Les violences sexuelles faites à la femme, et ce sous toutes leurs formes, touchent la femme dans sa position dans le monde, dans son corps et dans son être (sa nature).

Ontiquement, les conséquences de la violence sexuelle laisse des traces visibles et lisibles sur le corps : organes sexuelles déformés, détruits, mutilés, perforés, etc. cette souffrance physique entraîne d’autres ; entre autres, celle d’ostracisme de la communauté. Pour avoir été violée, infectée du VIH/SIDA lors du viol,  soupçonnée d’avoir été violée et pour  avoir conçu lors du viol, elle sera exclue socialement,  répudiée par son mari et elle a moins de chance de trouver un mari dans l’avenir.

La déchirure physique engendre la déchirure psychologique. Le traumatisme et la haine viscérale contre les agresseurs rongeront leur être.

Ainsi, ontologiquement, la victime n’est plus elle-même. Elle devient étrangère à elle-même comme elle l’est devenue devant sa communauté. La déshumanisation- de la part des agresseurs et de l’isolement social- qui a fait d’elle un objet de rejet (de la part des agresseurs et de sa propre communauté) provoque en elle une déchirure ontologique se révélant par l’angoisse du destin, du vide et de l’absurde, y compris celle de la faute de la culpabilité. C’est le paroxysme de la        souffrance.

L’angoisse du destin et de la mort  poussera la victime à penser à la mort plutôt qu’à perdre son temps en vivant dans un monde hostile. La déchirure est en elle comme un « non-être », une pure négation de son être-là devant soi-même et la communauté ostraciste.

L’angoisse du vide et de l’absurde engendre la perte du sens de la vie. Celle-ci devient absurde au sens sartrien, i.e. non déductible par la raison, et même au sens athée où si Dieu existait, il ne permettrait pas de telles atrocité et humiliation humaine.

L’angoisse de la faute ou de la culpabilité fait surgir en la victime une fausse conscience lui faisant croire que tout ce qu’elle a vécu comme négativité ou négation de l’humanité en elle, serait la punition pour une faute commise soit par les siens soit par elle à l’égard d’ un  « on ne sait qui ou quoi », et ce dans une vie antérieure ou présente[1].

A dire vrai, « ces trois formes d’angoisse se présentent souvent au même moment et dans un même individu »[2].

Ces différentes formes d’angoisse atrophient l’être dans le chef de la femme et menace son  affirmation de soi. Et si celle-ci a été atteinte et éteinte, la femme expérimentera une quadruple irrécupération : celle de l’intégrité physique, psychologique, sociale et ontologique. Si le suicide physique ne s’ensuit pas, celui de l’humanité en sa personne est réalisé. C’est à ce niveau que tout traitement physiologique, que toute assistance sociale ou matérielle, que toute insertion dans une nouvelle communauté, semblent vain devant cette souffrante ontologique, car elle est blessée non seulement dans son corps, mais aussi dans son amour propre et dans son être (son essence),

             

De par les acteurs impliqués dans les violences sexuelles, le statut précaire de la femme, le paradigme de la violence  sexuelle comme arme de guerre et l’impunité, nous pouvons présenter la phénoménologie et la nature de la violence sexuelle



[1] Les défenseurs de la théorie de Samsâra_Karma (réincarnation, et loi de cause à effet) seraient cyniques s’ils font appel à cette théorie d’interprétation pour explique les atrocités dont les femmes ont souffert. Nous trouvons infondée la théorie de Samsâra-Karma quant à l’explication du mal, de la souffrance et de l’inégalité dans le monde.

[2] L. MPALA Mbabula, Où est Dieu ?Essai philosophico-théologique sur la souffrance de Job et du chrétien, Lubumbashi, 1990, p.7. et cf. MURA, G., Angoscia e esistenza, Roma, Città Nuova, 1982.

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