ven 31 dec 2010
Les funérailles à Lubumbashi Par Trésor NSENGA Source :http://tresornsenga.unblog.fr/
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L’annonce du décès: L’annonce du décès à une famille alliée était auparavant accompagnée, dans certaines coutumes (comme l’on dit à Lubumbashi), du don d’une chèvre ou d’une poule à ceux auxquels on portait la nouvelle, mais cette pratique semble s’effacer petit à petit à Lubumbashi. Dès le constat ou l’annonce d’un décès, les proches parents du défunt (conjoint, enfants, frères, sœurs, père et mère, oncles et tantes) sont avertis et doivent manifester sur le champ un état d’abattement et déception : certains pleurent en criant, d’autres se roulent par terre, d’autres restent abattus, effondrés, accablés,…
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ANALYSE ANTHROPOLOGIQUE DES FUNERAILLES A LUBUMBASHI
Par Trésor NSENGA 14 novembre, 2010 par tresornsenga http://tresornsenga.unblog.fr/
ANALYSE ANTHROPOLOGIQUE DES FUNERAILLES A LUBUMBASHI « De l’annonce à la fin du deuil »
INTRODUCTION
Au cours du deuil, des deuilleurs, du corps et de l’âme du défunt, la levée de deuil constituant « un seul et même acte libérateur appliqué à deux catégories différentes de personnes (1970), le mort et les survivants. Hertz qualifie le processus de deuil de double travail mental de désagrégation et de synthèse : il s’agit au cours du deuil, nécessairement étalé dans le temps, de traiter les liens que la mort entretient encore avec les vivants, c'est-à-dire de les rompre dans un premier temps afin de pouvoir en établir d’autres. Le défunt est appelé à exécuter dorénavant d’une autre façon pour la communauté, précisément en temps que mort ou ancêtre[1]. Le deuil est longtemps resté appréhendé en Afrique à partir des seuls faits « ethniques » ou des seules cultures funéraires « traditionnelles », et ce, alors même que la littérature sur le changement social du continent s’accumule depuis une cinquantaine d’années.
L’annonce du décès: L’annonce du décès à une famille alliée était auparavant accompagnée, dans certaines coutumes (comme l’on dit à Lubumbashi), du don d’une chèvre ou d’une poule à ceux auxquels on portait la nouvelle, mais cette pratique semble s’effacer petit à petit à Lubumbashi. Dès le constat ou l’annonce d’un décès, les proches parents du défunt (conjoint, enfants, frères, sœurs, père et mère, oncles et tantes) sont avertis et doivent manifester sur le champ un état d’abattement et déception : certains pleurent en criant, d’autres se roulent par terre, d’autres restent abattus, effondrés, accablés,…
En outre, si l’annonce de certains décès comme celui d’une nièce ou d’un des grands-parents peut se faire à n’importe quel moment, d’autres, comme l’annonce de la mort du père, doivent prendre une forme ritualisée[2] : on cherchera par exemple à attirer celui à qui l’on doit faire l’annonce près du lieu où va se dérouler le deuil, de façon à ce que sa peine n’explose pas dans un contexte inadéquat, comme son lieu de travail ; ou encore, si le père est décédé loin de la ville, l’on attendra que le repas du soir soit terminé pour communiquer la triste nouvelle. L’annonce est aussi l’occasion de faire appel à la générosité du voisinage : des femmes (parfois des hommes) du quartier passent de parcelle en parcelle pour informer du malheur qui accable la maisonnée et pour recueillir dans un bassin de menus présents (charbon de bois, argent, farine et autres) qui aideront la famille à supporter le frais qui s’annoncent. Parfois ceux qui semblent avoir des moyens ne pratiquent pas cette méthode, par contre ils laissent leurs barrières grandement ouvertes pour informer aux gens du quartier qu’il ya deuil. Et parfois enfin, comme sur le campus universitaires, une chaise ou un tabouret est placé sur un lieu de passage (souvent sur CHEKEVARA) avec la photo du mort accolé au dossier ; un récipient y est posé pour recevoir les présents des passants et annoncer par la même occasion le décès de leur voisin ou voisine.
A la morgue: Suite à l’annonce, les parents et les proches convergent vers la maison où s’organise le deuil : il peut s’agir de la propre maison du défunt, ou de celle d’un ainé de la famille, ou encore de la demeure spacieuse d’un parent nanti. On soulignera que Lubumbashi se distingue de la ville-province de Kinshasa et des milieux ruraux congolais en ce sens que le mort ne repose généralement pas à la maison : il se trouve souvent dans l’une des trois grandes morgues Lushoises (GCM-sud, SNCC, Sendwe). Le dépôt des cadavres à la morgue a été rendu obligatoire par les autorités et, d’autre part, les propriétaires s’opposent souvent à ce que leurs locataires puissent conserver le cadavre à la maison de crainte que l’esprit du mort ne reste hanter les lieux, ou plus simplement pour éviter les débordements liés au deuil. L’interdiction de conserver un corps à la maison est néanmoins violée par ceux qui manquent des moyens d’assurer les frais de conservation et, plus fréquemment, lors des décès d’enfants en bas âge. Un malade dont la situation est sans espoir peut aussi être ramené à la maison par des proches avant que ce dernier ne s’effondre (ne puisse décliner sa vie), des dérogations sont enfin prévues pour des défunts importants, qui sont parfois ramenés à leur domicile pour une courte exposition des corps le jour de leurs funérailles.
Cependant, après le dépôt du corps à la morgue. Le deuil s’organise bel et bien à la maison, où les proches endeuillés reçoivent les visites de leurs parents et amis. Nous verrons que le jour des obsèques, le deuil se focalisera à nouveau à la morgue, d’où le cadavre sera sorti, subira éventuellement une seconde toilette (à moins que ce ne soit la première) puis prendra la route de sa demeure dernière. Il arrive que la famille charge le morguier (KILENGWE) de procéder à la toilette, mais on imposera toujours alors la présence de parents : on craint en effet qu’il garde l’eau de cette toilette, ou encore qu’il recueille des habits, des cheveux ou des rognures d’ongles du mort pour les vendre à des personnes qui voudraient en confectionner des charmes. Ce n’est d’ailleurs qu’une des accusations dont on accable les morguiers, taxés d’une multitude de crimes en raison de leur constant Contact avec les morts.
A la maison : Organisation du deuil: Plusieurs groupes peuvent souvent prétendre prendre une place active dans des funérailles, au premier rang desquels se trouve évidemment la famille (dont certains segments sont parfois en concurrence), mais aussi, chez les chrétiens engagés, l’Eglise, et, pour les personnes ayant exercé certains métiers ou travaillé dans certaines entreprises, le milieu professionnel. Il s’agit ici en particulier des métiers où est développé un véritable esprit de corps (policiers, pompiers, militaires, vendeurs ambulants, etc.) ou de certaines grandes entreprises dont on sait qu’elles ont pour ainsi dire eu au Katanga, depuis l’époque coloniale, la vocation d’institutions totales prenant en charge leurs employés bien au-delà de la seule sphère professionnelle. Lors des discussions réunissant les différents partis pouvant prétendre à l’organisation des funérailles et, à défaut, lors de celles-ci mêmes, se met en place un ordre négocié[3]. Et si la négociation est bien présente à certains moments, il n’est évidemment pas exclu que d’autres options comme la persuasion [4]ou la coercition[5] puisse être choisies conjointement.
Ce qui précède à la négociation de cet ordre, ce sont en fait, d’une part un jeu d’influences et de pouvoirs implicites des acteurs, où s’affrontent les ressources symboliques que peuvent être l’aînesse, le pouvoir financier, la proximité avec le défunt ou encore la légitimité religieuse, et d’autre part des discussions plus explicites, sans oublier la ruse dont peuvent faire preuve certains pour s’imposer sur les terrains sur lesquels un accord pourrait, sans cela, difficilement être trouvé. Le changement social rapide qu’a connu la région de Lubumbashi, accompagné de la diffusion de nouveaux styles de vie, ainsi que les transformations récentes du champ religieux, liées en particulier à la connaissance des Eglises pentecôtistes, ont abouti à la mise en débat de nombreuses pratiques « traditionnelles », face auxquelles se sont peu à peu érigées des façons « modernes » ou « contemporaines » de faire. Et des attitudes que les acteurs conceptualisent facilement comme relevant de « strates diachroniques » (Bayart, 1989 : 193) de la légitimité culturelle ou religieuse se trouvent ainsi potentiellement opposées sur des terrains multiples et parfois délicats.
Le deuil « Kiriyo »: L’enterrement a eu lieu généralement le lendemain ou le surlendemain du décès ; parfois plus tard, si on attend une grande personne de la famille pour l’enterrement ou s’il faut amener le corps depuis un lieu de décès éloigné (Kinshasa, etc.) ; parfois le jour même du décès, pour une personne dont on n’a pas déposé le corps à la morgue (typiquement, un enfant) Jusqu’à ce moment, ou plus exactement jusqu’au retour du cimetière, les deuilleurs respectent idéalement une série d’interdits (Bijila) par lesquels ils expriment leur solidarité avec le défunt et la relative communauté d’état avec lui. Ils n’en seront totalement libérés qu’avec la levée de deuil, à l’exception encore des veufs/veuves, auxquels des interdits peuvent continuer à s’appliquer pendant une période qui dure plusieurs mois ou un an. Lors de la (ou des) veillée(s) funèbres(s) qui précède(nt) l’enterrement, une division sexuelle de l’espace est ravivée, et les hommes et les jeunes gens et jeunes filles, supposés plus résistants pour affronter le froid de la nuit, restent dans la cour de la parcelle où se tient le deuil ta ndis que les femmes sont à l’intérieur et se lamentent bruyamment. Le sol de la maison est tapissé de nattes, de pagnes et de mousses, et toutes les deuilleuses sont déchaussées. Dans la cour, où on a entreposé tout le mobilier de la maison, de petits groupes se forment, selon l’âge, le statut, les affinités. Les jeunes finissent souvent par chanter des chansons populaires (dont le répertoire est évidemment ouvert aux chansons à la mode)
1. La sortie de la morgue: A la sortie de la salle de traitement prennent place les pleurs les plus démonstratifs. Certaines femmes particulièrement affligées (une mère, une veuve, une sœur, une fille…) peuvent déjà être entrées en pleurs avant ce moment pendant qu’une chorale entonnait un peu à l’écart quelques cantiques et/ou qu’un groupe de femmes chantait quelques chansons de deuil, mais l’instant où le corps sort du bâtiment de la morgue pour être exposé un moment encore voit véritablement les pleurs se déchainer. Les femmes se pressent autour du cercueil (qui peut être resté ouvert ou plus rarement est déjà fermé) en se lamentant de façon démonstrative, certaines se laissant même tomber par terre. Les hommes par contre doivent prouver qu’ils sont « forts » et qu’ils peuvent se maîtriser : les larmes coulent sur leurs joues qu’ils ne manifestent un véritable abandon. Après ces instants d’exposition, le cercueil est fermé : le dernier voyage commence.
2. Aller enterrer : On quitte donc aujourd’hui le plus souvent la morgue pour la messe ou le cimetière. Souvent, on part à 11 heures, ou entre 13 heures 30 et 17 heures. On évitera toujours de partir à midi : dans toute la région, les morts sont censés se déplacer ou manger lorsque le soleil est au zénith, et l’on peut entamer un voyage à ce moment.
Traditionnellement, il existe aussi la région de Lubumbashi un rituel, le londola, qui s’inscrit dans l’ensemble des rituels, très répandus en Afrique subsaharienne, de questionnement ou d’interrogatoire du cadavre. Le rite ne semble quasiment plus pratiqué en ville aujourd’hui, suite à son interdiction par les autorités. Il constituait, après avoir prélevé les ongles et un peu des cheveux du défunt, à les placer à côté du cadavre, mêlés à d’autres ingrédients, dans le cercueil, puis à charger celui-ci sur des porteurs, que le cercueil menait alors à la personne responsable de la mort du défunt. Si le londola nécessite ou plutôt, nécessitait que le cercueil soit porté sur les épaules, le transfert proprement dit du cercueil vers le lieu de sépulture est réalisé, selon les moyens dont dispose la famille, soit dans un camion-corbillard, soit dans une voiture appropriée, soit dans un chariot ou même à l’arrière d’un vélo.
Au cimetière: Après que le corps ait été descendu du corbillard, les participants au deuil se dirigent vers la fosse, que de jeunes parents des fossoyeurs ou des zangazanga sont souvent venus creuser (généralement le matin), et le cercueil est descendu dans la tombe. Une chorale éventuellement entonné un cantique. L’ambiance se fait plus calme, les zangazanga se sont éclipsés. Au cimetière, avant l’enterrement, très souvent on commence par une prière d’au revoir et une interpellation à ceux qui sont restés. On prie toute personne qui aurait eu des problèmes avec le mort de le pardonner, ou s’il y avait un problème particulier, qu’il puisse voir tel membre de la famille du défunt pour l’exposer. Après, on va demander aux parents du défunt de dire quelque chose. Ces derniers vont essayer d’expliquer comment la mort est arrivée. C’est soit suite à une maladie, soit une mort mystique. Dans ce cas, on va demander la vengeance, la personne qui aurait commis ce crime paiera le prix. Si la mort était normale, on dira au mort d’aller en paix, de représenter sa famille là où il ira, de ne pas oublier de saluer les ancêtres et de les mettre au courant de la situation dans laquelle il a laissé sa famille. Cette cérémonie s’appelle Lusanzu c'est-à-dire l’oraison funèbre, vers la fin, chacun des membres de la famille prendra un peu de terre et la jettera sur le cercueil en signe d’enterrement.
Retour Du Cimetière: Traditionnellement, ce petit rituel par lequel les participants à la cérémonie se défont de l’impureté liée au contact de la mort et se séparant de l’esprit du défunt s’effectuait avec de l’eau chaude, à laquelle on prêtait le pouvoir de traiter l’impureté, mais ce ne semble plus nécessairement être le cas. Le sens premier du rituel, qui se présentait comme un petit rite de séparation, n’est d’ailleurs plus nécessairement connu, mais la justification par la coutume se suffit souvent à elle-même. Il n’empêche que certaines personnes veillent actuellement encore à ne pas toucher la terre du cimetière, de crainte d’emporter quelque chose du mort avec elles. Une personne de la famille du défunt prend la parole devant l’assistance pour faire un petit discours et annoncer les dispositions prises pour la suite du deuil. Un repas et des boissons sont offerts aux participants, repas qui peut aussi aider les deuilleurs éprouvés à décompresser et se remettre.
La levée de deuil
Le deuil (Kuzambarisha Kiriyo): Le deuil proprement dit durant lequel les proches endeuillés reçoivent les visites de voisins, d’amis ou de parents plus éloignés ne dure le plus souvent que trois ou quatre jours, c'est-à-dire qu’il ne se prolonge qu’un ou deux jours après l’enterrement. La levée de deuil implique généralement aujourd’hui qu’on invite une dernière fois les personnes impliquées dans le deuil à venir partager un repas et une veillée de chants (et de dances). Un groupe d’animation dit Kalindula peut être convié ou se proposer pour animer la veillée, durant laquelle ils déclinent un répertoire de chansons où s’entremêlent la mémoire urbaine, la critique sociale et un humour parfois féroce. La soirée peut aussi être animées par une chorale religieuse, se dérouler plus simplement au son d’un radiocassette, ou être animée par les jeunes du quartier.
Et après ce deuil, le lendemain ne concerne que les membres de la famille. Et par la même occasion on proclame la levée de deuil et la page est tournée pour tout le monde et les gens oublient ce qui s’est passé. Travail pratique effectué dans le cadre du cours d’anthropologie culturelle de deuxième Graduat Sciences de l’Information et de la Communication de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines à l’Université de Lubumbashi. Par NSENGA MPIANA Trésor di Mgr THESA
[1] NORET,J., Le deuil dans l’histoire de l’anthropologie, Lubumbashi, s.e., 2002, p. 29.
[2] En ce sens qu’elle doit obéir à une certaine standardisation dotée d’une portée morale pour un développement de cette définition minimale, d’inspiration goffmanienne, du rituel, voir Javeau C, Prendre le futile au sérieux. Microsociologie des rituels de la vie courante, 1998. Cité par Joël NARET, Deuil et prise en charge de la mort à Lubumbashi, Lubumbashi, se, 2002, p. 33.
[3] STRAUSS, A., La trame de la négociation. Sociologie qualitative et interactionnisme, textes réunis et présentés par I. Baszanger, Paris, L’Harmattan, 1992.
[4] Action de persuader ;le fait d’être persuadé.
[5] Violence exercée contre quelqu’un ; entrave à la liberté d’action.