Notre étude avait pour but de faire voir comment la Postmodernité est en train subrepticement de transvaluer les valeurs traditionnelles africaines. Pour atteindre ce but, il nous fallait, d’abord, définir les concepts transvaluation, valeur, tradition , culture  et postmodernité ; ensuite, nous devrions parler de l’éducation traditionnelle africaine (ses différentes formes, ses caractéristiques, ses agents et ses techniques), de différents axes des valeurs traditionnelles africaines  et de la manière dont se fait la transvaluation des valeurs traditionnelles africaines. Enfin, en philosophant à la truelle et non au marteau comme F. Nietzsche, nous étions obligé de nous affronter philosophiquement à F. Nietzsche dont la transvaluation des valeurs morales à l’ère de la Postmodernité est d’actualité. De ce fait, la construction à la truelle d’une nouvelle société africaine susceptible d’être présente au rendez-vous mondial du donner et du recevoir,  exigeait, de notre part, une re-réévaluation des valeurs morales de la Postmodernité. 

 

POSTMODERNITÉ ET TRANSVALUATION DES VALEURS TRADITIONNELLES AFRICAINES

Plaidoyer pour une nouvelle société africaine

Professeur Abbé Louis MPALA Mbabula / Université de Lubumbashi

INTRODUCTION

Tout bouge et tout change ! L’oreille avertie entend la voix d’Héraclite l’Obscur, le philosophe d’Éphèse. Si l’on ne peut se laver deux fois dans la même rivière, selon Héraclite, ce dernier n’a jamais dit que les eaux emportaient le lit de la rivière. Ceci étant, Platon a tort de dire que chez Héraclite, il n’y a que du Panta rei. Héraclite a enseigné que le Devenir ou le changement concerne l’intérieur de l’être et non l’être, car tout se fait selon la « mesure »[1] : « Ce monde-ci… a toujours été et il est, et il sera un feu toujours vivant, s’allumant avec mesure et s’éteignant avec mesure »(Fr. 30), et  « Il se repose par le changement » ? (Fr. 83) Ainsi il y a la dialectique entre la Stabilité et le Devenir. Cela vaut aussi pour cet enfant devenu vieux tout en gardant son code génétique.

Mutatis mutandis les valeurs traditionnelles africaines devant le séisme postmoderniste gardent l’âme africaine tout en subissant les assauts de la Postmodernité. N’eut été cela, notre propos ne viendrait pas à propos.

Notre réflexion portera sur les valeurs traditionnelles africaines face à la Postmodernité. Il s’agit des valeurs transmises par l’éducation traditionnelle africaine. Que  sont-elles et pour quel profile de l’homme sont-elles faites ? De quel genre d’éducation s’agissait-il (s’agit-il) et quelles en étaient (sont) les techniques ? Qui en étaient  ou en sont des acteurs ? En quoi et comment la Postmodernité opère-t-elle la transvaluation des valeurs traditionnelles africaines ? Que faire ?

De cette litanie des questions surgit la division de notre étude. Celle-ci comporte cinq parties. La première porte sur la disposition de la batterie conceptuelle qui définira certains concepts clés de notre étude. La deuxième s’appesantira sur l’éducation traditionnelle. La troisième présentera les axes des valeurs traditionnelles africaines. La quatrième fera voir en quoi et comment la Postmodernité transvalue les valeurs traditionnelles africaines. La cinquième et dernière partie se veut un plaidoyer pour l’avènement d’une nouvelle société africaine.

1.      DISPOSITION DE LA BATTERIE CONCEPTUELLE

Cette première partie se donne pour tâche de définir les concepts clés de notre étude. Ainsi, pour avoir une même appréhension des termes, nous dirons ce que nous entendons par transvaluation, valeur, tradition et Postmodernité.


 

1.1.            Transvaluation

Le concept de transvaluation signifie Renversement de toutes les valeurs (philosophiques, religieuses, métaphysiques) ou mieux Réévaluation de toutes les valeurs. Pour y arriver, Nietzsche doit « philosopher au marteau », i.e. faire œuvre de démolition et reconstruction. Cela annonce le Crépuscule des idoles et la plus grande idole est Dieu, fondement de toutes les valeurs judéo-chrétiennes. Il s’agit d’une grande « déclaration de guerre »[2] et Nietzsche, se qualifiant de  « vieux psychologue et attrapeur des rats »[3], se donne pour mission de « tirer sur la morale »[4] et ce en vue de sauver l’homme.

Il sied de signaler que la transvaluation des valeurs n’a de sens que si l’on sait ce qu’est réellement l’homme,  son essence. Pour ce faire, il faut connaître la conception de la vie selon Nietzsche ou sa « biosophie ». L’homme est, selon lui, un ensemble d’instincts. Cependant l’instinct de conservation n’est pas l’instinct cardinal car comme « tout être vivant veut avant tout épancher sa force-la vie elle-même est Volonté de Puissance »[5]. Et puisqu’il en est ainsi, l’essence de l’homme est le vouloir croître sa vie. De ce fait, sera considéré comme valeur ce qui permet la croissance de la vie. Ainsi, « tout ce qui est bon est instinct-et par conséquent léger, nécessaire, libre »[6]. En d’autres termes, « certains instincts forts et dangereux tels que l’esprit d’aventure, la témérité, la vengeance, la dissimulation, la rapacité, l’esprit de domination… »[7] sont pour la croissance de la vie et font partie de la Volonté de puissance. Ce qui lute contre les instincts, ce qui cherche à « attaquer les passions à la racine [attaque] la vie à la racine »[8] et relève de la « volonté de négation »[9].

De ce fait, la source des valeurs de la vie est la vie elle-même. La source est immanente. Autrement dit, l’homme étant conduit par ses instincts « n [est] pas la « mesure des choses » »[10], n’est pas la source des valeurs. Nietzsche est clair sur ce point : « Que personne ne donne à l’homme ses qualités, ni Dieu, ni la Société, ni ses parents et ses ancêtres, ni lui-même… »[11]

Si telle est la conception de la vie et de l’homme ipso facto et si telle est la source des valeurs de la vie, quelle est l’origine de la morale et quelle est la valeur des valeurs de la vie ? C’est en voulant répondre à cette double question que Nietzsche procédera à la Généalogie de la morale[12] et se servira de la méthode généalogique liée à l’histoire et à la psychologie.

Pour Nietzsche, « les jugements de valeur sur la vie, pour ou contre, ne peuvent jamais être vrais : ils ne valent que comme symptômes La valeur de la vie ne peut pas être évaluée »[13]. Le diagnostic est tombé et les signes sont connus : symptômes. Symptômes de quoi ? De quelle maladie ? Le ressentiment, nous dira-t-il.. De ce fait, le ressentiment sera à l’origine de « cette inversion du regard posant les valeurs »[14]

C’est ainsi qu’est née « la morale des esclaves [qui] a toujours et avant tout besoin pour prendre naissance d’un monde hostile et extérieur, elle a physiologiquement parlant besoin d’excitation d’extérieure pour agir-son action est foncièrement une réaction »[15]. De ce fait, la Morale des esclaves sera une réaction contre la Morale aristocratique, celle des forts. Ceci étant, la Morale des esclaves combattra les instincts et sera « la formule de la décadence »[16]. Étant une « négation du vouloir-vivre [qui] est l’instinct de décadence »[17], la Morale des esclaves ou des faibles est « contre nature » car elle s’insurge « contre les instincts de la vie »[18]. Et puisqu’elle a pour impératif « fais ceci et cela, ne fais pas ceci et cela -c’est la voie du bonheur (…) »[19], Nietzsche appellera cet impératif « le grand péché originel de la raison, l’immortelle déraison »[20]. Voilà comment on assiste à une évaluation des valeurs qui n’est rien d’autre qu’une inversion des valeurs aristocratiques, celles des forts ou des maîtres. Tout cela n’est que le résultat du ressentiment. Et pourtant, il faut sauver l’homme..

Ne voulant pas être comparable à ce spectateur qui, de la rive, contemple comment le navire chavire et sombre, Nietzsche se révèle intempestif. Serrant les dents, ouvrant grandement les yeux, tenant ferme la barre de son navire, Nietzsche cherchera à voguer « directement au-dessus de la morale »[21] des faibles afin d’opérer une Réévaluation de toutes les valeurs. C’est cela la transvaluation des valeurs. Sachant qu’il n’y a que deux types fondamentaux de morale, celles des faibles et des maîtres[22], on doit rétablir celle des forts et pour ce faire, l’on aura besoin non pas des travailleurs philosophes mais des philosophes[23] devant « se placer par-delà Bien et Mal- être au-dessus de l’illusion du jugement moral »[24]. Leur tâche sera celle de créer des valeurs[25] et ce en vue de créer un nouvel homme en adoptant la philosophie de Dionysos[26]. Ces philosophes de la nouvelle race seront aussi des éducateurs ayant trois tâches principales : « Apprendre à voir, apprendre à penser, apprendre à parler et à écrire : le but de ces trois disciplines est une culture noble. – Apprendre à voir – accoutumer l’œil au calme, à la patience, à laisser les choses venir à lui, remettre à plus tard le jugement, faire le tour, sous toutes ses faces, du cas particulier et le cerner. Tel est le premier degré dans l’apprentissage de l’activité intellectuelle (…). Apprendre à voir, tel que je l’entends (…) [c’est] la force de volonté : l’essentiel, en l’occurrence, c’est justement de ne pas vouloir, la capacité de suspendre la décision (…). Apprendre à penser : dans nos établissements d’enseignement, on ne sait plus ce que c’est (…). Penser exige une technique, un plan d’exposition, une volonté de dominer le sujet, - que penser s’apprend, comme la danse s’apprend, et justement parce que c’est une sorte de danse (…). Le fait est qu’on ne saurait exclure la danse, sous toutes ses formes, d’une éducation noble, l’aptitude à danser avec ses pieds, avec les concepts, avec les mots : dois-je ajouter qu’il faut également savoir le faire avec la plume – qu’il faut apprendre à écrire ? »[27].

La réussite de la tâche de la Réévaluation de toutes les valeurs exige des stratégies. Pour ce faire, Nietzsche indique à la mouche la voie de sortie de la bouteille[28] : « Ce philosophe se servira des religions en vue de son œuvre de sélection et d’éducation, comme il se servira des conditions politiques et économiques du moment »[29].

De ce qui précède, on comprendra que la Transvaluation des valeurs, dont celles de la morale, se fait sournoisement en empruntant plusieurs voies dont se sert, entre autres, la Postmodernité.

1.2. Valeur

Pierre Bonte fait remarquer que la notion de valeur n’est pas souvent explicitée par les anthropologues qui l’emploient. De ce fait, « valeur » a « le sens de sentiment chez B. Malinowski et E.E. Evans – Prichard, de conception chez C. Kluckhohn, de signification générale chez F. Kluckhohn, de référence implicite chez G.C. Homans et A. L. Kroeber. »[30]  Toutefois, nous précise-t-il, la notion de valeur et désigne « des traits culturels normatifs. Leur identification permet de procéder à une comparaison des cultures considérées »[31]. Ceci étant, les valeurs seront comprises « comme des orientations normatives de l’actions, positives ou négatives, explicites ou implicites, organisées systématiquement  au sein d’une totalité culturelle »[32]. Comme on peut le deviner au concept valeur se trouve lié celui de comportement. Nous sommes conscient  du débat que soulève le concept valeur : doit-on distinguer l’expression (valeur) et le contenu (comportement) ? Comment la société produit-elle ses valeurs et comment ces dernières « déterminent l’ordre social »[33] ? Peut-on affirmer sans se contredire que « le débat sur les jugements de valeur et sur leur statut (…) risque fort d’être dès lors un faux problème »[34] ? L’évaluation des valeurs doit aller au-delà de l’opposition entre une conception absolutiste[35] pour éviter le « choc de civilisation.» Il y va de la lucidité pour ne pas sombrer dans « l’homme est la mesure de toutes choses » qui oublie que l’homme est un « être faillible.» Dans chaque société humaine il y a des «référence » qui jouent le rôle de boussole pour traverser l’océan de la vie.

De ce qui précède, nous voulons avoir pour compagnon de route scientifique Monsieur A.S. Mungala pour qui il faut entendre par valeur « tout fait social ou de culture qui est conforme à la raison, à la nature de l’homme et qui répond positivement aux besoins fondamentaux de la majorité des membres d’une communauté humaine »[36]. Dynamiques, les valeurs ne sont pas figées car «  les valeurs se rapportent le plus souvent aux conditions de vie et aux intérêts de la société qui les produit »[37]. Ce caractère n’a rien à voir avec le relativisme absolu (« tout est relatif »), car, devons-nous intellectuellement le reconnaître, « il existe des données de base qui, au-delà des dimensions culturelles, sociales et temporelles, semblent sous-tendre l’organisation générale du monde. Ce sont là des valeurs constantes et communes à l’humanité et sur lesquelles il est possible de porter un jugement atemporel »[38]. Et d’aucuns parleront des valeurs transhistoriques et des valeurs conjoncturelles.

1.3. Tradition et culture

Le concept tradition se définit « comme ce qui d’un passé persiste dans  le présent où elle est transmise et demeure agissante et acceptée par ceux qui la reçoivent et qui, à leur tour, au fil de générations, la transmettent »[39]. La transmission peut s’opérer oralement ou par écrit. Le « ce qu’il convient de savoir et de faire au sein d’un groupe qui ainsi se reconnaît ou s’imagine une identité collective durable »[40] est ce qu’on transmet. A dire vrai, « tout, nourriture, femmes, enfants, talismans, sol, travail, offices sacerdotaux et rang, est matière à transmission et reddition… »[41]. C’est à ce niveau que le concept culture se lie à la tradition, et on entendra par culture un « ensemble complexe incluant les savoirs, les croyances, l’art, les mœurs, le droit, les coutumes, ainsi que toute disposition ou usage acquis par l’homme vivant en société »[42]. C’est par la culture que l’homme se détache de la nature. Comme la tradition, la culture se transmet et devient ce que l’on « trouve en naissant »[43]. C’est ici que le concept d’éducation est pertinent, car par le double mouvement stimulus-réponse-stimulus, la culture, à travers l’éducation[44], forme la personnalité des individus qui, « dans l’expérience vécue, participe [nt] au renouvellement de [leur] culture sans pour autant remettre en cause les principes de cette reproduction »[45].

Tout en sachant qu’aucune culture n’est isolée, il sied de signaler que toute ouverture d’une culture vers les autres cultures, s’accompagne de la tentation de la fermeture, car l’on doit s’ouvrir tout en préservant sa différence pour bien créer l’unité des diversités dans la diversité. Ceci dit, l’on doit créditer toutes les cultures passées ou présentes de la même dignité comme le fait savoir Lévi-Strauss pour qui on est « incapable de porter un jugement d’ordre intellectuel ou moral sur les valeurs respectives de tel ou tel système de croyances ou telle ou telle forme d’organisation sociale, les critères de moralité étant pour elle, par hypothèse, toujours fonction de la société particulière où ils ont été énoncés »[46]. Oui, Louis Althusser a raison : l’on parle toujours à partir d’un lieu théorique et pratique donné. Cependant, reconnaissons-le, tout contact de différentes cultures peut être « heureux » ou « malheureux ». Tout dépend de la « qualité humaine » de ceux qui se rencontrent, personnes mues par une idéologie, car l’homme est non seulement un animal raisonnable, culturel, mais aussi un animal idéologique. Quand l’animalité idéologique prédomine, on est prêt à légitimer toute pratique avilissante comme la colonisation et pour se déculpabiliser l’on forge tout un argumentaire résumé en cette phrase : apporter la mission civilisatrice. Ainsi on finira par distribuer les diplômes d’ « évolué », de « civilisé » parce qu’ « on parle comme un blanc », « on mange comme un blanc », « on s’habille comme un blanc », « on se coiffe comme un blanc », « on marche comme un blanc ». On singe tout sans pour autant devenir un singe.

Nous ne pouvons pas terminer cette section sans convoquer le concept inculturation ou enculturation, phénomène par lequel on est introduit dans la nouvelle culture ou mieux dans une nouvelle communauté assurant un apprentissage et proposant une moralité.

1.4. Postmodernité

La Postmodernité fait parler d’elle. Nous savons  qu’il est difficile de définir la Postmodernité. Voilà pourquoi nous préférons saisir sa signification.

Perry  Anderson parle des origines et non de l’origine de la Postmodernité.. En lisant son livre, nous en découvrons douze [47]: et notre attention s’arrête sur les origines philosophiques.  Jean-François Lyotard  publia, en 1979, La Condition postmoderne, et il est le premier  philosophe qui adopta le terme. Il lia l’apparition de la postmodernité à l’émergence de la société post-industrielle théorisée par Daniel Bell et Alain Touraine. Il émet une hypothèse de travail selon laquelle « le savoir change de statut en même temps que les sociétés entrent dans l’âge dit post-industriel et les cultures dans l’âge dit postmoderne »[48].  Dans la société post-industrielle, « le savoir est et sera produit pour être vendu (…) »[49]. Discours parmi tant d’autres, la science est devenue un « jeu de langage » parmi tant d’autres (cf. Wittgenstein II) et elle a perdu sa légitimation traditionnelle qui reposait sur deux  grands récits provenant de la Révolution française et  de l’idéalisme allemand. Il se fait que dans la condition postmoderne ces grands récits ou métarécits ont perdu leur crédibilité suite à certains événements dont les deux guerres mondiales et l’Holocauste. Son livre présente la postmodernité comme une période de changement général de la situation humaine et il est devenu « la source d’inspiration d’un relativisme trivial qui passe souvent, aux yeux de ses sympathisants comme de ses détracteurs,  pour la marque de fabrique du postmodernisme »[50]. Il y a aussi Jürgen Habermas avec  La Modernité : un projet inachevé. Chez lui le concept de postmoderne recevra un traitement acerbe[51]. Frederic Jameson parlera du postmodernisme comme étant la culture du capitalisme tardif[52].

Reconnaissons que les concepts postmodernisme, postmoderne et postmodernité sont tellement liés qu’ils prêtent à confusion. Selon nous, le postmodernisme n’est pas à confondre à la Postmodernité même si tous les deux sont, sans doute, liés mais ils abordent sous des angles différents leur objet matériel commun, à savoir la Modernité. Le postmodernisme serait un « mouvement esthétique, culturel » et met l’accent sur les aspects culturels succédant à la modernité. La postmodernité concerne plutôt le social, le politique, le religieux, le scientifique et se veut aussi une réflexion sur ce nouveau mode d’être social, politique, religieux, scientifique censé succéder à la modernité, soit en l’accomplissant, soit en montrant la vanité, soit en la dégradant. De ce fait, la Postmodernité est un objet de recherche  de la part des sociologues et des philosophes. 

Quant au concept postmoderne, il y a à redire. Chez Engelhardt, postmoderne est synonyme de Postmodernité :[53]. Yves Boisvert utilise « postmoderne » comme un substantif et un adjectif. Substantif, postmoderne désigne le chercheur et intellectuel faisant de la Postmodernité son objet de recherche[54]. Adjectif, postmoderne désigne les différentes caractéristiques de la Postmodernité. Ainsi Jean –François Lyotard parlera de Condition postmoderne et d’autres des sociétés postmodernes  pour qualifier les sociétés occidentales d’aujourd’hui marquées par le pluralisme et la diversité croissante, et de culture postmoderne pour décrire l’attachement de nos contemporains à des valeurs telles que la promotion des droits et libertés individuelles, la volonté de choisir soi-même ses critères de vie, etc.[55]. A la place de postmoderne au sens où l’entend Yves Boisvert, nous utiliserons surtout postmoderniste.

De ce qui précède quel sens donnerons-nous au concept Postmodernité ? La Postmodernité est une notion apparue pour exprimer ou désigner une époque « naissante » ou une période historique dans laquelle les sociétés occidentales, en particulier, évoluent depuis un certain nombre d’années. En ce sens, elle a une signification historico-temporelle comme celles des termes « Moyen Age » et « Modernité ». Ainsi, devons-nous nous rendre à l’évidence en reconnaissant que Postmodernité est utilisée pour désigner de façon commode une époque. Pour les Postmodernistes, la Postmodernité demeure « le terme le plus représentatif du moment historique qui se déroule sous nos yeux (…). La période contemporaine ne constituerait nullement la fin de l’histoire, mais elle annoncerait plutôt une mutation importante de notre « manière d’être » ».[56]

Il sied de préciser que la Postmodernité ne constitue pas une négation globale de la Modernité et ne proclame pas encore la rupture radicale d’avec la Modernité. Les postmodernistes, dont Michel Maffesoli, font seulement le constat de la saturation de la Modernité[57]. Le préfixe « Post » signifie en quelque sorte un dépassement qui intègre le passé, car comme le fait remarquer Michel Maffesoli, il y a « une nouvelle composition à partir des éléments qui constituaient les valeurs précédentes ». Michel Maffesoli, en 2008, a défini provisoirement la Postmodernité comme « la synergie de phénomènes archaïques et du développement technologique[58]

Signalons que le philosophe Gilles Lipovetsky a sa façon d’appréhender la postmodernité qu’il nomme volontiers Hypermodernité[59]

Les caractéristiques de la Postmodernité sont, entre autres,  la Fragmentation de l’identité individuelle, le Néo-tribalisme, le Primat de l’image, le Rejet de l’histoire linéaire, de l’idée du progrès et apologie du présentéisme, l’Éthique de l’instant et la transfiguration idéologique. Dans le cadre de notre travail, c’est le Néo-tribalisme qui nous intéressera car en son sein on vit les autres caractéristiques de la Postmodernité.


 

2.          ÉDUCATION TRADITIONNELLE AFRICAINE

Cette deuxième partie portera sur l’éducation traditionnelle africaine. Celle-ci a pour objectif de former une personne selon un profile donné. En outre, cette éducation a ses propres caractéristiques, ses techniques et ses agents.

2.1.            De l’éducation traditionnelle africaine

Nous inspirant de Mahatma. Gandhi, nous dirons que «la vraie éducation consiste à faire venir à la lumière le meilleur d'une personne"[60]. Qu'est-ce qu'il y a de meilleur dans une personne? À notre humble avis, c'est l'aspiration à devenir plus, à être plus tout en étant mieux qui soit le meilleur dans une personne.

L’éducation traditionnelle cherche à attendre le même but, et ce en se fondant sur les traditions africaines transmises de génération à génération. D’où elle a ses propres caractéristiques.

2.1.1.      Caractéristiques de l’éducation  traditionnelle africaine

L’éducation traditionnelle africaine présente plusieurs caractéristiques et nous en retenons quelques  unes.

2.1.1.1.            Cette éducation est collective

-          « Abana ni nsokolobe, tashilya watemene = les enfants sont comme des fruits qui ne profitent jamais à celui qui les a cueillis. Ce ne sont pas les propres parents qui bénéficient des fruits de leurs propres enfants »[61].

-          « Umunwe umo, toutola inda = un seul doigt ne peut ramasser ou écraser le pou » (Proverbe bemba).

De par ces deux proverbes la sagesse bemba, nous devinons que l’éducation d’un enfant est l’affaire de toute la communauté. L’enfant fait son apprentissage dans le groupe social où il vit. Puisqu’il est considéré comme un bien commun, toute la communauté doit participer à son éducation, à sa formation. Cela exige, de toute la communauté, de mettre en pratique « le principe de cohérence dans l’action éducative »[62]. 

2.1.1.2.            Cette éducation est pragmatique et concrète

-          « Cibumbwa pala noko, pala wiso ukuwana na noko wakufyele = enfant, ressemble à ta maman ; sois bon comme ton père et ta mère qui t’ont mis au monde. Tel père, tel fils. » (Proverbe bemba)

-          « Mviosi mwana leze, wa muntu nkulutu = l’enfant siffle, (il l’a appris) sur la bouche de l’adulte »[63] (Proverbe yombe)

Pragmatique et concrète, l’éducation traditionnelle africaine invite l’enfant à être aussi un agent de sa propre éducation en imitant les bons exemples des parents, des ainés et des adultes. Voilà pourquoi les anciens ou adultes sont priés de poser des actes qui les posent comme des modèles, des références pour la jeunesse. L’on fait appel aux « principes de pragmatisme, de l’expérience et de l’exemple »[64].

2.1.1.3.            Cette éducation est fonctionnelle

-          « On ne construit pas une maison sur une autre = une jeune fille ne peut se fiancer à deux hommes à la fois »[65] (Proverbes basuto)

-          Même si l’oiseau est petit on ne l’avale pas entièrement = La justice est la même pour tout le monde »[66] (Proverbe Ashanti).

-          « Mtumbwi uheshimu maji na maji yaheshimu mtumbwi = que la pirogue respecte l’eau et que l’eau respecte la pirogue »[67].

À  chaque sphère existentielle  comme le mariage, la justice l’autorité, correspondent des proverbes appropriés. Les connaissances transmises par l’éducation doivent être utilitaires afin de bien se conduire dans la vie et afin d’affronter, en connaissance de cause, les difficultés de la vie. C’est ici que s’éprouve « le principe de fonctionnalité »[68].

2.1.1.4.            Cette éducation est orale

-          « Boma insoka nakamuti ukwete = on tue le serpent avec le petit bâton qu’on a dans la main » (Proverbe bemba).

-          « Akanwa kamukote kalanunka = la bouche d’un vieillard sent mauvais, mais la porale qui en sort ne sent pas mauvais » (Proverbe bemba).

L’éducation traditionnelle africaine relève de l’oralité dans sa majorité faute de l’écriture. Ceci étant, la parole prononcée lors de différents événements de la vie (naissance, travail, mariage, deuil, rite, palabre, etc.) était sacrée et bien retenue. Voilà pourquoi la mémoire de tout membre de la communauté doit être  vive et réactualisée. Il y va de la survie de la communauté.

2.1.1.5.            Cette éducation est continue et progressive

« L’édenté ne se mêle pas d’une affaire d’os »[69] (Bamoun)

« Kila kintu ne nshita = chaque chose a/en son temps » (Proverbe bemba).

« Kila mlango kwa ufunguo wake = chaque porte a sa clé »[70].

« Inkoko ilya icilingile pa mulomo wakwe = la poule mange ce qui correspond à la grandeur de son bec » (Proverbe bemba).

L’éducation traditionnelle africaine est réaliste, en ce sens qu’elle est adaptée à chaque âge comme à chaque porte correspond une clé. Cette éducation tient compte du développement de l’être humain et ce, du point de vue biologique, intellectuel et spirituel. Respectant la hiérarchie, cette éducation a une « matière » propre aux adultes ou ainés et aux jeunes. Voilà pourquoi les jeunes sont parfois chassés des groupes des adultes quand ces derniers doivent parler « en adulte ».Tenant compte de l’âge, cette éducation est continue, car elle accompagne l’être humain dans sa croissance et de ce fait même elle est permanente, car, dit-on, «  umwana takula ku bafyashi = l’enfant reste toujours enfant face à ses parents » malgré son âge avancé, malgré sa progéniture nombreuse, malgré ses prouesses et richesses. On a toujours à apprendre. Du fait qu’elle est adaptée à l’âge et qu’elle est continue, permanente, cette éducation applique le « principe d’adaptation »[71].

2.1.1.6.            Cette éducation est mystique

-          « Watu waliona chawa ndani ya nyannya = les hommes ont vu les poux dans la tomate »[72] (Proverbe de Wazimba)

-          « Dunia mti kavu, kiumbe, siulemee = le monde est comme un bâton sec ; créature, ne t’y appuie pas »[73]

-          « Utia vanda, yekula moyo = si tu veux des fétiches ou la magie, abandonne ton âme[74].

L’éducation traditionnelle africaine met en valeur le caractère mystique de l’être humain. Cela découle de la conception du monde et de l’être. Ce dernier est/a (une) force. Celle-ci ne doit se stabiliser que dans un réseau de forces complexes allant du monde invisible au monde visible. D’où l’harmonie est à établir entre ces deux  mondes. Pour ce faire, l’éducation fera connaître aux êtres humains d’un certain âge requis la connaissance et le bien fondé de certains interdits, tabous, pratiques, devoirs et obligations, car il y va de la vie de tous.

L’homme éduqué mystiquement saura voir les poux dans la tomate, apprendra comment s’appuyer contre le bâton sec qu’est le monde. Surtout il saura lier sa langue quand il est devant les non-initiés.

De par son initiation par laquelle il est entré dans une nouvelle dimension de la vie, il connaîtra les mystères de la vie, du mariage, du respect envers les anciens et les morts, mettra en pratique ses devoirs (respect, entraide, hospitalité, responsabilité, et découvrira le secret et le bienfait de différents rites exécutés lors de la grossesse, de la naissance, de l’agriculture, de la récolte, de la pêche, du deuil et de l’enterrement. Il apprendra, lors de l’initiation, ce qu’est la parole, sa force, et son mystère selon qu’elle est prononcée de cette façon-ci accompagnée de telle geste ou de telle autre. C’est pendant l’initiation qu’il découvrira pourquoi la sorcellerie et la magie sont des feux avec lesquels il faut éviter de jouer, car « utia vanda, yakula moyo = si tu veux des fétiches ou la magie, abandonne ton âme ». Ainsi il retentira, à tout moment dans son «  oreille », ce proverbe : « Umwana bamufunda pakuya = on instruit l’enfant avant qu’il ne s’engage dans une affaire » (Proverbe bemba) ou mieux « un homme averti en vaut deux ».

De ce qui précède, on doit ajouter aux différents principes éducatifs, « le principe du mystère »[75]


 

2.1.1.7.            Cette éducation est homogène, uniforme, complète, polyvalente et intégrationniste

-          « Ce n’est pas la main, mais le cœur qui donne »[76] (Proverbe Bahaya)

-          « Un enfant qui sait se laver peut manger avec les parents »[77] (Proverbe Fante)

-          « Pfumu ulenda yoko, batu Kalendila bobo = Le chef qui n’aime pas le bruit, ce sont les gens qu’il déteste ainsi »[78]

-          « Bakala phanda = l’homme est une magie »[79]

-          « Akafumbe ukunona Katula Ku bwaice = la petite souri nommée Kafumbe est grasse depuis sa tendre enfance » (Proverbe  bemba)

-          « Umwana wa bonse = toute la communauté est parent de  l’enfant » (proverbe bemba)

L’éducation traditionnelle africaine est homogène du fait qu’elle se réfère à celle donnée jadis par les ancêtres à qui on se réfère à travers les proverbes, les expériences, et elle est uniforme, car elle a soumis et soumet tous les êtres humains aux mêmes principes éducatifs. Oui, « le cœur conserve ce que l’oreille a entendu » et ce, en vue de le communiquer et de l’enseigner.

Cette éducation se veut également complète et polyvalente, car elle doit informer et former un être humain, et ce dans toutes les sphères de la vie. Pour ce faire, il faut apprendre à l’enfant à se laver les mains pour être à même de manger avec ses parents sans salir la nourriture.  Pour que cet enfant soit « gras » dans sa vie, il doit « s’engraisser » dès l’enfance en apprenant auprès des anciens. Ainsi il saura devenir un bon forgeron, un bon chasseur, un habile pêcheur, un vaillant agriculteur et un bon chef de la famille, du village, etc. Pour ce faire, il sied de lui faire comprendre que « ce n’est pas la main, mais le cœur qui donne ». Alors, « l’homme sera une magie », capable d’exploits et de rendre service à toute la communauté, et ce, sur plusieurs plans. Toutefois, cela est rendu possible par une éducation intégrationniste qui modèle l’enfant en un être avec-autrui-et-pour-les-autres.

Homogène, uniforme, complète, polyvalente et intégrationniste, l’éducation traditionnelle africaine forme selon un profil d’homme voulu-pour-et-avec-la-communauté, un homme complet physiquement, intellectuellement, spirituellement, mystiquement et professionnellement. De ce fait, cette éducation mobilise toute la communauté à réussir cette mission et met en pratique plusieurs techniques d’éducation dont les agents éducatifs feront usage.

2.1.2.      Agents éducatifs et techniques d’éducation

-          « La rosée ne vous mouille pas si vous marchez derrière un éléphant = la route tracée par les parents est facile »[80]

-          « Un oiseau ne vole pas avec une aile = éduquer est le devoir commun du père et de la mère »[81].

-          « Si la marmite ne peut préparer le repas, la bouteille ne le pourra pas non plus = l’école ne peut rien où les parents on échoué[82].

L’éducation traditionnelle africaine de l’enfant commence dès la conception de ce dernier. Pour que l’enfant naisse dans de bonnes conditions physiques, spirituelles et mystiques, certains interdits et tabous sont à observer de la part des parents. Toute la communauté se mobilise afin que la naissance soit « douce ».

Une fois né, l’enfant sera bien accueilli, protégé et une cérémonie sera organisée. Il recevra un nom significatif. Rien ne se fait au hasard.

Ainsi dans la première enfance, l’enfant sera sous la protection de sa mère. Une fois sevré, il entrera dans une période existentielle : on le grondera, on le « frappera avec amour ». Il comprendra qu’on n’est plus indulgent envers lui, il expérimentera le « rejet » et l’ « accueil » d’autres membres de la communauté comme ses frères et ses sœurs, les voisins, etc. Comme on peut le deviner, les parents sont les premiers agents éducatifs.

Dans la première enfance, « l’éducation est encore diffuse, le mode de transmission des connaissances est informel et on éduque plus par ce que l’on est que par ce que l’on fait. L’enfant assimile petit à petit la philosophie de l’existence de ses parents ou de son entourage immédiat et le fait sienne »[83].

Quand l’enfant entrera dans la seconde phase de son existence, celle de la socialisation, entre 7 et 15 ans, plusieurs agents éducatifs entrent en jeu. Les grands-parents, toujours disponibles, transmettront aux enfants la tradition, car ils sont le trait d’union entre le passé et le présent. En effet,  ils sont des « bibliothèques vivantes ». C’est souvent chez eux que les petits enfants habitent. Les grands parents jouent le premier rôle, celui d’intégration sociale. Appelant les petits fils ou petites filles « ami (e) s », « maris », « femmes », les grands parents se comportent comme égaux, connivents, alliés aux petits fils et filles, et il y a entre eux une propension à la plaisanterie. Quitte à faire voir aux petits fils et filles que l’écart de langage est prohibé et qu’on ne plaisante pas avec n’importe qui, n’importe comment et n’importe quand. Autrement dit, les grands-parents inculquent et développent, dans le chef de petits fils et filles, le bon sens sans lequel la société les prendrait pour « abakula fye ubwansupa = ils sont grands comme des calebasses ». Cela veut dire, ils grandissent en taille comme la calebasse et, non en intelligence et sagesse.

Une autre catégorie d’agents éducatifs est constituée des aîné (e) s, des adultes et plus particulièrement des vieillards de la communauté.

Tout vieillard mérite l’attention et le respect de tous : « Umushi wabula umukote, cibolia = un village sans vieillard, est un village en ruine », dit-on chez les Babemba. Tout vieillard est prêt à mettre son expérience ou service de la jeunesse, voilà pourquoi les Bayombe disent que « ubaka nunu, keba = si tu as un vieillard, soigne-le (garde-le) »[84]. On doit leur témoigner de la reconnaissance durant toute leur vie, et ainsi on aura leur bénédiction. Voilà pourquoi on doit puiser pour eux de l’eau, on doit les aider à transporter du bois ou tout fagot. Si leurs bouches sentent mauvais, toute parole qui en sort, est pleine de sagesse.

Entrés dans la vie adulte, les « anciens enfants » rencontrent une autre catégorie d’agents éducatifs, à savoirs les « Initiateurs ». Ces derniers ne leur sont pas étrangers. Ils les découvrent sous un nouveau soleil, dans un autre rôle. Ils symbolisent « l’autorité de fer », ils inspirent le respect et exigent l’obéissance. Leur rôle sera d’intégrer ces adultes en « devenir » dans la société « réelle » et les aider à passer d’une vie à une autre, et créer en eux une nouvelle conscience, celle d’hommes et femmes adultes. Ils seront « transfigurés » de par l’éducation qu’ils recevront. Ils sont invités à devenir des hommes et femmes complets.

À côté des parents, grands-parents, vieillards et initiateurs, nous pouvons citer les griots, les conteurs et les chanteurs comme agents éducatifs.  Les premiers, détenteurs de la parole et de la mémoire sociale de la communauté, sont indispensables pour la transmission, à la jeunesse ou générations futures, des faits et événements importants  de la communauté. Les seconds, experts de la parole et formés en figures de styles, bons orateurs, savent charmer par leur contes et captivent l’attention de la jeunesse qui, à travers les contes, apprennent  une autre face de la vie. Les derniers, experts en chants et danses, transmettent à  la jeunesse la sagesse et les connaissances à travers les chants. C’est une école de musique, de chorégraphe et de tam-tam qu’ils incarnent et enseignent.

Tous ces agents éducatifs jouent le rôle des éléphants dissipant la rosée afin qu’elle ne mouille pas les enfants. Ces agents éducatifs exercent leur fonction dans tout lieu : au champ, à la chasse, à la pêche, à la maison, dans la brousse, etc.

2.2.2.2. Les techniques d’éducation

- « Ajifanyiza chongo angaona = il se fait passer pour borgne, bien qu’il voit. Il n’y a pire sourd que celui qui ne veut pas entendre »[85]

- « Kisiki mgini, japon kifupi, kina maneno mengi = une souche au village, même petite, a beaucoup de paroles »[86].

Essentiellement orale, l’éducation  traditionnelle africaine se sert de plusieurs techniques. Parmi elles nous retenons les contes, les légendes, les devinettes, les proverbes, les jeux, la peur, les rites d’initiation, les chants, l’épopée.

Le conte constitue une technique d’éducation utilisant souvent la métaphore, la prosopopée et tant d’autres figures de style. Son rôle est celui de former l’enfant en lui transmettant des connaissances embrassant toutes les sphères de la vie. C’est le soir, autour du feu, que le conte a sa place, car la journée est réservée aux travaux. Tout conte termine par une leçon morale.

La légende est une technique créant l’identité ethnique. En apprenant l’histoire de sa famille, de son ethnie, on finit par apprendre conscience de ses origines et de ses us et coutumes. En apprenant la cosmogonie, la géographie, la généalogie, les cours d’eau de son territoire, on finit par devenir un acteur et protecteur de son ethnie et de sa terre.

Par les devinettes, l’enfant développe son esprit et son sens d’observation. Il est invité à se servir de ses différents sens (ouïe, odorat, toucher, vue goût) et à développer son imagination en vue d’acquérir le sixième sens. Les devinettes reposent sur « le pédocentrisme : l’enfant est considéré comme agent principal de l’enseignement car c’est lui seul qui doit chercher à trouver la bonne réponse ; l’émulation : les enfants sont amenés à se surpasser pour trouver la bonne réponse ; la démocratisation : tous les enfants du clan ou du village sont acceptés à ce jeu sans discrimination »[87].

Les proverbes jouent dans l’éducation des enfants un rôle indéniable. Chaque proverbe exprime un message, un code et il est utilisé dans plusieurs circonstances comme la fête, le rite, le deuil, la  palabre, la veillée[88], le mariage, la guerre, la réconciliation, etc. Le contenu des proverbes concerne les différents domaines de la vie et invite à un comportement conscient et conséquent. D’où l’honnêteté, l’entraide, l’hospitalité, la prudence, la vigilance, l’amitié, la politesse, la solidarité, le travail, etc. sont des valeurs mises en exergue.

Les jeux sont une occasion ou mieux une technique d’éducation. Ils font partie de l’éducation physique car l’on a besoin d’un corps sain pour un esprit sain. Il y a plusieurs catégories de jeux : jeu de hasard, de comptage, de course, « impeta »[89] « isunbi »[90], « Kange »[91], etc. Ces différents jeux sont des exercices formant l’endurance physique, développant l’intelligence, l’imagination, la perception, invitant à accepter l’échec, la sanction et l’humilité. Ajoutons que chaque jeu a ses règles à respecter.

La peur est également une technique d’éducation. Par elle, l’enfant, dans un premier temps, apprend à respecter « les règles, les lois et les préséances vitales qui ordonnent toute la vie sociale. L’individu a peur des conséquences naturelles ou surnaturelles qui pourraient lui arriver s’il transgresse les lois, les interdis, les tabous, etc. (…) On recourt à la peur en évoquant des personnages mystérieux et redoutables, des croque-mitaines, etc. »[92] Devenu grand, il comprendra le sens d’être de la peur comme technique d’éducation.

Les rites d’initiation, marquant le passage de l’adolescence à la vie adulte et servant du moment d’enculturation, jouent un rôle indispensable, celui de « combler les lacunes de l’éducation antérieurement (sic), de rendre l’adolescent capable de porter le poids, de supporter les difficultés et de pénétrer les secrets de la vie nouvelle. Les dures épreuves inhérentes à ces pratiques ont pour but de développer l’endurance physique du sujet, de combattre en lui toute forme de violence et de lui imposer la soumission totale afin de préserver et de garantir l’unité et la survie du groupe »[93].

Les chants, de par leur contenu, exécutés selon les circonstances, sont une occasion pour former les enfants à l’écoute, à l’harmonie et à l’art. En reprenant les chants, les enfants participent à la vie et à la survie de la communauté et de la tradition. C’est à ce niveau que l’épopée, récits épiques, souvent ponctués de chants, envoûte la jeunesse et leur présente des héros à imiter de par leur courage et l’amour de la patrie.

3.          DIFFÉRENTS AXES DES VALEURS TRADITIONNELLES AFRICAINES

Les valeurs traditionnelles africaines relèvent de plusieurs axes ou dimension. Kä MANA[94] nous servira de guide dans le classement des axes. De ce fait, il sera question de l’axe « des valeurs fondamentales », de celui « des valeurs régulatrices de la vie sociale » et de celui « des valeurs donatrices d’un sens à la société vécue ».


 

3.1.            Axe « des valeurs fondatrices de l’Afrique »

Les valeurs fondatrices de l’Afrique constituent le socle sue lequel repose toutes les autres formes de valeurs. Subdivisées en trois groupes, les valeurs fondatrices de l’Afrique sont faites de celles qui ont  trait au sens profond de Dieu et du sacré, de celles prônant l’unité anthropologique profonde entre les humains et de celles manifestant les « liens indestructibles de communion entre l’Homme et la création comme lieu d’interactions des forces de vie »[95].

3.1.1.      Valeurs du sens profond de Dieu et du sacré

-          « Dieu est comme le fleuve, on ne lui porte pas rancune »[96].

-          « La vie nous est léguée par Dieu, la mort est léguée par les ancêtres »[97].

Dieu, dans la tradition africaine, est sacré et son nom n’est pas à prononcer impunément. Voilà pourquoi, pour tout ce qu’il est et fait, il mérite les louanges. Celles-ci sont de plusieurs natures. Il y a des louanges à Dieu selon les circonstances de la vie humaine : « Lesa Kapekape mwine fyonse = Dieu donateur ou bienfaiteur car propriétaire de tout ce qui est : Dieu  accorde ses bienfaits à tout homme, car tout lui appartient »[98]-,  selon ses exploits : « Lesa Finshi kubuli, kubule mfula kwabo mwela =Dieu source de deux obscurités, si l’une ne provoque pas de pluie, l’autre engendre le vent : Dieu est à la source de plusieurs catégories d’obscurité dont deux principalement. S’il y a une obscurité en plein jour, soit il pleuvra soit il y aura le vent.[99]- selon le mystère de la nature : « Lesa Katungulu mwine calo = Dieu Katungulu Maître ou propriétaire du monde : c’est à Dieu que le monde appartient ».[100]

Comme on peut le remarquer toutes ce louanges montrent que Dieu reste le maître de la vie humaine, végétale ou mieux de toute la création et, il reste un mystère pour l’être humain.

3.1.2.      Valeurs de l’unité anthropologique entre les humains

-          « Uwawa taimina = celui qui tombe a toujours besoin d’un autre pour se relever »[101].

-          « Deux à deux est le secret du bonheur = il faut savoir compter sur les autres et les aider aussi »[102].

Les êtres humains ont tous un même Père, à savoir Dieu ; d’où il existe une unité anthropologique profonde entre les humains et cela implique les devoirs et les droits. De ce fait, l’être humain doit pratiquer, entre autres, la solidarité, l’entraide, le respect des autres, l’hospitalité, etc.

3.1.3.      Valeurs des liens indestructibles de communion entre l’Homme et la création

-          « La tortue ne quitte pas sa carapace »[103].

-          « Le buffle ne fuit pas le marécage où il est né »[104].

L’Africain traditionnel vit une communion indestructible avec la création. Il y a une interdépendance entre l’Homme et la créature. Ceci étant, l’Homme comprend que « tout est lié, tout est traversé par une même énergie de vie dont chaque être humain est responsable toujours et partout. Une énergie qui unifie la réalité dans un même rythme et dans une même translation des forces vitales sans lesquelles la personne humaine et la société perdent leur substance, se brisent dans leurs ressorts vitaux, cassent leurs dynamiques créatives, se dissolvent dans l’inconsistance ontologique, tournent à vide, perdent tout sens d’orientation et toute conscience profonde de leur être »[105].

En effet, dans sa communion indestructible avec la créature, l’être humain considère celle-ci comme sa « Patrie-Mère » dont il ne peut se séparer sous peine de mourir. Il est comme la tortue qui ne quitte pas sa carapace. De ce fait, il doit veiller sur la création. C’est ici que résonne le cri écologique qui pousse l’homme à imiter le buffle qui ne fuit pas le marécage où il est né. Mais l’homme doit nettoyer « son marécage » pour le rendre propre. Il y va de sa survie. Il faut imiter le ver qui entre en terre grasse, car il faut habiter là où on peut être heureux. Et pour l’homme, le seul lieu de son bonheur est la Terre avec ses rivières, ruisseaux, forêts, vallées, montagnes, pierres, etc.

3.2.            Axe « des valeurs régulatrices de la vie sociale »

-          « Koko mosi kusananga mzawu ko = un seul bras ne dépièce pas un éléphant »[106].

-          « Ukila na kipofu, usimshike mkono = si tu manges avec un aveugle, ne lui prend pas la main. Ne l’empêche pas de puiser au plat ou ne le trompe pas »[107].

-          « Umuti ukulu tawiniina = un grand arbre ne se monte pas dans lui-même. On a besoin du plus petit que soi »[108].

A travers ces proverbes, l’on voit apparaître les valeurs régulatrices de la vie sociale afin d’instaurer une dynamique pouvant créer une harmonie dans les relations humaines. Ainsi on apprendra à fuir les défauts et vices (méchanceté, médisance, orgueil, égoïsme, vol, gourmandise, paresse, impatience) et à cultiver les vertus comme l’obéissance, l’entraide, la bonté, l’entente, la modestie, le travail, l’effort, la discrétion, la prudence, la responsabilité, le pardon, etc.

3.3.            Axe « des valeurs donatrices d’un sens à la société vécue »

-          « Umusuku ubi : utushe mponga = un mauvais fruit Musuku, fait détester toute la brousse où il a poussé »[109].

-          « Nta nabuijiri hano i gulu = Ici-bas, personne ne se fait tout seul » (Proverbe Mashi)[110].

-          « Bakulu babiri bahanga obwarho = Ce sont deux personnes mûres qui réparent une pirogue » (Proverbe Mashi)[111].

-          « Kudu-Kudu bakonga mbamba, diela mutu yaku = c’est grâce à l’autre que tu parviens à protéger la calebasse » (Proverbe Yombe)[112].

-          « Maneno mengi ukongo = Trop parler nuit »[113].

La vie communautaire a ses hauts et ses bas. Voilà pourquoi l’on a besoin des valeurs pouvant donner un sens à la société vécue. Cela contraint toute personne active à être digne de considération dans la société en évitant d’être un « umusuku ubi ». Sinon toute la société sera mal vue suite à la méconduite d’une personne. En outre, il est souhaitable que les membres de la société s’ouvrent aux autres et prêtent l’oreille aux conseils, car ici-bas, personne ne se fait seul. C’est avec le concours des autres que l’on grandit en intelligence et en sagesse. Et puisqu’il en est ainsi, il sied de se mettre au service de la société en prenant des initiatives comme celle de réparer la pirogue qui est un moyen de navigation pour la société. Par ailleurs, chaque membre de la société, pour son bien et celui de la société, doit savoir « promouvoir un grand langage pour ne dire que ce qui compte vraiment et édifie la vie commune »[114], car « trop parler nuit » à tout le monde et déséquilibre toute la société.

De ce qui précède, l’on comprendra que le souci de promouvoir et d’inculquer les valeurs donatrices de sens à la société vécue » est une des caractéristiques de la tradition africaine.

Comment sont vécues les valeurs traditionnelles africaines à l’ère de la Postmodernité ? Quelle place a, de nos jours, l’éducation traditionnelle africaine à l’ère de la Postmodernité ? Quaeretur.

4.          LA TRANSVALUATION DES VALEURS TRADITIONNELLES AFRICAINES À L’ÈRE DE LA POSTMODERNITÉ

La transvaluation des valeurs est le fruit du relativisme qui a pris d’assaut l’institution famille et d’autres sphères de la vie et qui a provoqué et provoque encore la fragmentation de l’identité de l’individu. De ce fait, à la place de la famille s’établit petit à petit le Néo-tribalisme. Celui-ci est une métaphore « pour décrire les rassemblements affinitaires qui (…) paraissent miter le corps social (…). Il y a une multiplicité d’affinités électives qui , dans tous les domaines, constituent ces micro-tribus dont nous sommes parties prenantes au travers des diverses institutions auxquels nous appartenons »[115].

La jeunesse fuit la famille biologique pour s’agréger à la famille sentimentale, affective et même religieuse. De ce fait, l’éducation traditionnelle africaine échappe à la famille. À dire vrai, la jeunesse veut expérimenter la culture du sentiment. En d’autres mots, les jeunes s’agrègent suivant les occurrences ou les désirs. L’admiration et le goût sont les nouvelles formes de valeurs et servent de ciment pour lier les jeunes entre eux. Les parents, les aînés et les vieillards n’ont pas d’emprise sur eux et d’aucuns parlent des conflits des générations. Dépassés, certains parents cultivent le laxisme et voulant satisfaire tous les désirs de leurs enfants, ils plongent dans le « permissisme » à l’égard des enfants.

À la place de l’Identité, on vit l’Identification, car les métarécits, ici les légendes et épopées propres aux ethnies donnant sens à l’existence de l’ethnie et à ses valeurs traditionnelles, ont explosé en micro-récits dont les figures auxquelles on s’identifie ne sont plus , les parents, les maîtres initiateurs  et les héros des épopées , mais les Madona, les Céline Dion, les Rambo, les nouveaux gourous, les stars de film ou de publicité dont la coiffure, l’habillement, etc. servent de modèles.

À cause de l’identification, l’autorité parentale est relativisée. La jeunesse fait plus attention aux leaders du Néo-tribalisme (pasteur, gourou, copain, copine, etc.) ; la hiérarchie se nivelle et la jeunesse se moque des aîné(e) et des anciens de qui ils n’ont rien à apprendre et prêtent plus l’oreille à leurs idoles. Les valeurs du Néo-tribalisme sont recherchées. Ainsi le parler, le rire, l’habillement, la marche, la coiffure, le beau, etc. ne se réfèrent plus aux valeurs traditionnelles ou familiales. La mode est la seule conseillère. La publicité est « le maître à penser » et éduque au changement de « penser », de « s’habiller », de « se coiffer » ou mieux d’apparaître.

De ce fait, la stabilité se transforme en nomadisme. Ce phénomène se caractérise par le fait que la jeunesse se déplace de groupes en groupes et joue tous les rôles à la fois. Ce nomadisme est aussi d’ordre sexuel : tantôt on se considère comme homme, tantôt on se prend pour une femme. Ainsi, les hommes se coiffent comme des filles ; certaines filles se réjouissent d’avoir la barbe et certains garçons ne se gênent pas à se faire percer les oreilles. L’homosexualité[116] est comme une expérience à vivre. Le nomadisme est aussi d’ordre spirituel et mystique. Spirituel, on verra la jeunesse passer d’une église à une autre, d’une croyance à une autre et ce selon ses goûts éphémères. Du point de vue mystique, la jeunesse passe d’une société secrète à une autre, car les radios, le facebook et l’Internet sont devenus des moyens de recrutement  et parfois d’initiation.

Dans ce Néo-tribalisme, la maison et l’École ne sont plus des lieux de lien. Par le nomadisme, on trouve d’autres lieux faisant lien. Pensons aux buvettes clandestines, aux stades, aux kermès, aux cybercafés, aux nouvelles églises, etc. Tous ces lieux servent d’endroits où l’on peut partager l’émotion, où on éprouve le sentiment collectif. Dans le Néo-tribalisme, le nouveau lien ne se base plus sur la descendance d’un ancêtre commun, ou encore moins sur la communauté sanguine. Le lien est, au contraire, fondé sur l’émotion partagée, le sentiment collectif. Il y a un vrai « consensus », au sens  étymologique de  cum-sensualis, « sentiment partagé »[117]. En effet, la jeunesse trouve dans ces hauts lieux la possibilité de se reconnaître tout en s’identifiant aux autres.

Comme on peut le voir, le Néo-tribalisme est devenu un nouveau modus vivendi, une nouvelle socialité avec ses hauts lieux. C’est ici que le Néo-tribalisme va de pair avec la thématique de l’espace (espace, territoire, urbanité, localisme). Cela se comprend, car la synergie entre espace et socialité permet d’exprimer le fait de sentir, d’éprouver ensemble. La socialité dans ce Néo-tribalisme se communique grâce à la proximité de l’espace, lequel espace est le lieu d’expérimentation commune même si on n’appartient pas de manière définitive à ce lieu. Ceci explique le nomadisme, ce travelling au travers d’espaces multiples. C’est une autre manière de vivre l’espace.

Les hauts lieux du Néo-tribalisme accompagné du nomadisme expriment l’apologie du Présentéisme. D’après ce dernier, « la vraie vie est sans doute sans projet puisqu’elle est sans but précis (…). Le présent est divin en ce qu’il est l’expression d’un « oui » à la vie »[118]. C’est le retour du carpe die ou de l’hédonisme. Le présentéisme privilégie le situationnisme s’employant « à jouir de ce qui se présente, de ce qui se donne à voir, de ce qui se donne à vivre »158. Il permet, en outre, à la persona[119] la connaissance de soi et la reconnaissance de l’autre avec qui on partage la touffeur du présent dans le groupe, la tribu, « l’affinité élective ».

Le Présentéisme conduit au primat de l’image. la Postmodernité exalte le corps beau à exposer, à faire envie. L’image est devenue une mode. L’Internet, la publicité, les films sont les nouvelles écoles de l’’image de marque. Les personnages de l’Internet comme ceux de la publicité et des films attirent et attisent la convoitise. Le paraître l’emporte sur l’être.

A dire vrai, la Raison s’est transformée en valorisation du sentiment, de l’émotion, de la passion partagée.

Dans le Néo-tribalisme, se vit la notion de laltérité, le « nous collectif ». Cependant cette altérité faite des personae engloutit ses membres. Chacun s’y perd, car dès le point de départ il y a fragmentation identitaire et à la place surgit l’identification.

La Postmodernité voudrait bien parler d’Éthique et non de Morale. Michel Maffesoli, dans le cadre de la Postmodernité, appelle éthique une morale «  sans obligation ni sanction. Sans obligation autre que celle de s’agréger, d’être membre du corps collectif, sans sanction autre que celle d’être exclu si cesse l’intérêt. (inter/esse) qui me lie au groupe »162. L’éthique  de la Postmodernité se veut « déontologique » (ta déonta) prenant au sérieux les situations locales, temporelles, et prône l’optatif, le «  vouloir être ». 

D’où , la Postmodernité fait émerger une éthique propre à elle-même qui tourne le dos au « devoir », à l’impératif catégorique et réclame le « vouloir être » basé sur l’optatif, le « il faut bien… ». Le présentéisme se fonde sur l’Éthique de l’instant. Celle-ci est cause et effet de « la culture du plaisir, [de] l’affrontement au destin »161.

Comme on le perçoit, le Néo-tribalisme manifeste la transvaluation des valeurs traditionnelles africaines devenues semblables à la lumière d’étoiles déjà mortes. Ainsi notre société semble vivre par-delà le bien et le mal.

5.          PLAIDOYER POUR UNE NOUVELLE SOCIÉTÉ AFRICAINE OU COMMENT ON PHILOSOPHE À LA TRUELLE ET NON AU MARTEAU

Avant de proposer la philosophie à la truelle, nous trouvons opportun de discuter sur la pertinence du concept Néo-tribalisme  Celui-ci ne fait pas l’unanimité parmi les chercheurs. Qu’est-ce qu’une tribu pour qu’elle devienne une métaphore chez Michel Maffesoli spécialement ? Ne serait-il pas heureux d’utiliser un autre terme à charge heuristique ? Gilles Lipovetsky, quant à lui, propose la notion de Néo-individualisme lors d’un débat contradictoire avec Michel Maffesoli[120]. Gilles Lipovetsky pense que le Néo-individualisme est une « seconde révolution individualiste » rattachée à l’avènement de la consommation et de la communication de masse. Il y a « la valorisation de l’individu autonome, libre, égal à ses semblables »[121] et cette culture individualiste se caractérise par un certain nombre de traits fondamentaux, à savoir « l’expansion de l’autonomie subjective, le culte hédoniste du présent, le culte du corps, le culte psy et relationnel, l’effondrement des grandes idéologies de l’Histoire (…), le culte de la consommation et du marché »[122]. Michel Maffesoli, s’appuyant sur son concept opératoire de Néo-tribalisme, reste convaincu que « cette grande catégorie de l’individu et de l’individualisme fait eau de toutes parts (…). Or ce que l’on observe, de façon empirique, c’est plutôt le fait qu’il n’y a guère d’autonomie. Je n’existe que dans et par le regard de l’autre. Ce qui est plutôt de l’ordre de la fusion. (…). Plutôt que de garder le mot ‘individu’ et de le nuancer comme le fait Gilles Lipovetsky, je proposerais la notion de ‘personne’. Plus que l’individu, la personne est plurielle. Elle peut choisir des masques grâce auxquels elle peut être à la fois ceci et autre chose »[123].

En pratique, avec ce qu’observe, n’a-t-on pas droit de parler de « horde », de « secte », de « bande », de « clique » en lieu et place de Néo-tribalisme et de Néo-individualisme ? Voilà notre point de vue sur ce point. Mais pour notre étude, nous avons opté pour le concept néo-tribalisme.

Vouloir plaider pour une nouvelle société     africaine, nous contraint à évaluer ou mieux à Re-réévaluer la pensée de Nietzsche portant sur les valeurs morales. Ceci étant, il nous faut deux formes d’argument : argument ad hominem et argument ad rem.

La « biosophie » de F. Nietzsche pose problème. Nous lui reprochons le réductionnisme. Il ne réduit l’être humain qu’aux instincts. Fils de son temps, F. Nietzsche est victime de sa définition de l’instinct. Ce dernier fait référence aux comportements innés et uniformes chez tous les membres de la même espèce, et non susceptibles d’évoluer sous l’effet d’un apprentissage. Prenons les exemples de l’araignée, de l’abeille. Si chez l’être humain il existe un instinct, il est unique, pensons-nous. C’est celui de succion. L’enfant, dès la naissance, tête sa mère sans passer par l’apprentissage de sucer. De ce fait, pensons-nous, F. Nietzsche est victime de la confusion conceptuelle entre instinct et besoin. Celui-ci est propre aux êtres vivants, homme comme animal. Le besoin nous renvoie à la sensation d’ordre physiologique (besoin de se nourrir, besoin sexuel…) réclamant une satisfaction. Puisque l’homme inséré dans la société est un être culturel (pensons à la myéline), il a l’intelligence lui permettant d’apprendre, d’éduquer et d’être éduqué. D’où il n’y a pas de comportements héréditaires attachés à l’espèce humaine.

La culture devons-nous le dire, transfigure les besoins naturels : maîtrise du feu, cuisson des aliments et ce esthétiquement, etc. La manière de satisfaire ses besoins vitaux relève de la culture. En outre, l’homme a des besoins intellectuels liés à sa curiosité naturelle, des « besoins spirituels liés a son inévitable questionnement sur le sens de la vie et du monde dans lequel il évolue ; besoins esthétiques liés à sa sensibilité à l’idée de beauté ; besoins affectifs qu’il partage avec certains animaux développés mais qui revêtent chez lui une dimension existentielle originale car liée à la conscience de soi et qui est le besoin d’être reconnu par autrui »[124]. F. Nietzsche lui-même, est un être culturel et il n’est pas sous l’emprise de ses « instincts ». Malade, il a abandonné ses enseignements pour aller chercher un climat favorable à sa santé. A-t-il passé sa vie en appliquant sa Volonté de Puissance, en haïssant les gens, en les exploitant, en les combattant, en les dominant, en…, en… ? Non. Et quand il dit : « credite experto »[125] (croyez-en mon expérience), il le fait en tant qu’un homme raisonnable s’adressant aux hommes raisonnables.

De ce qui précède, on retiendra que l’homme est un être complexe doué d’intelligence, tiré par des désirs et sentiments, cherchant toujours à trouver un modus vivendi équilibré. Il est un animal social et culturel.

Si nous devrions soumettre les écrits de F. Nietzsche à la méthode généalogique, nous dirions que son appel à la Transvaluation des valeurs est un symptôme. De quelle maladie ? Du ressentiment, de la Volonté de négation de la vie. Il nie, en parole et par écrit, sa vie telle qu’il la mène : pourquoi doit-il souffrir au moment où ses collègues se portent bien ? Tout ce qu’il qualifie de « bon » puisque renforçant la « Volonté de Puissance », il ne l’applique pas. Au contraire, il est soutenu par « l’amour du prochain » (à travers sa famille), lui qui affirme que « l’ « amour du prochain » est toujours quelque chose d’accessoire, en partie conventionnel et d’apparence presque arbitraire comparé à la crainte du prochain »[126].

La Postmodernité, de par son relativisme religieux, prône le polythéisme qui instaure, à sa manière, l’identification religieuse ou le vagabondage religieux. Oui, le monothéisme a des relents de violence, mais il suffit d’éduquer ses croyants pour savoir convertir les autres par la prière et l’exemple.

La source du critère du bien et du mal ne viendra pas des instincts, encore moins de l’immanence. Elle proviendra de la transcendance en union avec l’immanence. La transcendance a plusieurs voies pour entrer en contact avec l’immanence : la révélation, les apparitions, les songes, etc. L’homme, de par sa nature, est faillible et il ne peut pas être la mesure du bien et du mal, du bon et du mauvais. La jeunesse a toujours besoin des anciens pour ne pas « se faire mouiller » par la rosée.

Puisque la valeur désigne des traits culturels normatifs conformes à la raison, à la nature de l’homme et répondant positivement aux besoins fondamentaux de la majorité des membres d’une communauté humaine, il sied de prendre certaines stratégies pour la re-réévaluation des valeurs traditionnelles africaines et remettre la jeunesse sur le bon chemin. Cela sous-entend que, dès le départ, les parents doivent être les premiers à être re-éduqués culturellement. Ils doivent retrouver la fierté d’être des africains authentiques, fiers de leur origine africaine et ils doivent se convaincre d’avoir une mission à accomplir dans le concert des nations. Cela suppose qu’ils doivent retrouver la faculté de la bovine, celle de ruminer comme nous le conseille F. Nietzsche car de la bouche d’un fou peut sortir la vérité.

Et si cela est intériorisé de la part des parents, ces derniers seront les premiers à éduquer les enfants, dès la tendre enfance, à travers les chants, les contes, les danses, etc. Une fois devenus « raisonnables », on leur apprendra le rôle des aînés et des vieillards dans la communauté. A l’école, ils entreront dans un nouvel univers tout en ayant des repères. Voilà pourquoi il est souhaitable que les cours portant sur les traditions (langue maternelle, chants, contes, devinettes, us et coutumes) soient inscrits au programme à l’école primaire. En outre, toute association socio-culturelle, dans les milieux urbains, pourra ouvrir des écoles de langues maternelles qui enseigneront aussi les us et coutumes de chaque ethnie et d’autres ethnies.

Par ailleurs, l’Internet, la télévision, la radio doivent être sollicités pour la diffusion des programmes ayant trait à la culture africaine. Cela exige que certaines personnes soient formées en la matière.

Toutefois, l’on doit créer des hauts lieux pour des liens approximatifs libérateurs. Ainsi les églises, dignes de ce nom, seront des lieux de réarmement moral ; les stades de jeux pour la jeunesse de toutes les ethnies seront des lieux de la rencontre de différentes cultures ; les clubs des associations socio-culturelles et leurs restaurants seront des lieux indiqués pour approfondir et apprécier sa propre culture et ses mets. Les fêtes et deuils seront des moments pour vivre l’authenticité de sa culture. Les excursions vers les villages d’origines seront une occasion, pour la jeunesse, à avoir de l’estime pour ses origines et sa culture.

C’est de cette façon, pensons-nous, que l’éducation redeviendra collective, pragmatique, concrète, fonctionnelle, orale, continue, progressive, complète, polyvalent, intégrationniste et même mystique. Et l’écriture viendra fixée l’oral.

C’est dans ces différents hauts lieux que les valeurs fondatrices de l’Afrique (valeurs du sens profond de Dieu et du sacré, les valeurs de l’unité anthropologique entre les humains, les valeurs indestructibles de communion entre l’homme et la création, les valeurs régulatrices de la vie sociale et les valeurs donatrices d’inculquées) seront inculquées dans le chef de la jeunesse. Les rappeurs, les reggaemen, la rumba, le « Kalindula », les groupes folkloriques, etc. pourront exécuter des chants intégrant ces valeurs et ce en vue de connaître et de vivre les valeurs de sa propre culture dans cette civilisation du donner et du recevoir, chère à L. S. Senghor. Encore une fois, l’oralité est en honneur.

Voilà comment doit-on philosopher à la truelle en vue de construire une civilisation unie dans les diversités culturelles. Et tout ce qui unie les diversités sera prise pour une valeur. Ceci  renforce le Vouloir-Vivre-Ensemble, la Volonté-de-la-vie-avec-et-pour-les-autres tout en étant authentique et congruent.

CONCLUSION

Notre étude avait pour but de faire voir comment la Postmodernité est en train subrepticement de transvaluer les valeurs traditionnelles africaines. Pour atteindre ce but, il nous fallait, d’abord, définir les concepts transvaluation, valeur, tradition , culture  et postmodernité ; ensuite, nous devrions parler de l’éducation traditionnelle africaine (ses différentes formes, ses caractéristiques, ses agents et ses techniques), de différents axes des valeurs traditionnelles africaines  et de la manière dont se fait la transvaluation des valeurs traditionnelles africaines. Enfin, en philosophant à la truelle et non au marteau comme F. Nietzsche, nous étions obligé de nous affronter philosophiquement à F. Nietzsche dont la transvaluation des valeurs morales à l’ère de la Postmodernité est d’actualité. De ce fait, la construction à la truelle d’une nouvelle société africaine susceptible d’être présente au rendez-vous mondial du donner et du recevoir,  exigeait, de notre part, une re-réévaluation des valeurs morales de la Postmodernité. 

 


 

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Louis MPALA Mbabula est Docteur en Philosophie de l’Université de Lubumbashi (Bourse de CTB 2006)  après avoir étudié à Rome la Théologie à l Università Urbaniana et l’Athéisme en la même université (1984-1987) comme Boursier de Propanga Fide et la Philosophie à l’Université Catholique du Congo (1996-1999) comme Boursier de Missio Aachen. Il a pour domaines de recherche le Matérialisme historique, la Mondialisation, l’Altermondialisme, la Postmodernité, la Philosophie de l’histoire, la philosophie africaine. Abbé Louis Mpala Mbabula est auteur de plusieurs livres et articles dont certains sont disponibles sur son site www.louis-mpala  Contact : abbempalalouis@outlook.fr

 



[1] Pour les fragments, nous recourons à VOILQUIN, J., Les penseurs grecs avant Socrate. De Thalès de Millet à Prodicos. Paris, Garnier Frères, 1964.

 

[2] F. NIETZSCHE, Crépuscule des idoles ou comment on philosophe au marteau, (fragment), introduction d’Eric

Blondel, Paris, Hatier, 1983, p. 55. Souligné par l’auteur.

[3] Ibidem, p. 54. Souligné par l’auteur.

[4] L’expression est de F. Nietzsche.

[5] IDEM, Par-delà le bien et le mal, Prélude à une philosophie de l’avenir, présentation d’Angèle Kremer-

Marietti, Verviers, Marabout, 1975, § 13, p. 34.

[6] IDEM, Crépuscule des idoles, p. 78.

[7] IDEM, Par-delà le bien et le mal, § 201, p. 140.

[8] IDEM, Crépuscule des idoles, p. 71.

[9] IDEM, Par-delà le bien et le mal, § 259, p. 236.

[10] Ibidem, § 3, p. 22.

[11] IDE ?, Crépuscule des idoles, p.83. Souligné par l’auteur.

[12] IDEM, La généalogie de la morale, texte et variantes établis par Giorgio Colli et Mazzino Montinari, traduit de l’allemand par Isabelle Hildenbrond et Jean Gratien, Paris, Gallimard, 1971.

[13] IDEM, Crépuscule des idoles, p. 61.

[14] IDEM, La généalogie de la morale, § 1.10, p. 35.

[15] Ibidem, §1. 10, p. 35.

[16] IDEM, Crépuscule des idoles, p. 65. Souligné par l’auteur.

[17] Ibidem, p. 74. Souligné par l’auteur.

[18] Ibidem, p. 74

[19] Ibidem, p. 77.

[20] Ibidem, p. 77.

[21] IDEM, Par-delà le bien et le mal, § 23, p. 46.

[22] Cf. Ibidem, § 260, p. 237.

[23] IDEM, Crépuscule des idoles, p. 84. 

[24] Cf. Ibidem, § 211, p. 164.

[25] IDEM, Par-delà le bien et le mal, § 211, p. 164.

[26] Cf. Ibidem, § 295, p. 268-269.

[27] IDEM, Crépuscule des idoles, p. 94-95.

[28] L’expression est de L. Wittgenstein II

[29] F. NIETZSCHE, Par-delà le bien et le mal, §61, p. 92.

[30] P. BONTE, Valeur, dans P. BONTE et M. IZARD (dir) Dictionnaire de l’ethnologie et de l’anthropologie, Paris, PUF, 1992, p. 733.

[31] Ibidem, p. 733.

[32] Ibidem, p. 733.

[33] Ibidem, p. 734.

[34] Ibidem, p. 735.

[35] Cf. R. BOUDON et F. BOURRICAUD, Dictionnaire critique de la sociologie, Paris, PUF, 2011, p. 667.

[36] A.S. MUNGALA, L’éducation traditionnelle en Afrique et ses valeurs fondamentales, dans Éthiopiques N°29 (février 1982) [en ligne] http://ethiopiques.refer. sn/spip. Php ?article838 (page consultée le 16/03/2015).

[37] Ibidem

[38] Ibidem

[39] J. POUILLON, Traditions, dans P. BONTE et M. IZARD (dir) op. cit., p. 710.

[40] Ibidem, p. 710.

[41] M. MAUSS, cité par G. LENCLUD, Transmission, dans P. BONTE et M. IZARD (dir), op. cit., p. 713.

[42] M. IZARD, Culture, dans P. BONTE et M. IZARD (dir), op. cit., p. 190.

[43] Ibidem

[44] Nous en parlerons au moment opportun.

[45] M. IZARD, art. cit., p. 191.

[46] C. LÉVI-STRAUSS, cité par Ibidem, p. 192.

[47] Cf. P. ANDERSON, Les origines de la postmodernité, Paris, Les Prairies ordinaires, 2010.

[48] J.-F. LYOTARD, La condition postmoderne, Paris, Minuit, 1979, p.11.

[49] Ibidem.,p.14.

[50] P.ANDERSON, o.c.,p.42.

[51] Ibidem.,p.54.

[52] Cf. Ibidem.,p.69ss. Cf. F. JAMESON, Le postmodernisme ou la logique culturelle du capitalisme tardif, Paris, École nationale supérieure des beaux-arts de Paris, 2011.

[53] - ENGELHARDT, Cité par D. ANDLER., A. LARGEAULT et B. SAINT – SIMON, Philosophie des sciences I, Paris, 2002, p.202 – 203.

[54] Cf. Y. BOISVERT., Le Postmodernisme, Québec, Boréal Express, 1995.

[55] Cf. J.-F. LYOTARD, o.c.

[56] - Cf. Modernité et postmodernité, texte résumé et adapté d’Y. BOISVERT, Le Postmodernisme, Québec, Boréal Express, 1995

[57] M. MAFFESOLI, Une sociologie pour « réenchanter le monde ». Propos recueillis par Fraga Tamazi, dans Sciences de l’homme et sociétés 73 (décembre 2004/Janvier 2005), p.16.

[58] ID., Après la modernité ? Logique de la domination, La violence totalitaire, La conquête du présent,  Paris, CNRS éditions, 2008, p.680.

[59] Cf. G. LIPOVETSKY, Les temps hypermodernes, Paris, Grasset, 2004 ;  ID., L’ère du vide. Essais sur l’individualisme contemporain, Paris, Gallimard, 1983 ; ID., Le bonheur paradoxale, Paris,  Gallimard, 2006. Le cadre ne nous permet pas de nous étendre là-dessus.

[60] M.K. GANDHI, Antiche come le montagne, Milano, Edizioni di Comunità,. 1983, p.203

[61] E. BESA Muntandwe Kafola,  Insoselo shaman mu cibemba, Lubumbashi, Ed. Mpala, 2013, p. 17.

[62] A. S. MUNGALA, art. cit.

[63] NTAMBU-NDAMBI Kaubikisanga, Le cycle de la vie chez les Bayombe à travers les proverbes, Kinshasa, Éditions Centre de Vulgarisation Agricole, 1989, p. 21.

[64] A.S. MUNGALA, art. cit.

[65] G. VAN HOUTTE, Proverbes africains, Kinshasa, Éditions L’Épiphanie, 1986, p. 74.

[66] Ibidem, p. 84.

[67] TAABU Sabiti, Proverbes et éducations en Swahili et en Kingwana, Kinshasa, Editions Saint-Paul-Afrique, 1976, p. 31.

[68] A.S. MUNGALA, art. cit.

[69] G. VAN HOUTTE, op.cit., p. 20.

[70] TAABU Sabiti, op.cit., p. 19.

[71] A.S. MUNGALA, art.cit.

[72] TAABU Sabiti, op.cit., p. 91.

[73]  Ibidem, p. 71.

[74] NTAMBU – NDAMBI Koubikisanga, op. cit., p. 53.

[75] C’est nous qui l’ajoutons.

[76] Ibidem, p. 59.

[77] Ibidem, p. 59.

[78] NTAMBU – NDAMBI Kaubikisanga, op.cit., p. 37.

[79] Ibidem,  p. 41.

[80] G. VAN HOUTTE, op.cit., p. 52.

[81] Ibidem, p. 52.

[82] Ibidem, p. 53.

[83] A.S. MUNGALA, art.cit.

[84] NTAMBU – NDAMBI Kaubikisanga, op.cit., p. 55.

[85] TAABU Sabiti, op.cit., p. 41.

[86] Ibidem, p. 42.

[87] A.S. MUNGALA, art.cit.

[88] Cf. J.M. NDZOMO Maila, Proverbes. Vrais ou faux ? Crise et danger du proverbe africain, Bandundu, CEEBA, 1982, p. 26-31.

[89] Jeu comparable à celui de hasard

[90] Jeu se servant d’un morceau de bois bien taillé ayant des trous bien arrangés. On se sert de petits erains noirs que l’on sait bien compter.

[91] Jeu pour filles où l’on sautille, c’est  le « Zango »

[92] A.S. MUNANGA, art.cit.

[93] Ibidem

[94] Kä MANA, Repenser la culture africaine et ses valeurs de civilisations. Une exigence pour inventer l’avenir de l’humanité [en ligne] http://www.congoscopie.be/indexphp? Option=com_contenoeview-article&id=20 :repenser-la-culture-africaine-et-sesvaleurs-de-civilisationoecatid=25 :theproject (page consultée le 4/02/2015).

[95] Ibidem

[96] G. VAN HOUTTE, op.cit., p. 8.

[97] Ibidem, p. 8.

[98] L. MPALA Mbabula, Lulimi lwa cifyalilwa na malumbo yakwe Lesa mu Cibemba = La langue maternelle et les louanges à Dieu. Cas de Cibemba, conférence tenue le 21 février 2014 lors de la Journée Internationale de la langue maternelle, Lubumbashi, Université de Lubumbashi, Faculté des Lettres et Sciences Humaines.

[99] Ibidem

[100] Ibidem

[101] S.A. MPASHI, Icibemba na mano yaciko, London, Exford university Press, 1966, p. 91.

[102] G. VAN HOUTTE, op.cit., p. 23.

[103] Ibidem, p. 15.

[104] Ibidem, p. 15.

[105] Kä MANA, art.cit.

[106] DITONA Di Lelo, Sagesse yombe dans les proverbes, Kinshasa, Bobiso, 1974, p. 26.

[107] TAABU Sabiti, op.cit., p. 63.

[108] S.A. MPASHI, op.cit., p. 79.

[109] Ibidem, p. 78.

[110] P. DELANAYE, Sagesse africaine et évangile au service de la jeunesse, Kinshasa, Ed. Le Sénevé, 2004, p. 20.

[111] Ibidem, p. 21.

[112] Ibidem, p. 57.

[113] TAABU Sabiti, op.cit., p. 98.

[114] Kä MANA, art.cit.

[115] M. MAFFESOLI, Éloge de la raison sensible, [en ligne] http://www.grep-mp.org/conferences/Parcours-15-16/raison-sensible.htm (page consultée le 13/10/2005).

[116] Que l’on interroge la nature qui a voulu qu’il y ait un sexe masculin et un autre féminin et que la société réponde de l’existence de l’homosexualité.

[117]  M. MAFFESOLI,  Note sur la postmodernité.  Le lieu  fait  lien suivi de La hauteur  de   quotidien. A propos de l’œuvre de Michel Maffesoli, Paris, Le  Félin, 2003, p 61-62 ;

[118]IDEM., L’instant éternel. Le retour du tragique dans les sociétés   postmodernes,  Paris, La Table Ronde, 2003, p.18.

158 Ibidem., p.100.

[119] Persona au sens de masque et toutes les fois que les jeunes est dans le néo-tribalisme, il portera différents masques par le phénomène d’identification et sera appelé persona.

162 IDEM, Du tribalisme, a..c,

161 IDEM, L’instant éternel. Le retour du tragique dans les sociétés postmodernes, p.32.

[120]Cf. G. LIPOVEVETSKY et M. MAFFESOLI, L’individualisme est-il dépassé ? débat animé par Jean-Louis Servan-Schreiber [en ligne] http://www.psychologie.com/Moi/Moi-et-les-autres/Relations/Articles-et-Dossiers/Moi-et-les autres/L-individualisme-est-il-dépasse (page consultée le 5 septembre 2013)

[121] Ibidem

[122] Ibidem

[123] Ibidem

[124] A. MENDIRI, Cours de philosophie pour toutes les sections de l’enseignement secondaire [en ligne] http://ediscripta.voila.net/cours dephisolophie.pdf (page consultée le 15/11/2013).

[125] F. NIETZSCHE, Crépuscule des idoles, p. 77.

[126] IDEM, Par-delà le bien et le mal, § 201, p. 140.