelle
L’éducation prénatale naturelle est « celle qui s’opère à travers la mère par les processus naturels de la grossesse »[9]. Nous pouvons compléter cette définition en explicitant que, puisque éduquer revient à faire venir à la lumière le meilleur d’une personne, l’éducation prénatale naturelle signifie « retrouver un apport naturel avec soi-même et avec l’intimité propre, avec le cœur ouvert à la vie : celle-ci devient une occasion d’une profonde relation avec le fils »[10]. C’est en ce sens que cette éducation s’entend comme le fait de prendre soin de l’enfant se trouvant « dans une condition de totale dépendance et il a besoin de la mère et du père pour pouvoir se former et croitre »[11].
1.1.1.2.1. Présupposé anthropologique de l’éducation prénatale naturelle
L’éducation prénatale naturelle se fonde sur une conception de la personne. La personne est conçue non una tabula rasa, « mais un être humain doté de potentialités et de ressources, avec sa structure génétique bien précise, son projet de vie et une identité personnelle »[12]. Et puisque l’être humain conçu dans le sein maternel est un « être vivant, [un] être humain, [une] personne (même s’il est en forme de zygote, d’embryon et de fœtus), alors nous pouvons créer un espace entre nous ; l’accueillir dans notre vie, l’écouter, le connaitre, le considérer ; entrer en relation avec lui et avoir (outre les échanges hormonales) des échanges de nature affective, émotionnelles et psychique ; vivre de nos expériences à côtés des siennes et croitre »[13].
De ce qui précède, on comprendra pourquoi la femme enceinte, devant son gynécologue, ne pose pas la question de : « Docteur, comment mon fœtus – « amas de cellules »-, mais : « Docteur, Comment va mon bébé ? » »[14]. Ce langage est celui qu’on trouve dans mon milieu traditionnel : bemba. Qu’il soit dans le sein maternel ou déjà né, il s’appelle enfant – umwana (bébé, enfant).
Comme on peut le deviner, cet enfant éduqué prénatalement et naturellement sera disposé, sauf imprévu, à être « l’être pacifique à la naissance ; prédisposé à la non-violence ; être social, incliné à la coopération et à l’interaction avec les autres »[15].
Ce présupposé anthropologique indique, en soi, ce qu’est la nature humaine et le statut ontologique et ontique de l’être humain au sein du sein maternel : c’est une personne (« Docteur, comment va mon bébé ? »).
1.1.2. Paix
Le concept de la paix renvoie soit à la paix négative soit à la paix positive.
1.1.2.1.Paix négative ou absence de guerre
C’est à ce niveau que la polémologie (science de la guerre) comme « étude de la guerre [vue] comme phénomène humain et social dans ses causes et ses conséquences politiques, économiques, démographiques »[16] s’oppose à l’iranologie comme « science de la paix »[17].
La paix négative peut comprendre trois aspects, notamment la paix par la guerre ( qui fait appel à l’adage de « qui veut la paix prépare la guerre = « Si vis pacem para bellum »)[18], la paix stratégique (paix comprise comme équilibre de force, donc paix « comme un jeu de forces et de contre forces entre les grandes puissances, à la recherche d’un équilibre sécurisant de part et d’autre »)[19] et la paix comme absence physique de guerre (ici « la guerre n’est pas à sa place, elle est remplacée par un entrainement à la compréhension, à la tolérance et au respect mutuel dans la plus grande mesure possible. La paix peut être obtenue en évitant la guerre, en la considérant comme inacceptable »)[20].
1.1.2.2.Paix positive
Comme positive, « la paix est un mode de vie dans lequel les droits de tous sont respectés »[21]. Ce mode de vie se fait voir par l’harmonie existant entre les personnes et l’environnement, et ce en partant de soi[22].
Bref, partant de la paix négative et de la paix positive, on définira l’éducation à la paix comme étant un « processus d’acquisition des valeurs, des connaissances et le développement des aptitudes, des habiletés et des comportements permettant de vivre en harmonie avec soi-même, les autres et l’environnement »[23].
De ce qui précède, on saura que par l’éducation prénatale naturelle à la paix, l’enfant, du sein maternel, sera prédisposé à entrer dans la culture de la paix.
1.2. CADRE THEORIQUE
L’approche prosôponiste nous renvoie au concept Prosôponisme. Celui-ci a comme racine prosôpon signifiant, en grec, personne. Si personnalisme vient de prosôpon, nous partons du même mot grec pour avoir Prosôponisme. Ainsi, notre concept ne sera pas à confondre à celui de Renouvier et Mounier.
Par ailleurs nous devons reconnaître que le Philosophe Camerounais Hubert Mono Ndjana, dans sa note de bas de page numéro 394 de la page 254, commentant notre livre Démocratie prosôponiste, est plus explicite quand il écrit : « … on voit que la racine du prosôponisme, c’est prosôpon, qui veut dire personne, masque, visage, c’est-à-dire la face ou le front du corps humain (…). Le visage peut voir, comme il se laisse également voir. Cette vision réciproque est la condition de l’échange, de l’entrevue. Les prisonniers de la caverne [allégorie de la caverne de Platon] ne se voient pas, et ne peuvent donc rien se dire, ni rien décider ensemble. Cette réciprocité, dans laquelle les gens se donnent en personne est certainement la précondition de la transparence » [24]. Nous tenons à signaler que prosôponisme ne rime pas avec prosopopée ( prosôpon, personne ; poiein, faire, fabriquer), la figure de style dans laquelle l’auteur prête la parole aux êtres inanimés, à un absent ou à un être imaginaire.
Nous sommes conscient qu’en 2ducation à la paix, il existe plusieurs approches dont l’approche curriculaire et l’approche non curriculaire. La première considère la paix comme « une matière en éducation, où le texte prédomine dans la formation »[25]et qui se réduit, en dernière analyse, à une approche monolithique dans « la mesure où l’éducation à la paix constitue une matière précise d’enseignement »[26] au même titre que l’éducation à la citoyenneté. La dernière, l’approche non curriculaire, se veut transdisciplinaire et transcolaire. Transdisciplinaire, l’approche non curriculaire introduit l’éducation à la paix dans presque toutes les disciplines et quand elle est transcolaire, elle veut émanciper l’éducation à la paix de « l’intérieur des quatre murs de l’école »[27].
Notre approche se veut prosôponiste en mettant au centre deux concepts clés, à savoir la personne et la rencontre. La Personne, dans cette approche qui se veut un paradigme inventif, n’a « d’importance que par l’existence des autres et par l’existence de l’univers »[28]. C’est par la Rencontre avec les autres et avec l’univers que la Personne retrouve son statut ontologique d’être un-être-avec-les-autres-et-pour-les-autres-dans-l’-univers (environnement) et dont la Parole est une ouverture pleine d’AMOUR « capable de fonder l’authenticité de la rencontre »[29].
Nous affirmons qu’il y a une interdépendance, Rencontre, dans l’éducation prénaturelle naturelle à la paix, du matériau biologico-héréditaire et l’environnement représenté par le microsystème, le mésosystème,,l’exosystème, le macrosystème et le chronosystème. L’épanouissement et le développement harmonieux de l’enfant-attendu fonderont l’espoir de la famille, de la société et du monde entier.
En effet, ce paradigme a un but : « Développer toutes les capacités de la personne humaine [in utero] en symbiose avec son milieu et l’univers »[30]. De ce fait, l’écoute envers l’enfant, les caresses, le toucher, bien étudiés par l’haptonomie, engendreront le bonding prénatal comme dialogue avec l’enfant, source de la sympathie, de l’empathie, de l’acceptation positive de l’autre sans conditions, de la congruence au sens rogérien, du partage des plaisirs d’être ensemble en communication permanente tout en respectant les droits de l’autre dans l’environnement complexe.
2. EDUCATION PRENATALE NATURELLE A LA PAIX
2.1. Les nouvelles de la fécondation : Début de la grossesse
Nous affirmons que « l’éducation prénatale est un ensemble de principes et des pratiques régissant la conduite de la femme enceinte et son entourage en cette période de grossesse et pendant les premières semaines qui suivent l’accouchement ou la naissance du nouveau-né »[31].
La rencontre de la future mère et du futur père équivaut à la Rencontre d’un ovule et d’un spermatozoïde et quand il y a fécondation, les deux fusionnent et forment « une nouvelle cellule, appelée cellule-œuf, ou zygote [de ce fait] un nouvel individu vient d’être créé, même s’il n’est fait pour l’instant que d’une seule cellule »[32]. C’est le début de la VIE, l’ontogénèse, récapitulant « la phylogénèse, l’histoire de la vie depuis l’apparition du premier être vivant unicellulaire né du soleil et de la mer, jusqu’à l’être humain si complexe ! »[33]. Dès ce moment de la fusion, devons-nous souligner, « le patrimoine héréditaire de l’individu est établi. Il déterminera le caractère particulier de son physique et le prédisposera à des traits de personnalité et des aptitudes mentales spécifiques. Mais pour se réaliser, la structure génétique a besoin du milieu ; c’est l’interaction de ces deux facteurs qui détermine l’aspect et la personnalité d’un sujet [en effet], le développement de la période prénatale est de loin le plus prodigieux de tous les développements que connaitra le sujet au cours de sa vie »[34].
Deux mots clés, Hérédité (ici patrimoine héréditaire et milieu retiennent notre attention. C’est leur interaction qui déterminera l’aspect et la personnalité d’un sujet).
La cellule-œuf croitra pour passer de la période germinative (les deux premières semaines après la conception) à la période embryonnaire (six semaines) et dès la huitième semaine après la conception et jusqu’à la naissance, l’embryon prend le nom de fœtus »[35].
Une fois la cellule-œuf implantée dans la muqueuse utérine, l’endomètre, après quatre à cinq jours de libre circulation dans les trompes de la Fallope, les cellules se multiplieront et se différentieront « dès la deuxième semaine. Une membrane externe (chorion) et une membrane interne (amnios) constituent un sac qui assure la protection de l’embryon »[36].
Dès le début de la grossesse, la Femme acquiert le statut de « véritable berceau de l’humanité »[37] et en ce sens, elle est l’ « architecte génétique de la société »[38]. François Schmitt explicite ce statut : La femme est « la matrice biologique, psychique, spirituelle, naturelle et culturelle qui accueille et forme l’organisme vivant de toute l’humanité »[39].
2.2. Femme comme matrice biologique
Une fois enceintée, la femme devient une matrice biologique. En elle se forment le liquide amniotique et le placenta, premiers transmetteurs et conducteurs des stimulations reçues par l’enfant « doté de la capacité de recevoir des stimuli et d’entrer en contact avec le monde »[40]. En effet, le placenta est « l’organe de nutrition, de respiration et d’excrétion. Cela signifie que l’oxygène arrive par la veine ombilicale et le dioxyde de carbone est évacué par les artères ombilicales… Dans la même veine, l’enfant reçoit les substances nutritives dont il a besoin et rejette les déchets de son métabolisme »[41].
En outre, la Femme enceinte produit tout un « cocktail hormonal ». Durant la grossesse, le placenta produit en grande quantité la progestérone, l’estrogène et l’endorphine jouant un grand rôle dans la protection de l’enfant, dans la communication mentale, émotionnelle et existentielle avec lui.
C’est ici qu’il sied de souligner que « tout est mémoire. L’être vivant ressent, retient. L’organisme n’oublie jamais rien »[42].
2.3. Le milieu/ l’environnement comme lieu d’interaction et d’interrelation : approche écologique[43]
Nous trouvons opportun de nous inspirer de l’approche écologique pour bien faire voir l’interaction et l’interrelation existant sur les différentes sphères de l’environnement dans lequel est conçu l’enfant et vivent les parents.
De par l’ontogénèse, l’enfant in utero a son bagage génétique et puisque sa mère est dans un environnement donné, il y est aussi ipso facto.
Les parents « enceints » sont fille et fils du temps ; d’où ils se trouvent dans un chronosystème représentant le degré de stabilité ou de changement dans l’environnement ; c’est-à-dire ils ont des « influences qui résultent du passage du temps, les transitions [qu’ils vivent] au cours de [leur] vie et l’époque dans laquelle [ils s’inscrivent. Bref], le contexte et l’environnement dans lesquels [ils évoluent]. Ces dimensions s’influencent mutuellement »[44].
Qu’est-ce à dire ? L’environnement dans lequel évoluent et l’enfant in utero et ses parents est un système complexe divisé en plusieurs sous-systèmes, entre autres, le microsystème, le mésosystème, l’exosystème et le macrosystème.
Le microsystème n’est rien d’autre que le milieu quotidien fréquenté régulièrement par les parents « enceinte » et dans lequel ils entretiennent « des relations étroites avec d’autres »[45]. C’est dans ce système que nous trouvons la famille restreinte (femme future mère et père futur papa, l’enfant in utero) et la famille élargie (Grands pères et Grands-mères, Beaux pères et Belles mères, tantes, oncles, cousines et cousins, beaux-frères et belles sœurs de deux cotés). Il y a aussi les groupes de pairs (les hommes ayant épousé dans la même famille et les femmes épousées dans les mêmes familles de deux cotés. Citons aussi les Eglises fréquentées par les parents enceints et leurs propres parents. N’oublions pas les services de santé que côtoie la future mère. Comme on peut le constater, « une même personne évolue au sein de plusieurs microsystèmes (…). Dans chacun de ces microsystèmes, l’individu entretient des relations personnelles avec son entourage et joue différents rôles ; on nourrit des attentes à son écart et il doit suivre certaines règles »[46] portant sur l’alimentation (fruits, légumes, céréales, boire suffisamment d’eau, la façon de manger-mâcher longuement, « déguster des plats appétissants avec plaisir… cette attitude positive envers la nourriture est transmise au bébé… Le fœtus perçoit les odeurs et les saveurs de la nourriture absorbée par sa mère »[47], sur la respiration (aérer souvent la chambre à coucher, respirer en plein air, car pour l’enfant « l’apport d’oxygène est primordial : ses cellules, et notamment ses cellules cérébrales ont besoin de cette énergie vitale pour leur formation, leur développement, … »[48], sur les rythmes de vie (faire certains aménagements pour « être à l’écoute de son corps, à l’écoute du bébé et ne rien forcer (…). Les rythmes maternels et familiaux –impriment chez le fœtus un certain tempo qui animera sa vie ultérieure »[49], sur les substances toxiques à éviter (alcool, tabac, marijuana, nicotine, cocaïne, caféine, car « les enfants d’alcooliques, comme ceux des drogués, peuvent naitre avec une dépendance à l’alcool… [Les drogues] traversent le placenta et atteignent le fœtus… Elles persistent longtemps, à un taux élevé, dans son sang et agissent fortement sur son système nerveux »[50], sur la lumière et les couleurs en plus (la lumière solaire apporte la vitamine D, la couleur « rouge stimule le système musculaire… L’orange conforte le système sanguin et la santé globale… Le jaune nourrit le système nerveux et l’intellect… Le vert fortifie le système digestif, régénère les cellules… Le bleu agit sur la gorge et la glande tyroïde… Nourrir son enfant de couleurs et de lumière, n’est-ce pas lui offrir le meilleur de ce monde ? »[51]), sur le comportement sexuel (fuir l’adultère pour ne pas contracter le VIH –Sida, Syphilis, rubéole afin de ne pas provoquer de graves répercussions sur le développement du fœtus »[52]), sur la sécurité physique et mentale de la femme (ne pas battre la femme enceinte, ne pas la traumatiser, ne pas la stresser, ne pas l’angoisser, ne pas avoir des pensées négatives et des paroles méchantes, ne pas suivre des films violents, ne pas assister aux combats, ne pas être dans la pollution sonores, cultiver des pensées positives, exécuter des chansons de joie, danser avec harmonie, ne pas trop se fatiguer, ne pas voir un cadavre[53], ne pas faire trop de bruit[54], ne pas s’attrister, éviter des disputes, etc.). De la sécurité physique et mentale dépend celle de son enfant in utero[55].
C’est dans ce microsystème que les parents « enceints » et la famille étendue doivent communiquer avec l’enfant qui a le droit d’être écouté, compris, accepté et aimé. Ainsi arrivera-t-on à promouvoir une bonne relation entre lui et son environnement en commençant par la triade Future mère – Enfant – Futur papa[56]. Jamais inactif, dans le sein maternel, l’enfant écoute la voix maternelle et parvient « à percevoir les significations des états d’âme que les sons véhiculent, et il y répond avec le changement de son battement cardiaque »[57]. Etablir un jeu de chant, de conversation avec lui et savoir l’écouter à travers ses mouvements, éveillera en lui « la perception d’être « celui qui reçoit » et « celui qui offre », dans un échange réciproque [entre] mère-enfant »[58]. L’enfant est toujours stimulé par les sons, les bruits, les voix, les odeurs provenant de l’environnement extérieur. Quand ces stimuli relèvent de la positivité, leur impact sur lui sera bénéfique pour éveiller en lui certaines capacités linguistiques, la bienveillance, l’ouverture à autrui, la sympathie, le discernement, etc. Le contraire le frustre, le rend silencieux, l’étouffe, etc.
Les caresses, le toucher engendrent le « Bonding », jeu de foot, preuve que l’enfant n’est pas passif, mais il participe à la vie du milieu. Voilà qui forme en le « moi » prénatal. Ceci étant, l’on prend apprendre à bien l’écouter, à respecter son temps de repos.
Bref, en notre langue maternelle, le cibemba, tout ce dont nous venons de parler se résume en une expression : « ukusunga ifumo = garder ou veiller sur la grossesse », car il y va de la vie de l’enfant et de la survie de la société ou de sa perte selon le comportement qu’aura l’enfant après sa naissance. Une grossesse « perturbée » par l’abandon de la femme enceinte, par le stress chronique, l’angoisse, l’alimentation précaire, l’absorption de la drogue, etc. est un danger et pour la maman, l’enfant et la société. « Ukusunga ifumo » est le premier souci que se fait toute la société en interpellant le couple à travers les conseils d’hygiène, les interdits sociaux (les tabous sexuels), les interdits biologiques (tabous alimentaires), les interdits liés à la nature (ne pas aller au cimetière, ne pas voir le cadavres, etc.)[59].
Le mésosystème, lieu d’interactions existant entre les différents microcosmes, inclut également « les réseaux de soutien moral, c’est-à-dire l’ensemble des personnes qui composent l’entourage et qui offrent un ou plusieurs types de soutien »[60]. Le soutien que les parents « enceints » reçoivent des amis, des collègues du travail, de leur employeur crée en eux un sentiment de gratitude, de joie, etc. et cela impacte leur relation et communion avec l’enfant. Stressés sur le lieu de travail par l’employeur ou leurs collègues, les parents « enceints » auront une mauvaise humeur impactant négativement l’enfant. Tout concourt soit à une bonne santé physique, psychique et spirituelle de l’enfant soit à une « déflagration » de l’humanité en lui.
L’exosystème nous renvoie aux lieux ou institutions économique, politiques, les organismes gouvernementaux, les médias de masse, non fréquentés par les parents « enceints » « mais dont les décisions exercent une influence sur [leur vie] »[61]. La rareté du carburant entraine, par exemple, la hausse des prix des produits alimentaires ; les factures d’énergies vues à la hausse, etc. tout perturbe le train de vie et crée de stress et de l’angoisse qui « troublent » la quiétude de l’enfant.
Le macrocosme, enfin, puisqu’englobant les autres systèmes, « constitue une sorte de toile fond et inclut les modèles culturels, les idéologies et les valeurs d’une société, d’une culture »[62]/ les politiques, l’économique, le religieux en font également partie. Vivre dans une société intolérante du point de vue religieux, ultra-libéraliste et à connotation xénophobe a de l’impact sur nos choix et nos discutions. Entendre nos médias stigmatiser certaines catégories des personnes, joue sur nos sentiments positifs ou négatifs. Tout cela modifie les sentiments et le comportement des parents « enceints » et ipso facto l’enfant se trouve affecté d’une façon ou d’une autre.
Il sied, cependant, de ne pas perdre de vue que ces différents systèmes « interdépendants et en interaction »[63].
De ce qui précède, on saura comprendre que l’Education prénatale naturelle joue la partition dialectique matériau biologico-héréditaire et l’environnement au sens complexe du terme. Elle se veut un espoir pour l’enfant, la famille et la société[64], en ce sens, elle est un « socle du développement national »[65] et international, devons-nous ajouter. En effet, devons-nous le reconnaitre, « l’éducation est le moteur, le poumon, l’élément clé, la garantie du développement humain et de la transformation intégrale d’une société »[66].
CONCLUSION
Comment « crayonner les perspectives d’une véritable éducation de l’humanité à la paix » ? Si les « guerres prennent naissance dans l’esprit des hommes » (Pape François) et si « c’est dans l’esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix » (Pape François), n’a-t-on pas droit de faire du Sein Maternel un « village de l’éducation », lieu de RENCONTRE « où l’on s’engage pour créer un réseau de relations humaines et ouvertes » (Pape François) et ainsi cultiver la paix dans le CŒUR de l’enfant ?
[1] M.-A. BERTIN, L’éducation prénatale naturelle. Un espoir pour l’enfant, la famille et la société, troisième et nouvelle édition, Paris, Editions du Dauphin, 2012, p. 25.
[2] Ibidem, p. 25.
[3] Ibidem, p. 25.
[4] E. CARDINALE, Che cos’ è l’educazione prenatale, Roma, Nouva edutrice, s.d., p. 1.
[5] M. K. GHANDI, Antiche corne la montagne, Milano, s.e., 1983, p. 203. Nous soulignons.
[6] J.-P. POURTOIS et H. DESMET, L’éducation postmoderne, Paris, PUF, 2016, p. 306. Nous soulignons.
[7] Ibidem, p. 306. Nous soulignons.
[8] Ibidem, p. 306. Nous soulignons.
[9] M.-A. BERTIN, o.c., p. 28.
[10] E. CARDINALE, o.c., p.3.
[11] Ibidem, p.
[12] Ibidem, p. 2.
[13] Ibidem, p. 4.
[14] M.-A. BERTIN, o.c., p. 15.
[15] M.-J. GIGALI, Education à la paix au primaire : étude des récits des pratiques des enseignant, Thèse de doctorat en éducation, Université du Québec à Montréal, Février 2012, p. 18.
[16] Ibidem, p. 46.
[17] Ibidem, p. 46.
[18] Ibidem, p. 47.
[19] Ibidem, p. 48.
[20] Ibidem, p. 49.
[21] RASSEKH cité par Ibidem, p. 50.
[22] Cf. E. WEIL résumé par M.-J. GIGALI, o.c., p.51.
[23] M.-J. GIGALI, o.c., p. 81.
[24] Cf. H. MONO Ndjana, La philosophie négro-africaine. Essai de présentation générale, Paris, L’Harmattan, 2016, p.254. Nous soulignons.
[25] M.-J. GIGALI, o.c., p.29.
[26] Ibidem, p.29.
[27] Ibidem, p.29.
[28] Ibidem, p.11.
[29] G.MURA, Pensare la parola. Per una filosofia dell’incontro, Roma, Urbaniana University Press, 2001, p. 28.
[30] M.-J. GIGALI, o.c., p.11.
[31] J.P. LOTOY Ilongo-Bonga, « Femme (enceinte) : architecte génétique et socle du développement durable », dans Congo-Afrique N° 503, mars 2016, p. 192. Nous soulignons.
[32] J.-C. TSHIMANGA Mukadi, Introduction à la psychologie génétique, Paris, Edilivre, 2017, p. 9-10. Nous soulignons.
[33] M.-A. BERTIN, o.c., p. 26-27. Cette définition de la phylogénèse nous semble très poétique.
[34] R. E. SCHELL et E. HALL, Psychologie génétique. Le développement humain, Montréal, Editions du Renouveau pédagogique, 1980, p. 65.
[35] Ibidem, p. 70.
[36] Ibidem, p. 70. Soulignés par les auteurs.
[37] J.-P. LOTOY Ilongo-Bonga, « Pourquoi lutter contre les violences faites à la femme ? », dans Congo-Afrique N° 513, mars 2017, p. 216. Il tire cette expression de François Schmitt.
[38] Ibidem, p. 216.
[39] F. SCHMITT cité par Ibidem, p. 221.
[40] C. FIORE (dir), « Educazione prenatale [en ligne] http://www.gravidanzaonline.it (page consultée le 05 mars 2022).
[41] J.-C. TSHIMANGA Mukadi, o.c., p. 60.
[42] DEBRE cité par M.-A. BERTIN, o. c., p. 142.
[43] Nous adapterons l’approche écologique à notre étude en partant du modèle bioécologique de Bronfenbrenner.
[44] D.E. PAPALIA et R.D. FELDMAN, Psychologie du développement de l’enfant, Montréal, Editions TC Média Livres, 2014, p. 29.
[45] Ibidem, p. 29. Nous soulignons.
[46] Ibidem, p. 29.
[47] M.-A. BERTIN, o.c., p. 39-40.
[48] Ibidem, p. 41.
[49] Ibidem, p. 42.
[50] Ibidem, p. 45-50. A ce propos, lire également J. C. TSHIMANGA Mukadi, o.c., p. 64-73 et D.E. PAPALIA et R.D.D FELDMAN, o.c., p. 55-58.
[51] Ibidem, p. 53.
[52] J.C. TSHIMANGA Mukadi, o. c., p. 73.
[53] Cf. BOLALONGA Bobwo, « Les tabous de la grossesse chez les femmes sakata », dans Annales Aequatoria 10 (1989), p. 46.
[54] Cf. Ibidem, p. 46.
[55] Cf. Ibidem, p. 48-50.
[56] Cf. C. FIORE, o.c., p.
[57] Ibidem, p.
[58] Ibidem, p.
[59] Cf. NGOMA-BINDA, « Herméneutique de quelques interdits et structures de défoulements en société Yombe », dans Zaïre-Afrique N° 108, octobre 1976, p. 490-494. A propos des interdits, lire aussi TSHISEKELA Felha Ndjinda, « Les interdits relatifs à la femme enceinte chez les Cokwe », dans Zaïre-Afrique N° 201, javier 1986, p. 13-26, lire également KABENGELE Munanga, « Rites, pratiques et croyances relatifs à l’enfant chez les Basanga du Shaba », dans Zaïre-Afrique N°79, novembre 1973, p. 543-556.
[60] D.E. PAPALIA et R.D. FELDMAN, o.c., p. 29. Soulignés par les auteurs.
[61]Ibidem, p. 29.
[62] Ibidem, p. 30.
[63] Ibidem, p. 30.
[64] Cf. Le titre du livre de M.-A. BERTIN, L’éducation prénatale naturelle. Un espoir pour l’enfant, la famille et la société.
[65] J.-P. LOTOY Ilongo-Bonga (dir), L’éducation prénatale naturelle. Socle du développement national, Paris, L’Harmattan, 2021.
[66] J. MANGALU Mobhe Agbada, Préface, dans J.-P. LOTOY Ilongo-Banga (dir), o.c., p. 5.